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Remy de Gourmont Critique

Published online by Cambridge University Press:  02 December 2020

Marc Denkinger*
Affiliation:
University of Michigan

Extract

Il y a trois mois s'éteignait Alfred Valette, le directeur du Mercure de France depuis sa fondation, exactement un jour et vingt ans après Remy de Gourmont. Des fondateurs de la vivante revue qui célébrera dans quatre ans ses noces d'or avec la littérature, un seul survit aujourd'hui, M. Ernest Reynaud. On écrira un jour l'histoire de la vie littéraire d'avant-hier; le rôle, joué par le Mercure, revue et maison d'édition, se révélera considérable, non seulement à l'égard des lettres, mais de la pensée. Au centre d'une phalange d'hommes de talent, on verra se détacher deux figures, Valette et Gourmont, l'un le directeur identifié à sa fonction, qui communiqua au Mercure sa propre solidité, l'autre, l'auteur des Promenades littéraires, des Promenades philosophiques, des Epilogues, qui lui passa quelque chose de ses goûts universels; l'un, l'homme de jugement et d'action, l'autre l'homme de réflexion. Valette et Gourmont furent les consuls du Mercure de France des vingt-cinq premières années. Il se trouve que les dernières lignes écrites par Valette furent un témoignage d'amitié, rendu à la mémoire de l'autre consul, à l'occasion du vingtième aniversaire de sa mort. Quand elles sortirent de presse, Valette n'était plus.

Type
Research Article
Information
PMLA , Volume 52 , Issue 4 , December 1937 , pp. 1147 - 1160
Copyright
Copyright © Modern Language Association of America, 1937

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References

1 Essai lu devant la section des langues romanes de la M.L.A.A., à Cincinnati, le 31 décembre 1935, et publié ici avec quelques notes additionnelles. Entre temps, E. Raynaud est mort le 11 octobre 1936.

2 Rien de plus conforme à ces goûts que la Revue de la Quinzaine (inaugurée au Mercure avec l'année 1895—sous le titre de Revue du Mois, le Mercure n'étant devenu bi-mensuel que dix ans plus tard exactement).

3 Image empruntée à Gourmont lui-même, qui l'imagina pour décrire la part de Mallarmé et celle de Verlaine dans le “gouvernement” du symbolisme; cf. Prom. litt., iv, 13.

4 Il s'agissait avant tout du rapprochement franco-allemand, que Jaurès réclama en public quelques années plus tard sans susciter de scandale, et dont Jules Romains, reprenant tout récemment cette idée déjà parée d'une noble tradition, vient de se faire le héraut, au nom de l'unité européenne.

5 Un entrefilet nous a appris qu'on venait d'installer en décembre 1935 ces deux perfectionnements pour l'utilité du nouveau directeur, M. G. Duhamel. Croira-t-il se retrouver en Amérique, dans “le plus grand hôtel du monde”? Cf. Scènes de la Vie future, p. 139: “… car j'ai le téléphone. Je peux aussi disposer d'une machine à écrire.”— L'entrefilet est muet sur ce dernier “confort.”

6 From Rousseau to Proust (1935), p. 323.

7 Au cours d'une causerie intitulée: “The French Academy of today as seen from its inner workings in 1934,” où il a fait la joie de ses auditeurs en leur détaillant certains aspects de la candidature académique (Cincinnati, 30 déc. 1935).

8 Prendre cette expression strictement au sens figuré, car R. de Gourmont semble avoir abhorré les contacts physiques occasionnels, les simples frôlements même. C'est ce qui explique peut-être pourquoi Léautaud ne put jamais l'intéresser aux animaux: il y a beaucoup du goût de la caresse dans l'amour des bêtes. Cependant, vers la fin de sa vie, il eut un chat pour compagnon. M. Thieme, président de la section romane, après la lecture des mémoires, évoqua le souvenir des visites qu'il avait faites à Gourmont, et le chat n'y fut pas oublié.

9 Havelock Ellis (loc. cit., p. 324) observa que l'Amazone était un type féminin qui attirait Gourmont. La retraite et la vie cérébrale élues par le critique ne résultèrent pas d'un physique débile, sur la défensive. Gourmont était de taille plutôt petite, mais très vigoureux. Il avait eu un prix de gymnastique au collège.—Plus on étudie Remy de Gourmont, plus on arrive à comprendre l'accord entre ses goûts, ses idées et sa personne même. Il s'est découvert et retrouvé dans l'harmonie de sa nature, alors qu'il serait aisé de montrer la part des contrastes, des irréductibilités et des frustrations dans la pensée de maîtres comme Brunetière, Taine et même Sainte-Beuve que l'appareil militaire tirait hors de lui.

Ajoutons que l'Amazone était une Américaine.

10 Dans un article faisant partie du volume intitulé Passe-Temps (1929) et dans des fragments de son journal littéraire insérés dans la Nouvelle Revue Française du 1er décembre 1935. Ces deux morceaux furent publiés en fac-similé dès 1926, par Champion, à l'occasion de la pose de la plaque commémorative au n°71 de la rue des Saints-Pères (qui eut lieu le 9 mai 1927).

11 Ces lettres sont les vraies, du moins les plus dénuées de littérature. Elles ne parurent qu'en 1928. Gourmont avait fait paraître les autres en 1914 chez Crès sous le titre: Lettres à l'Amazone.

12 Cf. Journal intime (1874–80).

13 Cf. Lettres à Sixtine (1887).

14 “Le moraliste c'est l'éternel vieillard qui fait un tableau terrible de l'amour à la jeune fille dont il est amoureux” (La Nuit au Luxembourg).

15 A propos de Gourmont homme de science, notons ici deux jugements de Havelock Ellis: “In science and in philosophy he is the heroic amateur, lacking in training and in equipment, but never failing in keen penetration” (1913). Touchant La Physique de l'Amour: “The treatment of such a subject by one who had no training in biology could scarcely be altogether adequate; Gourmont's discussion is too individual for a scientific topic, but his penetrating sagacity, wide knowledge, and daring frankness of presentation still render this a notable book.” From Rousseau to Proust (1915), pp. 311 and 315.

16 Revue des Deux-Mondes, 1er nov. 1915, revue littéraire.

17 Une crainte me vient, c'est que les “éducateurs” s'emparent de cette idée et se mettent en devoir d'ouvrir un nouveau chapitre de la méthodologie de l'enseignement du français. Ils n'auraient pas mes applaudissements. Nous avons affaire ici à un de ces cas fréquent dans l'étude des humanités où il faut des hommes et non des mécanismes, des précepteurs à tête bien faite plutôt que des procédés.

18 A cet égard, Gourmont mérite le titre de critique symboliste, si l'on entend par là la recherche de l'essentiel et le mépris des échaffaudages de la rhétorique.

19 Etait-ce un effet de la rivalité du Symboliste de Kahn et du Décadent de Baju qui s‘étaient entre-déchirés dans les années précédentes, chacun de ces organes prétendant à la direction du mouvement poétique?—Quand il était encore secrétaire du Scapin, Valette écrivit un article sur les Symbolistes qui fit du bruit; il y disait: “A qui suit de près la jeunesse littéraire et se rend compte de la totalité de son effort, il n'apparaît pas que les esprits soient tournés plutôt vers le symbolisme que vers n'importe quoi…” Valette ne se proposa certainement pas de faire du Mercure une revue symboliste. Mais le Mercure, de toutes les revues surgies à l‘époque, fut la seule à prendre de l'ascendant sur le public et la seule à subsister: de même qu'elle a conservé la couverture mauve de ses origines, elle a dû accepter le nom que l'usage a imposé au mouvement dont elle est sorti.

20 Le plus grand écrivain du siècle était Flaubert à ses yeux.

21 M. Elton Hocking, dans une thèse (publiée depuis que ceci fut écrit): Ferdinand Brunetière, the Evolution of a Critic (Madison, 1936), a effleuré ce point.

22 Bergson n'était pour lui que l'extrême pointe du romantisme déliquescent. A son sujet, I. Babbitt perdait toute mesure. Il en arrivait à prôner l'obscur article écrit en anglais par un étudiant chinois sur Le Rire de Bergson comme une réfutation magistrale du philosophe.

23 Gourmont lui consacra une des vingt-trois notices du deuxième Livre des Masques (1898). Dans la première tranche des Epilogues, parue au Mercure de novembre 1895 sous le titre de Petites Chroniques (l'appellation d‘Epilogues ne fut trouvée que pour le numéro suivant, en décembre), Gourmont exhala sa mauvaise humeur contre un quidam coupable d'avoir décrit M. Mazel comme un “nouveau Villiers de l'Isle-Adam.” Le talent de M. Mazel ne méritait pas “de sombrer en une tempête soufflée par le ridicule,” déclara l'admirateur passionné de l'auteur d‘Axel que, sauf erreur, M. Mazel avait prétendu continuer. Cette vitupération n'a pas été recueillie dans le premier volume des Epilogues, où elle se serait placée immédiatement après le n° 2 (Madame Boulton).

24 Je n'ai rien dit des idées de Gourmont sur la religion, car, à mon sens, elles n'ont jamais fait dévier la rectitude de son jugement en littérature. Ce sont pourtant des idées curieuses, frappantes, souvent violentes. Il appelait ‘catholicisme’ une forme de christianisme toute fleurie de paganisme, à laquelle il étendait sa mansuétude. D'autre part, il stigmatisait sous le nom de “protestant,” quiconque, fût-il le Primat des Gaules, se mêlait d'action morale sous une inspiration religieuse. Selon lui, le protestantisme était la seule forme active (entendez: nocive) du christianisme moderne. Ces définitions n'ont guère plu aux intéressés.

25 Mercure de France, 15 novembre 1935.