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Discours utopique et récit des origines : 1. Une lecture de Cassiodore-Jordanès : les Goths de Scandza à Ravenne

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Extract

Le De origine actibusque Getarum que Jordanès, en 551, tire d'une longue Histoire des Goths de son contemporain Cassiodorus Senator, est à la fois un récit historique et un conte fabuleux; récit qui, malgré quelques détours, reste constamment et consciemment au niveau de l'histoire, conte dont la structure utopique garde de bout en bout sa cohérence et qui, sans déformer les faits, les rend porteurs d'une autre signification. Une bonne lecture ne doit pas sacrifier le conte au récit et détruire l'œuvre en la passant au crible; elle doit avant tout être attentive à la liaison entre les deux langages que l'auteur a éprouvé le besoin d'utiliser concurremment. Comme si les faits ne pouvaient devenir histoire qu'après un passage par le fabuleux. Comme si les Goths ne pouvaient entrer dans une histoire romaine que par une démarche utopique.

Type
Histoire et Utopie
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1971

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References

page 290 note 1. Nous renvoyons à l'édition de Th. Mommsen, Monumenta Germaniae Historica, auctores antiquissimi, V, 1, pp. 53-138, Berlin, 1882. Il existe une traduction anglaise, avec introduction et notes, de C. C. Mierow, The Gothic History of Jordanès, Princeton, 1905. Le texte latin de Mommsen est repris, traduit en russe avec un long commentaire sur Jordanès et d'abondantes notes par E. Č. Skržinskaja, Iordan, O proishoždenii i dejanijah Getov-Getica, Moscou, 1960. Une nouvelle édition des Getica est actuellement en préparation, utilisant un manuscrit des Archives d'État de Palerme (le « codice Basile », fin du VIIIe-début du IXe siècle) identifié en 1927 et donc resté inconnu de Mommsen, qui donne les trois quarts de l'œuvre, et dont le professeur Fr. Giunta a déjà signalé l'importance (” Il manoscritto délie Getica di Jordanès conservato nell’ Archivio di Stato di Palermo », Archivio Storico Siculo, 3e série, I, 1946; histoire et description du manuscrit dans E. Č. Skržinskaja, pp. 373-376). Nous désignons par la suite les différentes éditions par le seul nom de leur auteur.

page 291 note 1. W. Ensslin, Theoderich der Grosse, Munich, 1947, 2° éd. 1959; E. Stein, Histoire du Bas- Empire, II, pp. 107-156; / Goti in Occidente, Problemi, Settimane di studio del centro italiano di studi sull'Alto Medioevo (mars-avril 1955), III, Spolète, 1956; Musset, L., Les invasions. Les vagues germaniques, Paris, 1965, pp. 92101, 202-204, bibliographie, pp. 16 et 18Google Scholar.

page 291 note 2. Charlemagne fit transporter en 801 la statue équestre de Théodoric de Ravenne à Aix-la- Chapelle, ce qui indique la valeur exemplaire donnée au modèle ostrogothique.

page 291 note 3. Sur les réactions des Romains devant les envahisseurs barbares, voir P. Courceixe, Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, Paris, 3° éd. 1964; sur l'influence de la civilisation romaine sur les Barbares aux Ve-VIe siècles, voir la première partie du livre de P. Riche, Éducation et culture dans l'Occident barbare, VIe-VIIIe siècles, Paris, 1962.

page 291 note 4. En 497, une ambassade de Festus à Constantinople règle définitivement les rapports entre l'Italie ostrogothique et l'Empire, et Anastase rend à Théodoric les ornements impériaux qu'Odoacre avait précédemment renvoyés dans la capitale orientale (Anonyme de Valois, 64). Sur les titres et pouvoirs de Théodoric, voir E. Stein, Histoire du Bas-Empire, II, pp. 116-119. Longtemps après la mort de Théodoric, la légitimité dynastique joue un rôle majeur : Vitigès, pour se légitimer aux yeux des Goths, mais aussi des Romains et des Byzantins, épouse Matasonthe, petite fille de Théodoric, et envoie des ambassadeurs à Constantinople pour faire part à Justinien de ce mariage; après la mort de Vitigès en 542, la même Matasonthe épouse en secondes noces Germanos, ce qui « légitime » d'une certaine façon la reconquête byzantine.

page 291 note 5. Sur Cassiodore, du point de vue qui nous intéresse ici, citons A. Van de Vyver, « Cassiodore et son œuvre », Spéculum, 6, 1931, pp. 244-292; Momigliano, A., « Cassiodorus and italian culture of his time », Proceeding ofthe British Academy 41, Londres 1955, pp. 207245 Google Scholar; Wattenbach, W. et Levison, W., Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter I, Weimar, 1952-1953, pp. 6781 Google Scholar. Bibliographie à jour pour 1951 dans Momiguano, op. cit., pp. 237-245, à compléter par E. Č. Skržinskaja, pp. 377-387.

page 292 note 1. Ordo generis Cassiodororum : « Scripsit, praecipiente Theodoricho rege, historiam gothicam… », cité par Mommsen, p. xu; voir Momiguano, op. cit., p. 216.

page 292 note 2. Variae, IX, 25 : Athalaric parle en 533 de l'Histoire des Goths de Cassiodore comme d'une oeuvre récente, mais déjà achevée et connue.

page 292 note 3. C'est l'opinion de Momiguano, op. cit., pp. 219-222, qui pense que c'est Cassiodore luimême qui a continué son histoire des Goths jusqu'en 551, et qui donc l'a réadaptée aux nouvelles circonstances politiques, prônant la réconciliation finale entre Goths et Romains d'Italie sous l'égide de Justinien. Inversement E. Č. Skržinskaja (pp. 46-48 et 61) estime que l'oeuvre de Cassiodore s'arrête en 533, qu'elle traduit un courant latin favorable aux Goths et donc à la fois subversif et démodé en 550; pour cette raison, l'oeuvre n'aurait pas été largement diffusée et ne nous serait pas parvenue. Justinien, selon Procope, médite une liquidation des Goths d'Italie (Bell. Get., IV, 24, 5).

page 292 note 4. Lettre du pape Vigile, Mansi, IX, col. 357; Jaffé, Regesta pontificum romanorum, n. 927.

page 292 note 5. Procope, Bell. Get., III, 39, 15 et 21-22.

page 292 note 6. En plus des études déjà citées, mentionnons J. Friedrich, « Über die kontroversen Fragen im Leben des gothischen Geschichtschreibers Jordanès », Sitzungsber. d. Bayer. Akad. d. Wiss., PMI. hist. KL, 1907, Munich, 1908, pp. 379-442; une utile mise au point des problèmes biographiques dans l'introduction de E. C. Skriinskaja, et le premier chapitre d'un livre récent qui fait surtout l'historiographie des problèmes, Norbert, Wagner, Getica-Untersuchungen zum Leben des Jordanès und zur frü;hen Geschichte der Goten, Berlin, 1967 (pp. 359,)Google Scholar.

page 292 note 7. Getica, 316 : « Nec me quis in favorem gentis praedictae (les Goths), quasi ex ipsa trahenti originem, aliqua addidisse credat »; sur sa famille, ibid., 266; Mommsen estime qu'il était Alain et se considérait comme Goth (pp. vi-vn); mise au point de E. Č. Skržinskaja, pp. 12-15, et de N. Wagner, op. cit., pp. 5-17.

page 293 note 1. E. Č. Skržinskaja, pp. 15-17 (Jordanès aurait été notarius à peu près de 505 à 536), 24-28 (sens de agrammatus).

page 293 note 2. Getica, 266; Mommsen (pp. x-xrv) fait de Jordanès un moine écrivant dans un couvent de Moesie; A. Van De Vyver (op. cit., p. 257, n. 5) le croit laïc et installé à Constantinople; Momiguano (op. cit., p. 221) pense que Jordanès est un évêque d'Italie. Pour E. Č. Skržinskaja, Jordanès ne fut pas moine, peut-être évêque, mais assurément ni de Crotone, ni de Ravenne comme on l'a cru, peut-être aussi simple laïc religiosus (pp. 17-24); c'est à Ravenne qu'il aurait écrit les Getica : c'est là qu'il aurait pu le mieux connaître Cassiodore et son oeuvre, et défendre ses idées politiques (pp. 48-54). Exposé des problèmes et des solutions proposées dans N. Wagner, op. cit., pp. 30 et suiv.

page 293 note 3. Getica, 1-2.

page 293 note 4. C'est l'opinion de A. Momigliano; E. C. Skrïinskaja distingue au contraire le point de vue de Jordanès en 551 et celui de Cassiodore en 526, donnant ainsi à Jordanès une originalité politique qu'à notre avis il n'a pas (pp. 46-48).

page 293 note 5. Getica, 81, 252, 314; Mommsen, pp. xrv-xv; E. Č. Skržinskaja, pp. 32-33; N. Wagner, op. cit., pp. 48 et suiv.

page 293 note 6. L'originalité de Jordanès est sa situation d'écrivain goth; et cette situation suffit à transformer le sens de l'oeuvre de Cassiodore, à laquelle Jordanès n'ajoute sans doute littéralement que peu de choses (quelques mots d'introduction empruntés à Rufin, une notice autobiographique, quelques détails tirés des traditions du folklore goth, de nouvelles références aux classiques latins et grecs et une chétive conclusion); il le dit lui-même (Getica, 3).

page 294 note 1. Variae, IX, 25, 4 : Senatui urbis Romae Athalaricus rex, a. 533.

page 294 note 2. Anonyme de Valois XX, 60 : « Sic gubernavit duas gentes in uno, romanorum et gothorum ».

page 294 note 3. Sidoine Apollinaire, ep. IV, 22. Le même écrivain (mort vers 483), dans son panégyrique du 1er janvier 456, considérait l'alliance entre l'empereur Avitus et le roi wisigoth Théodoric II comme un affermissement de l'Empire. Orosius aussi (VII, 43, 5-7) rêve d'une union, mais sans contamination, de la force barbare et de la romanité, et propose de « restaurer, par la force gothique, le nom romain partout ». P. Riche insiste fort justement sur l'évolution du problème d'une génération à l'autre ﹛Education et culture dans l'Occident barbare…, pp. 50-51). Signe de cette évolution : on a noté que Cassiodore dans la correspondance officielle n'applique jamais aux Goths le nom de barbare (Mommsen, index de l'édition des Variae, s.v. « barbarus »).

page 295 note 1. Nous donnons ici une traduction ou, entre crochets carrés, une analyse des principaux passages des Getica sur lesquels porte notre commentaire. Notre propos étant de présenter une lecture du texte de Jordanès, nous renvoyons aux éditions de Mommsen et de E. Č. Skržinskaja pour tout l'appareil critique (variantes de texte, références complètes aux sources, explications géographiques). Sur Scandza et l'origine des Goths, des ouvrages récents sont à mentionner : celui, déjà cité, de N. Wagner, Getica-Untersuchungen…, chap. 3 : « Die Urheimat der Goten », p. 103 et suiv., qui est une utile mise au point, et surtout les travaux de J. Svennung, rassemblés dans son livre Jordanès und Scandia, kritischexegetische Studien, Acta Societatis Litterarum Humaniorum Regiae Upsalensis, t. 44, Stockholm, 1967, qui renouvellent sur bien des points nos connaissances et, à tout le moins, les problèmes. Les conclusions de J. Svennung n'entreront pas ici en discussion, mais son interprétation ethnographique, archéologique et philologique des passages de Jordanès concernant Scandza montre bien les différents niveaux auxquels peut et doit se faire une lecture des Getica.

page 295 note 2. Orosius (écrivain du début du Ve siècle), I, 2, 1.

page 295 note 3. L'ouvrage est adressé par Jordanès à Castalius, ami et frère de race, qu'il n'est pas possible d'identifier (Getica, 1-3).

page 296 note 1. Ptolémée (n° siècle après J.-C), II, 11, 33-35. Ce passage des Getica est commenté par J. Svennung, Op. Cit., pp. 1-28.

page 296 note 2. Pomponius Mêla (géographe romain du Ier siècle après J.-C), Chorographia, III, 31 et 54.

page 296 note 3. Sur la description par Jordanès de Scandza, voir Lauritz Weibull, « Skandza und ihre Vôlker in der Darstellung des Jordanès », Arkiv for Nordisk Filologi, 41, 1925, pp. 213-246. L'auteur considère que l'ouvrage de Jordanès est une pure et simple compilation, avec de nombreuses déformations : ainsi, le lac intérieur serait la mer Caspienne telle que la décrit Pomponius Mêla, et le « fleuve Vagi » une simple erreur de lecture (dans Pomponius Mêla ou dans Cassiodore ?) de l'expression « quasi fluvius », écrite en cursive latine, dont use Pomponius Mêla (III, 38) à propos de la Caspienne (pp. 221-223). Inversement, J. Svennung (op. cit., pp. 14-28) pense que le fleuve Vagus et le lac sont la Neva et le lac Ladoga; il considère, contre L. Weibull, que Cassiodore-Jordanès ont cherché l'objectivité historique et la précision, éliminant quelques historiettes fabuleuses qui avaient cours à leur époque (pp. 157-159 et 223-224). Ceci est vrai, et pour nous important, car on en conclura que c'est dans la structure même d'un récit historique que s'ordonnent les grandes lignes du dessin idéologique.

page 296 note 4. Sur l'ethnographie de Scandza d'après Jordanès, voir L. Weibull, op. cit., pp. 224-246; N. Wagner, op. cit., pp. 103 et suiv.; et surtout J. Svennung, op. cit., pp. 32—114.

page 296 note 5. Mommsen, pp. XXX-XLIV.

page 297 note 1. L. Weibull (op. cit., pp. 214-215) insiste avec raison sur le fait, qu'après Ptolémée, il y a un recul des connaissances sur les pays nordiques : ainsi, Orosius, Julius Honorius, Martianus Capella et Cassiodore-Jordanès après eux, en savent moins sur la Scandinavie que leur grand devancier du ne siècle.

page 297 note 2. La carte qu'a sous les yeux l'auteur des Getica serait celle que commente Julius Honorius, géographe du Ve siècle après J.-C. (cf. Muellenhoff, Weltkarte des Augustus, p. 31) ; la Cosmographie de Julius Honorius est d'ailleurs mentionnée par Cassiodore, qui en recommande l'étude à ses moines (De inst. dit. litt., 25). Cette carte est de toutes façons très proche des indications données par Orosius, dont l'autorité est invoquée en tête des Getica et dont le nom revient en de nombreux passages. Pomponius Mêla (Ier siècle après J.-C.) est explicitement cité par Cassiodore-Jordanès, ainsi que Ptolémée, à propos de la description de Scandza. On se reportera aux reconstitutions par K. Miller des cartes de ces différents géographes : Die atteste Weltkarten, VI, Stuttgart, 1898. A la même époque que Cassiodore-Jordanès, mais sans rapport avec les Getica, Cosmas Indicopleustès imagine une Topographie chrétienne qui remet en cause l'oeuvre de Ptolémée (voir la belle étude de Wanda Wolska-Conus, La topographie chrétienne de Cosmas Indicopleustès, Paris, 1962, et l'édition par le même auteur du texte de Cosmas dans la collection Sources Chrétiennes, éditions du Cerf).

page 297 note 3. Voir sur ce sujet, Joseph Schnetz, « Jordanis beim Geographen von Ravenna », Philologus, 81, 1925-1926, pp. 86-100.

page 298 note 1. Pomponius Mela, II, 31 et 54; Pline, IV, 13, 96. Cf. L. Weibull, op. cit., pp. 217-218.

page 298 note 2. L. Weibull, op. cit., p. 217, relève la méconnaissance de la Scandinavie de Ptolémée par les cosmographes romains de la génération qui précède Cassiodore et Jordanès, comme Orosius, Julius Honorius et Martianus Capella.

page 298 note 3. L. Musset, Les invasions. Les vagues germaniques, p. 50.

page 298 note 4. Notifia dignitatum, éd. O. Seeck, p. 251.

page 299 note 1. Études historiques sur l'origine des Goths : L. Schmidt, Geschichte der deutschen Stâmme bis zum Ausgang der Völkerwanderung. Die Ostgermanen, Munich, 1934; E. Oxenstierna, Die Uhrheimat der Goten, Leipzig, 1945; E. Schwarz, Germanische Stammeskunde, Heidelberg, 1956; N. Wagner, Getica. Untersuchungen…, où l'on trouvera une bonne bibliographie; et surtout J. Svennuno, Jordanès und Scandia.

page 299 note 2. Getica, 94.

page 299 note 3. Déformation par fausse étymologie de Gutisk-andja, « le rivage des Goths » (cf. L. Schmidt, op. cit., p. 196) ? Sur la migration des Goths et ses étapes, cf. N. Wagner, op. cit., p. 223 et suiv., et J. Svennung, op. cit., p. 213 et suiv.

page 299 note 4. Le règne de Berig est à rapporter au I e r siècle après J.-C, celui de Filimer au milieu et à la deuxième moitié du IIe siècle.

page 299 note 5. Sur cette désignation, voir les commentaires et références données par E. Č. Skržinskaja, p. 195, n. 68, et J. Svennung, op. cit., p. 208 et note.

page 299 note 6. Cf. N. Wagner, op. cit., pp. 229-233.

page 299 note 7. Cf. E. Č. Skržinskaja, p. 196, n. 70.

page 300 note 1. Mise au point sur cette première histoire des Goths dans L. Musset, op. cit., pp. 80-82.

page 300 note 2. Il pourrait s'agir ici d'une tradition populaire qui serait réapparue ultérieurement dans le folklore, cf. la très intéressante étude de Ramon Menendez Pidal, Los Godos y el origen de la epopeya espaHola, Colección Austral, n° 1275, Madrid, 1956, p. 14. = Goti in Occidente. Problemi… (op. cit.), Spolète, 1956, pp. 287-288.

page 300 note 3. Getica, 30-37.

page 301 note 1. Ibid., 31; 32 : comme Constantinople elle-même, la Scythie sert de délimitation entre l'Asie et l'Europe.

page 301 note 2. Ibid., 57.

page 301 note 3. Ibid., 61-62.

page 301 note 4. Ibid., 63-64.

page 301 note 5. Ibid., 65.

page 301 note 6. Ibid., 58.

page 301 note 7. La Scythie est entendue ici dans l'acception géographiquement très large de « pays des Scythes », non de « province de Scythie ». Toutefois cette province romaine de Scythie, caractérisée par son bilinguisme lacin-grec, terre d'origine peut être de Jordanès, joue un rôle très important dans l'histoire des Goths et de leur conversion avant l'invasion de l'Empire en 376; elle est une fenêtre ouverte sur le monde barbare du milieu du ive siècle. C'est ce que montre remarquablement la Passion de saint Sabas le Goth, cf. Joseph Mansion, « Les origines du Christianisme chez les Goths ». Analecta Bollandiana, 33, 1914, pp. 12-20.

page 301 note 8. L'histoire légendaire de Zalmoxès-Salmoxis est rapportée par Hérodote (IV, 95-96) : esclave affranchi par Pythagore, il va en Thrace où il apporte aux Goths une philosophie d'emprunt, comme Prométhée avait apporté aux hommes un feu volé.

page 302 note 1. Sur Buruista, cf. E. Č. Skržinskaja, pp. 237-238, n. 218.

page 302 note 2. Sur Dicineus et les belagines, voir P. Riche, Éducation et culture dans l'Occident barbare…, pp. 85, 97 et D. 42, 112 et D. 134; E. Č. Skržinskaja, p. 224, n. 127.

page 302 note 3. Getica, 32.

page 302 note 4. Strabon, VII, 3.

page 302 note 5. Getica, 94-95.

page 302 note 6. Ibid., 79-82 et 129-130. Notons que c'est surtout sur ces passages de Jordanès que repose l'interprétation traditionnelle de Wisigoths et Ostrogoths comme « Goths de l'Ouest » et « Goths de l'Est ».

page 303 note 1. Voir Mauriz Schuster, « Die Hunnenbeschreibungen bei Ammianus, Sidonius und Iordanis », Wiener Studien, 58, 1940, pp. 119-130. Commentaire ethnologique, mais dont on peut tirer paradoxalement la conclusion qu'il y a un portrait littéraire et idéologique des Huns, même pour ceux qui, comme Jordanès, avaient dû voir ce peuple d'assez près.

page 303 note 2. Erreur évidente et d'autant plus révélatrice du vrai rôle des Huns dans le récit de Cassiodore- Jordanès.

page 303 note 3. XXXI, 2, 1; ils vivent au-delà des marais, près de l'Océan glacial. La Méotide, le palus Maeotidis ou Maeotida, Meotis ou Maeotis, désigne la région de la mer d'Azov.

page 303 note 4. La légende de la proie merveilleuse qui indique aux Huns la route de l'Europe et leur fait dépasser le Bosphore cimmérien est largement répandue : on la trouve dans Eunape, Sozomène, Zosime, Procope, Agathias; cf. E. Č Skrztnskaja, pp. 271-273, n. 386.

page 303 note 5. Les événements qui suivent sont bien connus; nous nous contentons de suivre le récit de Cassiodore-Jordanès sans en faire la critique historique.

page 304 note 1. Joseph Mansion (« Les origines du christianisme chez les Goths », op. cit.) montre que toutes sortes de légendes circulent assez vite sur l'origine de l'hérésie chez les Goths, et qu'en fait l'arianisme ne devient la religion des Goths, avec leur évêque Ulfila, que lorsque ces derniers se regroupent en corps de nation (pp. 24-26). Conclusion très importante pour nous, puisqu'elle montre une liaison entre le phénomène hérétique (ou du moins son appréciation par les « orthodoxes ») et la constitution d'une nation barbare cohérente intériorisée à l'Empire romain.

page 304 note 2. Il en est d'autres, comme la rupture qui suit le massacre des Goths de Gainas à Constantinople (en 400) : Getica, 176.