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Économie et société rurale en Angleterre au XVe siècle d'après les comptes de l'hôpital d' Ewelme1

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Philippe Genet*
Affiliation:
Paris-Sorbonne

Extract

Les campagnes anglaises sont devenues pour la fin du Moyen Age un terrain d'étude particulièrement important, depuis que les travaux d'un certain nombre d'historiens ont permis d'y reconnaître les différentes modalités de la « crise de la féodalité », c'est-à-dire du passage d'un système de production conditionné par les institutions de la féodalité et de la seigneurie à un système de production de type capitaliste, dont les grands traits sont déjà dessinés au XVIe siècle.

Type
Les Domaines de l' Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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Footnotes

1

A l'origine de ce travail se trouve un mémoire de D. E. S. préparé sous la direction du professeur Perroy en 1965. Mes recherches, favorisées par une bourse Besse de l' Université d' Oxford et de Lincoln Collège, ont été supervisées par le regretté K. B. McFarlane, à qui je dois beaucoup. J'ai également bénéficié de l'aide précieuse de M. Pierre Chaplais, Fellow de Wadham Collège, et des avis de mon ami M. G. A. Vale, maintenant Lecturer à l' Université d' York.

References

2. Pour préciser cette problématique, se reporter à E. A. Kosminsky, Studies in the agrarian History of England in the thirteenth century (Oxford, 1956), en particulier aux pp. 319-323, à la préface de l'auteur et à l'introduction de R. H. Hilton. De ce dernier, voir également : « L'Angleterre économique et sociale des XIVe et XVe siècles », Annales E.S.C., t. III, 1958, pp. 23-30 et « Y a-t-il eu une crise générale de la féodalité ? », Annales E.S.C., 1.1,1951 pp. 541 -563

3. La dispersion des études en ce qui concerne le XVe siècle est d'autant plus sensible que, pour la période antérieure à la peste, des ouvrages de synthèse remarquables ont vu le jour. Citons, parmi les plus récents, la synthèse régionale (l'oiseau rare en Angleterre…) de R. H. Hilton, A médiéval Society, the West Midlands at the end of thirteenth century (Londres, 1966), et J. Z. Titow, English rural Society 1200-1350 (Londres, 1969), destiné à présenter, avec textes à l'appui, un certain nombre de problèmes fondamentaux (dont celui du niveau de vie paysan).

4. Il est impossible de citer tous les ouvrages de ce genre. Mentionnons simplement les noms de leurs auteurs : J. Z. Titow, M. M. Postan, A. E. Levett ont étudié les domaines de la cathédrale de Winchester, F. R. H. DU Boulay ceux de la cathédrale de Canterbury; le prieuré cathédral de Worcester a été étudié par E. K. Vose, celui de St. Swithun à Winchester par J. S. Drew. celui de Durham par E. M. Halcrow et celui de Canterbury par R. A. L. Smith. R. H. Hilton a étudié les abbayes de Leicester (St. Mary-in-the-fields), Owston, Stoneleigh, Gloucester et Winchcombe, F. M. Page, Crowland Abbey H. P. R. Finberg, Tavistock Abbey, A. E. Levett encore. St. Albans, M. Morgan, les terres anglaises de l'abbaye normande du Bec, N. Neilson, J. A. Raftis enfin, l'abbaye de Ramsey. Cette liste, qui est loin d'être exhaustive, n'est pas consacrée au seul XVe siècle qui, par rapport au XIVe, est dans l'ensemble assez mal servi.

5. Il faut citer ici K. B. McFarlane, The investments of Sir John Fastolf's profits of war, Trans. of the Royal Hist. Soc, 5e série, VII, 1957; R. H. Hilton (éd.), Ministers'accounts of the Warwickshire estâtes of the duke of Clarence, Dugdale Society, 1952; C. D. Ross, The estâtes and finances of Richard Beauchamp, Earl of Warwick. Dugdale Society, Occasional Papers n° 12, 1956; R. Sommer Ville, History of the Duchy of Lancaster, vol. I (Londres, 1953), et J. M. W. Bean, The estâtes of the Percy family, 1416-1537 (Oxford, 1958); nous aurons par la suite l'occasion de nous arrêter à d'autres études consacrées aux domaines du duc d'York, à ceux des Grey of Ruthin et du duc de Buckingham.

6. Pour une description rapide de ces sources, voir J. Z. Titow, op. cit., pp. 23-33; pour une critique plus détaillée des sources manoriales, voir, de R. H. Hilton, l'introduction à « Ministers'accounts.. », op. cit., et « The contents and sources of English agrarian history », The Agricultural History Review, vol. III, 1955, pp. 3-19. Denholm-Young, N., Seignorial administration in England (Oxford, 1937)Google Scholar, ne s'occupe en réalité que du XIIIe siècle, mais les pp. 120-151 sont essentielles pour bien comprendre la place de la comptabilité dans l'administration seigneuriale. On peut aussi consulter les articles de D. Oschinsky, « Médiéval treatises on estate accounting », Economic History Review, XVII, 1947, pp. 52-61, et « Médiéval treatises on estate management », Economic History Review, 2e série, VIII, 1956, pp. 296-309.

7. Les statuts de l'hôpital se trouvent dans le Harleian MS. 113 au British Muséum. Ils ont été publiés à partir d'un autre manuscrit (Corpus Christi Collège, Oxford) par William Dugdale, Monasticum Anglicanum, vol. VI, t. I, p. 716. A partir de ces documents et de quelques autres, on peut se faire une idée assez précise du fonctionnement de cette institution : la fondation est prévue pour deux prêtres (capellani) et treize pauvres hommes. Il semble qu'assez vite l'un des deux prêtres ait pris le titre de « grammaticus » et qu'une école soit apparue qui devait avoir bientôt ses locaux. Les comptes nous montrent d'ailleurs que le « grammaticus », qui n'avait d'abord droit qu'à 5 livres par an, percevait à partir de 1462 le même salaire que le prêtre qui porte le titre de maître de l'hôpital, soit 10 livres par an. L'entretien des treize pauvres hommes représentait une somme de 35 à 40 livres environ. A leur mort, leurs biens sont vendus au profit de l'hôpital; mais ils ne sont que de faible valeur (de 5 à 15 sous). D'ailleurs les statuts prévoient que lorsqu'un pauvre fait un héritage substantiel il doit ou quitter l'hôpital, ou refuser l'aubaine

8. Voir le Domesday Book, t. I, Wiltshire, XX, p. 69; Buckinghamshire, XII, p. 147; Hampshire, XIII, p. 43.

9. Sur l'abbaye de Grestein et son histoire, voir Charles Bréard, L'abbaye Notre-Dame de Grestein (Rouen, 1904). Mais l'abbaye n'est pas étudiée dans Morgan, M., The English lands ofthe abbey of Bec (Oxford, 1945)Google Scholar, et D. J. A. Matthew, The Norman monasteries and their English possessions (Oxford, 1962) ne consacre que très peu de place à cet établissement. Il est vrai qu'il est assez mal représenté aux archives de l'Eure, mais la vue des pièces justificatives fournies par Charles Bréard laisse penser qu'il existerait des documents le concernant dans le fonds de Tancarville, fonds non classé des archives de la Seine-Maritime.

10. Les domaines anglais de l'abbaye étaient néanmoins assez importants : outre nos trois manoirs, Robert de Mortain lui avait aussi donné les manoirs de Cretyng et de Mikesfeld (Suffolk), auxquels les membres de sa famille ajoutèrent Derneford (à Sawston dans le Cambridgeshire) et Norton (Somerset). Les manoirs étaient administrés à partir de deux granges, Cretyng et Wylmington, où se trouvait un prieuré dépendant de Grestein, et où l'abbaye aurait peut-être possédé un manoir appelé Jeddington (voir la Victoria History of the Country of Sussex, p. 122).

11. Sur ce pittoresque personnage, voir Luise von Winterfeld, Tidemann Lemberg. Ein Dortmunder Kaufmannsleben aus dem 14.Jahrhundert, Hansische Volkshefte, n° 10, n. d.

12. Public Record Office, Inquisitions post mortem, 5 Henry IV, 39; 8 Henry V, 56; 9 Henry VI, 45.

13. Ces archives ont été classées par William Kydd, avec quelques erreurs qui étaient d'ailleurs difficiles à éviter sans un examen approfondi des documents (ainsi pour le dernier compte du manoir de Ramridge où le scribe a écrit Henry VI à la place d'Henry VII en tête du compte). Kydd a déposé les documents à la Bodleian Library, où ils forment une série particulière, les Ewelme Muniments (cote E. M.). La plupart des documents médiévaux ont été collés dans de gros volumes, ce qui n'en facilite pas le maniement.

Je donne ici une liste rapide de ces documents, pour éviter d'alourdir les notes par des rappels incessants; les cotes se répartissent ainsi : a i (documents A 1 à A 10) : accords De La Pole-Grestein, ferme de Mersh, cessions et rétrocessions des manoirs avec nomination d'attorney.

a 2 (documents A 11 à A 14) : cessions et rétrocessions des manoirs avec nomination d'attorneys.

a 3 (documents A 15 à A 19) : même chose.

a 4 (documents A 20 à A 24) : quatre documents ayant trait à la fondation et à la dotation de l'hôpital.

Image 3

a 7 : affermage de Connok.

En dehors des volumes, on trouve dans le carton c 2 (E A 1 ) 9 comptes du Maître de l'hôpital et 6 indentures de recette.

14. A. Napier, Historical notices of the parishes of Swyncombe and Ewelme, rappelle que, de tradition immémoriale, un grand banquet est offert aux pauvres de l'hôpital le jour de la lecture du compte; cette lecture publique se faisait encore au XIXe siècle.

15. Le problème des arriérés est très bien présenté dans l'excellent article de Christopher Dyer, «A redistribution of incomes in fifteenth century England», Past and Présent, n°39, (1968), pp. 11 -33, fondé sur les domaines de l'évêché de Worcester. La mise au point de Barbara J. Harris, «Landlords and tenants in the later Middle Ages: the Buckingham estâtes», Past and Présent, n° 43, (1969), pp. 146-150, ne me parait nullement modifier la chronologie et les conclusions de Mr. Dyer. On peut sur ce point trouver des exemples précis dans J. S. Drew, « Manorial accounts of St. Swithun's Priory », English Historical Review, LXII, (1947), pp. 20-40.

16. A Ramridge, on constate encore l'existence de deux sources de dépenses supplémentaires, dans ce domaine : lorsqu'il y a une vente de bois, ceux qui s'en sont occupé reçoivent une gratification particulière, et très souvent, une robe est offerte au fermier.

17. Voir McFarlane, K. B., « William Worcester, a preliminary survey », in Studiesprésentéed to Sir Hilary Jenkinson (Oxford, 1957), pp. 196221 Google Scholar.

18. Finberg, H. P. R., Tavistock Abbey, a study in the social and économie history of Devon (Cambridge, 1951)Google Scholar, s'exprime ainsi à ce propos : « les cours n'ont quelquefois dû rapporter qu'à peine de quoi couvrir les dépenses. Au XVe siècle, leurs plus beaux jours étaient passés; mais cela ne veut pas dire qu'elles avaient perdu toute utilité » (p. 218).

19. Sur Edmund Rede, voir H. E. Salter, Boarstall Cartulary, Publications of the Oxford Historical Society (Oxford, 1930), et Wedgewood, J. C., History of Parliament : vol. I, Biographies of the members of the Commons House (Londres, 1936), p. 711 Google Scholar.

20. Parmi les administrateurs que nous voyons à l'œuvre à Ramridge, un seul a sûrement appartenu à l'administration De La Pôle. C'est Hugh Short, qu'une série d'actes datant des années 1430-1435 nous présente comme l'attorney de William De La Pôle. Disons que s'il n'y a pas de preuves pour les autres, il y a tout au moins des présomptions.

21. H. P. R. Finberg, « Tavistock… », op. cit., nous offre un point de comparaison (p. 238). Les « fées » payés au « High Steward of the Abbey » et au « High Steward of the Liberties and Franchise of Tavistock » se montent à environ 6 livres par an, soit 3 % du total des revenus. La proportion est de 10 % à Ramridge, et de 7 % à Mersh-Gibbon : s'il s'agit de sommes payées aux fidèles de la famille De La Pôle, on voit bien que l'hôpital reste lié de très près à ses fondateurs.

22. Voir H. P. R. Finberg, op. cit. (p. 239), qui signale que les « reeves » des manoirs de Tavistock ne paient pas de rente pendant leur temps d'office. Nos prévôts sont moins bien lotis, car ils continuent à payer leur rente, qui, le plus souvent, dépasse nettement les 3 à 6 sous qui leur sont parcimonieusement alloués.

23. Sur ce problème, voir les mises au point de A. R. B Rid B U RY, Economic growth : England in the later Middie Ages (Londres, 1962), de M. M. Postan, dans le ch. Vii, 7, de la Cambridge Economic History of Europe, t. I (Cambridge, 2e éd., 1966) et de J. R. Lander, Conflict and stability in fifteenth-century England (Londres, 1969), pp. 28-38.

24. J. A. Raftis, The estâtes of Ramsey Abbey. A study in économie growth and organization. Pontifical Institute of Médiéval Studies, vol. 3 (Toronto, 1957).

25. Bean, J. M. W., The estâtes of the Percy family (Oxford, 1958)Google Scholar. L'analyse des comptes des receveurs des domaines montrent à quel point les finances des Percy étaient obérées par les pratiques du « bastard feudalism ». Or leurs revenus agricoles ont, en gros, baissé d'un quart entre 1416 et 1461, baisse compensée par l'accroissement de leurs domaines. Et à partir de 1470, l'essor de ces revenus agricoles est très lent, plus lent en tout cas que celui des prix. La gestion est assez nonchalante dans l'ensemble et l'on ne recourt pas aux nouveautés (pas d'enclôtures, par exemple).

26. Outre l'ouvrage de J. A. Raftis, déjà cité, voir aussi Page, F. M., The estâtes of Crowland Abbey (Oxford, 1934)Google Scholar; R. H. Hilton, The économie development of some Leicestershire estâtes in the fourtheenth and fifteenth centuries (Oxford, 1947), et H. P. R. Finberg, op. cit.

27. Outre les ouvrages cités à la note 1, il est intéressant de se reporter à l'article de J. Schreiner, « Wages and priées in England in the later Middle Ages », Scandinavian Economic History Review, t. 2, 1954, pp. 61 -73.

28. Pour les Grey, voir la publication par I. R. Jack, de 777e Grey of Ruthin Valor (Sidney, 1965). Le cas de cette famille est intéressant, car il semble bien que ce soit grâce à la gestion de Lord Edmund Grey, qui deviendra Earl of Kent, que le rendement des domaines ait progressé. Avant et après lui, les choses vont nettement moins bien.

29. J. R. Lander, op. cit., pp. 32-34, dresse un parallèle très frappant entre deux groupes de domaines voisins : ceux de Sir John Fastolf à Castle Combe, d'une part, et les terroirs de la vallée de la Stroud, partagés entre l'abbaye de Syon (Minchinhampton) et le duc d'York (Bisley). Les premiers prospèrent de façon spectaculaire : ils sont en particulier célèbres pour le développement rapide qu'y connaît l'industrie rurale, et Sir John ne manque pas d'en tirer le maximum de revenus. Au contraire, les domaines voisins paraissent être dans un état assez lamentable, surtout Bisley, et leurs seigneurs ont bien du mal à obtenir le paiement de leurs rentes. Pour plus de détails, se reporter en ce qui concerne les domaines de Fastolf à l'article déjà cité de K. B. McFarlane et à E. M. Carus-Wïlson, « Evidence of industrial growth on some fifteenth century manors », Economic History Review, 2nd. ser. XII, 1959-1960 (réimprimé dans les Essays in économie history, édités par E. M. Carus-Wilson, pp. 190-205). Pour la gestion du duc d'York, voir J. T. Rosenthal, « Fifteenth-century baronial incomes and Richard, duke of York », Bulletin of the Institute of Historical Research, 1964, pp. 233-238, et « The estâtes and finances of Richard, Duke of York (1411-1460) », in Studies in Médiéval and Renaissance History, University of Nebraska, t. Il, 1965.

30. Cette brusque diminution des arriérés se retrouve dans d'autres domaines : ainsi le niveau des arriérés au manoir de Houghton qui dépend de Ramsey Abbey tombe de 255 livres, 18 sous, 6 deniers, en 1462 à 11 livres, 3 deniers en 1475 (J. A. Raftis, op. cit., p. 298).

31. P.R.O., Inquisition post mortem, C 138 F. 47, n° 56 (se compose de neuf pièces).

32. L'inventaire des biens confisqués de Michael De La Pôle se trouve dans le Calendar of Inquisitions miscellaneous, vol. 5 (1388). Voici exactement de quoi se composait le cheptel du manoir en 1387 :

8 boeufs d'une valeur de 4 livres ; 14 vaches d'une valeur de 4 livres 13 sous 8 deniers ; 1 taureau d'une valeur de 6 sous 8 deniers; 1 taurillon d'une valeur de 6 sous 8 deniers; 6 bouvillons d'une valeur de 15 sous; 2 béliers d'une valeur de 10 sous; 159 moutonsd'une valeur de 11 livres 11 sous 6 deniers ; 2 truies d'une valeur de 4 sous ; 6 jeunes porcs d'une valeur de 6 sous ; 6 cochons de lait d'une valeur de 3 sous.

Sur ce point, voir J. J. N. Palmer, « The Impeachment of Michael De La Pôle in 1386 » Bulletin of the Institute of Historical Research. XLII (1969), pp. 96-101.

33. Pour la valeur de la virgate. voir par exemple E. A. Kosminsky, op. cit., p. 30 et p. 35.

34. Celle-ci fonctionne presque comme un organe d'enregistrement : à Mersh, les « heriots » et les « entry fines » sont pratiquement les seuls cas dont elle s'occupe, pour autant que l'absence des « Court Rolls » nous permette de le savoir. A Ramridge, les amendes sont beaucoup plus nombreuses, et infligées à deux titres avant tout : ou bien un tenancier a laissé paître ses bêtes sur la terre d'autrui, ou bien il a négligé l'entretien de sa tenure. La décadence de la « curia » n'est sans doute pas aussi nette dans d'autres cas; peut-être même est-elle plus marquée dans les petits domaines que dans les grands; mais dans l'ensemble, il s'agit bien d'une mise en sommeil, sensible aussi sur un autre point, à savoir la réglementation de la coutume manoriale. Voir sur ce point W. O. Ault, Openfield husbandry and the village community : a study of agrarian by-laws in médiéval England, Transactions of the American Philosophical Society, new séries, vol. 55 (Philadelphie, 1965).

35. Il est intéressant de donner le texte du compte de ces travaux, curieux amalgame anglolatin (Ramridge, 1455) : « Custum reparacionis manerii : — Et solutum Ricardo Combe carpentario pro gronsellando le shephouse et alia reparaciones infra manerium faciendum hoc anno ex convencione cum eo facta per Magistrum Willelmum M art on, in parte solucionis de XXI s. VIII d. XVII s.

— Et solutum ad prosternandum (XV d.) XXX quercos et carandum de bosco (III s. IV d.) usque manerium IV s. Il d.

— Et solutum Nicholao Pevesey laborante ad lathandum et coopertandum le shephouse ex convencione cum eo facta per Thomam Stevyns recipiendum pro labore suo VI s. IV d. et inde recepit in parte solucionis III s. Il d.

— Et solutum pro mille lathandilla (sic) emptis de Ricardo Loket XIII d.

— Et solutum pro mille sperrys ad idem emptis IX d.

— Et solutum Edwardo Cully et Thome Pevesey laborantibus ad bredandum et daubandum et subc’ pynniandum le shephouse ex convencione cum eis facta in grosso per Thomas Stevyns in plenam solucionem IX s.

— Et solutum ad manus Thome Stevyns ad locandum quinque homines per unum diem ad rudendum parietes dicte shephouse in parte boreali cum croibus (?) emptis (VIII d.) de Lympeas et pro labore eorum (VIII d.) in toto XVI d.

— Et solutum Walter Helis de Andover pro tegulacione magni caverii manerii de Ramrugge et ad idem imbemendum novis tegulis indigentibus lathis lathiculis calcibus et zabulis ad custos suos proprios ex convencione cum eo facta per Magistrum Willelmum Marton in grosso LVI s. VIII d.

Summa : IV L. XIII s. VIII d.

36. J. A. Raftis, op. cit., donne des exemples qui confirment en partie seulement cette chronologie. Pour les revenus de Ramsey Abbey, c'est l'année 1489 qui représente le point le plus bas de la période 1405-1521. Si la crise de la fin du siècle est ici bien marquée, la reprise et la remise en ordre que connaît Ewelme dans les années précédentes n'est pas sensible.

37. L'hôpital semble s'être engagé imprudemment dans l'imbroglio politique qui s'est tissé autour de la famille De La Pôle à la fin du XVe siècle. En 1501, il prête 20 livres à Edmund De La Pôle, comte de Suffolk, qui depuis qu'il s'est enfui une première fois auprès de l'archiduc Philippe de Bourgogne, est considéré comme le prétendant yorkiste au trône d'Angleterre, ce qui est d'ailleurs plutôt paradoxal pour un descendant de William De La Pôle ! Lorsqu'il s'enfuit une nouvelle fois, le sort lui est défavorable : une tempête jette l'archiduc Philippe sur les côtes anglaises, et ce dernier ne peut regagner la Flandre qu'en s'engageant à livrer Edmund à Henry VII. Il est bien précisé sur le compte de 1504 que l'évêque de Hereford a contresigné de sa main, que la somme prêtée à Edmund l'a été « tempore quo fuit in favore et gratia domini régis ».

38. J. A. Raftis, Tenure and mobility. Studies in the social history ofthe médiéval English village. Pontifical Institute of Médiéval Studies. t. VIII (Toronto, 1964), p. 205.

39. R. H. Hilton, The décline of serfdom in médiéval England (Londres, 1969).

40. Voir sur ce point dans Holmes, G. A., The estâtes of the higher nobility in XIV. century England (Cambridge, 1957)Google Scholar, la lettre adressée au « reeve » d'Odcombe (Somerset) par le conseil du comte de March pour lui reprocher d'avoir attribué des terres réputées non libres à un paysan libre alors qu'un « bondsman » était précisément candidat à cette tenure (p. 128).

41. Ainsi le cas fameux du heriot de William Heynes, « bondman » de Sir John Fastolf qui fut évalué à 140 livres (voir E. M. Carus-Wilson, op. cit.).

42. Il existe parfois des cas inverses où la terre libre se singularise en payant des redevances plus élevées.

43. Dans J. A. Raftis, Tenure and mobility…, on trouve d'importantes listes de manumissions concernant les domaines de l'abbaye de Ramsey. Pour ce qui est du montant des manumissions, voir R. H. Hilton, The décline…, pp. 51-52.

44. Pour un cas semblable dans les domaines de la cathédrale de Coventry, voir R. H. Hilton, The décline…, p. 45.

45. Le niveau de ces taxes reste très variable. Pourtant, dans la plupart des cas, on peut arriver à retrouver une sorte de barème : le heriot d'une demi-vergée vaut 3 sous 4 deniers, et celui d'une vergée de 5 à 6 sous. Les « entry fines » oscillent, elles, entre 10 et 20 sous (tout ceci à Ramridge).

46. J. Z. Titow, English rural Society…, op. cit. donne (pp. 186-188) un bon exemple des variations de I’ « entry fine » pour une même tenure, de 1227 à 1501 (à Bishop's Waltham (Hants), un des manoirs de l'évêque de Winchester). Par rapport à Ramridge, on notera un affaissement de cette taxe au milieu du XVe siècle.

47. Dans les comptes de Mersh, on distingue ainsi entre les deux types de revenus : Image 4 De 1441 à 1447 on parle de « redditus assisarum » ; de 1456 à 1471 de « redditus tenentium », pour revenir en 1472 à l'appellation « redditus assisarum ». L'appellation « redditus tenentium » ne fait à Ramridge que de très courtes apparitions, à la fin de notre période (1477, 1482,1490). Pourtant, les comptabilités manoriales sont en général beaucoup plus précises dans ce cas : ainsi R. H. Hilton, dans The économie development of some Leicestershire estâtes in the XlVth and XVth century (Oxford, 1947) peut étudier avec précision l'évolution des différents types de rentes (p. 123) payées par les paysans de l'abbaye d'Owston.

48. En ce qui concerne les tenures à Mersh-Gibbon, il m'a fallu pour arriver à cette évaluation comparer de très près le rental de 1409 aux petits rentals « incorporés » que contiennent les comptes manoriaux entre 1456 et 1492, et qui n'expriment pas la composition de la tenure, mais seulement la redevance qu'elle paye. La conversion est assez facile, car les redevances se regroupent en des classes bien définies que l'on rapproche aisément de celles du rental.

49. Voici les sources de ce tableau : les chiffres pour Wistow et Houghton viennent de J. A. Raftis, Tenure…, op. cit., p. 19 (Wistow) et p. 20 (Houghton). Pour le Buckinghamshire, les chiffres ont été calculés à partir de E. A. Kosminsky, Studies…, op. cit., p. 216 (tableau de la stratification des tenures serviles) et p. 223 (tableau de la stratification des tenures libres) ; les données viennent des « Hundred Rolls ». Pour Stoneleigh, voir R. H. Hilton, The Stoneleigh Léger Book, Publications of the Dugdale Society, vol. XXIV (Oxford, 1960), p. XLI, et pour Sherborne, voir R. H. Hilton, « Winchcombe abbey and the manor of Sherborne », in Gloucestershire Studies, H.P.R.Finberg, éd. (Leicester, 1957), pp. 89-113.

50. Pour le débat engagé sur le niveau de vie paysan, voir d'une part E. A. Kosminsky, op. cit., qui discute de l'établissement du budget paysan et critique les évaluations de J. T. Rog Ers, 1.1. Granat, N. S. B. Gras, H. S. Bennett (pp. 230-242) et J. Z. Titow, op. cit.. qui rejoint à peu près dans ses conclusions M. M. Postan et s'oppose aux vues de J. C. Russell et de B. F. Harvey, d'autre part, dans l'évaluation de la surface minimale à l'entretien d'une famille paysanne moyenne (pp. 64-96).

51. Cf. E. A. Kosminsky, op. cit., pp. 216-218. Il est bon de noter d'ailleurs que le Buckinghamshire est rangé dans le groupe oriental que définit E. A. Kosminsky, groupe qui est caractérisé par la faible proportion des « virgaters ». Mais Mersh-Gibbon est limitrophe de l'Oxfordshire qui appartient quant à lui à un groupe occidental caractérisé par une forte proportion de «virgaters », et il rattache certainement à ce dernier groupe, ce qui aide à comprendre les dimensions relativement élevées des tenures.

52. M. M. Postan, op. cit., p. 619.

53. D'ailleurs les petites tenures sont souvent prises en sous-tenure par les paysans les plus riches (R. H. Hilton, Stoneleigh…, op. cit., p. XLI, s'appuyant sur les études d'E. K. Vose sur les domaines du prieuré cathédral de Worcester).

54. C'est Christopher Dyer, op.'cit., qui attire l'attention sur l'importance des arriérés. Il fait ainsi une remarquable étude de la résistance paysanne qui va parfois jusqu'à une véritable grève des rentes.

55. Voir la courbe I.

56. Christopher Dyer, op. cit., cite le cas (p. 28) d'un paysan, Thomas Harryes, qui a plus de 60 acres et doit un heriot d'un cheval et de deux boeufs et qui pourtant ne paye pas ses rentes. A Mersh-Gibbon, le plus riche en terres des paysans, William Andrewe, ainsi que son succseur, William Newynton, qui possèdent plus de 3 vergées, figurent sur toutes les listes de dettes, pour des sommes oscillant entre 5 et 20 sous.

57. Sur la position des fermiers et leur situation par rapport à la « gentry », voir M. M. Postan, op. cit., pp. 585-586, et surtout F. R. H. DU Boulay, « Who were farming the English demesnes at the end of the Middle Ages ? », Economic History Review, 2nd. ser., t. XVII, 1964- 1965, pp. 443-455. Christopher Dyer insiste plus que ce dernier sur l'origine paysanne modeste des fermiers, et le témoignage d'Ewelme parait corroborer cette dernière opinion. William Hawkins, fermier en 1441, Thomas Hawkins, fermier en 1457 et William Gilbert, fermier en 1492, sont tous trois de simples « virgaters ». Pour les trois autres fermiers connus, William de Mersh (1395), John Crowelton (1408), et William Cottiford (en 1502), je n'ai pas de renseignements 58. Nous ne disposons pas de contrats de fermage pour Ramridge. Nous en avons un pour Mersh qui date de 1381-1382, mais il s'agit de l'affermage du manoir dans son ensemble (solution simple du point de vue administratif) pour dix ans par Michaël De La Pôle à Richard Wilkokes, qu'il a employé à diverses reprises comme attorney. L'affermage en bloc du manoir a été la solution adoptée par l'hôpital d'Ewelme pour le manoir de Connok : nous avons là aussi un contrat de fermage du 12 mai 1485. Mais il ne s'agit pas ici du même type de fermage que celui que nous avons étudié à Mersh et à Ramridge, et qui ne concerne que le domaine propre du seigneur. D'ailleurs, dans ces deux contrats, les fermiers ne sont certainement pas de simples paysans I Pour une bonne étude d'un contrat de fermage, voir H. P. R. Finberg, « A farmer's lease in 1402 », Devon and Cornwall Notes and Queries, t. XXIII, 1947-1949, pp. 50 et suiv.

59. Je ne peux mieux faire ici que de citer R. H. Hilton, The économie development…, op. cit., pp. 94-95 : « Ces fermiers de domaines et de dîmes, qui ne tenaient à l'origine qu'une modeste vergée ou moins de l'abbaye, tenaient sans aucun doute de la terre d'autres seigneurs dans le même village, quelquefois dans d'autres villages. Ils révèlent une importante tendance dans le développement de la société rurale aux XIVe et XVe siècles; ils font partie d'une couche supérieure de la paysannerie qui avait vu sa force grandir avant même d'avoir la possibilité d'étendre le champ de ses activités par la prise en ferme des domaines manoriaux. La stratification sociale de la paysannerie a été un des phénomènes les plus importants dans les campagnes anglaises aux XIVe et XVe siècles ».

60. Paul R. Hyams dans son compte rendu de l'ouvrage de R. H. Hilton, The décline.. op. cit.. a exprimé une critique qui est sans doute la seule que l'on puisse faire à cet ouvrage. Selon lui, R. H. Hilton a par trop négligé l'aspect juridique du problème paysan : il souligne en particulier que la protection légale du « copyhold » est tout à fait négligeable avant 1500. Il ne faut donc pas trop exagérer sur certaines « conquêtes » paysannes (English Historical Review, t. 2, 1970, pp. 608-609).