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Dynamique Sociale et Croissance. A propos du prétendu retard du capitalisme maritime français (note critique)

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Olivier Pétré-Grenouilleau*
Affiliation:
Université de Bretagne-Sud, Lorient

Extract

Depuis les thèses de P. Butel et de C. Carrière, l'histoire du capitalisme marilime français était en panne. Après s'être intéressé à l'armement nantais, J. Meyer s'était tourné vers d'autres horizons, ceux de la noblesse bretonne et de l'histoire navale. Il suscitait ainsi toute une série d'études sur la technologie maritime, la construction navale, le personnel, les doctrines stratégiques et tactiques de la Royale. Ensemble, tous ces travaux ont permis de renouveler en profondeur notre vision de la marine de guerre, de ses rapports avec l'État et avec le grand commerce colonial, bref, de mieux comprendre les motifs, les tribulations et les résultats de ce grand duel franco-anglais, véritable seconde guerre de Cent Ans qui traverse notre 18e siècle, de la paix d'Utrecht (1713) au Congrès de Vienne (1815).

Type
Croissance Économique, Commerce et Industrie (17e-19e Siècles)
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1997

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References

* A propos de Lespagnol, André, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1997, 867 p., 2 vols.Google Scholar

1. Butel, P., Les négociants bordelais, l'Europe et les îles au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1974, 427 p.Google Scholar; Carrière, C., Négociants marseillais au XVIIIe siècle. Contribution à l'étude des économies maritimes, Lille, 1973, 2 vols.Google Scholar

2. Meyer, J., L'armement nantais dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Paris, Sevpen, 1969, 468 p.Google Scholar

3. Bien que la distinction soit parfois critiquable, on oppose généralement une histoire s'intéressant aux trafics commerciaux, aux hommes qui les animent, à leurs moyens…, l'histoire maritime, à une autre, portée vers la technologie navale et la marine de guerre: l'histoire navale.

4. Si l'on excepte la thèse de Pfister-Langanay, C., Ports, navires et négociants à Dunkerque 1662-1792, Dunkerque, 1985, 677 p.Google Scholar, s'inscrivant dans la lignée des travaux de P. Dardel sur Rouen.

5. En partie car, s'agissant de la phase précédant le démarrage commercial français (1685-1715), l'auteur reprend un certain nombre de clichés qui relèvent de « l'interprétation classique ». Ainsi, page 13: « C'est au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles […] que le capitalisme marchand français longtemps attardé et engourdi, et que les efforts volontaristes mais souvent maladroits de Colbert n'avaient pas suffi à dynamiser,fait véritablement son entrée sur la scène mondiale ». André Lespagnol poursuit ensuite en écrivant qu'il y a « à l'échelle d'un capitalisme français attardé », un « mystère malouin » dont il faut rendre compte (p. 14). Cette analyse pessimiste a été nuancée, voire totalement renversée, dans d'autres travaux d' Lespagnol, André, notamment dans sa contribution à Dans le sillage de Colomb. L'Europe du Ponant et la découverte du Nouveau Monde, 1450-1550, Rennes, 1995.Google Scholar

6. Au même moment, Rennes atteint 50 000 habitants, tandis que la population nantaise dépasse ce chiffre.

7. Le coût moyen du tonneau armé pour Terre-Neuve est de 160-180 livres en 1685-1688, de 230-300 livres en 1714-1717. Pour un corsaire, 140 à 160 livres/tonneau sont nécessaires en 1689-1692, 233 à 333 livres/tonneau en 1709-1711.

8. La valeur totale de la campagne de pêche d'une flottille de 70 navires, en 1686, dépasse à peine le million de livres, tandis que le produit global brut de la course, lors des deux derniers conflits du règne de Louis XIV, avoisine les 60 millions. Avec un surplus brut de l'ordre de 25 millions, le bénéfice net est, globalement, de l'ordre de 70 %.

9. C'est le cas des investissements opérés dans la Carrera de Indias, dont la rentabilité moyenne annuelle tombe à environ 7 % à la fin du 17e siècle. A la même époque, l'armement terre-neuvier connaît également des difficultés: engourdissement des marchés du sud européen, concurrence anglaise, « surproduction » causée par les Malouins eux-mêmes, vulnérabilité du trafic face à la guerre, abandon de la souveraineté française sur Terre-Neuve, lors de la paix d'Utrecht, ainsi que de tout droit de pêche sur la côte méridionale de l'île.

10. Cela explique peut-être la capacité de ce négoce à ouvrir des routes maritimes nouvelles, parfois particulièrement difficiles, comme celle du cap Horn.

11. D'où un contraste flagrant avec le schéma wébérien classique, note André Lespagnol. Mais la différence est-elle si grande entre le modèle de la bourgeoisie malouine et les enseignements du sociologue allemand ? S'agissant du rapport aux capitalistes (et non au capitalisme), autant que dans le type de confession, au sein du catholicisme, l'essentiel ne se situet- il pas dans le degré d'intériorisation des pratiques ? On pourrait alors rapprocher l'éthique protestante du « saint-esprit » d'ordre dont parlait Sombart, W. (Le Bourgeois, Paris, 1966)Google Scholar à propos de certains catholiques romains. « La crainte de Dieu est le commencement de toute entreprise », écrivait ainsi le négociant bordelais Grenouilleau à sa femme, en 1773 (P. Butel).

12. Les passages que consacre A. Lespagnol à ce sujet sont neufs. On était habitué à de tels développements pour les milieux de la finance (voir les travaux de D. Dessert) ou ceux du « clan Colbert » (J.-L. Bourgeon), pas vraiment pour le négoce. En ce domaine, il y a incontestablement une piste à suivre.

13. Sur cette question de l'analyse comparée de l'évolution des ports français sur la longue durée, voir Pétré-Grenouilleau, O., Les négoces maritimes français, XVIIe-XXe siècles, Paris, Éditions Belin, 1997, 255 p.Google Scholar

14. Pétré-Grenouilleau, O., L'argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement: un modèle, Paris, Aubier, 1996, 423 p.Google Scholar

15. Pour l'auteur, l'évasion hors du négoce passe par deux étapes: tout d'abord « l'émergence d'un véritable milieu de noblesse commerçante affirmant dans la durée sa fidélité au commerce », puis une « rupture rapide et complète avec le passé négociant, au profit d'une immersion totale au sein des milieux nobiliaires » (p. 786). L'auteur, qui insiste par ailleurs sur « la montée en puissance » du négoce par rapport aux financiers, écrit, qu'une « véritable noblesse commerçante, conforme — par anticipation — aux voeux et schémas de l'abbé Coyer… et de Vincent de Gournay », se constitue à Saint-Malo « à partir de 1710-1720 » (p. 777). Comment ce milieu qui s'affirme « dans la durée » (p. 786), peut-il entamer sa rupture avec le négoce dès « 1695-1700 » (p. 786) ? Question de détail, en partie balayée par l'affirmation par laquelle les deux phénomènes « ont pu se développer parallèlement », mais qui montre que les choses ne sont pas simples.

16. Exceptions notoires: 1769 avec 8 armements à la traite, 1753 avec 9, ou 1751 avec 10 (d'après le Répertoire des expéditions négrières françaises au XVIIIe siècle,de J. Mettas, Paris, Sfhom, 1984, t. II).