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Pour une Approche Subjectiviste du Social

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Gérard Noiriel*
Affiliation:
École Normale Supérieure Paris

Extract

La possibilit qui reste des interlocuteurs qui ne se comprennent pas est de se

reconnatre comme membres de groupes linguistiques diffrents et de devenir

alors des traducteurs

(Thomas S. Kuhn)

« Inutile j'imagine de revenir sur le thème “histoire et sociologie”. Nous l'avons tous traité à vingt reprises et dans le même esprit ». C'est sans doute parce que beaucoup d'historiens (et de sociologues) souscrivent encore à cette remarque faite il y a trente-cinq ans, que le dialogue entre les deux disciplines est aujourd'hui si peu fourni. Je crois pourtant qu'une reprise de la réflexion sur les rapports histoire-sociologie est une nécessité pour bien négocier le « tournant critique » évoqué récemment dans les Annales. Comme on tentera de le montrer dans cet article, c'est par un retour à la pensée de Lucien Febvre (beaucoup plus qu'à celle de Fernand Braudel) que ce renouveau peut être engagé. Par son refus des débats scolastiques sur la science, par son effort constant pour mobiliser la culture pluridisciplinaire afin de défendre la spécificité du travail de l'historien contre les entreprises extérieures de discrédit, par ses critiques anticipées de certaines impasses de l'histoire quantitative « objectiviste », l'épistémologie pratique de Lucien Febvre constitue le meilleur point de départ pour qui souhaite contribuer à l'éclosion d'une histoire sociale à part entière.

Summary

Summary

The future of social history in France depends upon a renewal of reflexion on the relations between history and sociology since the beginning of the century. The work of Lucien Febvre is the best starting point for such an undertaking. It leads us to give up certain utopian notions of interdisciplinary discourses and revive the “subjectivist” approach in the perspective of a “fullfledged” social history.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1977

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References

Notes

1. L. Febvre, compte rendu, Annales ESC, 1954, p. 524. Je remercie P. Schôttler de sa lecture critique d'une première version de ce travail.

2. « Histoire et sciences sociales : un tournant critique ? », Annales ESC, mars-avril 1988. Précisons que le présent article a été écrit à partir des notes prises depuis des années dans notre journal de recherche afin de rester le plus proche possible des préoccupations concrètes. En effet, comme nous le verrons, rien n'est plus difficile que le discours sur la pratique. On risque constamment soit d'être schématique (si l'on ne veut pas séparer la réflexion épistémologique du travail empirique) soit d'être abstrait en généralisant abusivement des observations nées d'une recherche précise.

3. Les termes objectivisme, subjectivisme ne sont pas pris ici dans le sens péjoratif qu'on leur donne souvent. Ils font référence aux deux courants philosophiques qui s'opposent traditionnellement (l'un mettant l'accent sur l'objet, l'autre sur le sujet) ; opposition que l'on retrouve depuis la fin du xixe siècle en sciences sociales également.

4. Seignobos, C., La méthode historique appliquée aux sciences sociales, Paris, Alcan, 1901;Google Scholar F. Simiand, « Méthode historique et science sociale », Revue de Synthèse historique, 1903 et « La causalité en histoire », Bulletin de la Société française de Philosophie, 1906 ; sur le contexte historiographique de ce débat, voir Carbonell, C. O. et Livet, G. éds, Au berceau des Annales, Presses de l'Iep de Toulouse, 1983.Google Scholar

5. Coulanges, Fustel De, Histoire des institutions politiques de l'ancienne France : l'alleu et le domaine rural, Paris, Hachette, 1889, p. iv.Google Scholar L'originalité de Fustel au sein de l'historiographie française a été mise en évidence dans le livre récent de Hartog, F., Le XIXe siècle et l'Histoire. Le cas Fustel de Coulanges, Paris, Presses Universitaires de France, 1988.Google Scholar

6. Durkheim, É., Lesrèglesde la méthode sociologique, Paris, Alcan, 1895;Google Scholar F. Simiand, « La causalité… », op. cit.

7. M. Rebérioux, « Le débat de 1903 : historiens et sociologues », dans Au berceau…, op. cit. L'Année sociologique compte alors neuf agrégés de philosophie et deux agrégés d'histoire sur dix-neuf collaborateurs.

8. Je ne cherche ici ni à réhabiliter Seignobos, ni à prôner un retour à sa conception de l'histoire. J'essaie simplement de restituer une logique de pensée.

9. Opposant notamment les partisans de Ranke (et du rôle des grands hommes dans l'histoire) à ceux de Lamprecht (qui privilégie le rôle des masses) ; voir les comptes rendus de H. Pirenne, « Une polémique historique en Allemagne », Revue historique, 2, 1897 ; Blondel, G., « Le congrès des historiens allemands à Innsbrùck », Revue historique, 3, 1897 ;Google Scholar l'article de Lacombe, P., « L'histoire comme science ; à propos d'un article de Rickert », Revue de Synthèse historique, 3, 1901 ;Google Scholar la même revue ouvre ses colonnes à tous les ténors de la pensée allemande : Wildenbrand, Rickert, Lamprecht, ou italienne (Croce).

10. Remarquons néanmoins que F. Rauh critique fermement l'exposé « kantien » de Simiand à la Société française de philosophie au nom de l'épistémologie allemande, et cite notamment les travaux de Max Weber. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne sera guère entendu.

11. Berr, H., Le germanisme contre l'esprit français, La renaissance du livre, 1919, p. 11.Google Scholar

12. Cf. l'Appel de l'Année sociologique, 1898, n°l : « ces deux disciplines tendent naturellement l'une vers l'autre et tout fait prévoir qu'elles sont appelées à se confondre ».

13. Hauser, H., L'enseignement des sciences sociales. État actuel de cet enseignement dans les divers pays du monde, Paris, Maresq, 1903, p. 14 ss.Google Scholar

14. Cf. surtout, Braudel, F., « Histoire et sociologie », chapitre iv de l'introduction à Gurvitch, G. éd., Traité de Sociologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1958-1960, 2 vols.Google Scholar

15. C. Bouglé, « Histoire et sociologie », L'Année sociologique, 1934, série A ; Halbwachs, M., « La méthodologie de François Simiand. Un empirisme rationaliste », Revue philosophique, 121, 1936;Google Scholar Mehl, R., « Le dialogue de l'histoire et de la sociologie », Cahiers internationaux de Sociologie, 3, 1947;Google Scholar R. Mandrou, « Le statut scientifique de l'histoire », Encyclopedia universalis, 1968.

16. La lecture des comptes rendus de la Revue historique est à cet égard très instructive : R. Mousnier parle de son « malaise » à lire Durkheim parce qu'il « mutile la réalité ». J. Godechot parle du « jargon de Michel de Certeau qui nécessite un dictionnaire pour comprendre » ; P. Chastagnol évoque « ce qui a visiblement intéressé Paul Veyne, c'est la bouillie sociologique ».

17. Veyne, P., Comment on écrit l'histoire, Paris, Éditions du Seuil, « Points », 1978 (lre éd. 1971).Google Scholar

18. Comme le note par exemple Lequin, Y., « L'histoire sociale », dans Burguière, A. éd., Dictionnaire des Sciences de l'Histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1986;Google Scholar l'indétermination du concept d'histoire sociale apparaît dans les points de vue opposés auxquels elle donne lieu ; pour F. Furet, il n'y a pas d'histoire sociale au sens où il y a une histoire démographique, L'atelier de l'histoire, Paris, Flammarion, p. 27 ; pour E. Le Roy-Ladurie, au contraire l'histoire sociale s'illustre par « son caractère impérialiste » ; « Quelques orientations de la nouvelle histoire », dans Gadoffre, G. éd., Certitudes et incertitudes de l'histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p. 153.Google Scholar

19. De même les échos des débats sociologiques objectivisme-subjectivisme et marxismeinteractionnisme que l'on peut lire dans des revues étrangères d'histoire n'ont pas cours en France ; cf. parmi d'autres, Kocka, J., Soziale Geschichte, Gôttingen, Vandenhoeck-Reihe, 1986;Google Scholar Abrams, P., « History, Sociology, Historical Sociology », Past and Présent, nc 87, mai 1980;Google Scholar Jones, G. S., « From Historical Sociology to Théorie History », British Journal of Sociology, XXVII, 1976.Google Scholar Néanmoins cette absence de définition rigoureuse de l'« histoire sociale » semble être un fait général. E. Hobsbawm l'avait constaté il y a déjà longtemps, « From Social History to the History of Society », Daedalus, 1, 1971 ; et le fait est souligné à nouveau par Zunz, O., dans l'introduction de Reliving the Past. The Words od Social History, Chapell Hill, University of North Carolina Press, 1985.Google Scholar

20. P. Bourdieu, R. Chartier, R. Darnton, « Dialogue à propos de l'histoire culturelle », Actes de la Recherche en Sciences sociales, septembre 1985 ; A. Giddins écrit de même : « Les écrits de Braudel témoignent des premières influences que la sociologie, en particulier celle que diffusait L'Année sociologique, a pu avoir en France sur le développement de l'histoire », La constitution de la société, Paris, PUF, 1987, p. 428.

21. Dosse, F., L'histoire en miettes, Paris, La Découverte, 1987, p. 23;Google Scholar de même K. Pomian, au prix d'un raccourci saisissant, fait de « Braudel et ses disciples » les héritiers de Paul Lacombe, via Simiand ; L'ordre du temps, Paris, Éditions Gallimard, 1986, p. 14.

22. On peut trouver en effet un certain nombre de citations de Febvre ou Bloch où ils soulignent ce que la sociologie durkheimienne leur a apporté. Mais ils ont rendu ce genre d'hommage à bien d'autres courants de la recherche (géographie vidalienne, anthropologie de Lévy-Bruhl, psychologie de Blondel et de Wallon). D'autre part, on trouve sous la plume de Lucien Febvre beaucoup de critiques véhémentes visant le « dogmatisme » des durkheimiens et leurs prétentions à faire la leçon à tout le monde. Enfin, il ne faut pas oublier les influences inverses. Mauss, par exemple, a fini par reconnaître l'apport de la méthode historique à la sociologie : « Essai sur le don », Sociologie et Anthropologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1980 (lre éd. 1950), p. 276.

23. De ce point de vue, on pourra s'inspirer du travail de Joëlle Proust dont le but est d'écrire l'histoire de la philosophie à partir de la « topique comparative », cherchant à dégager les niveaux d'agencement conceptuel dans chacune des oeuvres étudiées ; cf. Proust, J., Questions déforme. Logique et proposition analytique de Kant à Carnap, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1986.Google Scholar

24. Mann, H. D., Lucien Febvre. La pensée vivante d'un historien, Paris, Armand Colin, Cahier des Annales, 31, 1971, p. 106.Google Scholar

25. Par exemple Febvre s'est souvent opposé aux définitions trop rigides de l'histoire, mais par ailleurs critique fréquemment les « historiens historisants » pour leur refus de définir l'histoire.

26. Cf. Halphen, L., Introduction à l'histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1946, p. 12.Google Scholar

27. Marqué à la fois par la question kantienne des « conditions de possibilité de la science », et par le positivisme, Simiand n'explicitera jamais, semble-t-il, ses divergences avec le « conventionnalisme » de Poincaré, écartant l'épistémologie de la cause pour celle des relations.

28. Simiand, F., Le salaire, l'évolution sociale et la monnaie, Paris, Alcan, 1932, 2 vols, t. 1. p. 45 et aussi t. 2, p. 566.Google Scholar

29. Febvre précise que le cadre de la province est « le secret de la vie intégrale que nous allons lui demander, que nous cherchons à déchiffrer en elle » ; cité par H. D. Mann, op. cit., p. 78.

30. F. Furet, L'atelier, op. cit. remarque qu'aujourd'hui encore, c'est le dépôt d'archivé qui fait l'historien ; même si après la thèse beaucoup se dégagent des règles contraignantes du métier.

31. Seignobos n'a pas le culte du « fait historique », mais celui de la « trace » ce qui est très différent. Il reste fidèle à la formulation de Humbolt, le premier à avoir vu que « l'historien possède une activité autonome et même créatrice ; non qu'il produise ce qui n'existe pas, mais parce qu'il donne forme par ses propres forces à ce qu'il ne pouvait percevoir tel qu'il est réellement par la simple perception », La tâche de l'historien, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1985, p. 68 (lre édition 1822). Notons que les analyses de Seignobos seront parfois citées par des théoriciens reconnus ; cf. par exemple Hayek, F. Von, Scientisme et sciences sociales, Paris, Éditions Pion, 1953, p. 45.Google Scholar

32. Je m'appuie ici sur l'introduction de S. Mesure à la traduction française de Dilthey, W., L'édification du monde historique dans les sciences de l'esprit, Paris, Éditions du Cerf, 1988 (lre éd. 1910).Google Scholar

33. W. Dilthey, op. cit., p. 105.

34. Ibid., p. 134.

35. Combats, op. cit., p. 214.

36. Febvre insiste sur l'importance du « comprendre, ramasser, ressaisir, reconstituer, comprehendere (pour qui veut) donner une interprétation psychologique cohérente et valable : tâche délicate toujours, désespérée souvent », Amour sacré, amour profane, Paris, Éditions Gallimard, « Idées », 1971, pp. 7 et 9 (lre éd. 1944).

37. Opposer un Febvre « continuiste » à un Febvre « discontinuiste » n'a guère de sens. Il s'agit là en fait de deux démarches complémentaires dans la logique herméneutique.

38. Il est donc absurde d'affirmer, comme G. Mairet, que « ce que L. Febvre voulait faire, c'est Michel Foucault qui le réussit », Le discours et l'historique, Paris, Marne, 1974, p. 89.

39. Durkheim, É., Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Presses Universitaires de France, 1985 (lre éd. 1912).Google Scholar

40. En 1949, Lévi-Strauss considérait que l'histoire n'avait pas beaucoup évolué depuis 50 ans : « L'histoire s'en est tenue au programme modeste et lucide qui lui était proposé » au début du siècle ; cf. Anthropologie structurale, Paris, Pion, 1958, p. 3.

41. Si l'on peut faire de Febvre l'initiateur de l'histoire des « mentalités », n'oublions pas qu'en proposant une histoire des sentiments et de la mort, il ajoutait : « Je ne réclame pas une histoire sur l'Amour ou sur la Joie à travers les temps, les âges et les civilisations », Combats, p. 236.

42. J'ai développé ce point dans Noiriel, G., « Historicisation ou construction de l'objet : l'exemple de l'immigration », colloque de l'Ihmc, Histoire sociale, histoire globale ?, Paris, 2728 janvier 1989.Google Scholar

43. L. Febvre, La terre…, op. cit., p. 70.

44. « Glorieux » car seule antidote au dogmatisme de ceux qui sont trop en sécurité à l'intérieur de leurs frontières, Auge, M., Symbole, fonction, histoire. Les interrogations de l'anthropologie, Paris, Hachette, 1979, pp. 206207.Google Scholar

45. Duby, G. et Lardreau, G., Dialogues, Paris, Flammarion, 1980.Google Scholar

46. Cf. notamment, A. Prost, Histoire de l'enseignement, Paris, Armand Colin, 1968 ; A. GéRard, « A l'origine du combat des Annales : positivisme historique et système universitaire », dans C. O. Carbonnel et G. Livet éds, Au berceau…, op. cit.

47. Cf. par exemple, R. RéMond, évoquant les règles élémentaires du discours de l'historien, notamment l'usage du nous de modestie, l'effacement de l'auteur derrière son texte…, dans Nora, P. éd., Essais d'ego-hisoire, Paris, Éditions Gallimard, 1987.Google Scholar

48. Fabiani, J. L., Les philosophes de la République, Paris, Éditions de Minuit, 1988.Google Scholar

49. R. Chartier et J. Revel, « Lucien Febvre et les sciences sociales », Historiens et Géographes, février 1979.

50. Maurice Aymard évoque cet effort de traduction à propos d'Ernest Labrousse. C'est ce travail qui a permis que les concepts de Simiand deviennent opérationnels en histoire économique ; M. Aymard, « Histoire et sociologie », dans H. Mendras et M. Verret éds, Les champs de la sociologie française, Paris, Armand Colin, 1988, p. 221 ss.

51. Febvre, L., Pour une histoire à part entière, Paris, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, pp. 198 et 203.Google Scholar

52. Malgré les efforts de L. Febvre, Henri Berrn'ajamais été reconnu par la communauté historienne. Sans cesse il a tenté de se présenter lui-même comme historien, sans cesse les notables du milieu l'ont traité de philosophe (cf. par exemple Louis Halphen). Mais les philosophes ne l'ont pas eux non plus considéré comme l'un des leurs. Cf. notamment Keylor, W. R., Academy and Community. The Foundation ofThe French Historical Profession, Harvard University Press, 1975.CrossRefGoogle Scholar

53. R. Chartier et J. Revel, op. cit.

54. L. Febvre, Combats.., op. cit. En toute rigueur, il faudrait préciser que ce ne sont pas les sociologues durkheimiens qui sont ici principalement concernés car leur manière de concevoir (je ne parle pas de la pratique) la construction de l'objet est incompatible avec la division du travail analyse-synthèse. En fait, c'est surtout à Henri Berr que ces reproches semblent s'adresser. Notons qu'à la fin de sa vie Henri Berr n'a pas fait mystère de ses divergences avec les Annales. Il reproche à Marc Bloch de s'être arrêté aux portes de la synthèse et à Lucien Febvre le nouveau sous-titre de la revue (Économie, Société, Civilisation) qui entérine des coupures artificielles ; cf. Berr, H., La synthèse en histoire, Paris, Éditions Albin Michel, 1953 (rééd.).Google Scholar

55. L. Febvre, Amour sacré, amour profane, op. cit., p. 8.

56. N'oublions pas que jusque dans les années trente, Simiand a été la principale cible de Lucien Febvre (cf. notamment La Terre, op. cit.) et que c'est Maurice Halbwachs qui avait été choisi pour participer au Comité de Rédaction des Annales ; Halbwachs qui devient la référence négative sous l'ère braudélienne, au point que son oeuvre est aujourd'hui trop oubliée.

57. Une histoire sociale s'appuyant explicitement sur la tradition sociologique devrait appréhender un champ beaucoup plus vaste, davantage centré sur l'étude de problèmes que sur l'étude des groupes. Pour Nisbet par exemple, la sociologie scientifique s'est constituée autour de cinq concepts principaux : communauté, autorité, statut, sacré, aliénation à partir desquels se sont organisés les courants rivaux qui ont fait vivre la discipline jusqu'ici, Nisbet, R. A., La tradition sociologique, Paris, Presses Universitaires de France, 1984 (lre éd. 1966).Google Scholar

58. Feyerabend, P., Contre la méthode, Paris, Éditions du Seuil, « Points », 1979 (lre éd. 1975), p. 180. 59.Google Scholar Cf. par exemple, B. Latour et S. Wooglar, La vie de laboratoire, Paris, La Découverte, 1988 (lre éd. 1979) ou E. Brian et M. Jaisson, « Unités et identités ; notes sur l'accumulation scientifique », Actes de la Recherche en Sciences sociales, septembre 1988.

60. « Un paradigme est ce que les membres d'une communauté scientifique ont en commun et réciproquement une communauté scientifique se compose d'hommes se référant au même paradigme », La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, « Champs », 1983, p. 240(lreéd. 1962).

61. Cette formule est de M. Polanyi qui considérait qu'une grande partie des découvertes faites par un savant dépend de connaissances pratiques, impossibles à formuler explicitement ; cf. Polanyi, M., Personal Knowledge, Chicago University Press, 1958.Google Scholar

62. Ibid., p. 274. N. Elias insiste lui aussi sur la nécessité pour la sociologie de se dégager des modèles hétéronomes et d'inventer son propre langage en se séparant des concepts empruntés aux sciences naturelles pour en produire d'autres plus proches des réalités sociales étudiées. D'où peutêtre la simplicité du langage d'Elias par opposition au langage des sociologues français pétri d'abstractions philosophiques ; cf. Elias, N., Qu'est-ce que la sociologie ?, Paris, Pandora, 1981, pp. 1314 (lre éd. 1970).Google Scholar

63. Combats, p. 438 ; sur ce problème, voir aussi Bourdieu, P., Homo Academicus, Paris, Éditions de Minuit, 1986 Google Scholar et D. Roche, « Les historiens aujourd'hui, remarques pour un débat », XXe Siècle, 1986.

64. Nora, P. éd., Essais d'ego-histoire, Paris, Éditions Gallimard, 1987.Google Scholar

65. L'expression est de Besnard, P., L'anomie, Paris, Presses Universitaires de France, 1987.Google Scholar

66. Cf. Genette, G., Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987 Google Scholar : analyser de façon critique les « 4e de couverture », avant-propos, notes de bas de pages, etc., c'est en quelque sorte rôder de l'autre côté de la scène de l'histoire.

67. T. S. Kuhn, op. cit.

68. Goff, J. Le, Histoire et mémoire, Paris, Éditions Gallimard, « Folio Histoire », 1988 (lre éd. 1977).Google Scholar

69. L'expression est de Langlois et Seignobos et non de Simiand comme l'écrit, dans un lapsus significatif, Marc Bloch dans son Apologie…, p. 56.

70. F. Furet et A. Daumard, « Méthode d'histoire sociale. Les archives notariales et la mécanographie », Annales Esc, octobre 1959.

71. Halbwachs, Surtout M., La mémoire collective, Paris, Presses Universitaires de France, 1964.Google Scholar

72. Sur cette approche subjectiviste de l'histoire, on lira notamment Ricoeur, P., Histoire et vérité, Paris, Éditions du Seuil, 1955,Google Scholar et Marrou, H. I., De la connaissance historique, Paris, Éditions du Seuil, « Points », 1975 (lre éd. 1954).Google Scholar

73. C'est tout le problème herméneutique développé par Gadamer, G., Vérité et méthode, Paris, Éditions du Seuil, 1976 (lre éd. 1960).Google Scholar

74. Ce dernier considérait même que la principale fonction sociale de l'histoire est de fournir des moyens d'« organiser le passé pour l'empêcher de trop peser sur les épaules des hommes » ; il regrettait qu'aucune enquête systématique n'ait été entreprise sur ce problème de la tradition ; Combats.., op. cit., p. 437.

75. Les thèses d'histoire régionale sont souvent revenues sur ce point qui fut aussi débattu lors du colloque, Histoire sociale. Sources et méthode, E. Labrousse éd., Paris, Presses Universitaires de France, 1967.

76. Lukes, S., É. Durkheim, his Life and Work : A Historical and Critical Study, Londres, Penguin Books, 1973, p. 131.Google Scholar

77. L'oeuvre d'Elias apparaît comme un passage obligé pour tout nouveau dialogue histoiresociologie. Comme le note A. BurguiÈRE : « En appréhendant la réalité comme un processus (Elias) fond ensemble le point de vue de sociologue et celui de l'historien », A. BurguiÈRE, « Norbert Elias », Dictionnaire…, op. cit. ; voir aussi à ce propos, la préface de Chartier, R. à Elias, N., La société de cour, Paris, Flammarion, « Champs », 1985 (lre éd., 1969).Google Scholar