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A l'extrémité de l'islam médiéval élites urbaines et islamisation en Algarve

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Manuela Marín*
Affiliation:
CSIC, Madrid

Extract

Le sud du Portugal, aujourd'hui connu sous le nom d'Algarve (« l'occident », en arabe) a été, depuis le 8e jusqu'au 13e siècle, l'une des extrémités du monde de l'Islam médiéval. Au-delà de cette partie de la péninsule Ibérique, l'océan seul s'étendait, mer des ténèbres mystérieuses qui signalait la fin des terres connues. Marginale par sa situation géographique et placée dans les limites occidentales du territoire (la dār al-Islām), cette région n'était cependant pas isolée des mouvements qui marquèrent la création et le développement des sociétés islamiques du Moyen Age dans cette partie de l'Europe. Dans les pages qui suivent, je veux essayer de retracer l'histoire du processus par lequel cette partie du monde devint islamique et acquit des signes d'identité musulmane ; autrement dit, comment une société médiévale, située aux confins du monde conquis par les armées de l'Islam, put s'insérer dans le système idéologique importé par un pouvoir politique étranger et avec une vocation universelle.

Summary

Summary

The article analyses the islamization of the extreme Western region in the lberian Peninsula (the Algarve). This process, while following the general trends of the whole of the history of al-Andalus, presents certain peculiarities, among them a late development (by the second half of the 4th/10th century) of the scholarly activities of the “ulamā”. Reasons for this late appearance are proposed, through an examination of Arabie sources which shows the establishment of Arab cultural models prior to the process of islamization itself. Finally, attention is given to the role played by the “ulamā” in shaping the Islamic character of society. As members of urban élites, scholars in the Algarve established their own family networks (mainly of non Arab origin), played an active rôle in local politics and, in a significant number of cases, displayed life styles of extreme asceticism.

Type
L'Invention D'Une Tradition
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1998

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References

Notes

1. Je résume ici une partie de la conférence prononcée par Mme Helena Catarino, archéologue à l'Université de Lisbonne, à la Casa de Velázquez (Madrid), le 20 février 1995.

2. Lévi-Provençal, E., « La “ Description de l'Espagne ” d'Ahmad al-Rāzī. Essai de reconstitution de l'original arabe et traduction française », Al-Andalus, XVIII, 1953, p. 91 Google Scholar.

3. Al-Idrīsī, Nuzha, R. Dozy éd. et trad., Leyde, 1866, pp. 175-211.

4. Idem, pp. 179-180-217.

5. Sur les Yéménites dans al-Andalus, cf. Al-Wasif, M. F., « La inmigración de árabes yemeníes a al-Andalus desde la conquista islámica (92/711) hasta fines del siglo II/VIII », Anaquel de Estudios Arabes, I, 1990, pp. 203219 Google Scholar.

6. Al-Qazwīnī, Āthār al-bilād, F. Wüstenfeld éd., Göttingen, 1849, p. 364. Ce texte est aussi reproduit par Yāqāt et al-Himyarī.

7. Les fouilles archéologiques du château de Silves font penser aussi à une arabisation très ancienne, cf. R. V. Gomes, « Cerâmicas Muçulmanas do castelo de Silves », Xelb, 1, 1988.

8. Voir à ce propos M. Fierro et M. Marin, « La islamización de las ciudades andalusíes a través de sus ulémas (ss. II/VIII-comienzos s. IV/X) », communication présentée au colloque Las ciudades islámicas en la Alta Edad Media (Grenade, novembre 1995 ; les actes sont sous presse à Madrid).

9. C'est le cas de Guadalajara, voir à ce propos Marín, M., « Ulemas en la Marca Media », Estudios Onomástico-Biográficos de al-Andalus, VII, Madrid, 1995, pp. 203230 Google Scholar. Comparer avec Bulliet, R. W., Islam: the View front the Edge, New York, 1994, pp. 4566 Google Scholar.

10. Ibn Al-Abbār, Takmila, ‘I. Al-ฤusaynī éd., Le Caire, 1955, n° 953 ; Al-Marrákushī, al-Dhayl wa-l-takmila, VI, I. ‘Abbās éd., Beyrouth, 1973, n° 272 ; Al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, I. ‘Abbās éd., Beyrouth, 1968, II, p. 514.

11. Ibn Ḥārith Al-Khushanī, Akhbār al-fuqahā’ wa-l-muhaddithīn, Ma L. Ávila et L. Molina éds, Madrid, 1992, n° 188 ; Ibn Al-Faradī, Ta'rīkh ‘ulamā’ al-Andalus, F. Codera éd., Madrid, 1891-1892, n° 449 et 1224 ; Qādī ‘Iyād, Tartīb al-madārik, V, Rabat, s.d., pp. 161-162 et VI, Rabat, 1981, pp. 85-86 et 307.

12. M. Fierro et M. Marin, article cité dans la note 8.

13. Le nombre des disciples d'Ibn Waḍḍāḥ est le plus élevé parmi les maîtres de sa génération (cf. M. Marín, « La transmisión del saber en al-Andalus », Al-Qantara, VIII, 1987, pp. 87-97). Sur Ibn Waḍḍāḥ, voir surtout l'étude de M. Fierro dans son édition de l'ouvrage d'Ibn Waḍḍāḥ, Kitāb al-bida‘, Madrid, 1988.

14. Cf. M. Fierro, « The qāḍī as ruler », dans Saber religioso y poder político en el Islam, Madrid, 1994, pp. 71-116.

15. Cf. Viguera, M. J., Los reinos de taifas y las invasiones magrebíes, Madrid, 1992, pp. 149151 Google Scholar.

16. M. Fierro, « The qāḍī as ruler », art. cité, p. 82.

17. Voir Fierro, M., « Árabes, beréberes, muladíes y mawālī. Algunas consideraciones sobre los datos de los diccionarios biográficos andalusíes », Estudios Onomástico-Biográficos de al-Andalus, VII, Madrid, 1995, pp. 4154 Google Scholar.

18. Ibid.,p.43.

19. Sur la vie mouvementée d'Ibn ‘Ammār, cf. Ibn Bassām, Al-Dhakhīra fī maḥāsin ahl al-Djazīra, I. ‘Abbās éd., Beyrouth, 1979, II, p. 368 ss ; Ibn Saīd, Al-Mughrib fī hulā l-Magrib, SH. Dayf éd., Le Caire, 1953-1955,1, pp. 389-391 ; Ibn Al-Abbār, Al-Ḥulla al-siyarā’ H. Mu'nis éd., Le Caire, 1963, II, pp. 131-165. Un bon résumé dans Ch. Pellat, E.l.2, s.v.

20. Cité par E. Terés, « Linajes árabes en al-Andalus segùn la Ŷamhara de Ibn Ḥazm », Al-Andalus, XXII, 1957, p. 364.

21. Ibn Al-Abbār, Takmila, M. Alarćon éd., Madrid, 1915, n° 2754 ; Ibn Al-Zubayr, Ṣilat al-Ṣila, ‘A. S. Al-Harrās éd., Rabat, 1993, n° 40.

22. Sur les familles de savants en al-Andalus, cf. Estudios Onomástico-Biográficos de al-Andalus, vol. V, Madrid, 1992.

23. Cf. Ávila, M. L., « Cargos hereditarios en la administración religiosa y judicial de al-Andalus », dans Saber religioso y poder polûico en el Islam, Madrid, 1994, pp. 2737 Google Scholar.

24. Voir sa biographie (sous le nom de Muhammad b. Isḥāq) chez Ibn Al-Abbār, Takmila, F. Codera éd., Madrid, 1887-1889, n° 522 ; Ibn Sa‘ĪD, Al-Mugrib, I, n° 273 ; Ibn Bassām, Al-Dhajīra, III, p. 452 ss. Dans Ibn Al-Abbār, Takmila, éd. Le Caire, n° 1153, on trouve le nom de Muhammad b. ‘Abd al-Raḥmān.

25. Ibn Bashkuwāl, Al-Ṣila, ‘ I. Al ‘Aṭṭār, Le Caire, 1955, n° 142.

26. Ibidem, n° 1245.

27. Ibn Al-Abbār, Takmila, éd. Le Caire, n° 1377. La biographie de son frère Ghālib dans al-Marrākushī, Al-Dhayl, V, I. ‘Abbās éd., Beyrouth, 1965, n°981.

28. Ibn Al-Abbār, Takmila, éd. Le Caire, n°2031 ; le même, Al-Mu'djam fī aṣḥāb al-qāḍi al-imām Abī ‘Alī al-Ṣadafī, F. Codera éd., Madrid, 1885, n° 203 ; Al-Maqqarī, Nafḥ, II. p. 650, reproduit les informations de la Takmila, mais il l'appelle Muḥammad au lieu de ‘Abd Allāh.

29. Voir, sur la révolte de Cordoue en 515/1121, J. Bosch Vilā, LOS Almorávides, Grenade. 1990, p. 197.

30. Je résume ici une partie des résultats de la thèse de doctorat soutenue par Rashid El Hour à l'Université Autónoma de Madrid (1996) sur l'organisation judiciaire à l'époque almoravide.

31. Voir à ce propos la révision historique et historiographique de Manuel Acién Almansa, Entre et feudalismo y el Islam. ‘Umar b. Ḥafṣūn en los historiadores, en las fuentes y en la historia, Jaén, 1994.

32. Comme le fait A. Sidarus dans « Novos dados sobre Ibn Qasi de Silves e as Taifas almorávidas no Gharb al-Andalus », I Jornadas de Silves, Silves, 1992, pp. 35-40.

33. Cf. Borges, A.G., « Ibn Qasi, rei de Mértola e mahdi luso-muçulmano », Arqueología medieval, I, 1992, pp. 209215 Google Scholar.

34. Voir aussi Lagardère, V., «La Tarīqa et la révolte des murīdūn en 539 H/1144 en Andalus », Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée, 35, 1983, pp. 157170 CrossRefGoogle Scholar.

35. Celle de D. R. Goodrich, A Ṣūfī Revolt in Portugal: Ibn Qasī and his Kitāb Khal‘ al-na'layn, Columbia University, 1978, et celle de J. Dreher, auteur d'un article où il présente ses conclusions, « L'imāmat d'Ibn Qasī à Mértola (automne 1144-été 1145). Légitimité d'une domination sourie ? », MIDEO, XVIII, 1988, pp. 195-209. M. Fierro, dans « Mahdisme et eschatologie en al-Andalus », A. Kaddouri éd., Mahdisme : crise et changements dans l'hisunre du Maroc, Rabat, 1994, note 66, signale une troisième thèse sur le même sujet.

36. Ce fut le père P. Nwyia qui le premier s'occupa de la correspondance entre Ibn al-‘Arīf e Ibn Qasī, dans son article « Rasā'il Ibn al-‘Arīf ilā aṣḥāb thawrat al-murīdīn fī I-Andalus », Al-Abḥāth, 27, 1978-79, pp. 43-56, dans lequel il publia des fragments du ms. 1562 de la Bibliothèque Royale de Rabat. ‘I. Dandash a publié récemment le texte complet : Ibn Al-‘Arīf, Miftāḥ al-sa‘āda wa-taḥqīq ṭarīq al-sa‘āda, Beyrouth, 1993.

37. Voir, cependant, l'opinion de Dominique Urvoy dans Pensers d'al-Andalus, Toulouse, 1990, p. 163.

38. Ce qui ne veut pas dire, forcément, qu'il était un chrétien converti à l'Islam, mais plutôt qu'un de ses ancêtres s’était converti.

39. Voir des cas similaires dans mon article « Zuhhād de al-Andalus (300/912-420/1029) ». Al-Qantara, XII, 1991, p. 444.

40. Ibn Al-Abbār, Al-Ḥulla, op. cit., II, p. 197.

41. Ibn Al-Khaṭīb, Kitāb A‘māl al-a‘lām fī man būyṫ‘a qabl al-iḥtilâm, E. Lévi-Provbnçal. éd., Beyrouth, 1956, p. 286.

42. Ibn Khaldūn, Al-Muqaddima, KH. Shaḥḥāda et S. Zakkār éd., Beyrouth, 1981, p. 199; trad. V. Monteil, I, Beyrouth, 1967, p. 312.

43. D. et M.-Th. Urvoy, « Les thèmes chrétiens chez Ibn Sab‘īn et la question de la spécifité de sa pensée », Studia Islamica, XLIV, 1976, pp. 99-121, spécialement p. 100.

44. Ibn Al-Abbār, Ḥuila, II, p. 202 s.

45. Cf. M. García-Arenal, « La práctica del precepto de al-amr bi-l-ma‘rūf wa-l-nahy ‘an al-munkar en la hagiografía magrebí », Al-Qanṭara, XIII, 1992, pp. 143-165 et les études réunies par A. Kaddouri dans Mahdisme : crise et changement dans l'histoire du Maroc, Rabat. 1994.

46. Voir A. Sidarus, op. cit., p. 35.

47. M. Fierro, « Mahdisme et eschatologie… », p. 60. De son côté, H. Mu'nis, dans « Nuṣūṣ siyāsīya ‘an fitrat al-intiqāl min al-Murābiṭīn ilā I-Muwaḥḥidīn », Revista del Instituto Egipcio de Estudios Islāmicos, III, 1955, p. 101, explique la révolte d'Ibn Qasī et ses adhérents uniquement par le désir de s'emparer du pouvoir et néglige leurs motivations religieuses.

48. Ḥuila, I, p. 197 ss. Pour cette biographie, Ibn al-Abbār a pu utiliser la Thawrat almuridīn (aujourd'hui perdue) d'Ibn Ṣāhib al-Ṣalāt, contemporain des événements. Il connaissait sans doute ce texte, qu'il cite dans la Ḥuila (voir M. Meouak, «Al-Ḥulla al-siyarā’ d'Ibn al-Abbār : sources écrites et données historiques », dans Ibn al-Abbar, politic i escriptor àrab valencià. Valence, 1990, pp. 251-266, spécialement p. 255).

49. A ‘māl, pp. 286 et 288.

50. Cf. J. Dreher, op. cit., qui présente un résumé du contenu du Khal‘ al-na‘layn.

51. Cf. J. R. Marinho, « Moedas de Ahmad ibn Qasī batidas em Silves », O Arqueólogo Português, IV, 1985, pp. 177-196 ; M. T. Antunes et A. Sidarus, « Mais um quirate cunhado cm Beja em nome de Ibn Qasi et Abu Talib al-Zuhri (Alcaria Longa — Baixo Alentejo) », Arqueología medieval, 2, 1993, pp. 221-223.

52. Voir Rodríguez Lorente, J. J., Numismática de la Murcia musulmana, Madrid, 1984, n” 38Google Scholar.

53. Cf. W. Madelung, Ḳā'im, E.I.2, s.v.

54. Cf. A. G. Borges, « Ibn Qasi ».

55. Ibn Al-Zubayr, Ṣilat al-Ṣila, ‘A. S. Al-Harrās, n°201 ; Ibn Al-Abbār, Takmila, F. Codera éd., n“1870; Al-Marrākushī, Dhayl, V, n°415; Ibn Zayyāt Al-Tādilī, Al-Tashawwuf ilā ridjāl al-taṣawwuf, A. Al Tanfīq éd., Rabat, 1984, n° 81.

56. Voir M. Ibn Khalīfa, A ‘lām al-Qasr al-Kabīr, Al-Qasr al-Kabīr, 1994, pp. 3-7.

57. Voir Berkey, J. P., « Tradition, innovation and the social construction of knowledge in the Médiéval Islamic Near East », Past and Présent, 146, 1995, pp. 3865 (spécialement p. 58)CrossRefGoogle Scholar.

58. Ibn Al-Zubayr, Ṣilat al-Ṣila, ‘A. S. Al-Harrās éd., n° 43.

59. Ibn Al-Abbār, Takmila, F. Codera éd., n° 1945 ; Al-Marrākushī, Dhayl, V, n” 308 ; Ibn Al-Zubayr, Ṣilat al-Ṣila, E. Lévi-Provençal éd., Rabat, 1937, n° 312.

60. Ibn Al-Abbār, Takmila, F. Codera éd., n°2110.

61. Ibn Al-Abbār, Takmila, éd. Le Caire, n° 245 ; Al-Marrākushī, Dhayl, I, n” 845.

62. Ibn Al-Zubayr, Ṣilat al-Ṣila, E. Lévi-Provençal éd., n” 380.

63. Voir à ce propos mon étude : « Des migrations forcées : les savants d'al-Andalus face à la conquête chrétienne », Actes du Colloque La Méditerranée occidentale au Moyen Age (coordonné par Mohammed Hammam), Rabat, 1995, pp. 43-59.

64. Sur la mosquée de Mertola, cf. L. Torres Balbás, « El miḥrāb almohade de Mértola (Portugal)», Al-Andalus, XX, 1995, pp. 188-195 et Ch. Ewert, «La mezquita de Mértola (Portugal) », Cuadernos de la Alhambra, 9, 1973, pp. 3-35. Sur d'autres restes archéologiques de l'époque islamique dans la ville, Torres, C., Mértola Almoravide et Almohade. Catalogue, Mértola, 1988 Google Scholar.