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Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré, puis évincé par le droit du travail (France, XIXe siècle)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Alain Cottereau*
Affiliation:
CNRS/EHESS-CAMS

Résumé

L’émancipation ouvrière, à la suite de la Révolution française, loin d’être une formule creuse, a donné lieu à des exigences efficaces de bon droit et s’est traduite en pratiques jurisprudentielles locales. L’article décrit un double phénomène: la mise en œuvre de cette émancipation, puis sa dénégation soudaine durant les années 1880-1890, un « coup de force dogmatique » tenant pour nulles et non avenues neuf décennies de droit des ouvriers, pour lui substituer le « droit du travail ». Au lieu du principe de bilatéralité des volontés libres, s’instaura un principe de protection en contrepartie d’une subordination industrielle impérative.

Summary

Summary

The emancipation of labour, resulting from the French Revolution, gave way to efficient claims from the sense of justice (bon droit) and found an expression in local common laws of labour. The paper describes a double phenomenon: the operations of that emancipation, and its sudden denial during the 1880-1890s, a “dogmatic coup” making ninety years of local common law of labour null and void, and replacing it by a statute law of employment. The principle of bilateral free wills was replaced by a principle of protection as a counterpart of imperative industrial subservience.

Type
Justiciables et tribunaux Marchands, ouvriers
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2002

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References

1 - Glasson, Ernest D., «Le Code civil et la question ouvrière», in Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1886 Google Scholar, 1er semestre, t. 25, pp. 843-895, ici pp. 844 et 849, édité sous ce titre la même année à Paris, F. Pichon, 1886.

2 - Sur ces affaires, voir la brochure Les accidents sur les chemins de fer français dans leurs rapports avec les agents de la traction. Pétition des mécaniciens et chauffeurs à l’Assemblée nationale, Paris, A. Le Chevalier, 1872, et Baron Janze, De, Les compagnies de chemins de fer et leurs agents commissionnés..., Saint-Brieuc, Impr. de F. Guyon, 1875 Google Scholar. Une partie des jugements sont reproduits et commentés dans le Journal des prud’hommes, 1871, p. 167, et 1872, p. 60.

3 - Glasson contestait d’avance la légitimité de lois qui étaient sur le point d’être votées. Selon lui, interdire de confisquer les cotisations de retraite en cas de renvoi, si le règlement le prévoyait, était attenter à la liberté des contrats. Son article constituait une prise de position implicite en faveur d’un rapport de Paul-Louis-Joseph Cuvinot, confortant la position des grandes compagnies (Rapport du sénateur Cuvinot, 25 juin 1885, Sénat, Documents, Rapport, p. 249).

4 - Delecroix, Émile, «Le contrat de travail. Étude des propositions de lois concernant les ouvriers mineurs», Revue de la législation des mines, 1885, pp. 65124 Google Scholar. A ma connaissance, Delecroix, avocat au barreau de Lille, animateur d’un lobby du patronat belge des mines et de la métallurgie, est le premier introducteur de l’expression en langue juridique, et il le revendique (p. 85).

5 - Depuis le texte de Glasson, l’oubli des ouvriers dans le Code civil et le laconisme des deux articles 1780 et 1781 sont devenus une sorte de question rituelle pour aborder le droit du travail. Un seul traité récent, parmi ceux examinés, a mis en doute les présupposés de cette question convenue: Supiot, Alain, Critique du droit du travail, Paris, PUF, 1994, p. 46 Google Scholar.

6 - Sauzet, Marc, Le livret obligatoire de l’ouvrier, Paris, Pichon, 1890 Google Scholar, § 5, n. 17.

7 - Une première formulation de cette légende fut publiée par Sauzet, Marc, «Essai historique sur la législation industrielle de la France», Revue d’économie politique, 1892, pp. 313356 Google Scholar, 890-930, 1097-1136. Il y exalte le mythe de la pureté contractualiste des Constituants; une légende des progrès de la liberté économique s’y détache par un noircissement du droit précédant la Troisième République. Des réfutations de ses anachronismes juridiques et des stéréotypes qu’il a renforcés ont été développées dans Esmein, Adhemar, Précis élémentaire de l’histoire du droit français de 1789 à 1814, Paris, Sirey, 1908 Google Scholar, et par Olivier-Martin, François, Cours d’histoire du droit public. La police économique sous l’Ancien Régime, Paris, Dalloz Google Scholar, « Les cours du droit », 1945. L’autre pilier de la légende est l’œuvre d’Émile Levasseur. Sa méthode historique procédait par filtrage: ignorer ou discréditer les mauvais exemples, établir les bons dans l’évidence du récit, comme des leçons de choses, illustrant les vérités détenues par les économistes français de l’Académie – des vérités encore ignorées du reste du monde. Pour un histo rien qui connaît les sources, la méthode des ouvrages historiques de Levasseur comporte une telle densité de contre-sens, de contre-vérités et de falsifications, qu’il conviendrait de l’oublier totalement s’il n’avait servi de base de référence, à partir des années 1890, pour inventer un passé aux nouvelles conceptions du droit du travail. Quelques exemples en seront donnés en notes dans la suite de cet article. A l’encontre de la vision légendaire de l’histoire du livret ouvrier partagée par Sauzet et Levasseur, des rectifications ont été amorcées dans Bourgin, Georges, «Contribution à l’histoire du placement et du livret en France», Revue politique et parlementaire, janvier 1912, pp. 105126 Google Scholar, et dans Marquant, Robert, «Les bureaux de placement en France sous l’Empire et la Restauration. Essai d’établissement d’un monopole», Revue d’histoire moderne et contemporaine, XL, 1962, pp. 200237 Google Scholar.

8 - La conception subjectiviste du contrat signifie ici que le contenu du contrat ne serait plus déterminé que par les intentions explicites ou implicites des contractants. Elle résulte d’une évolution générale, en France, commencée sous le Second Empire, sensible aussi en droit commercial, et dont la clé est peut-être à trouver dans l’ouver ture tardive à un droit aux dommages et intérêts pour perte d’anticipations spéculatives. Elle se différencie de la conception du contrat sous la Révolution et l’Empire en éli minant la nature des conventions, ainsi que l’équité, dans la détermination de ses obligations.

9 - Paris, AD, D7 U 1 26 (Archives de la Justice de paix de la section du roi de Sicile). Antoine Despeisse, en 1690, utilisa « prixfait » pour traduire la Locatio conductio operis (Des contrats, 1660, rééd. Bruyset, Lyon, 1750, t. I, pp. 86-131). Le terme fut repris par ses successeurs, notamment Domat, dans son traité Du louage, qui intitule son titre VIII: « De la nature des prix faits et autres louages de travail et de l’industrie » (rééd. Rémy, Paris, Firmin-Didot, 1828, p. 133).

10 - Les brochures évoquées qui se succèdent et se répondent sont: Précis présenté à l’Assemblée nationale par les entrepreneurs de charpente de la ville de Paris (22 mai 1791); Mémoire présenté par les ouvriers en art de la charpente de la ville de Paris, le 26 mai 1791; Pétition présentée à la municipalité de Paris par les ci-devant maîtres charpentiers, le 30 mai 1791...; Réfutation des ouvriers en l’art de la charpente à la réponse des entrepreneurs, le 2 juin 1791 (Paris, BnF, Département des Imprimés).

11 - Au commissariat du Roule, le 4 juin 1791, un patron charpentier « se plaint de l’existence d’une assemblée illégale de compagnons charpentiers tenue rue de la Tixeranderie. Cette assemblée exige des charpentiers entrepreneurs qu’ils aillent signer sur un registre tenu à cet effet par elle leur soumission de payer les journées cinquante sols les mois dans l’été et quarante-cinq sols dans l’hiver, de ce que lorsqu’un maître jaloux de remplir ses engagements d’ouvrage est forcé pour avoir dans son atelier les ouvriers journaliers nécessaires, de souscrire cette obligation [...] » (Archives de la préfecture de Police, Aa 224, Papiers du commissariat de police, section du Roule, texte signalé par Sonenscher, Michael, Work and Wages. Natural Law, Politics and the Eighteenth-Century French Trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 349 Google Scholar).

12 - Le décret de mars 1791 supprimant les corporations avait laissé aux futures assemblées le soin de remplacer les régulations corporatives et municipales par des règles de droit commun, à la fin de son article 7: toute personne sera tenue « de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits ». L’amendement qui l’avait introduit visait explicitement à remplacer les règlements des métiers, municipaux ou corporatifs, par des règlements de droit public. Sur les transformations des décennies précédentes, sur l’importance des réformes de Turgot, jusqu’aux trois premières années de la période révolutionnaire, voir l’ouvrage de Kaplan, Steven L., La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001 Google Scholar (monument de référence qui permet de disposer pour la première fois d’une vision approfondie de la question des corporations, au lieu des visions stéréotypées héritées du XIXe siècle).

13 - Buchez et Roux, en travaillant sur les archives municipales avant leur incendie, ont montré que la ville de Paris avait une politique de médiation en faveur des accords collectifs, qu’elle ait réussi (tailleurs de pierre) ou échoué (charpentiers) (voir Histoire parlementaire de la Révolution française, t. X, 1834, pp. 102-104). Ils réfutaient ainsi une confusion établie par Le Chapelier lui-même, qui avait opéré un amalgame entre la décision unilatérale, entre ouvriers – désapprouvée par la municipalité de Paris comme par les votants de la loi Le Chapelier –, et la négociation d’un accord collectif. Il voulait faire croire que toute réunion professionnelle tournait à l’assemblée délibérative, un genre d’assemblée constituante des corps de métiers. Cette confusion politique ne fonctionna que partiellement, jusqu’en juin 1848. C’est ensuite seulement que la loi Le Chapelier, en quelque sorte réinventée, fut censée avoir interdit toute réunion professionnelle.

14 - A partir de 1791, les marchés publics se font selon des cours d’usage. Des publications annuelles de séries de prix sont effectuées depuis 1804 au moins. En 1826, commence la « Série Morel », ou « prix de série de la Ville de Paris », considérée comme un véritable salaire minimum par les gens du bâtiment et les tribunaux. Un long conflit (1882-1899) déboucha sur un « décret Millerand », du 10 août 1899. Il instituait un salaire minimum « normal », restaurant ainsi ce qui avait été récusé comme usage.

15 - Sur l’histoire de la « fabrique collective » lyonnaise, sa régulation et la série de conventions collectives de 1790 à 1831, voir Cottereau, Alain, «The Fate of Collective Manufactures in the Industrial World: The Silk Industries of Lyons and London, 1800-1850», in Sabel, C. et Zeitlin, J. (éds), World of Possibilities, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, pp. 75153 CrossRefGoogle Scholar, et Id., « La désincorporation des métiers et leur transformation en publics intermédiaires: l’exemple de Lyon et de la région rouennaise de la Révolution à l’Empire», in S. L. Kaplan et Minard, P., Le corporatisme: impasse ou troisième voie?, Paris, Belin, janvier 2003 Google Scholar, sous presse.

16 - La convention collective originale et quelques pièces de correspondance se trouvent aux archives municipales de Nantes, dans un fonds de la chambre de commerce, cote 1 Et A13, pièces 59 et 65 (accord mentionné et perçu dans une autre perspective par Guin, Yves, Le mouvement ouvrier nantais, Paris, Maspero, 1976 Google Scholar). D’autres conventions collectives des voiliers de Nantes intervinrent par la suite. Deux ont été imprimées, en 1855 et en 1860 (Paris, BnF, Département des Imprimés, Gr Fol. Wz 69, nos 70 et 155 du catalogue des règlements).

17 - Gazette des tribunaux, 1784, pp. 219-224 (affaire dont l’intérêt a été signalé par M. Sonenscher, Work and Wages..., op. cit., p. 72).

18 - Pothier, Robert J., Traité des contrats de louage maritimes, Paris, Debure aîné, 1769 Google Scholar, «Du louage des matelots & autres gens de mer», pp. 159-228, ici p. 171, no 173. Le paradoxe tient à ce que, pour la majorité des contemporains de Pothier, les services à gages relevaient par définition de la subordination domestique, hors droit des contrats.

19 - Premier projet Cambacérès ( Fenet, P.-Antoine, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Paris, chez l’auteur, t. 1, pp. 7778 Google Scholar). Les deuxième et troisième projets, en septembre et décembre 1794, énonçaient plus sobrement: «Les meubles, les immeubles et la main-d’œuvre sont susceptibles de louage. »

20 - L’histoire de la répression des coalitions, polarisée uniquement sur l’absence de droit à l’association ouvrière, serait à recadrer d’une façon beaucoup plus éclairante, en étant resituée entre ce nouveau droit à la désertion, largement admis et utilisé, et le délit de coalition. La décision de poursuite pour coalition était bien davantage liée à l’appréciation de dangerosité politique ou émeutière que professionnelle; le délit n’était admis par les jurys d’assise que s’il y avait violences ou menaces sérieuses et prouvées.

21 - Douarche, Aristide, Les tribunaux civils de Paris pendant la Révolution (1791-1800), Paris, Cerf Noblet Quantin, 1905 Google Scholar. Ces relevés effectués avant l’incendie du Palais de Justice permettent de localiser l’instauration d’une régulation de l’intermittence à valeur exemplaire pour le droit des ouvriers.

22 - Sur le contraste entre le droit britannique et le droit français des engagements de travail, voir l’étude comparative Cottereau, d’Alain, «Industrial Tribunals and the Establishment of a Kind of Common Law of Labour in Nineteenth-Century France», in Steinmetz, W. (éd.), Private Law and Social Inequality in the Industrial Age: Comparing Legal Cultures in Britain, France, Germany, and United States, Oxford, Oxford University Press, 2000, pp. 203226 Google Scholar.

23 - Une seule affaire, portée en cassation en 1808 (Dalloz, Jurisprudence générale, 2, 156) a semblé donner raison à une restauration des règlements. Mais une décision du 23 août 1810 (Sirey, t. 12, I, p. 22) instaura une jurisprudence invariablement contraire.

24 - Sur les différentes plaintes et projets de réglementation des verreries, 1793-1803, voir An, F12-2397. Sur les préparatifs de législation industrielle, voir A. Cottereau, « La désincorporation... », art. cit.

25 - A part l’exception inouïe de Bourges en 1838, tous les tribunaux semblent s’être accordés dès 1791, puis de nouveau en 1794, à reconnaître l’abrogation du délit de désertion en vertu des droits de l’homme, confirmée par la législation de 1803 sur le livret.

26 - Une légende sur le caractère oppressif de la législation du livret, en matière de dettes, a eu pour origine une analyse fourvoyée de Villermé. Celui-ci, en visitant Sainte-Marie-aux-Mines, se fia à un informateur privilégié, le juge de paix Darbel, dont il reproduisit une diatribe contre les prud’hommes de sa ville. Si Villermé, durant son passage en octobre 1836, avait écouté des conseillers prud’hommes ou des tisserands, il aurait pu comprendre le véritable enjeu: d’après les archives du Conseil, durant la conjoncture d’expansion exceptionnelle de 1832-1836, le crédit aux ouvriers des tissages à domicile s’étira sur des termes très longs, jusqu’à six à neuf mois, aligné sur le crédit entre industriels. On s’arrachait et débauchait les ouvriers trop rares, on leur avançait le prix de montage d’ateliers nouveaux et de métiers plus performants, en espérant garder l’exclusivité de la main-d’œuvre sur les nouveaux équipements, tant que les prêts gratuits n’étaient pas amortis sur les façons. La jurisprudence du Conseil de Sainte-Marie sur les prêts fut exceptionnellement sévère pour les ouvriers, mais, contrairement à ce que crut Villermé, ceux d’entre eux qui se voyaient condamnés pour non-remboursement de dettes n’étaient pas pour autant contraints à travailler pour leurs prêteurs et à leurs conditions: dès qu’il y avait conflit, les employeurs eux-mêmes redoutaient bien trop le mauvais travail pour ne pas souhaiter se séparer eux aussi des ouvriers débiteurs. Les condamnations à rembourser immédiatement les dettes visaient et contraignaient en réalité le patron débaucheur, qui devait, solidairement avec son ouvrier insolvable, rembourser le précédent patron, suivant un usage transactionnel d’Ancien Régime, alternatif à la punition du délit de désertion: le débaucheur payait le prix pour conserver le débauché (Registres des prud’hommes de Sainte-Marie-aux-Mines, jugements et assemblées générales, Ad Haut-Rhin, 5U 1/2, 1/8, 1/12. Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, Renouard, 1840, II, pp. 126-138). Ce cas unique, mal compris, donna lieu néanmoins à la croyance en une pratique généralisée d’asservissement des ouvriers par les avances sur livret, à la suite de Villermé. Une croyance reprise et amplifiée par les œuvres de Levasseur et Sauzet.

27 - Dorvigny (pseudonyme de Archambaud, Louis), Le tu et le toi, ou la parfaite égalité. Comédie en trois actes, Paris, chez Barba, 1793 Google Scholar (jouée pour la première fois le 23 décembre 1793).

28 - Sieyes, , « Exposition raisonnée des droits de l’homme et du citoyen», Archives parlementaires, VIII, p. 438 Google Scholar.

29 - L’expression «donner ses soins» laissait planer une équivoque commode pour se réclamer des auteurs classiques. Le verbe donner jouait sur le sens juridique technique du latin dare (avec transfert de chose) et sur celui de « donner ses soins », donner son temps ou son industrie, terminologie permettant de glisser du fruit de l’activité à l’activité, sans le préciser. Les articles du Code civil sur le louage gardèrent et utilisèrent cette ambivalence.

30 - « Art. 109. Ce louage a trois objets principaux: 1. Celui des gens de travail qui se louent au service de quelqu’un. 2. Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises. 3. Les devis ou marchés d’ouvrage. »

31 - Troplong, Raymond Theodore, Le droit civil expliqué, t. 3, De l’échange et du louage , Paris, C. Hingray, no 843, pp. 7580 Google Scholar, et P.-A. Fenet, Recueil complet..., op. cit., t. 4, p. 212: « Les maçons, charpentiers, serruriers et autres ouvriers qui font directement des marchés à prix fait, sont astreints aux règles prescrites dans la présente section; ils sont entrepreneurs dans la partie qu’ils traitent. »

32 - Pour un rapprochement entre citoyenneté et institutionnalisation des conciliations, voir Cottereau, Alain, «Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail, d’après les audiences prud’homales, 1806-1866», Le mouvement social, 141, 1987, pp. 2561 CrossRefGoogle Scholar, et «“Esprit public” et capacité de juger», in Cottereau, A. et Ladriere, P. (éds), Pouvoir et légitimité. Figures de l’espace public, Paris, Éditions de l’Ehess, 1992, pp. 239272 Google Scholar.

33 - D’après le registre du Tribunal des Arts des Métiers de Lyon (voir A. Cottereau, « The Fate... », art. cit., et « La désincorporation... », art. cit.).

34 - Article 19 du Règlement de police des ateliers de la filature Haussmann frères, Le Logelbach, 1826, texte reproduit dans Leuilliot, Paul, «Notes sur les Haussmann et la manufacture de Logelbach (jusqu’en 1830)», Annuaire de la société historique et littéraire de Colmar, 1951-1952, pp. 8599 Google Scholar. L’analyse s’appuie sur un corpus de 152 règlements, en ce qui touche l’Alsace et la Lorraine.

35 - Paris, BnF, Catalogue des règlements, no 9, Règlement des ateliers de la filature alsacienne de laine peignée André Koechlin, Risler et Cie, Mulhouse, 1839, et BnF, Catalogue des règlements, no 352, Règlement des ateliers d’André Koechlin et Cie, vers 1840.

36 - Le Moniteur des conseils des prud’hommes, 1841, vol. I, pp. 53-54.

37 - Arrêté du maire de Roubaix du 30 mai 1837, approuvé par le préfet le 29 juin 1837, Am Roubaix, FII g3.

38 - BnF, Catalogue des règlements, no 86, Règlement du 1er janvier 1856.

39 - Sauvage contre Mayer, Cahen et Nephtaly Lévy, 14 février 1851, sans pourvoi, puis mêmes motifs dans l’affaire Picot contre Aron, Hesse et Mathias, 24 décembre 1852. Cette citation et l’ensemble de la jurisprudence du Conseil des tissus sont ici indiqués d’après ses registres manuscrits de jugements, conservés depuis l’origine, consultés avant leur versement aux Archives de Paris. Pour les cassations, voir, dans le recueil Sirey, Hébert contre Durant, du 20 décembre 1852, Sirey, 53. 1. 101, et Aron et Consorts contre Picot, 12 décembre 1853, Sirey, 54. 1. 333. Le second jugement de l’affaire Hébert contre Durant, par les prud’hommes de Rouen, du 5 mars 1853, à la suite de la cassation, est rapporté par le Journal des prud’hommes, 1853, pp. 83-84.

40 - Duvergier, en controverse avec Troplong sur d’autres aspects du contrat, était d’ac cord avec celui-ci pour réserver à la notion courante de domestiques et de journaliers la catégorie juridique du louage à temps, et considérer que l’engagement au résultat, qu’il préférait appeler « louage d’industrie » s’appliquait à la plupart des engagements d’ouvriers ( Duvergier, Jean-Baptiste, Le droit civil français suivant l’ordre du Code, t. XIX, pp. 287432 Google Scholar). Mêmes positions dans les dictionnaires d’usages commerciaux, manuels de prud’hommes et de justices de paix (notamment de Villeneuve, Jean Lemoine et Masse, Gabriel, Dictionnaire du contentieux commercial, [1845] 1875 Google Scholar; Mollot, , De la compétence des Conseils des Prud’hommes, Paris, Joubert, 1842 Google Scholar; Million, Louis, Du contrat d’engagement des ouvriers, Paris, Annales des justices de paix, 1869)Google Scholar. Durant les années 1880, le changement de doctrine ne procède pas par exégèse. Les nouvelles catégories fonctionnent comme des termes absolus et mettent en cause la « confusion» du Code et les erreurs de la langue. Un comble de surplomb dogmatique sur la langue est atteint avec la thèse de Glatard, Michel, Droit romain: du louage d’ouvrage. Droit français, du contrat de travail, Thèse, Faculté de droit de Grenoble, Paris Google Scholar, Impr. de Mougin Russand, 1893. Ne pouvant plus imaginer que le terme d’ouvrier puisse désigner autre chose qu’un état de subordonné, placé sous la conduite d’un maître, il déclare que les Romains mésusaient de leur langue lorsqu’ils désignaient les ouvriers conducteurs d’ouvrage. « Pour le louage d’ouvrage, les Romains et les auteurs du Moyen Âge avaient admis une terminologie entachée d’une erreur évidente; ils appelaient bien locateur l’individu, ouvrier ou domestique, qui engageait ses services dans le sens de la locatio operarum, et en cela ils avaient raison; mais, renversant mal à propos la situation dans le cas de la locatio operis, ils appliquaient à l’ouvrier le terme de conducteur ou locataire » (p. 116).

41 - Renouard, Augustin Charles, «Mémoire sur le contrat de prestation de travail», in Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1 er trim., 3e série, t. 7, 1854, pp. 161202 Google Scholar et 365-396, ici p. 179. La tentative de Renouard fit long feu en raison de l’opposition des avocats: ceux-ci se sentirent outragés de se voir reclassés parmi les contractants de louage d’ouvrage, dont les services équivaudraient au prix de la contre-prestation. Leurs prestations relevaient du contrat de mandat, dont les services étaient « inestimables », susceptibles seulement de contre-dons, en signes de reconnaissance.

42 - Le présent article n’a pas abordé la question des employés privés. Pour eux aussi a été élaboré un droit jurisprudentiel, parallèlement au droit des artistes et au droit des ouvriers. Entre droit civil et droit commercial, l’histoire de leurs servitudes et de leur moindre liberté pourrait être mise en perspective selon les dosages entre deux composantes de droit et d’équité: d’une part, la relation de service (au sens ancien), d’autre part, la relation de mandat.

43 - Ibid., p. 368. L’expression de Renouard ( « n’est pas une aliénation de la puissance de travailler ») et les arguments qui l’accompagnent constituent une anticipation remarquable des théories de la « location de la force de travail », pour les récuser. Les théories françaises du « contrat de travail » inventent l’expression de « location de la force de travail », durant les années 1900. L’objet du contrat devient de nouveau la personne physique du travailleur, tronquée de sa volonté propre; de cette soustraction résulte la « force » manuelle, ou corporelle. Métaphore floue, qui permet de dire tantôt que c’est la personne, sous son aspect manuel, qui est louée, tantôt que c’est la « chose » circulante, détachée de la personne, qui fait l’objet de l’échange ( Bureau, Paul, Le contrat de travail, Paris, Alcan, 1902 Google Scholar).

44 - Cassation du 14 février 1866, Dalloz, 1866. 1. 84. Sur le tournant historique dont cette décision est un premier signe avant-coureur, voir A. Cottereau, « Les prud’hommes... », art. cit., pp. 55-58. Le patron devient progressivement « seul juge » à la fin du XIXe siècle, alors qu’en 1804, la doctrine des législateurs était que le patron « n’était pas un juge » et devait porter les contestations en conciliation judiciaire, tant sur les évaluations du travail que sur l’évaluation de la bonne coopération (dite plus tard « discipline »).

45 - Pour une relecture de ces débats et un exposé des différents points de vue, voir l’ensemble de la revue Histoire des accidents du travail, éditée à Nantes par Hesse, Philippe-Jean et le Crhes, 1975-1985, et son article «Le nouveau tarif des corps laborieux: la loi du 8 avril 1898 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail», in Crom, J.-P. Le, Deux siècles de droit du travail, Paris, Éditions de l’Atelier, 1999, pp. 89103 Google Scholar. Pour une fusion entre les visions favorables à la dilution sociale de la responsabilité, durant les années 1880-1890, et l’antimoralisme des foucaldiens des années 1970, voir Ewald, François, L’État providence, Paris, Grasset, 1986 Google Scholar.

46 - Tarbouriech, Ernest, La responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, Paris, V. Giard & E. Brière, 1896 Google Scholar; Saleilles, Raymond, Les accidents du travail et la responsabilité civile, Paris, A. Rousseau, 1898 Google Scholar.

47 - Raymond Saleilles, «Le risque professionnel dans le Code civil », communication à la Société d’économie sociale, séance du 14 février 1898, texte et discussion dans La réforme sociale, no 54, 16 avril 1898, pp. 634-667. La « responsabilité objective », y explique-t-il, n’est pas exonérée par le risque. « La jurisprudence se fait un idéal de ce que doit être l’aménagement d’une usine; et elle considère qu’il y a faute, dès que cet aménagement laisse à désirer sur un point, dès que l’organisation du travail se trouve ne pas réaliser les conditions de perfectionnement qui, pour la jurisprudence toujours, doivent constituer le type du progrès ou de la sécurité industriels. »