Hostname: page-component-78c5997874-4rdpn Total loading time: 0 Render date: 2024-11-19T11:41:12.779Z Has data issue: false hasContentIssue false

Une abbaye latine dans la société musulmane : Monreale au XIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Henri Bercher
Affiliation:
et Serge Bonin du Laboratoire de Graphique (E.H.E.S.S.)
Annie Courteaux
Affiliation:
et Serge Bonin du Laboratoire de Graphique (E.H.E.S.S.)
Jean Mouton
Affiliation:
et Serge Bonin du Laboratoire de Graphique (E.H.E.S.S.)

Extract

Août 1177, à Mezzoiuso (Sicile) : « Ibrahim, Ǧabrūn et ‘Abd al Rahmān fils de Musā, en implorant la bonté de l'abbé Théobald, retournent à l'obéissance du monastère. Ils confessent sur le Coran qu'ils sont serfs de la glèbe et font partie de la famille fiscale des serfs de Manzil Yusūf. L'abbé leur pardonne, leur restitue leurs biens et leur permet d'habiter où il leur plaira. Cependant, il les soumet à la gehzia de 30 taris et à un droit (kanūn) de 20 muids de froment et 10 d'orge qu'ils s'obligent à remettre chaque an, entre les mains dudit abbé. »

Summary

Summary

Under Islamic rule since 841, Sicily was progressively reconquered by Latin Christians from 1030 onward. The struggle for control over maritime routes and the supply of wheat was oriented in a North-South direction. The few Norman men-at-arms who conquered the area at first limited control to towns. Implantation in the islamised countryside proceeded in a doubly colonializing sense, both economie (the landholding abbeys) and military (the feudalized army). The abbey of Monreale exemplifies this political process.

In 11 years' time control was established over one thousand square km of land occupied by an Islamic population. The abbot, perfectly integrated into the Norman feudal structure, was the ruling lord of the land responsible for collecting ground-rents which weighed heavily on land and men. Hence the Moslems revolted against their Christian overlords choosing as centers of resistance the hill-top strongholds of lato, Kalatrasi, Entella. As for the abbey, the turmoil of wars and the crusading atmosphere led to the flight and deportation of the Moslem population, the collapse ofthe abbey's revenues, and hence the necessity ofrestoring the production System. At the end ofthe 13th century, the Moslems' land had ceased to be an area of polyculture around a casale, and had been transformed, under the influence of the abbey, into a masseria, an estate intended for cultivation of wheat on a massive scale.

Type
Le Monde Méditerranéen
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1979

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

Notes

1. Acte arabe publié par Cusa, S., I diplomi greci ed arabi di Sicilia, Palerme, 1868-1881.Google Scholar

2. Ce texte est le résumé d'une partie d'un travail rédigé par les trois signataires, sous la direction de M. Jean Dévisse à Paris VlII-Vincennes. Nous remercions particulièrement M. Khadr, aujourd'hui Chargé de recherche au Centre saoudien de la recherche scientifique, qui a établi la traduction des actes arabes et nous a éclairés par sa connaissance des métiers des artisans musulmans; M. Barbiche, Secrétaire général de l'École des Chartes qui nous a formés et guidés dans les travaux paléographiques, et enfin M. F., D'Angelo, dont l'amitié et le dévouement nous furent précieux en Sicile.

3. Erchempetrus, Chronique du Mont Cassin : « A cette époque, les descendants d'Agar, la servante esclave d'Abraham (les Arabes), sortant comme un essaim d'abeilles de Babylonie et d'Afrique, s'approchèrent de la Sicile en dévastant tout le pays. » Cité par Romano, G., Intorno ail origine de la denominazione » Due Sicilie », Trani, 1899.Google Scholar

4. Acte n° 15, 1 176. Le catalogue raisonné du chartrier a été dressé par Garufi, C. A., « Il tabulario di Santa Maria la Nuova di Monreale », Archivio Storico Siciliano, vol. XIX, 1902, Palerme.Google Scholar Nous avons conservé la numérotation des actes. La plupart de ceux-ci ont été publiés par Rochi, Pirro, Sicilia Sacra, Lyon, 1723, 2e ed.Google Scholar et surtout par Del Giudice, M., Historia de la chiesa di Monreale, Palerme, 1702, 2e ed. Certains actes demeurent cependant inédits.Google Scholar

5. Elles ont été publiées par S. CUSA, I diplomi greci ed arabi, op. cit.

6. Baluze, E., Epistolae Innocenti III, Leyde, 1682, 2 vols, épist. 226.Google Scholar

7. Pelleorini, Selon S., « Sulla toponomia in Sicilia », Bollettino del Centro di studi filologici siciliani, 1962, vol. 7, pp. 469479.Google Scholar Manzil - hospitum, locus ubi quis divertit, mansio. Rahl = mansio, locus ubi quis in itinere substitit.

8. Al-Idrîsï, dans Amari, M., Biblioteca Arabo Sicula, vol. 1, § vu, pp. 2031.Google Scholar

9. Moulins : mithana = molendinum (distinct de la maas'ra pour l'huile), acte n° 32 (1182).

10. Silos à céréales : kudyat-al-matamir = monticulum fovearum, à Alcamo, en 1280. Voir Traselu, C., Alcamo, un comune féodale, p. 19.Google Scholar

11. Winckelman, , Acta Imperii inedita, t. 5, année 1243, Innsbruck, 1885.Google Scholar

12. •Céréales : anthroponymes : ibn ḫubza = le pain, n° 270 ; ibn fattātā = le morceau de pain, n° 1 551 ; al-'ayyāš = le boulanger, n° 1 297, 1 921 ; ibn tàbuna = lieu de vente du pain, n° 1 103 ; al-fatayirï = le fabricant de galettes, n° 257.

• Produits de l'élevage : viande : anthroponymes : al-kandūz, n° 1 305 = le veau ; al-qaddūd, n° 1 140 = viande séchée ; lait : toponyme šarb al-laban = atar bibenlis lac = lieu où l'on boit du lait ; anthroponyme : al-hallāb, n° 316 = le trayeur ; beurre : al-samn = beurre fondu, n° 309 ; fromage : toponyme : al-qasāri = casearium bejardi = fromagerie ; boucher : al-ǧazzàr = n° 1 287 et n° 269.

• Produits des jardins : al-rumsnānî, n° 1 196 = cultive des grenades ; al-qarūma, n° 1 357 = le vigneron Cayn ullayqa = grappe de raisin) ; al-barmïti, n° 1 925 = le tonneau ; al-qaraiyya, n° 1 368 = cultive des courges ; al-ginanî, nos 1 397, 1 610, I 689 = le jardinier.

13. Henné : Huillard-Breholles, Acta Friderici Secundi, année 1200 : Frédéric II félicite son conseiller O. de Fallamonacha d'avoir amené de Djerba des Juifs sachant cultiver le henné. De même Frédéric II fait venir de Palestine deux spécialistes de la cuisson du sucre de canne. Dans un article inédit de C. Traselli, « Lo zucchero siciliano », l'auteur évoque la dégénérescence de la culture sucrière. N'est-ce pas dès ce début du xme siècle l'ensemble de l'agriculture musulmane qui est en crise ? Cependant, d'après H. Bresc, la Sicile et Malte restent de gros producteurs « d'épices pauvres » (sésame, cumin aigre) et de coton au xive sièlVe.

14. Sucre : acte n° 15(1176), « molendinum ad cannas mellas quod dicitur sarrecenice maas'ra apud Kemoniam ». Les Normands n'ont pas encore de terme équivalent à maas'ra (pressoir) ; ce terme et cette technique sont ceux utilisés encore au Maroc au xive siècle ; cf. Bertier, H., Un épisode de l'histoire de la canne à sucre, Paris, 1969 Google Scholar. Dans la région de Palerme, l'Oreto, fleuve de la Conque d'Or, bordé par les champs de cannes de Fahs Maria, peut produire la force motrice nécessaire à la production de sucre au xne siècle.

15. Ibn-Hauqal, dans Biblioteca Arabo Sicula, p. 131.

16. Acte n° 95(1121).

17. Publié par Collura, , Le piu antiche carte di Agrigento, Palerme, 1960, pp. 234238.Google Scholar

18. Fouilles de l'Université de Zurich : campagnes de 1970, 1971, 1972.

19. Nous n'avons pas de preuve d'un commerce d'esclaves noirs au xnc siècle ; en revanche, les actes du xme siècle témoignent de ventes et d'achats à Palerme.

20. Ibn-Hauqal, voyageur du xe siècle contesté pour son préjugé anti-sicilien, indique lui aussi une origine berbère : « La majorité de la population a de bas instincts : pour la plupart ce sont des gens vils et sans valeur, sans entendements et sans piété réelle. Ce sont pour la plupart des Barqadjana (tribu berbère) et des affranchis qui se rattachent à un peuple qui a conquis puis a péri » (op. cit., p. 124).

21. La désignation d'un bien foncier se fait par l'énoncé des limites en suivant les points cardinaux en un ordre fixé (est-ouest), selon la pratique coutumière en droit musulman ainsi qu'en témoigne le Kitab al-Surut al-Kabir de Altahawi, à Kouffa (Iraq, vIIIe siècle), dont le manuscrit inédit « Shitid Ali », 881, Istanbul, précise : « Des gens ont eu des controverses sur les limites et la façon de commencer. Il y avait des gens pour commencer par la limite où se trouve la porte, puis par celle qui est à droite en entrant, puis celle qui est à gauche et enfin celle qui se trouve à sa gauche. Tout cela est bien, mais Abu Hanifa a dit de commencer par la limite contiguë à la qibla puis de revenir à la limite opposée. J'ai accepté cette dernière thèse car elle est meilleure puisque la porte peut changer de place (…). Pour nous, nous commençons par la limite orientale parce que dans le Coran, l'orient est toujours mentionné avant l'occident. » Ce texte, qui montre bien la complexité des controverses, nous a été très aimablement communiqué par M. Khadr.

22. Abdul-Wahab, H. H. et Dachraoui, F., Le régime foncier en Sicile au Moyen Age (IXe et Xesiècles), éd. et trad. d'un chap. du Kitab-al-Amwad'al-Dāwudi. Études d'orientalisme dédiées à la mémoire de Lévi-Provençal, t. I, Paris, 1962, pp. 401444. Ce traité ifriqyen de jurisprudence expose les problèmes de répartition des terres au moment de la conquête.Google Scholar

23. Idriss, M., La Berbérie orientale sous les Zirides, Xe-XIIe siècle, Paris, 1962.Google Scholar

24. Cette dernière est doublement intéressante. Al-masgid signifie la grande mosquée où a lieu la prière du vendredi ; al-barīd a deux significations. La première, le froid, offre peu d'intérêt ; mais la seconde, cheval de poste, désigne le service officiel de la poste et de l'information dans les États islamiques. Selon cette traduction subsiste une trace de ce service public, certainement en liaison avec le pouvoir central à Palerme.

25. Ibn-Hauqal, op. cit., p. 129.

26. Ibn-Hauqal, op. cit., p. 126 : « Il y a près de 300 maîtres d'école dans la ville (Palerme) ou il s'en faut de peu. Ce nombre ne se rencontre en aucun lieu ni en aucun pays de la Terre. Ils [les maîtres] sont de différentes catégories et occupent des degrés divers dans le domaine du déséquilibre et de la sottise et, en tout cas, dépassent la démence des maîtres d'école de tous les pays et des imbéciles de chaque région. Cela va si loin qu'ils discutent sur leur souverain, sa façon de vivre, ses préférences, qu'ils emploient des expressions injurieuses en parlant de ses défauts. »

27. Ibn-Hauqal, loc. cit., p. 131 : « Il faut rendre justice aux étoffes de Sicile car elles sont d'un bon marché et d'une qualité incomparable. Leur fabrique qui produit des tissus en deux formats ordinaires vend ses pièces 50 et 60 rubai. Elles sont bien supérieures aux étoffes analogues que l'on peut trouver en Egypte. »

28. Signalons qu'al-Idrīsī ne parle de soie que dans la région de Messine au xic siècle et que la soie sera réintroduite au xive siècle à Messine ; cf. Traselli, C., « Seta siciliana », Economia e Storia, 1965, pp. 213254.Google Scholar

29. D'Angelo, F., dans « Gruppo di ricerche archeologiche medioevale », Palerme, mai 1972.Google Scholar

30. Lacorte, G., « Appunti di toponomastica sul territorio délia chiesa di Monreale nel secolo xn », Archivio Storico Siciliano, XXVII, 1902, pp. 336345.Google Scholar

31. Di Giovanni, V., « I casali esistenti nel secolo xn sul territorio délia chiesa di Monreale », Archivio Storico Siciliano, XVII, 1892, pp. 490491.Google Scholar

32. L'évolution du toponyme lato a été reconstitué par Lacorte, G., « lato e Iatina », Archivio Storico Siciliano, XXIV, 1899, pp. 310329.Google Scholar

33. Carini, I. et G. Silvestri, , De Rébus Regni Siciliae, doc. 394, 20 janvier 1283, Palerme, 1882, p. 295.Google Scholar

34. Juillet 1208. Cité par Huillard-Breholles, , Historia Friderici II, t. I, Innsbruck, 1859, p. 135.Google Scholar

35. Falcand, H., Liber de regno siciliae, op. cit., p. 57.Google Scholar

36. Falcand, H., « Epistolae ad Petrum », Panormitanae Ecclesiae Thesaurarium, Siragusa, G. B. éd., Rome, 1897.Google Scholar

37. Richard de San Germano, Garufi, C. éd., dans R.I.S., t. VII, 2e partie, pp. 89.Google Scholar

38. « Libellus de consacratione pontificum Agrigenti », dans Garufi, C., « L'archivio capitolare di Girgenti >\ Archivio Storico Siciliano, 1903, pp. 147148.\+Archivio+Storico+Siciliano,+1903,+pp.+147–148.>Google Scholar

39. Pour cette question se reporter à White, L. T., Latin monasticism in Norman Sicily, Cambridge, 1938.Google Scholar

40. Lévi-provençal, , « Une héroïne de la résistance musulmane en Sicile au début du xme siècle », Oriente Moderno, 34, 1954, pp. 283288.Google Scholar

41. D'angelo, F., « La monetazione di Muhammad Ibn Abbad, emiro ribelle a Federico II di Sicilia », Studi Magrebini, publiés par l'Istituto universitario orientale di Napoli, 1975, vol. VII, pp. 149153.Google Scholar

42. 1247-1248, Winkelman, , op. cit., t. III, pp. 701702.Google Scholar

43. Cité par Collura, , op. cit., pp. 152153.Google Scholar

44. Acte de 1095, publié par Cusa, S., Documenti arabi inediti, Palerme, pp. 13.Google Scholar

45. Amari, M., Epigrafi arabiche di Sicilia, Palerme, 1878-1881, p. 169.Google Scholar

46. Péri, I., « Censuazione in Sicilia nel secolo xm », Economia e Storia, 1957. L'abbaye Santa Maria di Valle Josaphat à Messine et l'église de la Magione de Palerme concèdent, à partir de 1194, des terres, vignes, jardins, maisons… Entre 1283 et 1302, l'église de la Magione qui appartient aux Frères hospitaliers accorde 14 concessions à cens sur le territoire de la Kalsa à Palerme. Ce quartier a été abandonné par les Musulmans et l'Église transforme ce lieu en habitations.Google Scholar

47. Péri, I., « Note sull'elemento latino nella Sicilia Normanna », Bolletino del Centra di studi filologici, 1954, pp. 349366.Google Scholar

48. Péri, I., « Rinaldo di Giovanni, Lombardo habitator terrae Polizi », Studi in onore di A. De Stefano, 1956.Google Scholar Sur le temporal de Monreale, un emphytéote, Obertinus de Camerana, est certainement d'origine lombarde (n° 131, 1282). Ils sont mentionnés la première fois à Corleone en 1237 quand Frédéric II concède à Oddone de Camerana et aux Lombards passés avec lui en Sicile, la terre de Corleone. Cinquante ans après leur installation, lors des Vêpres siciliennes, les Lombards de Corleone sont les premiers à suivre les révoltés de Palerme : Amari, M., Storia dei Musulmani, III, p. 652, 2e éd., Catane, 1930.Google Scholar