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Le temps d’un rituel

Anthropologie historique d’une « danse de la conquête » de la Sierracentrale péruvienne(xviie-xxie siècle)

Published online by Cambridge University Press:  01 August 2023

Isabel Yaya McKenzie*
Affiliation:
EHESSisabel.yayamckenzie@ehess.fr

Résumé

En équilibre précaire sur de petits destriers, les conquérants espagnolstentent péniblement de transpercer les troupes du souverain Atahualpa quidéfendent à pied le destin de l’Empire inca. La scène est désordonnée, tantôttendue, tantôt enjouée, car la plupart de ses interprètes sont en état d’ébriétéavancée. Renvoyant à l’épisode tragique survenu en 1532, cette séquence estrejouée depuis la première moitié du xviie siècle au coursde diverses fêtes votives de la Sierra centrale péruvienne. Aujourd’hui, si lesmodalités de cette reconstitution peuvent varier d’un endroit à l’autre, ellessont toujours financées par des laïcs bénévoles ; s’y mêlent messes,processions, beuveries, banquets, danses collectives, jeux de combat,divertissements musicaux et, parfois, un spectacle taurin. Ces pratiquesfestives s’inscrivent en cela dans une histoire connectée, celle de lacirculation et des reconfigurations des représentations de Maures et chrétiensdans le monde ibérique. Cet article propose de saisir les dynamiquesinstitutionnelles, à la croisée du politique et du religieux, qui ont participéau succès et à la stabilité de cette performance dans les Andes. Il interrogeégalement la texture de cette longue durée et son articulation avec d’autrestemporalités. À partir d’enquêtes ethnographiques effectuées à Chiquián(Áncash), l’étude s’attarde en dernier lieu sur les temporalités du rituel :quels passés, quels présents et quels horizons d’attente s’emboîtent dans lescadres d’interaction de cette représentation ?

Abstract

Abstract

Holding on precariously to their small steeds, the Spanish conquerors attemptto break through the ranks of Atahualpa’s army, whose men defend on foot thefate of the Inca Empire. The scene is messy, at once tense and playful owing tothe performers’ advanced state of inebriation. This choreography, which playsout the tragic events of 1532, has been reenacted on various patronal festivalsthroughout the central Peruvian Sierra since the first half of the seventeenthcentury. Although nowadays these reenactments may vary in configuration from oneplace to the next, all are financed by lay volunteers and include masses,processions, drinking, banquets, collective dances, fighting games, musicalentertainment, and occasionally a bullfight. These festive performances are thelatest chapter in a connected history of the circulation and reconfiguration ofrepresentations of Moors and Christians in the Iberian world. This articleattempts to grasp the institutional dynamics, at the intersection betweenpolitics and religion, that have ensured the success and longevity of theseperformances in the Andes. It also questions the texture of this longuedurée and its articulation with other temporalities. Based onethnographic fieldwork carried out in Chiquián (Áncash), the article focuses onthe temporalities of the ritual: What past, present, and future horizons arewoven into these performances’ frameworks of interaction?

Type
Le fait religieux à l'épreuve du monde
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

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Un grand merci à mes collègues du Laboratoire d’anthropologie sociale, dudépartement d’anthropologie de l’université Toulouse-Jean Jaurès et de l’EREA(université Paris Nanterre) pour leurs commentaires avisés sur les présentationsorales de ce papier. Toute ma reconnaissance va aux relecteurs et éditricesdes Annales pour leurs suggestions qui ont considérablementamélioré la structure de l’argument.

References

1 Mercurino Arborio di Gattinara, lettre à Charles Quint, 12 juil. 1519. Cité dans Jean Bérenger, Histoire de l’empire des Habsbourg, 1273-1918, Paris, Fayard, 1990, p. 161.

2 Robert A. Segal, « Myth and Ritual », in J. Kreinath et al. (dir.), Theorizing Rituals: Issues, Topics, Approaches, Concepts, Leyde, Brill, 2006, p. 101-121.

3 Victor Turner, Schism and Continuity in an African Society: A Study of Ndembu Village Life, Manchester, Manchester University Press, 1957.

4 Max Gluckman, Rituals of Rebellion in South-East Africa: The Frazier lecture, 1952, Manchester, Manchester University Press, 1954.

5 Chaque collectivité commémore l’épisode au cours de sa fête patronale, si bien que les dates de ces célébrations varient d’un lieu à l’autre, selon l’identité du saint patron local. Un premier inventaire de ces représentations a été dressé par Marina Bruinaud (« Les représentations théâtrales de la mort d’Atahualpa. État de la question d’un produit de la rencontre de deux mondes », mémoire de M1, université Paris-Sorbonne, 2009). Son travail concerne uniquement lesdites « tragédies de la mort d’Atahualpa », dont les dialogues et la scénographie ont suscité un immense intérêt universitaire. Il faut ajouter à ce catalogue les variantes pantomimes de ces représentations, dont il est question ici, bien plus nombreuses que leurs versions théâtralisées.

6 Nathan Wachtel, La vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole, 1530-1570, Paris, Gallimard, 1971, p. 98.

7 Pour N. Wachtel, le rapport au temps relève de la structure mentale dans le sens formulé par Claude Lévi-Strauss. Tout comme la pensée mythique, la temporalité en contexte de traduction interculturelle subit l’altération de motifs mais maintient sa structure sous-jacente.

8 Voir notamment Juan M. Ossio A. (éd.), Ideología mesiánica del mundo andino, Lima, Edición Ignacio Prado Pastor, 1973.

9 César Itier, La littérature orale quechua de la région de Cuzco, Pérou, Paris, Karthala, 2004, p. 7-8 ; Valérie Robin Azevedo, Sur les sentiers de la violence. Politique de la mémoire et conflit armé au Pérou, Paris, Éd. de l’IHEAL, 2019, ici p. 66-70.

10 Emma Gobin et Maxime Vanhoenacker, « Innovation rituelle et réflexivité. Retours aux rituels : une introduction », ethnographiques.org, 33, 2016, http://www.ethnographiques.org/2016/Gobin-Vanhoenacker.

11 Catherine Bell, Ritual Theory, Ritual Practice, Oxford, Oxford University Press, 1992, p. 169-223.

12 La charge rituelle (cargo) est une prestation institutionnalisée, endossée temporairement par un individu ou un groupe qui s’engage à accomplir une série d’actes en vue de la réalisation d’un culte.

13 Le caractère inclusif de ces festivités a grandement facilité l’observation participante. Un premier séjour m’a permis de conduire de nombreux entretiens et d’être présente auprès de l’un des patrons de la fête (Rumiñawi) que j’ai suivi pendant les répétitions de danse et de chant, les séances d’habillage, les repas et les apparitions publiques. Un second séjour chez l’habitant m’a donné accès au quotidien d’une famille et aux nombreux ragots qui entourent les acteurs de l’événement. Je remercie chaleureusement l’ensemble des chiquianos qui ont répondu patiemment à mes questions, qui m’ont entraînée dans le flux de la célébration et qui, parfois, ont partagé avec moi leur perplexité face à l’ampleur de cet événement qu’ils et elles contribuent malgré tout à perpétuer.

14 Les spécialistes de la Mésoamérique ont été les premiers à évoquer cet héritage. Sur ce débat, voir Eloy Gómez Pellón, « El sistema de cargos en Mesoamérica : de fundación piadosa a institución políticoreligiosa », Revista española de antropología americana, 46, 2016, p. 49-70. Les recherches andinistes ont été plus discrètes sur le sujet, bien que les travaux précurseurs d’Olinda Celestino et Albert Meyers (Las cofradías en el Perú : región central, Francfort-sur-le-Main, Verlag Klaus Dieter Vervuert, 1975) offrent de formidables matériaux pour penser les continuités et les discontinuités historiques entre le système confrérique et le système des charges.

15 Fernand Braudel, « Histoire et Sciences sociales. La longue durée », Annales HSS, 13-4, 1958, p. 725-753. Ce programme a été réexaminé et prolongé par les auteurs de la présente revue ; voir notamment les contributions du dossier « La longue durée en débat », Annales HSS, 2015, 70-2, p. 285-378.

16 Berta Ares Queija, « Las danzas de los Indios : un camino para la evangelización del virreinato del Perú », Revista de Indias, 44-174, 1984, p. 445-463 ; Pierre Duviols, « La representación bilingüe de ‘La muerte de Atahuallpa’ en Manás (Cajatambo) y sus fuentes literarias », Histórica, 23-2, 1999, p. 367-392.

17 Orin Starn, « Sourds à la révolte : les anthropologues et la guerre au Pérou » [1991], in G. Rozenberg (dir.), « La culture en débat, l’anthropologie en question », Les Carnets de Bérose, 13, 2020, p. 112-150, ici p. 113.

18 Carlos I. Degregori, Qué difícil es ser Dios. El partido comunista del Perú – Senderoso luminoso y el conflicto armado interno en el Perú, 1980-1999, Lima, Instituto de estudios peruanos, 2010, chap. 2.

19 Michael Houseman et Carlo Severi, Naven ou Le donner à voir. Essai d’interprétation de l’action rituelle, Paris, CNRS Éditions/Éd. de la MSH, 1994.

20 Il est documenté pour la première fois à Río de la Plata en 1536, soit une quinzaine d’années à peine après la publication de sa première traduction à Séville sous forme de romances. Voir Yolando Pino Saavedra, « Historia de Carlo Magno y de los doce pares de Francia en Chile », Folklore Americas, 26-2, 1966, p. 1-29. Voir aussi Jean-François Botrel, « Littérature et imprimés de cordel dans la péninsule Ibérique », in R. Lemaire et A. Moreau (dir.), Des conquêtes de Charlemagne au Brésil. Le Moyen Âge européen dans la littérature populaire brésilienne, Poitiers, Médiathèque François Mitterand, 2000, p. 21-29 ; Rafael M. Mérida Jiménez, « Los libros de caballerías en América : huellas culturales y cultura impresa (1492-1516) », Tirant : Butlletí informatiu i bibliografic, 10, 2007, http://hdl.handle.net/10459.1/46930.

21 Dans son Historia verdadera de la conquista de la Nueva España (chap. 174) achevée vers 1575, Bernal Díaz del Castillo mentionne la tenue d’un combat simulé entre Maures et chrétiens pour divertir les hommes de Hernán Cortés pendant leur avancée vers le Nicaragua en 1524-1525. La plus ancienne description minutieuse, non publiée, d’une telle mise en scène remonte cependant au voyage de Vasco de Gama le long de la côte caribéenne en 1532 (Heather J. Paudler, « La Danza Bugabita: The History and Performance of Los Moros y Cristianos from Spain to the Municipality of Bugaba, Panamá », thèse de doctorat, Florida State University, 2015, p. 77-78). La représentation de La conquista de Jerusalén (1538) à Tlaxcala est considérée comme la première festivité de ce type organisée sous la coupe de missionnaires. Voir notamment Robert Ricard, « Contribution à l’étude des fêtes de ‘moros y cristianos’ au Mexique », Journal de la société des américanistes, 24-1, 1932, p. 51-84.

22 Nicolás Cushner, « Las fiestas de ‘Moros y Cristianos’ en las Islas Filipinas », Revista de Historia de América, 52, 1961, p. 518-520 ; Isaac Donoso Jiménez, « El Renacimiento europeo en la formación de la literatura clásica de Filipinas », eHumanista, 19, 2011, p. 407-425.

23 Joly Puthussery, « Chavittanātakam: Music-Drama in Kerala », Comparative Drama, 37-3/4, 2003-2004, p. 321-341 ; Gilles Tarabout, « Charlemagne en pays malabar. Enjeux locaux », in C. Cazanave (dir.), no spécial « Mémoire épique et Génie du lieu », Bien dire et bien aprandre, hors-série 2, 2017, p. 317-328.

24 Josie Espinoza de Luján, « Los Moros y Cristianos »: A Spectacular Historical Drama, Chimayó, New Mexico Quincentenary Commission, 1992 ; Max Harris, « The Arrival of the Europeans: Folk Dramatizations of Conquest and Conversion in New Mexico », Comparative Drama, 28-1, 1994, p. 141-165.

25 Arturo Warman Gryj, La danza de Moros y Cristianos, Mexico, Secretaria de educación pública, 1972 ; Héctor A. Pinto, Moros y cristianos en Chiquimula de la Sierra, Guatemala, Departamento de arte folklórico nacional, 1983 ; Fernando Horcasitas, « El reto de caballería de los reyes moros », Indiana, 9, 1984, p. 59-68 ; Gisela Beutler, « Algunas observaciones sobre los textos de ‘Moros y Cristianos’ en México y Centroamérica », in D. Kossoff (dir.), Actas del octavo Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas (Brown University, Providence Rhode Island, 22-27 agosto 1983), Madrid, Ediciones Istmo, 1986, p. 221-233 ; Carlos R. García Escobar, El Español : danzas de moros y cristianos en Guatemala, Guatemala, Ministerio de cultura y deportes, 1990.

26 Marcel Bataillon, « Por un inventario de las fiestas de moros y cristianos : otro toque de atención », Mar del Sur, 3-8, 1949, p. 1-8 ; María Angélica Ruiz, « Doce pares de Francis en el Ande peruano », Folklore americano, 16, 1969-1970, p. 211-229 ; Rogger Ravines, « ‘Moros y Cristianos’ : espectáculo tradicional religioso de San Lucas de Colán, Piura », Boletín de Lima, 56, 1988, p. 41-52 ; Bernardino Ramírez Bautista, « Danza de moros y cristianos en Huamantanga (canta). Tradición y teatro popular en la sierra de Lima », Anthropologica, 19, 2001, p. 195-210 ; Martha Chávez Lazarte, « Danza de Moros y Cristianos. Una supervivencia cultural en el valle de Nepeña », in XIII Congreso peruano del hombre y la cultura andina (Lima, 30 de Julio-5 de Agosto 2001), t. 1, Lima, Universidad nacional Federico Villarreal, 2003, p. 62-72 ; Milena Cáceres Valderrama, La fiesta de moros y cristianos en el Perú, Lima, Pontificia universidad católica del Perú, 2005 ; Luis Cajavilca Navarro, « Ceremonias y teatro medieval en el Perú contemporáneo », Investigaciones sociales, 18-33, 2014, p. 155-166.

27 Humberto Olea Montero, « La ‘historia de Carlo Magno’ en el desarrollo del romancero a la décima espinela », Revista chilena de literatura, 78, 2011, https://revistaliteratura.uchile.cl/index.php/RCL/article/view/11021.

28 Robert Ricard, « Maures et Chrétiens au Brésil », Bulletin hispanique, 51-3, 1949, p. 334-338 ; Marlyse Meyer, « Charlemagne, roi du Congo. Notes sur la présence carolingienne dans la culture populaire brésilienne », Cahiers du Brésil contemporain, 5, 1988, p. 59-76 ; José Rivair Macedo, « Mouros e cristãos : a ritualização da conquista no velho e no Novo Mundo », Bucema, in E. Magnani (dir.), no spécial « Le Moyen Âge vu d’ailleurs », hors-série 2, 2008, https://doi.org/10.4000/cem.8632 ; Kevin Dawson, « Moros e Christianos Ritualized Naval Battles: Baptizing American Waters with African Spiritual Meaning », in C. Fromont (dir.), Afro-Catholic Festivals in the Americas: Performance, Representation, and the Making of Black Atlantic Tradition, University Park, Pennsylvania State University Press, 2019, p. 42-58.

29 Les avis divergent sur l’origine de ce théâtre populaire qui est une adaptation de l’Auto da Floripès. Pour certains auteurs, son importation remonte au xvie siècle, avec l’arrivée des maîtres sucriers de Madère. Pour d’autres, elle date du xixe siècle, lorsque des éditions bon marché du cycle carolingien furent diffusées en masse à São Tomé-et-Principe. Voir Françoise Gründ, « Le tchiloli de São Tomé (inventer un territoire pour exister) », in La scène et la terre. Questions d’ethnoscénologie I, Paris, Babel, 1996, p. 159-176 ; Caroline Shaw, « Oral Literature and Popular Culture in Cape Verde and in São Tomé and Príncipe », in P. Chabal et al. (dir.), The Postcolonial Literature of Lusophone Africa, Evanston, Northwestern University Press, 1996, p. 248-273 ; Paulo Valverde, « Carlos Magno e as artes da morte : estudo sobre o Tchiloli da ihla de São Tomé », Etnográfica, 2-2, 1998, p. 221-250.

30 Mercedes Díaz Roig, « La danza de la Conquista », Nueva revista de filología hispánica, 32-1, 1983, p. 176-195 ; Jeffrey H. Cohen, « Danza de la Pluma: Symbols of Submission and Separation in a Mexican Fiesta », Anthropological Quarterly, 66-3, 1993, p. 149-158 ; Demetrio Brisset, « Cortés derrotado : la visión indígena de la conquista », in J. Jáuregui et C. Bonfiglioli (dir.), Las danzas de conquista, vol. 1, México contemporáneo, Mexico, Fondo de cultura económica, 1996, p. 69-90 ; Max Harris, Aztecs, Moors and Christians: Festivals of Reconquest in Mexico and Spain, Austin, University of Texas Press, 2000 ; Barbara Bode, « The Dance of the Conquest of Guatemala », in M. Harrison et R. Wauchope (dir.), The Native Theater in Middle America, New Orleans, Middle American Research Institute/Tulane University of Louisiana, 1961, p. 203-298.

31 Il existe une littérature considérable sur les enjeux idéologiques, politiques et doctrinaux des fêtes baroques dans le monde hispanique. Les principales références qui touchent à notre propos sont citées ci-après. Pour un aperçu historiographique plus exhaustif, voir Santiago Martínez Hernández, « Cultura festiva y poder en la monarquía hispánica y su mundo. Convergencias historiográficas y perspectivas de análisis », Studia historica. Historia moderna, 31, 2009, p. 127-152.

32 Pour un aperçu des travaux sur ce thème, voir Patricio Hidalgo Nuchera, « De cortes y fiestas cortesanas en la América hispana : una aproximación bibliográfica », Libros de la Corte, 16, 2018, p. 26-85.

33 Casta est une catégorie coloniale qui désigne les individus issus de différents métissages.

34 Solange Alberro, « Modèles et modalités : les fêtes vice-royales au Mexique et au Pérou, xvie-xviie siècle », Annales HSS, 62-3, 2007, p. 607-635.

35 Iain Fenlon, « Lepanto and the Arts of Celebration », History Today, 45-9, 1995, p. 24-30 ; Carlo Campana et Marie Viallon, « Les célébrations de la victoire de Lépante », in M.-F. Viallon (dir.), La fête au xvie siècle. Actes du X e colloque du Puy-en-Velay (octobre 2002), Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2003, p. 55-78 ; Víctor Mínguez, « Lepanto en los virreinatos americanos », in R. López Guzmán et al. (dir.), América : cultura visual y relaciones artísticas, Grenade, Universidad de Granada, 2015, p. 175-182.

36 José López de Toro, « Lepanto en América. Relación de las fiestas que se hicieron en la ciudad del Cuzco por la nueva de la batalla naval », Cuadernos Hispanoamericanos, 10, 1949, p. 93-102.

37 Hernán Taboada, La sombra del Islam en la conquista de América, Mexico, Universidad nacional autónoma de Mexico, 2004 ; Ramón Mujica Pinilla, « Apuntes sobre moros y turcos en el imaginario andino virreinal », Anuario de historia de la Iglesia, 16, 2007, p. 169-179 ; Lucila Iglesias, « Moros en la costa (del Pacífico). Imágenes e ideas sobre el Musulmán en el virreinato del Perú », Diálogo andino, 45, 2014, p. 5-15.

38 Inca Garcilaso de la Vega, Historia general del Perú, Cordoba, por la viuda de Andres Barrera, 1617, vol. 2, chap 25, p. 180.

39 Rafael Heliodoro Valle (Santiago en América, Mexico, Editorial Santiago, 1946) conçut la désignation de Santiago mataindio pour décrire la figure de saint Jacques terrassant les Indiens. De nombreuses études lui sont désormais consacrées qui mettent en relief les adaptations de cette représentation à travers le temps et l’espace. Voir Emilio Choy, De Santiago matamoros a Santiago mata-indios, Lima, CIP, 1958 ; Teresa Gisbert, Iconografía y mitos indígenas en el arte, La Paz, Gisbert, 1980, p. 196-199 ; Javier Domínguez García, « Santiago Mata : la continuación de un discurso medieval en la Nueva España », Nueva revista de filología hispánica, 54-1, 2006, p. 33-56.

40 Tom R. Zuidema, « Batallas rituales en el Cuzco colonial », in R. Thiercelin (dir.), Andes et Meso-Amérique. Cultures et sociétés. Études en hommage à Pierre Duviols, t. 2, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1991, p. 811-834 ; Berta Ares Queija, « Representaciones dramáticas de la conquista : el pasado al servicio del presente », Revista de Indias, 52-195/196, 1992, p. 231-250 ; Carolyn Dean, Inka Bodies and the Body of Christ: Corpus Christi in Colonial Cuzco, Peru, Durham, Duke University Press, 2003, p. 40-44. Contrairement à ce qu’affirme Bartolomé Martínez Arzans de Orsúa y Vela dans sa chronique tardive (Historia de la Villa imperial de Potosí, 1705-1736), la première mise en scène de la capture d’Atahualpa n’eut probablement pas lieu en 1555. Dans ce témoignage de seconde main, l’auteur affirme que les pouvoirs civils de Potosí organisèrent une série de comedias en l’honneur de saint Jacques et de l’Immaculée Conception qui relataient l’histoire de la dynastie inca. Le dernier tableau aurait figuré la capture, puis l’exécution du dernier souverain inca par les Espagnols. L’analyse de cette œuvre montre que les scènes décrites correspondent plus vraisemblablement à un genre et une scénographie plus tardifs ; voir Pierre Duviols « Las representaciones andinas de ‘La muerte de Atahualpa’. Sus orígenes culturales y sus fuentes », in K. Kohut et S. Rose (dir.), La formación de la cultura virreinal, vol. 1, La etapa inicial, Francfort-sur-le-Main/Madrid, Vervuert/Iberoamericana, 2000, p. 213-248.

41 Amédée François Frézier, Relation du voyage de la mer du Sud aux côtes du Chily et du Pérou, fait pendant les années 1712, 1713 & 1714, Paris, Chez Jean-Geoffroy Nyon et al., 1716, p. 249.

42 Pablo Ortemberg, Rituels du pouvoir à Lima. De la Monarchie à la République (1735-1828), Paris, Éd. de l’EHESS, 2012.

43 Karine Périssat, « Les festivités dynastiques à Lima : la célébration d’une histoire locale », Caravelle, 73, 1999, p. 71-93.

44 Jaime Valenzuela Márquez, « Les voies persuasives du politique. Pivots et enjeux des fêtes du pouvoir dans l’Amérique espagnole coloniale : le cas de Santiago du Chili (xviie-xviiie siècles) », Genèses, 3-72, 2008, p. 82-101.

45 Thierry Saignes, « ¿Es posible una historia ‘chola’ del Perú ? Acerca del Nacimiento de una utopía de Manuel Burga », Allpanchis, 22-35/36, 1990, p. 635-657, ici p. 640.

46 Les « doctrines » ou « paroisses » d’Indiens étaient le résultat d’une politique de regroupement des populations autochtones originellement dispersées pour faciliter leur évangélisation.

47 Contrairement à ce qui a été avancé par Manuel Burga (Nacimiento de una utopía. Muerte y resurección de los Incas, Lima, Instituto de apoyo agrario, 1988), le procès pour idolâtrie du cacique de Mangas n’a pas visé le simulacre de combat entre Incas et Espagnols. Au contraire, il lui a été reproché des actes de déviance rituelle (soûleries, consommation de coca, danses païennes) et de vénération d’idoles. Sa défense prouve bien que l’affrontement entre Incas et Espagnols était considéré comme une célébration du catholicisme triomphant. Pour la retranscription du procès-verbal, voir « Causa de ydolatría contra los yndios echiseros del pueblo de señor San Francisco de Mangas, 9 de agosto-21 de octubre de 1662 », in P. Duviols (éd.), Procesos y visitas de idolatrías. Cajatambo, siglo xvii, Lima, Institut français d’études andines, 2003, p. 579-656.

48 En milieu rural, les « réductions » étaient des regroupements forcés de populations natives dans des villages gérés par des autorités indigènes dont les fonctions consistaient à faciliter le recouvrement du tribut colonial et la mobilisation de la main-d’œuvre.

49 Nelson Manrique, Yawar Mayu, sociedades terratenientes serranas, 1879-1910, Lima, Institut français d’études andines, 1988, p. 44-45.

50 Ibid., p. 45.

51 P. Ortemberg, Rituels du pouvoir à Lima, op. cit., p. 110 sq.

52 Une littérature grandissante fait état du rôle central joué par les femmes mariées, célibataires ou veuves dans la confrérie coloniale, « seule institution où les femmes indigènes étaient admises et où elles pouvaient exercer une certaine influence » : Paul Charney, « A Sense of Belonging: Colonial Indian Cofradías and Ethnicity in the Valley of Lima, Peru », The Americas, 54-3, 1998, p. 379-407, ici p. 393. Voir aussi Luis Rodríguez Toledo, « ‘Hermanas 24 y mayordomas’ : la participación femenina en las cofradías de prestigio de Lima, siglo xviii », Revista del archivo general de la nación, 2019, 34-1, p. 101-124.

53 Olinda Celestino et Albert Meyers, « La dinámica socio-económica del patrimonio cofradial en el Perú colonial : Jauja en el siglo xvii », Revista española de antropología americana, 11, 1981, p. 183-206 ; Olinda Celestino, « Les confréries religieuses à Lima », Archives de sciences sociales des religions, 80, 1992, p. 167-191 ; Beatriz Garland Ponce, « Las cofradías en Lima durante la colonia. Una primera aproximación », in G. Ramos (dir.), La venida del reino. Religión, evangelización y cultura en América, siglos xvi- xx, Cuzco, Centro de estudios regionales andinos Bartolomé de las Casas, 1994, p. 199-228 ; Walter Vega, « Cofradías en el Perú colonial : una aproximación bibliográfica », Diálogos, 1, 1999, p. 137-152.

54 Dans la première moitié du xixe siècle, le gouvernement péruvien s’inspire de la politique libérale espagnole pour mettre en place un processus connu sous le nom de « désamortissement », consistant en la vente publique des terres et des biens improductifs majoritairement détenus par l’Église, les ordres religieux, les confréries et, dans une moindre mesure, les municipalités. Il s’agissait d’élargir le marché foncier, tout en augmentant la productivité agricole, et de renflouer les caisses de l’État.

55 Il y a 50 ans, Fernando Fuenzalida Vollmar (« La matriz colonial de la comunidad de indígenas peruana : una hipótesis de trabajo », Revista del museo nacional, 35, 1979, p. 92-123) suggérait déjà que les structures de la communauté indigène traditionnelle dérivaient du système des confréries et de l’institution du cabildo, tous deux d’origine péninsulaire.

56 Alejandro Diez Hurtado, « Charges religieuses, confréries et organisation politique dans la longue durée. Agents et pouvoir aux villages de Catacaos et Sechura (Pérou) », in A. Ariel de Vidas (dir.), Pour une histoire souterraine des Amériques. Jeux de mémoires – Enjeux d’identité. Mélanges offerts à Nathan Wachtel, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 197-221.

57 Cette interprétation ne m’a été communiquée qu’une seule fois par l’un de mes interlocuteurs qui était particulièrement enthousiaste de partager son savoir de la fête. Connaissant l’objet de ma recherche, il venait me retrouver au milieu de la foule pour commenter la scène qui se déroulait devant nous. Les autres informations ont été glanées au fil de discussions informelles au gré de rencontres quotidiennes et de moments de convivialité.

58 Pour une présentation de cette littérature andiniste, voir Alejandro Diez Hurtado, « Los sistemas de cargos religiosos y sus transformaciones », in M. Marzal (dir.), Religiones andinas, Madrid, Ed. Trotta, 2005, p. 253-286.

59 La conflictualité n’est pas absente de ces échanges et les quémandeurs doivent s’armer de patience pour négocier avec diplomatie. Certaines demandes de prêt ou d’apport matériel peuvent être considérées comme déplacées. Il arrive qu’elles soient rejetées pour des raisons personnelles (relation trop éloignée, conflit familial, etc.) ou condamnées ouvertement pour leur coût. Ces tractations sont secrètes, sauf pour celles qui concernent les objets de peu de valeur, et tous les biens et sommes concédés sont enregistrés dans un cahier de comptes que chaque fonctionnaire conserve individuellement.

60 A. Diez Hurtado, « Charges religieuses… », art. cit.

61 Parmi les nouvelles religions identifiées en 2017 à Chiquián se trouvaient les Témoins de Jéhovah, la Asociación Evangélica de la Misión Israelita del Nuevo Pacto Universal (AEMINPU) et l’Église adventiste du septième jour (IASD).

62 Román Robles Mendoza, « Las iglesias andinas : huellas de la cristianización y religiosidad popular », Revista de antropología, 3-3, 2005, p. 103-162, ici p. 140-141.

63 Id., « Efectos de la minería moderna en tres regiones del Perú », Revista de antropología, 1-1, 2003, p. 31-70.

64 Entre les années 1980 et 2000, le mouvement d’inspiration maoïste connu sous le nom de Sentier lumineux mena une lutte armée contre l’État péruvien afin de « libérer » les masses paysannes de l’oppression des dominants. Les actions de la guérilla et la répression des forces gouvernementales firent approximativement 70 000 victimes, pour la plupart issues des communautés andines quechuaphones. Voir V. Robin Azevedo, Sur les sentiers de la vilence, op. cit.

65 Isabel Yaya McKenzie, « Une histoire de la violence. La reconstitution ritualisée de la capture de l’Inca dans les Andes centrales », Ethnologie française, 49-3, 2019, p. 493-506, ici p. 502.

66 Juvenal Casaverde, « Santos, cargos religiosos y procesos sociales », Revista del museo nacional, 45, 1981, p. 291-310.

67 Lima, Archivo arzobispal (ci-après AAL), cofradías, leg. 46, exp. 2, 1622 ; AAL, cofradías, leg. 46, exp. 34-35, 1685 ; Huacho, Archivo del opispado (ci-après AOH), cofradías, leg. 2, exp. 22, 1672-74 ; AOH, cofradías, leg. 3, exp. 1, 1685.

68 Ramón Mujica Puntilla, Rosa limensis. Mística, política e iconografía en torno a la patrona de América, Mexico, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos/Institut français d’études andines/Fondo de cultura económica, 2004, 10.4000/books.cemca.2303 ; Ismael Jiménez Jiménez, « Las cofradías de indígenas de Santa Rosa. Fundaciones y propagación en la archidiócesis de Lima durante la década de 1670 », Temas americanistas, 39, 2017, p. 146-182.

69 Le livre des actes en usage actuellement remonte aux années 1990, car les registres plus anciens ont disparu dans des circonstances obscures.

70 Román Robles Mendoza, « Representaciones de la memoria en los eventos festivos andinos », Investigaciones sociales, 19-35, 2015, p. 11-30, ici p. 21-22.

71 D. Brisset, « Cortés derrotado », art. cit. ; Max Harris, « The Return of Moctezuma: Oaxaca’s ‘Danza de la Pluma’ and New Mexico’s ‘Danza de los Matachines’ », The Drama Review, 41-1, 1997, p. 106-137.

72 Julien Bonhomme, « L’art de la dérobade. Innovations rituelles et pouvoir colonial en Afrique centrale », Cahiers d’études africaines, 228, 2017, p. 951-972, ici p. 964. Voir aussi id., « Masque Chirac et danse de Gaulle. Images rituelles du Blanc au Gabon », Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, 11, 2010, p. 80-99.

73 R. Robles Mendoza, « Las iglesias andinas », art. cit., p. 140.

74 Nathan Wachtel, Paradis du Nouveau Monde, Paris, Fayard, 2019, p. 164.

75 M. Houseman et C. Severi, Naven ou Le donner à voir, op. cit.

76 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale II, Paris, Plon, 1973, p. 42.

77 Rory Turner, « Bloodless Battles: The Civil War Reenacted », The Drama Review, 34-4, 1990, p. 123-136 ; Mark Auslander, « Touching the Past: Materializing Time in Traumatic ‘Living History’ Reenactments », Signs and Society, 1-1, 2013, p. 161-183 ; Audrey Tueillon Demésy, « ‘Passer’ un costume pour se glisser dans le passé. Savoir-faire et apparence corporelle en reconstitution historique », Ethnologies, 40-1, 2018, p. 27-48. Sur la dimension affective du rituel, voir Marika Moisseeff et Michael Houseman, « L’orchestration rituelle du partage des émotions et ses ressorts interactionnels », in L. Kaufmann et L. Quéré (dir.), Les émotions collectives. En quête d’un « objet » impossible, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020, p. 133-168.

78 Sur la notion de régime d’historicité, voir François Hartog et Gerard Lenclud, « Régimes d’historicité », in A. Dutu et N. Dodille (dir.), L’état des lieux des sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 18-38 ; François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Éd. du Seuil, 2003. Pour un commentaire critique de la notion, voir Ludivine Bantigny, « Historicité du xxe siècle. Quelques jalons sur une notion », Vingtième siècle. Revue d’Histoire, 117, 2013, p. 13-25.

79 I. Yaya McKenzie, « Une histoire de la violence », art. cit., p. 497.

80 Ibid.