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Histoire et sciences sociales : les paradigmes des Annales

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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La réussite est un temps difficile. Jamais, sans doute, les Annales n'ont été autant citées, utilisées, imitées. On leur consacre des colloques, des études. Un peu partout, à l'étranger, et en dernier lieu dans le monde anglo-saxon (pourtant longtemps réticent), on en revendique l'héritage. Il y a même quelque chose d'inquiétant dans cette crue nouvelle d'intérêt : de tous côtés on analyse, on dissèque un mouvement qui se voudrait encore vivant. Vivant ? Est-ce, si sûr ? Dans le temps même où la revue et ceux qui s'en réclament devenaient objet d'études historiographiques, la critique s'est faite plus sévère. Elle vise parfois le succès même de l'entreprise à laquelle elle reproche de n'être plus, précisément, qu'une entreprise.

Summmary

Summmary

Is there, as has recently been stated, such as thing as a “paradigm of ‘Annales’” ? At present, we lack the sociological studies needed to understand more clearly the nature, over the last fifty years, of the movement which has coalesced around the journal founded by Marc Bloch and Lucien Febvre. The identity of ‘Annales’ is undoubtedly bound up with a scientific project, a network, institutions, aform of sensibility ; still, it has undergone some marked changes. This article seeks to understand the logic behind these changes by analysing the shifting relations between history and the social sciences over the last halfcentury. These relations are explicitly at the heart of the ‘Annales’ enterprise, and they help us to understand the shifts and adjustments of an intellectual policy.

Type
Les Annales, 1929-1979
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1979

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References

Notes

1. La multiplication à un rythme accéléré des livres et des articles depuis cinq ou six ans rend toute mise au point bibliographique illusoire et partiale. Retenons au moins Traian Stoianovich, French historical method : the Annales paradigm, avec un avant-propos de F. Braudel, Ithaca- Londres, Cornell Univ. Press, 1976; L. Allegra, A. Torre, La nascita délia storia sociale in Francia. Dalla commune aile Annales, Turin, Fondation L. Einaudi, 1977 ; M. Cedronio, M. Del Treppo, F. Diaz, C. Russo, Storiografia francese di ieri e di oggi, Naples, 1977. Une réflexion générale dans de Certeau, M., « L'opération historiographique », dans L'écriture de l'histoire, Paris, 1975, pp. 63120.Google Scholar On trouvera enfin des éléments utiles dans les actes d'un colloque consacré à l'impact des Annales sur les sciences sociales publiés dans Review, I, 3-4, 1978 ; à cette rencontre, une première version de ce texte a été présentée.

2. On trouvera des illustrations symétriques de cette critique dans des articles de Fontana, Joseph, « Ascens i decadencia de l'Escuela dels Annales », Recerques, Barcelone, 1974, 4, pp. 283298 Google Scholar ; Judt, Tony, « A clown in régal purple : social history and the historians », History Workshop, 7, 1979, pp. 6694 CrossRefGoogle Scholar ; et d'autre part dans Diaz, Furio, « Le stanchezze di Clio », Storiografia, cit., pp. 73162.Google Scholar Ces références ne sont, bien sûr, qu'indicatives et pourraient être multipliées.

3. Braudel, Fernand, Annales ESC, 1969, 3, p. 571.Google Scholar

4. Par Stoianovich, T., op. cit., et surtout par Hexter, J. H. dans un essai critique et plein d'humour : « F. Braudel et le monde braudellien », Journal of modem history, 1972, 4, pp. 480539.Google Scholar

5. Revue de synthèse historique, 1903, t. VI, pp. 1-22 et 129-157.

6. Le débat n'est d'ailleurs pas strictement français. On en trouve d'autres versions en Allemagne, en Italie, aux États-Unis. En France, il prend toutefois une coloration très particulière parce qu'il est un moment essentiel d'une discussion plus vaste sur le rôle des sciences sociales dans l'université et dans la société, dont on sait l'enjeu politique aux origines de la IIIe République ; parce qu'il se situe aussi dans les lendemains difficiles de l'affaire Dreyfus. Sur les implications multiples — politiques, institutionnelles, épistémologiques — de cette polémique, je renvoie à l'excellente analyse de Madeleine Rebérioux, présentée au colloque consacré à « La naissance des Annales » (Strasbourg, octobre 1979) ; cette étude sera publiée dans les actes du colloque en 1980.

7. Cf. John E. Craig, « The durkheimians and the Annales school », communication inédite au 9e Congrès mondial de sociologie, Uppsala, août 1978 ; Chartier, R. et Revel, J., « Lucien Febvre et les sciences sociales », Historiens et géographes, février 1979, pp. 425442.Google Scholar

8. Des éléments de critique dans l'article de Ch. Carbonell, O., « L'histoire dite ‘positiviste’ en France », Romantisme, numéro spécial sur « Le(s) positivisme(s) », 21-22, 1978, pp. 173186 CrossRefGoogle Scholar ; et dans Gemelli, Giuliana, « Tra due crisi : la formazione del metodo délie scienze storico-sociali nella Francia repubblicana », Atti délia Accademia délie scienze delilstituto di Bologna, Rendiconti, 1977. 1978, pp. 165236.Google Scholar

9. Monod, G., « Du progrès des études historiques en France », Revue historique, t. I, 1876.Google Scholar

10. Je renvoie sur ces points aux remarquables études de Karady, Victor : « Durkheim, les sciences sociales et l'université : bilan d'un semi-échec », Revue française de sociologie, 2, 1976, pp. 267312 CrossRefGoogle Scholar ; « Recherches sur la morphologie du corps universitaire littéraire sous la Troisième République », Le Mouvement social, n° 96, 1976, pp. 47-79 ; « Stratégies de réussite et modes de faire-valoir de la sociologie chez les durkheimiens », Revue française de sociologie, 1, 1979, pp. 49- 82. ; et, plus largement, aux deux numéros spéciaux que la Revue française de sociologie a consacrés en 1976 et 1979 à Durkheim et aux durkheimiens.

11. Bloch, M., Febvre, L., « A nos lecteurs », Annales d'histoire économique et sociale, 1, 1929, pp. 12.Google Scholar

12. Texte repris dans Combats pour l'histoire, Paris, 1953, p. 20.

13. Febvre, L., « Histoire, économie et statistique », Annales d'histoire économique et sociale, II, 1930. pp. 581590.CrossRefGoogle Scholar

14. L. Febvre, art. cité, p. 583.

15. Il est sans doute vain de hiérarchiser rétrospectivement des influences; le modèle géographique paraît pourtant plus déterminant aux origines des Annales que celui de la Revue de Synthèse historique d'Henri Berr : à cause, précisément, de l'intégration effective des approches au sein d'une recherche concrète qu'illustrent le Tableau géographique de la France de Vidal de La Blache et les grandes thèses régionales de ses disciples ; mais aussi parce que l'idéologie des entreprises de Berr reste marqué par un évolutionnisme social fondamental qui demeure étranger à Febvre et à Bloch comme à leurs successeurs. A la Synthèse, les Annales sont plutôt redevables d'un réseau et d'une forme de sociabilité intellectuelle dont le rôle est important au moins dans les premières années de la revue.

16. Sur ces relations, des remarques intéressantes de Cedronio, Marina dans sa contribution « Profllo délie Annales », au recueil collectif Storiografia francese di ieri e di oggi, Naples, 1977, en particulier, pp. 1018.Google Scholar

17. Encore Febvre reproche-t-il au livre, dans l'analyse critique qu'il lui consacre (Annales d'histoire sociale, 1940, pp. 39-43 et 1941, pp. 125-130), d'être trop schématique et de marquer un retour vers « le sociologique, qui est une forme séduisante de l'abstrait ». Les positions des deux directeurs des Annales ne coïncident d'ailleurs pas exactement, et elles évoluent dans des sens différents dans les dix premières années de la revue.

18. Des développements très riches dans V. Karady, « Durkheim, les sciences sociales… », cité, particulièrement pp. 275-288.

19. Longchambon, H., « Les sciences sociales en France. Un bilan, un programme », Annales ESC, 1958, 1, pp. 9697.Google Scholar L'article, publié avec un commentaire chaleureux de la revue, est extrait d'un rapport sur les sciences sociales présenté au gouvernement en juin 1957. Henri Longchambon était alors président du Conseil supérieur de la recherche scientifique et du progrès technique.

20. Furet, François, « Les intellectuels français et le structuralisme », Preuves, 1967, pp. 312.Google Scholar

21. Braudei., Fernand, « Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 1958, 4, pp. 752-753.Google Scholar

22. Vilar, Pierre, La Catalogne dans l'Espagne moderne. Recherches sur les fondements économiques des structures nationales, Paris, 1962, T. I, p. 17.Google Scholar

23. D'excellents textes de Febvre dans l'étude de Mann, H. D., Lucien Febvre, la pensée vivante d'un historien, Cahiers des Annales, 31, Paris, 1971, pp. 93122.Google Scholar

24. F. Braudel, « La longue durée », art. cit., p. 726.

25. Claude Lévi-Strauss l'a exprimé en clair l'un des premiers : cf. « Critères scientifiques dans les disciplines sociales et humaines », Revue internationale des sciences sociales, 1964, 4, pp. 579- 597.