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Trois clefs pour comprendre la folie à l'époque classique

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Comme Esquirol au siècle dernier se plaisait à le répéter : la folie est la « maladie de la Civilisation ». Il est vrai que toutes les maladies humaines sont, autant et plus que des accidents naturels, des faits de culture à la fois conçus et ressentis comme tels par le médecin, le malade, la société ; et ce sont des faits qui changent assez lentement au fil de l'histoire, lorsque se modifient structures et conditionnements sociaux. Des épidémies médiévales au choléra de 1832, la peste et la pseudo-peste si longtemps redoutées en fourniraient de bons exemples.

A fortiori(et d'ailleurs en deçà du propos d'Esquirol), la folie est-elle un fait de civilisation. A qui prétendrait intégrer uniement la folie à l'histoire d'une médecine rationnelle, immuablement raisonnante à travers ses lents progrès, et maintenant triomphante, il faut opposer et faire lire la thèse passionnée et décisive de Michel Foucault.

Type
Notes Critiques
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1962

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References

1. Foucault, Michel, Folie et déraison : Histoire de la folie à l'âge classique, Collection « Civilisations d'hier et d'aujourd'hui », Paris, 1961, 674 p.Google Scholar

1. Op. cit., p. 256.

2. Binswanger, R., Le rêve et l'existence, Paris, 1954.Google Scholar

3. Diemerbroek (médecin hollandais du xviie siècle), Disputationes practicae de morbis capitis, Utrecht, 1685 ; commenté dans Histoire de la folie, p. 284-285.

1. La formule figure dans le chapitre qui sert de conclusion, « Le cercle anthropologique », p. 617.

2. Interview au Monde, 21. VII. 1961.

3. Op. cit., p. 131.

1. Ibidem, p. 145.

2. Ibidem, p. 198.

3. Il est instructif de comparer cette démarche à celle des rares historiens de la folie qui avaient écrit avant lui : cf. notamment le recueil de documents publiés par Paul Sérieux et Lucien Libert (pour étayer une thèse intéressante d'ailleurs) : « Le Régime des aliénés en France au xviiie siècle d'après des documents inédits », in Annales médico-psychologiques, 152 p . ; ou encore l'ouvrage de A. Rodif.T et G. Hector, La folie au XXe siècle, étude médico-sociale, 1931.

1. Cf. ouvrage cité, p. 77-79 : en réalité, cette tradition de « sollicitude » à l'égard des pauvres remonte bien en deçà du xviie siècle (Foucault lui-même cite un édit de 1532).

2. « Enjoint à tous pauvres se retirer aux lieux de leur naissance », le texte revient sans cesse dans les édits ; cette mesure doit soulager le bureau des pauvres de l'afflux extérieur.

3. En vérité, décisif plus que nouveau, car dès le xvie siècle des mesures d'internement dans les hôpitaux avaient été prises : exemples, arrêt du Parlement de Paris du 27 août 1580 sur l'hôpital de Grenelle, cf. A.N., U, 938, f° 84 ; et encore les arrêts du 15 septembre 1612, 3 avril 1618, 12 février 1622, 16 mars 1622, cf. A.N., U, 24, fo 275 ; U, 25, f 28 et 89 ; U, 82.

4. Bonne définition dans l'arrêt du Parlement de 1682 (16. VII.) : « pour soulager les pauvres de cette ville et fauxbourgs et empescher qu'ils ne vaguent par les églises et les rues et leur donner moyen de gagner leur vie, dresser un astellier qui sera conduit à la diligence du prévost des marchands et eschevins pour y faire travailler les valides ».

1. Car Paris n'est pas seul en cause : chaque ville française doit résoudre le même problème.

2. Avec quelques variantes : en 1688, le Roi réclame des galériens : il faut organiser la lutte policière « contre les vagabonds dont le nombre est excessif, les faire prendre et les envoier aux gallères suivant nos ordonnances, aiant un besoin extrême de forçats pour chausser celles que nous avons fait faire de nouveau, lesquels faute d'hommes nous sont demeurées jusques à présent inutilles… » A.N., U, 26, f° 68 v°.

3. Exemples : 1606 (A.N., U, 24, f° 133) ; 1612 (U, 24, f° 275) ; 1617 (U, 25, f° 2 v°) 1635 (U, 32)… Kt, après la création des hôpitaux comme avant : 1665 (U, 837), etc.

4. En 1695, les Directeurs de l'Hôpital général déplorent que « des personnes de tous âges de l'un et l'autre sexe… (soient) amenez de différentes provinces en cette ville par les messagers, voituriers et conducteurs de Coches et laissez à l'Hostel Dieu… », A.N., U, 339. Cf. aussi le texte cité dans mon Introduction à la France moderne, p. 80-31.

1. A.N., U, 32 ; E, 1704 (en 1685 et 1656). Ces énumérations ne sont évidemment pas limitatives ; en 1629, l'arrêt du Parlement de Paris qui traite de la « police des pauvres » dit : « vagabonds, filoux, laquais portant espées, joueurs à jeux déffendus, vendeurs de tabac et autres gens sans adveu », A.N., U, 25.

2. Arrêt du Parlement de Paris, 23 novembre 1695, U, 339.

3. Op. cit., p. 178 ; et voir la note suivante.

4. L'internement crée l'aliénation, certes. Et M. Foucault se fait éloquent pour l'affirmer, à la page 99, où nous lui empruntons l'expression : « Le geste avait sans doute une autre profondeur ; il n'isolait pas des étrangers méconnus et trop longtemps esquivés sous l'habitude ; il en créait, altérant des visages familiers au paysage social, pour en faire des figures bizarres que nul ne reconnaissait plus. Il suscitait l'Étranger là même où on ne l'avait pas pressenti… ». Peut-être est-il trop éloquent, prête-t-il trop de signification à ses textes lorsqu'il dit : “c on n'a pas interné, vers 1657, la centième partie de la population de Paris pour se délivrer des « asociaux ». Le geste sans doute avait une autre profondeur ».

5. Foucault cite à point nommé le concours de l'Académie de Lyon en 1762 sur « la qualité nuisible que l'air contracte dans les hôpitaux et les prisons » et « le meilleur moyen d'y remédier », p. 434 ; cf. aussi les classifications laborieuses : mélancolie humide, manie sèche…

6. Foucault leur consacre deux chapitres cependant ; et l'occasion est bonne de signaler en passant, ici, la thèse de médecine de Jean Starobinski, aux ambitions plus modestes assurément : Histoire du traitement de la mélancolie des origines à 1900 (Bâle, 1960), où le lecteur trouvera sur le point particulier de la mélancolie une très fine analyse des cures de cette forme de folie.

1. Peut-on y voir dans une certaine mesure une conséquence des méfaits de l'alcoolisme grandissant 1 Foucault ne pose pas la question.

2. Une question que pose cette continuité, et qui n'avait pas à être traitée ici, est celle de ses origines en partie religieuses : l'excommunication est la forme la plus solennelle d'exclusion qu'ait connue et pratiquée la société médiévale. Non sans risques pour la structure elle-même, lorsque le clergé s'est servi surabondamment de cette arme…

1. Interview au Monde, déjà cité.

2. Op. cit., p. 167.

3. Le Fouet des paillards ou juste punition des voluptueux et charnels conforme aux arrests divins et humains, Rouen, 1628, Epistre à très noble et très vertueux seigneur Monsieur Maistre Robert Le Roux, conseiller du Roy en sa cour de Parlement de Rouen, page iii, v°.

1. M. Foucault, op. cit., p. 185.

2. Édition revue et augmentée de 1766, p. 485.

3. P. Sérieux et L. Libert, Le régime des aliénés…, art. cité ; cf. aussi des mêmes : « Règlements de quelques maisons d'aliénés. Documents pour servir à l'histoire de la psychiatrie en France aux xviie et xviiie siècle », in Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, juin 1914.

1. Premier article cité à la note précédente, p. 147.

2. Cité par Foucault, p. 410.