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Mythologie germanique et nazisme. Sur un livre ancien de Georges Dumézil

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Carlo Ginzburg*
Affiliation:
Université de Bologne

Extract

Depuis quelques années une réévaluation de ce que l'on appelle la culture de droite est en cours. A l'absurde refoulement des nombreux problèmes qu'elle a soulevés et que l'on considère incompatibles avec le dogmatisme de gauche, on voit succéder une attitude qui récupère indistinctement — sans trop les remettre en question — problèmes et solutions. Cette confusion entre questions et réponses n'est pas toujours involontaire, ni innocente. Mais le refus des solutions n'implique pas nécessairement l'inexistence ou l'insignifiance du problème. A l'extrême limite, on peut dire que le racisme est lui aussi, une réponse (scientifiquement infondée et avec des conséquences pratiques monstrueuses) à une question bien réelle, celle des rapports entre biologie et culture. Des distinctions analogues s'imposent également à l'historien des sociétés humaines. La recherche sur les très longues continuités culturelles semble souvent, encore aujourd'hui, non seulement suspecte mais essentiellement condamnable, parce que accaparée depuis longtemps (sauf quelques exceptions, cependant importantes) par des chercheurs plus ou moins liés à la culture de droite.

Summary

Summary

The article analyzes the ideological and methodological implications of some passages on contemporary Germany in Georges Dumezil's book Mythes et dieux des Germains (1939). A chapter of Dumezil's intellectual biography is there fore placed in the wider context of the attitude towards Nazism of some leading French intellectuals (including Marc Bloch, Georges Bataille, Roger Caillois, etc.) on the eve of the war

Type
Polémiques et Controverses
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

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References

Notes

NDLR. — Le prochain numéro des Annales contiendra la réponse de Georges Dumézil à Carlo Ginzburg. En attendant, G. Dumézil demande aux lecteurs de se reporter à la réfutation qu'il a faite à l'article d'Arnaldo Momigliano, sur lequel Ginzburg, C. s'appuie, dans L'oubli de l'homme et l'honneur des dieux, Paris, 1985 (pp. 299318).Google Scholar

Je remercie pour leurs suggestions et pour leurs indications Kyung Ryong Lee, Arnoldo Momigliano, Adriano Prosperi, Gianni Sofri, Jean Starobinski. La responsabilité de ce que j'ai écrit me revient bien entendu. Une première version de ce texte a été publiée dans Quaderni Storici, n° 57, 1984.

1. Cf. les déclarations faites par Dumézil en 1980 à Bonnet, J. et Pralon, D., dans Desbordbs, F. et autres, Georges Dumézil, Paris, 1981, pp. 2023.Google Scholar Même dans la bibliographie raisonnée qui termine l'ouvrage, la césure de 1938 est signalée explicitement (p. 341).

2. Dumézil, G., GlideideiGermani, tr. it., Milan, 1974, p. 11.Google Scholar

3. A. Momigliano, « Premesse per una discussione su Georges Dumézil », dans Opus, II, 1983, p. 331. Le fascicule contient plusieurs essais, presque tous présentés au cours d'un séminaire sur Dumézil qui s'est tenu à Pise en janvier 1983.

4. C'est étrange, mais il ne figure ni dans le catalogue de la Bibliothèque Nationale, ni dans celui de la bibliothèque de la Sorbonne. A la British Library il se révèle « mislaid ». J'en ai retrouvé deux exemplaires : un à la Carolina Rediviva de Upsala, l'autre au Deutsches Archâologisches Institut de Rome.

5. DeutscheLiteraturzeitung, 61,1940, coll. 943-945.

6. Marc Bloch, Revue historique, 188,1940, pp. 274-276.

7. Dumézil, G., Mythes et dieux des Germains, Paris, 1939, pp. 153157.Google Scholar Le commentaire de Littleton, C. S., The New Comparative Mythology, Berkeley, 1982, p. 63 Google Scholar est scandaleusement superficiel : « It was perhaps ironie that it was in 1939, the year Hitler's légions began their grisly march, that Dumézil first focused his attention upon the Germanie branch of the LE. speaking world. »

8. Ibid., p. 79 ss, en particulier pp. 90-91.

9. Ibid., p. 157.

10. Ibid., pp. 138-139. Sur ces aspects de la propagande nazie, voir en général Mosse, G. L., La nazionalizzazione délie masse, tr.it., Bologne, 1975.Google Scholar

11. Cf. ce que dit Dumézil lui-même dans l'interview déjà rappelée (F. Desbordes et autres, Georges Dumézil, op. cit., p. 20).

12. Cf. l'introduction de Le Goff, J. à Bloch, M., Les rois thaumaturges, Paris, 1983, p. iv Google Scholar et Pour une histoire comparée des sociétés européennes, dans Bloch, M., Mélanges historiques, I, Paris, 1963, pp. 1640.Google Scholar

13. Bloch, M., Les caractères originaux de l'histoire rurale française, Paris, 1952, pp. xiv, 46 ss.Google Scholar

14. Apologia délia storia o mestiere dello storico, tr. it., Turin, 1969, p. 43 ss.

15. La société féodale. Les classes et les gouvernements des hommes, Paris, 1940, p. 47 ss. La référence de DUMÉZIL aux Rois thaumaturges se trouve dans Mythes, op. cit., p. 53.

16. Grenier, A., dans Revue des études anciennes, XLI, 1939, pp. 378379.Google Scholar

17. Discours de réception de M. Georges Dumézil à l'Académie Française et réponse de M. Claude Lévi-Strauss, Paris, 1979, pp. 73-74.

18. Cf. l'introduction de Jesià, F. Dumézil, G., Ventura e sventura dei guerriero, tr. it., Turin, 1974, p. xii ss.Google Scholar

19. J.-Cl. Rivière, « Actualités de Georges Dumézil », Éléments, nov.-déc. 1979, pp. 15-17 ; Georges Dumézil, dans F. Desbordes et autres, op. cit., p. 39, et le passage cité par J. Scheid dans Opus, II, 1983, p. 352, note 1 : « Qu'est-ce que “ l'âme indo-européenne ” ? Tout ce que je peux dire, c'est que ce que j'entrevois du monde indo-européen m'aurait fait horreur. Je n'aurais pas aimé vivre dans une société où il y avait un Mànnerbund… ou des druides », etc.

20. H. Usener, « Ueber vergleichende Sitten und Rechtsgeschichte », dans Verhandlungender42. Versammlung deutscherPhilologen undSchulmànner in Wien, 1893; Schurtz, H., Altersklassen undMànnerbùnde, Berlin, 1902.Google Scholar

21. L. Weiser, Altgermanische, op. cit., qui renvoie aussi à Zeller, M., Die Knabenweihen. Eine ethnologische Studie, Berne, 1923 Google Scholar (discussion systématique qui donnait déjà une grande importance à la contribution de Reik : cf. p. 120 ss).

22. Peuckert, W.-E. et Lauffer, O., Volkskunde. Quellen undForschungen seit 1930, Berne, 1951, p. 118,Google Scholar où l'on fait la distinction entre l'inspiration « bûndisch » de Lily Weiser et celle « influencée par les événements politiques » (lire : le nazisme) de O. Hôfler et R. Stumpfl. Les positions de ces trois chercheurs sont au contraire assimilées de manière générique sous l'étiquette de l'école de Much par W. Emmerich, Germanistische Volkstumsideologie, Tûbingen, 1968, p. 202.

23. Laqueur, W., Young Germany. A History of the German Youth Movement, Londres, 1962.Google Scholar

24. L. Weiser, Altgermanische, op. cit., p. 24.

25. Ibid., p. 51.

26. Ibid., p. 48. L. Weiser revint sur ce dernier thème dans un essai important : « Zur Geschichte der altgermanischen Todesstrafe und Friedlosigkeit », Archivfur Religionswissenschaft, XXX, 1933, pp. 209-227.

27. R. Stumpfl fit allusion à l'existence d'un second volume en déclarant y avoir puisé, Kultspiele der Germanen als Ursprung des mittelalterlichen Dramas, Berlin, 1936, p. x. Dans l'introduction à Kultische Geheimbunde (p. xi, note 1), Hôfler releva que le livre, qui devait à l'origine s'intituler Totenheer-Kultbund-Fastnachtspiel, était en substance déjà terminé depuis janvier 1932.

28. Il faut remarquer que le VIe chapitre de Mythes et dieux des Germains, largement basé sur les recherches de Hôfler, est repris en partie dans Ventura e sventura, op. cit., p. 141 et suiv. Cf. en outre l'introduction de HÔFler à la traduction allemande de Loki (Darmdtadt, 1959), et la contribution de DUMÉZIL à la Festgabe pour le soixante-quinzième anniversaire de Hôfler (Vienne, 1976), avec des essais de M. Eliade, S. Gutenbrunner (auteur de compte rendu sur Mythes et dieux des Germains cité à la note 5), etc. Une invitation à utiliser avec prudence les recherches de L. Weiser et de Hôfler dans G. Widengren, Der Feudalismus im alten Iran, Cologne et Opladin, 1969, p. 45 ss. De Weiser-Aall, L., cf. Volkskunde und Psychologie. Eine Einfuhrung, Berlin et Leipzig, 1937, pp. 105106.Google Scholar De Wikander, S., cf. Der arische Mànnerbund, Studien zurindo-iranischen Sprach-und Religionsgeschichte, Lund, 1938, p. 64 ss.Google Scholar De K. Meuli, cf. le compte rendu très favorable dans Schweizerisches Masken und Maskenbràuche (1943), repris dans Gesammette Archiv fur Volkskunde, XXXIV, 1935, p. 77, et le jugement beaucoup plus critique dans Schweizer Schriften, Th. Gelser éd., Bâle-Stuttgart, 1975 (2 vols, avec pagination continue), p. 227, note 3. Il faut noter qu'à partir de 1938 Meuli prit publiquement position dans le sens antinazi : cf. l'appendice biographique de F. JUNG, ibid., pp. 1166-1167. Voir aussi A. Closs, Iranistik und Vôlkerkunde, dans Monumentum H. S. Nyberg, I, Leiden-Téhéran-Liège, 1975, p. 157 ss.

29. O. Hôfler, Kultische Geheimbunde, op. cit., pp. 205-206.

30. Ibid., pp. 277-278. Sur les discussions, dans le domaine du folklore qui s'inspirait du nazisme, entre ceux qui soutenaient la primauté du rite et ceux qui soutenaient la primauté du mythe, cf. W. Emmerich, Germanistische, op. cit., p. 202 ss.

31. Cohn, N., Europe'sInnerDémons, Londres, 1975, p. 107 ss.Google Scholar

32. F. Ranke, Der wilde Heer und die Kultbùnde der Germanen, Eine Auseinendersetzung mit Otto Hôfler (1940), repris dans Kleine Schriften, H. Rupp et E. Studer éds, Berne, 1971, pp. 380-408 (il faut rappeler que Ranke fut le seul folkloriste allemand qui décida d'émigrer parce qu'antinazi ; cf. W. Emmerich, Germanistische, op. cit., p. 159). Hôfler répondit bien des années plus tard en proposant à nouveau ses anciennes thèses, sans modifications ou additions substantielles sur le plan documentaire : cf. Verwandlungskulte, Volkssagen und Mythen, Vienne, 1973 (” Oesterreichische Akademie der Wissenschaften, Phil.-hist. Klasse, Sitzungsberichte 279. Band, 2. Abhandl. »).

33. L. Weiser, Altgermanische, op . cit., pp. 77, 55, 82. Je me propose de revenir sur ces thèmes dans un ouvrage qui paraîtra prochainement.

34. O. Hôfler, Kultische, op. cit., p. 341. Sur l'extase, la page 262, note 337 a, à propos de R. Otto, Gottheit und Gottheiten der Arier, 1932 est tout à fait éclairante. Sur les thèmes de la fertilité, cf. pp. 87 ss, 286 ss.

35. Ainsi Hôfler polémique avec F. Van Der Layen dans Zeitschrift fur deutschen Altertum, N.F. 73, 1936, pp. 109-115, en particulier p. 110. Mais voir déjà dans le même sens Kultische, op. cit., p. 15. Cf. aussi Closs, A., « Die Religion des Semnonenstammes », Wiener Beitrâge zur Kulturgeschichte und Linguistik, IV, 1936, p. 665 ss.Google Scholar

36. K. Meuli, Die deutschen Masken, 1933, dans Gesammelt Schriften, op. cit., p. 160 où l'interprétation dans un sens rituel, développée par la suite par Hôfler, était déjà proposée.

37. O. Hôfler, Kultische, op. cit., p. 345 ss. W. Krogmann faisait déjà observer dans un compte rendu percutant (Archiv fur das Studium des neueren Sprache, 168. Band, 90, 1935, en particulier pp. 98-104) que l'ensemble de la thèse de Hôfler était nettement contredite par ce document (publié à l'origine dans Mitteilungen aus der livlàndischen Geschichte, 22, 1924). J'ai proposé une interprétation complètement différente de ce dernier dans Les batailles nocturnes, Paris, 1984, pp. 49-53.

38. O. Hôfler, Kultische, op. cit., p. 357. Un passage analogue est cité dans le brillant article de Bausinger, H., « Volksideologie und Volksforschung. Zur nationalsozialistiche Volksforschung », Zeitschrift fur Volkskunde, II, 1965, pp. 177204,Google Scholar en particulier p. 189. Hôfler formula ses thèses d'une façon encore plus nettement philo-nazie dans Diepolitische Leistung der Vôlkerwanderungszeit, Neumùnster, 1939 (surtout dans les dernières pages).

39. La phrase est citée par G.-L. Mosse, Le origini culturali del Terzo Reich, tr. it., Milan, 1968, p. 319.

40. W. Laqueur, Young Germany, op. cit., pp. 109, 193-194. Krebs, responsable du parti nazi à Hambourg, fut expulsé en 1933.

41. H. Spehr, « Warendie Germanen ‘Ekstatiker’ ? », Rasse, 3,1936, pp. 394-400.

42. Revue historique, 181, 1937, pp. 437-38 (cf. pp. 434-435).

43. La lettre est citée dans le recueil de Hollier, D., Le Collège de Sociologie, textes de Bataille, Caillois, etc., Paris, 1979, p. 541 ss.Google Scholar Je me suis largement servi de cet ouvrage extrêmement utile.

44. Voir la lettre de Mauss à S. Ranulf citée par Lukes, S., Emile Durkheim : His Life and Work, Londres, 1973, pp. 338339 Google Scholar, note 71. Le texte original est reproduit dans l'essai, très superficiel, de Ranulf, S., « Scholarly Forerunners of Facism », Ethics, 50, 1939, pp. 1634.Google Scholar

45. D. Hollier, Le Collège, op. cit., pp. 276-277 etpassim.

46. Ibid., pp. 23-24.

47. La lettre figurait à l'exposition organisée par la Bibliothèque Nationale à la mémoire de Queneau en 1978 ; elle est également mentionnée dans le catalogue Raymond Queneau plus intime, Paris, 1978, n. 38. Je la cite de mémoire.

48. D. Hollier, Le Collège, op. cit., p. 251.

49. Cf. sur tout ceci les textes reproduits dans l'appendice, ibid., p. 565 et suiv. (voir p. 567 ss une attaque vulgaire de Georges Sadoul contre Bataille, parue dans Commune, revue dirigée, entre autres, par Aragon. Aussi bien Sadoul qu'Aragon devaient se faire .pardonner par le parti communiste, leurs propres péchés surréalistes). Cf. aussi le compte rendu de Benjamin sur L'aridité de Caillois, dans W. Benjamin, Critiche e recensioni, tr. it., Turin, 1979, p. 314, qui terminait en concluant : « Il est triste de voir comment un vaste courant trouble et obscur est alimenté par des sources situées à une grande altitude. »

50. D. Hollier, Le Collège, op. cit., pp. 548-550.

51. Ibid., p. 421 ss, 323 ss, 447 ss, 164 ss.

52. Febvre, L., Combats pour l'histoire, Paris, 1965, pp. 221 Google Scholar ss, en particulier p. 238.

53. Il est assez impressionnant de trouver dans la Festschrift dédiée à Herman Hirt (Germanen und Indogermanen. Volkstum, Sprache, Heimat, Kultur, Heidelberg, 1936) l'écrivain raciste H. F.-K. Gùnther ou l'anthropologue H. Semper (qui produisait son propre portrait comme exemple d'aryen de pure race nordique auprès de celui du sémite Félix Mendelssohn. Cf. « Zur Rassengeschichte der Indogermanen Irans », I, pp. 341-56, ill. 1) auprès de chercheurs du niveau de Dumézil ou de Benveniste. S'agissant d'un juif, la présence de ce dernier est doublement surprenante. Il faut noter en tout cas que Benveniste voulut confirmer, à la fin de sa propre contribution (” Tokharien et Indo-Européen », II, pp. 227-40) l'impossibilité de proposer, sur des bases linguistiques, la localisation de V Urheimat indo-européenne en Europe septentrionale. Le directeur de la Festschrift (H. Arntz) intervint en insistant, entre crochets, sur la thèse contraire que la linguistique indo-européenne nazie avait adoptée.

54. La continuité raciale (ª biologique ») est soulignée par O. Hôfler, auprès de la continuité linguistique et spirituelle, Dos germanischeKontinuitàtsproblem, Hambourg, 1937. Aujourd'hui, Hôfler préfère insister plutôt sur la pérennité des archétypes et se référer explicitement à M. Eliade. Cf. Ueber somatische, psychische und Kulturelle Homologie. Vererbung und Erneurung, Vienne, 1980 (” Oesterreichische Akademie der Wissenschaften, phil.-hist. KL, Sitzungsberichte, 336. Band, Homologie-Studien zur germanischen Kulturmorphologie », n° 1), en particulier p. 38 ss. Il est évident que cette convergence ne signifie pas que les interprétations axées sur les archétypes ont nécessairement des implications racistes, mais les orientations juvéniles d'Eliade dans le sens raciste et antisémite ne doivent pas être oubliées (cf. Jesi, F., Cultura di destra, Milan, 1979, p. 38 Google Scholar ss).

55. F. Desbordes, « Le comparatisme de Georges Dumézil. Une introduction », dans F. Desbordes et autres, Georges Dumézil, op. cit., pp. 45-71, particulièrement pp. 59-60, qui cite comme exceptionnelle une allusion à une structure conceptuelle « parfois presque inconsciente » (L'héritage indo-européen à Rome, 1949). Mais dans Mythes et dieux des Germains on parlait, souvenons-nous, de « mouvement spontané » et d'« accord préétabli entre le passé et le présent » opposé aux cas d'« imitation consciente du passé »: C'est précisément ce passage qui a été cité par A. Schnapp comme preuve que Dumézil avait cédé à une mode académique philo-raciste (cf. « Archéologie, archéologues et nazisme », dans Pour Léon Poliakov ; le racisme, mythes et sciences, par M. Olender, Bruxelles, 1981, pp. 308 et 315, note 54 ; à la suite d'une erreur dans la citation, la phrase se référant à Hitler a été omise). En réalité, cette page de Dumézil, assez ambiguë (donc interprétable, comme nous l'avons vu, de plusieurs façons) ne contient pas de formulations racistes. Schnapp lui-même semble finir par l'admettre, lorsqu'il remarque que Dumézil « a toujours pris ses distances à l'égard des interprétations biologiques et racistes du fait linguistique indo-européen » (p. 315, note 54).