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Production et circulation des savoirs locaux dans les documents géographiques de Dunhuang à l’époque médiévale

Published online by Cambridge University Press:  14 February 2024

Alexis Lycas*
Affiliation:
École pratique des hautes études (EPHE, PSL)alexis.lycas@ephe.psl.eu

Résumé

Comment travaillent les fonctionnaires et aux confins du monde impérial chinois ? Comme ailleurs, ils produisent des écritures grises afin d’informer le pouvoir central et leurs successeurs de leur gestion administrative et de la situation sociale de la zone dont ils ont la charge. Cette paperasse n’était logiquement pas destinée à être conservée. Cependant, la découverte fortuite de milliers de manuscrits emmurés à Dunhuang présente à l’historien et à l’historienne une dizaine d’écrits géographiques locaux susceptibles de combler les blancs d’une production scripturaire importante mais méconnue. L’analyse proposée dans cet article suit une trajectoire double. Elle s’attelle d’une part à montrer la codification de genres géographiques comme les guides et les traités illustrés, dont peu d’éléments matériels sont connus. D’autre part, elle dévoile les indices qui attestent une richesse typologique indéniable, à travers la présence de topographies et de récits narratifs. L’étude de ces manuscrits souligne combien la circulation du savoir géographique était tant verticale qu’horizontale, et bien plus complexe que l’image héritée de l’historiographie impériale. Ce travail permet de réévaluer les débuts du tournant local dans la production des savoirs bureaucratiques, de caractériser l’affirmation du rôle des acteurs locaux en dépit d’un anonymat de façade et de mettre en évidence la manière dont se construit une localité dans la Chine médiévale.

Abstract

Abstract

How did medieval officialsand geographers work in Central Asia, in a prefecture located at the edge of the Chinese Empire? As elsewhere, they produced pragmatic writings to inform both the imperial center and their successors about their bureaucratic administration and the social situation in the area they oversaw. Such paperwork was not, of course, intended to be preserved. However, the chance discovery of thousands of manuscripts walled up in Dunhuang has furnished historians with a small collection of local geographical texts that can tell us much about this important but little-known scriptural production. This article proposes a twofold analysis. First, it demonstrates the codification of geographical genres such as illustrated guides and treatises, for which we have no material evidence beyond Dunhang. Second, it points to evidence of an undeniable typological richness, based on the presence of topographies and narrative accounts. The study of these manuscripts reveals that the circulation of geographical knowledge was both horizontal and vertical, and far more complex than the vision inherited from imperial historiography. It also makes it possible to reassess the beginnings of the local turn in the production of bureaucratic knowledge, to foreground the growing role of local actors behind seemingly anonymous documents, and to highlight how a locality was constructed in medieval China.

Type
Histoire des savoirs Nouvelles archives
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

*

* Pour leur aide dans la préparation de ce manuscrit, je tiens à remercier vivement Judith Pernin, Guillaume Calafat, Catherine Rideau-Kikuchi, Vincent Azoulay, Clémence Peyran, Malika Combes et les deux évaluateurs anonymes.

References

1 Paul Pelliot, « Une bibliothèque médiévale retrouvée au Kan-sou », Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, 8-1, 1908, p. 501-529, ici p. 505, 513, 519-522 et 528.

2 Des réflexions similaires sur l’importance de la spatialité et de ses temporalités (production, reproduction, modifications, usages) ont été récemment formulées dans un programme de recherche consacré au pouvoir des listes dans le Moyen Âge occidental. Voir Éléonore Andrieu et al., « Les listes aux prises avec l’espace-temps médiéval », in É. Andrieu et al. (dir.), Le pouvoir des listes au Moyen Âge, vol. 3, Listes, temps, espace, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2023, p. 5-22, ici p. 12 et 19.

3 Éric Trombert, « Dunhuang avant les manuscrits. Conservation, diffusion et confiscation du savoir dans la Chine médiévale », Études chinoises, 24, 2005, p. 11-55 ; Imre Galambos, Dunhuang Manuscript Culture: End of the First Millennium, Boston, De Gruyter, 2020.

4 Peuple iranophone originaire des vallées désormais tadjikes et ouzbèkes d’Asie centrale, les Sogdiens ont formé d’importants groupes de marchands à l’époque médiévale et ont essaimé vers l’est de proche en proche jusqu’à la capitale des Tang, Chang’an. Voir Étienne de La Vaissière, Histoire des marchands sogdiens, Paris, Collège de France/Institut des hautes études chinoises, [2002] 2016.

5 Plusieurs revues consacrées exclusivement à Dunhuang ont été créées, de même qu’un institut de recherche, l’Académie de Dunhuang (Dunhuang yanjiuyuan 敦煌研究院), établi sur le site même : il compte plus de 100 chercheurs et chercheuses. En France, l’actuel Centre de recherche sur les civilisations de l’Asie orientale (CRCAO, UMR 8155) est l’héritier d’une équipe de recherche spécifiquement créée en 1973 pour cataloguer et étudier les documents de Dunhuang. Il faut enfin évoquer l’International Dunhuang Project (IDP), basé à Londres.

6 Jacques Gernet, Les aspects économiques du bouddhisme dans la société chinoise du ve au e siècle, Paris, École française d’Extrême-Orient, 1956 ; Éric Trombert, Le crédit à Dunhuang. Vie matérielle et société en Chine médiévale, Paris, Institut des hautes études chinoises, 1995 ; Costantino Moretti, « Scenes of Hell and Damnation in Dunhuang Murals », Arts asiatiques, 74, 2019, p. 5-30 ; Dora C. Y. Ching (dir.), Visualizing Dunhuang: The Lo Archive Photographs of the Mogao and Yulin Caves, Princeton, Princeton University Press, 2021.

7 Catherine Despeux (dir.), Médecine, religion et société dans la Chine médiévale. Étude des manuscrits chinois de Dunhuang et de Turfan, Paris, Institut des hautes études chinoises, 2010 ; Jean-Pierre Drège (dir.), avec la collaboration de Costantino Moretti, La fabrique du lisible. La mise en texte des manuscrits de la Chine ancienne et médiévale, Paris, Institut des hautes études chinoises, 2014.

8 Équivalents selon Stein à 500 roupies (ou 200 taëls). Voir Aurel Stein, Serindia: Detailed Report of Explorations in Central Asia and Westernmost China, vol. 2, Text, Oxford, Clarendon Press, 1921, p. 824.

9 Alors qu’il est régulièrement affirmé que P. Pelliot acheta les manuscrits pour 500 taëls, Jean-Pierre Drège a démontré que celui-ci n’a mentionné dans aucun de ses écrits la somme déboursée pour les acquérir : Jean-Pierre Drège, « La mission de Paul Pelliot au Turkestan chinois et en Chine (1906-1909) : les clefs d’un succès », in P.-É. Will et M. Zink (dir.), Jean-Pierre Abel-Rémusat et ses successeurs. Deux cents ans de sinologie française en France et en Chine, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 2020, p. 263-332, ici p. 315-316. P. Pelliot indique seulement, en 1911 dans un entretien au Temps et en réponse à une cabale lancée à son encontre à propos de l’authenticité des manuscrits, que « des fameux 200.000 francs, on peut en ce qui concerne les manuscrits, rayer un zéro » (G. A., « Une querelle au camp des orientalistes », Le Temps, 6 mars 1911). Si l’on croit P. Pelliot et que l’on se fonde sur un rapport d’un taël pour 3,73 francs de l’époque, il aurait alors dépensé la somme autrement plus importante de 5 362 taëls. Je remercie Jean-Pierre Drège pour son éclairage sur ce point.

10 Paul Pelliot, Carnets de route, 1906-1908, Paris, Les Indes savantes, 2008, p. 279 ; Xinjiang Rong, Eighteen Lectures on Dunhuang, trad. par I. Galambos, Leyde, Brill, 2013, p. 102-105.

11 Paul Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », Journal Asiatique, 7, 1916, p. 111-123 ; id., Les routes de la région de Turfan sous les T’ang, suivi de L’histoire et la géographie anciennes de l’Asie centrale dans Innermost Asia, Paris, Institut des hautes études chinoises, 2002.

12 Lionel Giles, « Tun Huang Lu: Notes on the District of Tun-Huang », Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland, 46-3, 1914, p. 703-728 ; Ikeda On 池田温, « Sashū zukei ryakukō 沙州圖經略考 », in Enoki-hakushi kanreki kinen tōyō shiron-sō hensan iinkaihen 榎博士還暦記念東洋史論叢編纂委員会 (dir.), Tōyōshi ronsō : Enoki-hakushi kanreki kinen 東洋史論叢: 榎博士還暦記念, Tokyo, Yamakawa shuppansha, 1975, p. 31-101 ; Tang Geng’ou 唐耕耦 et Lu Hongji 陆宏基, Dunhuang shehui jingji wenxian zhenji shilu 敦煌社会经济文献真迹释录, vol. 1, Pékin, Shumu wenxian chubanshe, 1986 ; Zheng Binglin 鄭炳林, Dunhuang dili wenshu huiji jiaozhu 敦煌地理文書匯輯校注, Lanzhou, Gansu jiaoyu chubanshe, 1989 ; Wang Zhongluo 王仲犖, Dunhuang shishi dizhi canjuan kaoshi 敦煌石室地志殘卷考釋, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 1993 ; Li Zhengyu 李正宇, Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng 古本敦煌鄉土志八種箋證, Taipei, Xinwenfeng chuban gongsi, 1998 ; Y. Edmund Lien, « Dunhuang Gazetteers of the Tang Period », Tang Studies, 27, 2009, p. 19-39 ; Yingying Sun, « Manuscripts, Texts and Geographical Writings: A Study of Dunhuang Manuscript P.2005 », thèse de doctorat, University of Washington, 2017.

13 Ao Wang, Spatial Imaginaries in Mid-Tang China: Geography, Cartography, and Literature, Amherst, Cambria Press, 2018 ; James M. Hargett, Jade Mountains and Cinnabar Pools: The History of Travel Literature in Imperial China, Seattle, University of Washington Press, 2018.

14 Voir, pour l’Antiquité, Donald Harper et Marc Kalinowski (dir.), Books of Fate and Popular Culture in Early China: The Daybook Manuscripts of the Warring States, Qin, and Han, Leyde, Brill, 2017 ; pour les Song, Christian Lamouroux, « Qualification des hommes et procédures administratives dans la Chine des Song », Actes de la recherche en sciences sociales, 133, 2000, p. 26-31 ; et, pour l’époque impériale tardive, Pierre-Étienne Will, « Bureaucratie officielle et bureaucratie réelle. Sur quelques dilemmes de l’administration impériale à l’époque des Qing », Études chinoises, 8-1, 1989, p. 69-142.

15 Denis Twitchett, « Chinese Social History from the Seventh to the Tenth Centuries: The Tunhuang Documents and their Implications », Past & Present, 35, 1966, p. 28‑53 ; id., The Writing of Official History under the T’ang, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; É. Trombert, Le crédit à Dunhuang, op. cit.

16 Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire, 1250-1350, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.

17 Olivier Venture, Livres et documents de la Chine ancienne, à paraître, chap. 1 ; Jean-Pierre Drège, Le papier dans la Chine impériale. Origine, fabrication, usages, Paris, Les Belles Lettres, 2017, p. xlvii-li.

18 Pour un état de la question, voir Marina Rustow, The Lost Archive: Traces of a Caliphate in a Cairo Synagogue, Princeton, Princeton University Press, 2020. Voir aussi dans ce numéro la note critique de David Bramoullé, « Archives et État dans l’Orient islamique », p. 485-502. À l’exception de quelques certificats de pèlerinage qui représentent la Ka’ba (Dominique Sourdel et Janine Sourdel-Thomine, Certificats de pèlerinage d’époque Ayyoubide. Contribution à l’histoire de l’idéologie de l’islam au temps des croisades, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 2006), il n’y a pas plus de documentation géographique dans les papiers de Damas. Je remercie Jean-Charles Ducène pour les informations qu’il a bien voulu me fournir à ce sujet.

19 Un dixième document, le P.2009, est un écrit local qui aurait typologiquement sa place dans le corpus, mais il traite exclusivement de la préfecture plus occidentale de Xizhou, instituée autour de Tourfan. Il a en outre été traité par P. Pelliot dans un travail non publié de son vivant, dont J.-P. Drège a proposé une édition critique : voir P. Pelliot, Les routes de la région de Turfan sous les T’ang, op. cit. L’ensemble des documents géographiques ont été édités, à la suite du travail pionnier de Luo Zhenyu 羅振玉 (1866-1940), Mingsha shishi yishu 鳴沙石室佚書, 1913, réimp. dans Luo Xuetang xiansheng quanji sibian 羅雪堂先生全集四編, vol. 5, Taipei, Wenhua chuban gongsi, 1970, et avec des fortunes diverses, par Tang G. et Lu H., Dunhuang shehui jingji wenxian zhenji shilu, op. cit., p. 1-84 ; Zheng B., Dunhuang dili wenshu huiji jiaozhu, op. cit. ; Wang Z., Dunhuang shishi dizhi canjuan kaoshi, op. cit. Les manuscrits « Pelliot » sont aujourd’hui conservés à Paris et les « Stein », ramenés par A. Stein, à Londres. Les abréviations utilisées sont : « P. » suivi du numéro d’inventaire pour les documents du fonds Pelliot chinois conservés à la Bibliothèque nationale de France, Paris ; « S. » suivi du numéro d’inventaire pour les documents du fonds Stein versés à la British Library, Londres. Les erreurs, simplifications et variantes graphiques des manuscrits sont ici reproduites telles quelles, mais suivies lorsque nécessaire de la bonne lecture entre crochets.

20 Jean-Pierre Drège, Les bibliothèques en Chine au temps des manuscrits (jusqu’au xe siècle), Paris, École française d’Extrême-Orient, 1991.

21 Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072), Xin Tang shu 新唐書, Pékin, Zhonghua shuju, 1997, chap. 46, p. 1198 : 五年乃脩,歲與版籍偕上.

22 La lecture des rares catalogues bibliographiques médiévaux transmis montre que quelques géographies locales étaient conservées dans les bibliothèques impériales et privées. Voir Wei Zheng 魏徵 (580-643), Sui shu 隋書, Pékin, Zhonghua shuju, 1973, chap. 33, p. 982-988 ; Chao Gongwu 晁公武 (1105-1180), Junzhai dushuzhi jiaozheng 郡齋讀書志校證, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 1990, chap. 8, p. 342-358.

23 Éric Trombert, Les manuscrits chinois de Koutcha. Fonds Pelliot de la Bibliothèque nationale de France, Paris, Institut des hautes études chinoises, 2000, p. 13.

24 Voir Christian Lamouroux, « Les Pérégrinations d’un modèle géographique (1965-2002) », Études rurales, 161-162, 2002, p. 263‑271, ici p. 265, et, plus récemment, Peter K. Bol, Localizing Learning: The Literati Enterprise in Wuzhou, 1100-1600, Cambridge, Harvard University Press, 2022.

25 Angelo Torre, « Un ‘tournant spatial’ en histoire ? Paysages, regards, ressources », Annales HSS, 63-5, 2008, p. 1127‑1144 ; Peter K. Bol, « The Rise of Local History: History, Geography, and Culture in Southern Song and Yuan Wuzhou », Harvard Journal of Asiatic Studies, 61-1, 2001, p. 37‑76, ici p. 40.

26 Claude Chevaleyre, « Monographies locales (Chine) », in N. Kouamé, É. P. Meyer et A. Viguier (dir.), Encyclopédie des historiographies. Afriques, Amériques, Asies, vol. 1, Sources et genres historiques (tomes 1 et 2), Paris, Presses de l’Inalco, 2020, p. 1247-1259, ici p. 1250.

27 Divers inventaires de ces fragments géographiques ont été tentés depuis le xviiie siècle. Voir Wang Mo 王謨 (actif au xviiie siècle), Han-Tang dili shuchao 漢唐地理書鈔, Pékin, Zhonghua shuju, 1961 ; Liu Weiyi 劉緯毅, Han-Tang fangzhi jiyi 漢唐方志輯佚, Pékin, Beijing tushuguan chubanshe, 1997 ; Hua Linfu 華林甫, « Sui-Tang tujing jikao shang 隋唐《圖經》輯考(上) », Guoli zhengzhi daxue lishi xuebao 國立政治大學歷史學報, 27, 2007, p. 141‑213 ; id., « Sui-Tang tujing jikao xia 隋唐《圖經》輯考(下) », Guoli zhengzhi daxue lishi xuebao 國立政治大學歷史學報, 28, 2007, p. 1‑91.

28 Jörg Henning Hüsemann, Das Altertum vergegenwärtigen. Eine Studie zum Shuijing zhu des Li Daoyuan, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2017, p. 163-164 ; D. Jonathan Felt, Structures of the Earth: Metageographies of Early Medieval China, Cambridge, Harvard University Asia Center, 2021, p. 32-35.

29 James M. Hargett, « Song Dynasty Local Gazetteers and their Place in the History of Difangzhi Writing », Harvard Journal of Asiatic Studies, 56-2, 1996, p. 405‑442, ici p. 409 ; Cang Xiuliang 倉修良, Fangzhixue tonglun 方志學通論, Shanghai, Huadong shifan daxue chubanshe, 2014, p. 144-163.

30 La première étude est P. Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », art. cit. Les principales éditions critiques sont Ikeda O., « Sashū zukei ryakukō », art. cit. ; Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 11-131 ; Y. Sun, « Manuscripts, Texts and Geographical Writings », op. cit.

31 Pour une traduction du S.2593, voir Alexis Lycas, « The Patterned Guidelines of Shazhou (Shazhou tujing) and Geographical Practices in Tang China », Centaurus, 62-3, 2020, p. 479‑497, ici p. 486.

32 C’est un sūtra important qui connut plusieurs traductions en chinois. Voir Kenneth K. S. Ch’en, Histoire du bouddhisme en Chine, trad. par D. Kych, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 191-192. On emploie ici le terme « copie » par défaut et précaution, car le sujet de la paternité d’un document administratif par nature anonyme est historiquement non avenu, mais aussi car aucun des manuscrits du corpus n’est explicitement autographe.

33 Wei Z., Sui shu, op. cit., chap. 28, p. 792.

34 P.2005, col. 237-303.

35 P.2005, col. 265-273 et 340-511.

36 Sur Li Wukui, voir Y. Sun, « Manuscripts, Texts and Geographical Writings », op. cit., p. 204-236.

37 Cette anthologie d’un peu plus de 300 poèmes antiques est devenue l’une des plus importantes œuvres canoniques de l’histoire chinoise, enseignée, citée et employée tout au long de l’époque impériale.

38 P.2005, col. 55-62.

39 Pierre-Étienne Will, « De la sous-préfecture au canton et du canton au village : les paradoxes de l’administration territoriale », Historiens & Géographes, 340, 1993, p. 97‑105, ici p. 99. À ces petits fonctionnaires, on ajoutera les gens du commun et les moines, tout aussi nombreux auteurs potentiels ou déclarés (voir infra les manuscrits P.2691 et S.5448).

40 Le chapitre sur les fonctionnaires de l’Ancienne histoire des Tang leur octroie, comme unique faculté d’influence, la possibilité de modifier leur organigramme. Voir Liu Xu 劉昫 (888-947), Jiu Tang shu 舊唐書, Pékin, Zhonghua shuju, 1997, chap. 44, p. 1919.

41 Les trois éditions les plus fiables sont Haneda Tōru 羽田亨, « Tō Kōkei gannen shosha Sashū Ishū chishi zankan ni tsuite 唐光啓元年書寫沙州· 伊州地志残卷に就いて », in Ogawa takuji hakushi kanreki kinenkai 小川琢治博士還暦記念会 (dir.), Shigaku chirigaku ronsō : Ogawa hakushi kanreki kinen 史学地理学論叢 : 小川博士還暦記念, Kyoto, Kōbundō, 1930, p. 131‑152 ; Tang G. et Lu H., Dunhuang shehui jingji wenxian zhenji shilu, op. cit., p. 39-41 ; Zheng B., Dunhuang dili wenshu huiji jiaozhu, op. cit., p. 65-73 ; pour une traduction ancienne, voir Lionel Giles, « A Chinese Geographical Text of the Ninth Century », Bulletin of the School of Oriental Studies, 6-4, 1932, p. 825‑846.

42 Sur les « colonies sogdiennes », voir P. Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », art. cit. ; Étienne de La Vaissière et Éric Trombert, « Des Chinois et des Hu. Migrations et intégration des Iraniens orientaux en milieu chinois durant le haut Moyen Âge », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 931-969, ici p. 950-951.

43 Fort mutilée, elle comportait 22 colonnes à l’origine. Voir Ikeda O., « Sashū zukei ryakukō », art. cit., p. 91-92.

44 P.5034, partie B, col. 40-46.

45 S.367, col. 13-16. Voir aussi P.5034, partie B, col. 47-50 ; P. Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », art. cit., p. 121.

46 S.367, col. 19-22. Voir aussi P.5034, partie B, col. 51-58 et 105-107 ; P. Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », art. cit., p. 122.

47 Cette technique divinatoire consistait à manipuler deux plateaux inscrits représentant le Ciel et la Terre. Voir Marc Kalinowski, « Hémérologie », in M. Kalinowski (dir.), Divination et société dans la Chine médiévale. Étude des manuscrits de Dunhuang de la Bibliothèque nationale de France et de la British Library, Paris, Éd. de la Bibliothèque nationale de France, 2003, p. 213‑299, ici p. 219 et 263.

48 S.367, col. 85-86 : 光啓元年十二月廿五日,張大慶因靈州安尉(慰)使嗣大夫等來至州,於嗣使邊寫得此文書记. Voir, pour une traduction ancienne, L. Giles, « A Chinese Geographical Text of the Ninth Century », art. cit., p. 846.

49 X. Rong, Eighteen Lectures on Dunhuang, op. cit., p. 379.

50 Li Jifu 李吉甫 (758-814), Yuanhe junxian tuzhi 元和郡縣圖志, Pékin, Zhonghua shuju, 1983, chap. 40, p. 1030 : 納職縣,下。東北至州一百二十里。貞觀四年置。其城鄯善人所立。胡謂鄯善為納職,因名縣焉. Bien que la lieue désigne une distance plus longue dans le contexte européen (entre 3 et 5 km), le terme est ici privilégié pour traduire le li 里 (qui équivaut à environ 650 m sous les Tang), la principale unité de distance de l’époque impériale.

51 Les différentes tailles de police reflètent la forme de ce manuscrit (fig. 3 ; et, infra, du S.788, fig. 4). Celles-ci alternent entre grands (pour le texte principal) et petits caractères (pour des explications d’une importance secondaire ou faisant office de commentaire).

52 S.367, col. 61-64 : 納職縣,下。東去州一百廿里 公廨二百一十五千 戶六百三十二 鄉七 右唐初有圡(土)人鄯伏陁(陀),屬東突厥,以徵稅繁重,率城人入磧奔鄯善,至並吐[谷]渾居住。歷焉耆,又投高昌,不安而歸。胡人呼鄯善為納職,既從鄯善而歸,逐(遂)以為号耳. Le passage est traduit différemment dans P. Pelliot, « Le ‘Cha tcheou tou tou fou t’ou king’ et la colonie sogdienne du Lob Nor », art. cit., p. 118 ; voir aussi L. Giles, « A Chinese Geographical Text of the Ninth Century », art. cit., p. 840.

53 Ils ont préalablement été évoqués par Haneda T., « Tō Kōkei gannen shosha Sashū Ishū chishi zankan ni tsuite », art. cit., p. 138.

54 On finira de s’en convaincre en lisant la traduction complète – bien que parfois fautive – proposée par L. Giles, « A Chinese Geographical Text of the Ninth Century », art. cit.

55 S.367, col. 45-48 et 55-60. Sur cette anecdote, voir Pénélope Riboud, « Priests and Other Xian 祆 Ritual Performers in Medieval China », Early Medieval China, 25, 2019, p. 100‑120.

56 Pour Li Zhengyu, le style d’écriture est caractéristique des Cinq dynasties. Voir Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 205-207.

57 En dépit d’une construction bancale, elliptique et lacunaire, le S.788 est la source la plus ancienne évoquant Zhang Xiaosong 張孝嵩 décapitant le dragon de la source Yunü 玉女 (jouvencelle-de-jade), une anecdote qui devient par la suite importante pour l’histoire locale de Shazhou. Voir S.788, col. 7-8, et Lionel Giles, « A Topographical Fragment from Tunhuang », Bulletin of the School of Oriental Studies, 7-3, 1934, p. 545‑572, ici p. 548-550. Présenté dans la section suivante, le Recueil de Dunhuang (S.5448, col. 58-65) donne une version plus substantielle de l’anecdote.

58 Sur le moine Lezun (actif en 366) et son rôle dans la création des caves et le développement du bouddhisme à Dunhuang, voir le manuscrit P.3720, et X. Rong, Eighteen Lectures on Dunhuang, op. cit., p. 58-59.

59 S.788, col. 4-5 : 欠宕泉。北塩池,縣西北卌五里,塩味不勝西池。欠三峗(危)山,古迹事、樂僔事。欠投龍事,在沙井. Au sujet du jet des dragons, un rituel taoïste consistant à jeter des fiches de bambou dans un puits pour en attendre une réaction auspicieuse, voir Édouard Chavannes, « Le jet des dragons », Mémoires concernant l’Asie orientale, 3, 1919, p. 53‑220.

60 P.2691, col. 5. Voir notamment Ikeda O., « Sashū zukei ryakukō », art. cit., p. 56 ; Zheng B., Dunhuang dili wenshu huiji jiaozhu, op. cit., p. 39.

61 P.2691, col. 3. Le milieu du xe siècle correspond au cœur de la période Guiyijun, qui s’inscrit elle-même dans celle des Cinq dynasties, dont font partie les Han postérieurs.

62 P.2691, col. 15-16 : 大烏山,州北一百九里.

63 Faxian, Mémoire sur les pays bouddhiques, trad. par J.-P. Drège, Paris, Les Belles Lettres, 2013.

64 Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 258.

65 Cette mention n’est pas sans rappeler, dans la célèbre grotte 17, la statue du moine Hongbian 洪辯 (m. 868), dont les chaussures sont dessinées sur le bord de l’estrade où il est assis en méditation. Voir X. Rong, Eighteen Lectures on Dunhuang, op. cit., p. 124 et 452. Je remercie Costantino Moretti pour son éclairage sur ce point.

66 Le manuscrit sino-tibétain IOL Tib J 754, qui contient notamment des lettres de passage, un sūtra et des textes tantriques, en constitue l’exemple le plus saisissant. Voir Sam van Schaik et Imre Galambos, Manuscripts and Travellers: The Sino-Tibetan Documents of a Tenth-Century Buddhist Pilgrim, Berlin, De Gruyter, 2012.

67 P.2691, col. 22 : 一一細說,別有本.

68 Placé à l’origine dans la collection d’un maître d’école de Dunhuang du nom de Qi Juwen 祁居溫 (prénom social Zihou 子厚), le manuscrit est ensuite recopié par Lü Zhong 呂鍾, Dou Jinggui 竇景桂, puis par le célèbre philologue Xiang Da 向達 (1900-1966). Ce dernier n’a pas eu l’original sous les yeux, mais a reproduit le manuscrit d’après les deux copies précitées. Li Zhengyu a pu consulter la copie de qualité supérieure faite par Lü Zhong, qui apparaît dans un volume non publié et intitulé « Monographies du district de Dunhuang rééditées : monographies sur l’administration locale » (Chongxiu Dunhuang xianzhi : fangyu zhi 重修敦煌縣志:方輿志). Lü Zhong y aurait distingué les entrées de leurs parties explicatives en employant des tailles de caractère différentes. Voir Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 336. Les autres éditions sont reproduites notamment dans Mori Shikazō 森鹿三, « Shinshutsu Tonkō sekishitsu isho toku ni Sushō-ken chikyō ni tsuite 新出敦煌石室遺書特に壽昌縣地鏡について », Tōyōshi Kenkyūkai 東洋史研究会, 10-2, 1948, p. 65‑79 ; Tang G. et Lu H., Dunhuang shehui jingji wenxian zhenji shilu, op. cit., p. 52-53 ; Wang Z., Dunhuang shishi dizhi canjuan kaoshi, op. cit., p. 184-195 (avec explications) ; Zheng B., Dunhuang dili wenshu huiji jiaozhu, op. cit. ; et surtout chez Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 337-340.

69 Shouchang xian dijing, col. 41 : 晉天福十年乙巳歲六月九日,州學博士翟寫上壽昌張縣令《地境》一本.

70 Seule une Carte topographique (Dijing tu 地境圖) est notée dans une encyclopédie du xe siècle, mais il s’agit sans doute d’une simple carte, probablement militaire, comme l’indique son titre. Voir Li Fang 李昉 (925-996), Taiping yulan 太平御覽, Pékin, Zhonghua shuju, 1960, chap. 812, p. 3741a et chap. 836, p. 3866b.

71 Shouchang xian dijing, col. 40 : 已前城鎮,並落土(吐)蕃,亦是胡戎之地也.

72 Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 331-332.

73 X. Rong, Eighteen Lectures on Dunhuang, op. cit., p. 122-124 et 380-381.

74 Au Japon, le genre équivalent des fudo ki 風土記 s’est développé à partir du viiie siècle, mais les plus anciennes copies connues datent du xiie siècle. Voir Michiko Y. Aoki, Records of Wind and Earth: A Translation of Fudoki with Introduction and Commentaries, Ann Arbor, Association for Asian Studies, 1997, p. 25.

75 S.5448, col. 29-38 : 去州十里。其山,東西八十里,南北四十里,高處五百尺,悉純沙聚起。此山神異。峰如削成。其间有井,沙不能蔽。盛夏自鳴。人馬踐之,聲振數十里。風俗:端午日,城中士女,皆躋高峰,一齊蹙下,其沙聲吼如雷。至曉看之,峭崿如舊。古号鳴沙。神沙而祠焉. Voir Lionel Giles, « The Tun Huang Lu Re-Translated », The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland, 47-1, 1915, p. 41‑47, ici p. 43-44 ; Y. E. Lien, « Dunhuang Gazetteers of the Tang Period », art. cit., p. 34.

76 Il s’agit d’une référence à l’une des quatre divinités bouddhiques gardiennes de temples. Il reste à l’extrémité nord un palais du roi céleste, mais on ne dispose pas d’informations sur les fresques des rois tibétains.

77 Zanpu est la sinisation du tibétain Bstan.po, un terme générique désignant les souverains tibétains à l’époque des Tang.

78 Il s’agit de la grotte 96, qui comporte une statue de 36 m du Bouddha Maitreya. Voir Li Z., Guben Dunhuang xiangtu zhi bazhong jianzheng, op. cit., p. 311.

79 S.5448, col. 14-26 : 州南有莫高窟,去州二十五里。中過石磧,帶山坡,至彼斗,下谷中。其東即三危山,西即鸣砂(沙)山,中有自南流水,名之宕泉。古寺僧舍絕多,亦有洪鍾 (鐘)。其谷南北兩頭,有天王堂及神祠,壁畫吐蕃賛普部從。其山西壁南北二里,並是鐫鑿高大沙窟 。塑畫佛像。每窟動計費稅百萬。前設樓阁數層。有大像堂殿,其像長一百六十尺。其小龕無數,悉有虛檻通連。巡礼遊覽之景. Voir aussi L. Giles, « The Tun Huang Lu Re-Translated », art. cit., p. 42-43.

80 Ainsi, comme le précise P. Pelliot dans sa lettre à É. Senart, « [l]es textes usuels du bouddhisme chinois forment la grosse masse de la bibliothèque » (P. Pelliot, « Une bibliothèque médiévale retrouvée au Kan-sou », art. cit., p. 508).