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De la violence au djihâd

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Abderrahmane Moussaoui*
Affiliation:
Université d'Oran

Extract

Depuis les années 1980, l'ébullition sociale n'a pas cessé : le printemps berbère (1980), les manifestations des lycéens et des étudiants d'Oran (1982), celles de la casbah d'Alger, les émeutes de Sétif et de Constantine (1987). L'embrasement général de 1988 constitue l'aboutissement d'un cycle de violences urbaines où la mosquée n'était qu'un simple élément de la dynamique générale.

A partir d'octobre 1988, cette violence prend de la vigueur et les convulsions sociales se succèdent à une fréquence de plus en plus rapprochée dans une atmosphère politique relativement permissive. Ce qui n'était que des émeutes, somme toute traditionnellement connues au Maghreb, devient un véritable mouvement social organisé. L'objectif n'est plus de réajuster le pouvoir mais de le prendre.

Summary

Summary

October 1988 was the beginning of a cycle of confrontations between opposing forces. It was the officiai birth date of islamism as a political movement in Algeria.

The mosque played an important role in this equation. It became the ideal space for protest and it produced new leaders who were both more credible and more representative than before. These leaders were the imam-s, often university educated and young as are three quarters of the population of Algeria. Their argument involves essentially a radical denunciation of those who in the process of governing have deviated from the behavior proned by their own very ideological discourse: i.e. justice, equality and respect for the moral values which religion inspires.

The new imam-s, basing their arguments on the culture of the djihâd transmitted by the schools and other ideological institutions for the past thirty years, incite the population, and the young people in particular, to reenact the exploits of the war of liberation against those who marginalise them.

In order to understand this behavior, only anthropology offers the necessary insight. According to the holistic culture of Algeria which is still strong, honor is one of the highest values. This concept is at the basis of the order to fight against the “big man” (in this case the State) which has failed in its mission of “necessary generosity ”. The combat for honor is therefore imperative. Its goal is not necessarily vietory: to resist, at the risk of dying, is sufficient. As they have nothing to lose here on earth, the young people who have rallied to the call, hope that, at least, they will earn a place for themselves in the hereafter.

Type
Violences et Religion dans L'Inde et L'Algérie D'Aujourd'Hui
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1994

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References

1. Le jeune imâm de la célèbre mosquée libre (djâm'a as sunna) de Bab el oued (Alger) est avec A. Madani la figure emblématique du Front Islamique du Salut.

2. Voir Ayachi, Hmida, Al islam iyyûn al djazâ ‘iriyyûn bayn as sulta wa ar rassâs (Les islamistes algériens entre le pouvoir et les balles), Alger, Dar el hikma, 1992, 318 p.Google Scholar

3. Ces décrets exécutifs promulgués le 23 mars 1991 sont au nombre de trois : le décret n° 91/81 relatif à la construction de la mosquée, à son organisation et à son fonctionnement et qui fixe sa mission ; le n° 91/82 portant création de la fondation de la mosquée ; le n° 91/83 portant création de la Nidhara des affaires religieuses et déterminant son organisation et son fonctionnement.

4. Les salafistes se veulent les continuateurs des pieux savants de l'islam, tandis que les algérianistes militent pour une expérience tenant compte de la spécificité de l'histoire algérienne.

5. Un appel du Fis rédigé le lendemain, le mardi 21 janvier, par Mohamed Saïd et diffusé dans les mosquées d'Alger acquises à la tendance algérianiste (Al Harrach, Badjarah, Oued Koriche, etc.) appelait les musulmans à éviter l'effusion de sang. Le dimanche 26 janvier, R. Kebir publiait un autre communiqué à l'adresse du pouvoir, mettant en garde le Haut Comité d'État sur « les conséquences néfastes » de telles « provocations ». Hachani préfère signer au nom du bureau provisoire un communiqué appelant l'armée à la désobéissance.

6. En effet, le gouvernement Hamrouche est tombé lors de la grève illimitée, déclenchée en juin 1991 par le Fis, dont la principale revendication fut la révision des listes électorales estimées injustes à son égard.

7. Le groupe al hidjra wa at takfîr s'apparente dans sa philosophie et en partie dans sa politique aux groupes islamistes extrémistes de l'Egypte, tels que le djihâd responsable de la mort du président Anwar As Sadate, ou les djama'ût al islâmiyya des shaykh-s Hafadh Salama et Ahmed Al Mahallaoui qui se sont opposés à Sadate et Moubarek par les armes.

8. L'arrestation de Saïd Sayad, un jeune professeur de sciences, leader islamiste, déclenchera l'émeute. Plusieurs dizaines de militants occupent une mosquée de Laghouat et appellent la population au djihâd contre le gouvernement. Les forces de l'ordre donnent l'assaut et le siège durera du 28 septembre au 2 octobre. Un policier est tué et de nombreux blessés sont relevés de part et d'autre. Une trentaine d'islamistes sont arrêtés. Sahnoun évite d'accuser ouvertement le jeune A. Benhadj et préfère, dans une lettre de protestation, admonester le président de la République lui-même. Le shaykh sait désormais l'importance du jeune imâm aux yeux d'une masse qui visiblement lui voue une adoration aveugle ; l'affronter c'est s'exposer à une marginalisation certaine.

9. C'est la traduction de marhaliyya( ?) de marhala (étape), terme cher à Nahnah, le leader du parti Hamas.

10. Ceux qui ont fait la guerre en Afghanistan, aux côtés des mudjûhidîn islamistes.

11. A côté de l'accès prioritaire à certaines fonctions, les privilèges des anciens mudjâhidîn sont surtout d'ordre matériel : lots de terrains, logements, licences de taxis, importations de véhicules exonérés de droits de douanes, etc.

12. Celui qui, sans porter les armes, n'en demeure pas moins au service du djihâd. Littéralement celui qui sauve autrui en offrant sa propre vie.

13. Voir l'hebdomadaire Algérie Actualités, n° 1134.

14. Quand le terme est orthographié moudjahid, il renvoie à une catégorie laïque utilisée par le lexique politique algérien et signifie « combattant ». Par contre, quand il est orthographié mudjâhid, il renvoie au djihâd et prend une connotation religieuse.

15. Le héros desfutuhât (conquêtes) musulmanes dont le détroit de Gibraltar porte encore le nom.

16. Celui qui est mort sans s'être raconté une épopée est mort au bord de l'impiété.

17. Parmi les hommes politiques ciblés se trouvaient le premier ministre et le responsable de l'appareil du parti. Le plasticage des édifices visait : l'hôtel Aurassi, le siège de l'UNFA, le siège du quotidien El Moudjahid, l'aéroport H. Boumedienne, le palais de justice et la brasserie d'El Harrach. Plus tard le MIA, fidèle à l'esprit de ses fondateurs, va tenter de mettre en application ce plan. L'aéroport H. Boumedienne sera plastiqué.

18. Quelques jours seulement après l'attaque de l'entreprise du bâtiment de Aïn Naâdja, et non pas une année après comme l'écrit A. Khelladi, Les islamistes algériens face au pouvoir.

19. Voir Hmida Ayachi, Al islâmiyyûn…, op. cit., p. 241.

20. Condamné lors du procès pour l'explosion de l'aéroport H. Boumedienne et exécuté.

21. Propos recueillis auprès de l'émir de ce groupe, selon un journaliste de L'Hebdo libéré, n° 56, du 22 au 28 avril 1992.

22. La nuit du jeudi 28 au vendredi 29 novembre 1991, un poste de gardes frontières est attaqué par des éléments armés dirigés par un certain Aissa Messaoudi dit Tayeb Al Afghanî. L'assaut se soldera par une prise d'armes et la mort de trois jeunes militaires dont les corps ont été mutilés à la hache.

23. Voir interview dans Hmida Ayachi, op. cit., p. 233.

24. Il faut préciser que la mouvance islamiste n'est pas totalement homogène. Certains de ses membres revendiquent le progrès matériel mais d'autres revendiquent une organisation sociale plus familière et moins brutale.

25. Lipovetsky, G., L'ère du vide: essais sur l'individualisme contemporain, Paris, Gallimard, 1983, 247 p.Google Scholar

26. Ibid., p. 198.

27. Ibid., p. 214.

28. P. Bourdieu avait déjà signalé l'importance du phénomène du temps des regroupements coloniaux ; la période post-indépendance a encore accentué la tendance avec le mythe de la ville développé dans le discours politique. Voir à ce propos Leca, J., « Villes et systèmes politiques. L'image de la ville dans le discours officiel algérien » dans Système urbain et développement au Maghreb, Alger, Opu, 1983.Google Scholar