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Hommes de mauvaise réputation

Usuriers, débiteurs et créanciers en procès (Pistoia, 1287-1301)

Published online by Cambridge University Press:  26 April 2023

Arnaud Fossier*
Affiliation:
Université de Bourgognearnaud.Fossier@u-bourgogne.fr
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Résumé

À partir de l’étude d’une douzaine de procès conservés dans les registres de l’évêque de Pistoia à la fin du xiiie siècle, cet article propose d’interroger la frontière entre deux phénomènes majeurs de l’économie prémoderne : le crédit et l’usure. Ce ne sont pas tant les modalités pratiques du prêt d’argent qui différenciaient l’une de l’autre – même si le taux d’intérêt jouait un rôle dans la définition judiciaire de l’usure – que la diffamation de l’usurier. La fama, entendue comme l’opinion collective recueillie par le juge, visait en effet à établir la réputation d’« usurier public » de l’accusé, et il n’est d’ailleurs pas impossible que ces procès se soient inscrits dans des jeux de factions locaux. Mais, il faut bien reconnaître que la majorité visaient d’abord à obtenir la restitution des sommes extorquées par les usuriers. Quant à l’Église, on peut se demander si, plutôt que de condamner de façon claire et univoque l’usure (freinant ainsi supposément l’avènement du capitalisme), elle n’a pas tenté d’instituer le marché en discriminant les honnêtes banquiers des mauvais prêteurs et en tâchant de maintenir son contrôle sur l’espace public face à l’emprise grandissante des pouvoirs communaux.

Abstract

Abstract

Based on the study of a dozen trials preserved in the late thirteenth-century registers of the Bishop of Pistoia, this article analyzes the boundary between two major phenomena of the premodern economy: credit and usury. Though interest rates formed part of the legal definition of usury, what differentiated one from the other was less the practical mechanisms of lending money than the defamation of the usurer. The fama, understood as the collective opinion gathered by the judge, sought to establish the reputation of the accused as a “public usurer,” and it is possible that these trials were mobilized in conflicts between local factions. Nonetheless, the majority primarily aimed at the restitution of sums extorted by the usurers. The Church, for its part, seems to have hesitated to condemn usury in a clear and univocal manner (which would allegedly have slowed the rise of capitalism). Instead, it may have attempted to regulate the market by discriminating between honest bankers and wicked lenders in order to maintain control over the public sphere in the face of the growing influence of the Italian communes.

Type
Crédit et justice
Copyright
© Éditions de l’EHESS

En mars 1300 se tint à Pistoia – ville toscane d’environ 15 000 habitants – un procès présidé par l’évêque de la ville, Tommaso Andrei, ou plus exactement par son « vicaire général », Arnoldo, archidiacre de la cathédrale de San ZenoFootnote 1. La procédure impliquait, d’un côté, un usurier public du nom de Giovanni Buscii qui, du fait de sa mort, était représenté par son frère Insegna et, de l’autre, certains de ses clients qui l’accusaient d’avoir pratiqué le prêt d’argent à des taux d’intérêt trop élevésFootnote 2. Pendant un ou peut-être plusieurs jours, quatre témoins comparurent devant la cour et furent sommés de dire la « vérité » sur les actes de l’usurier, jusqu’à ce que le vicaire soit en mesure de rendre son verdict. À Giovanni Bonvassallo, Perino Roncinetto, Vannes Bonvicini et Bertino Gherardi, issus des paroisses urbaines de San Paolo, Santa Maria Maggiore et Santo Stefano, le juge posa les mêmes questions. Il leur demanda tout d’abord ce qu’était, selon eux, un « usurier public » ; puis, combien Giovanni Buscii prêtait habituellement, et à quel taux ; s’il avait contraint Romanino Aldebrandini, le demandeur du procès, à lui verser 6 florins d’or et demi en plus de la somme de 74 florins et demi qu’il lui avait prêtée ; et, pour finir, dans quelle mesure tous ces faits étaient corroborés par la « renommée publique » (publica fama). C’est seulement après avoir recueilli ces quatre témoignages – fournissant un certain nombre d’informations sur les noms des clients, les taux d’intérêt et les délais de remboursement accordés par l’usurier – que le juge laissa à Insegna une période de six jours (entre le mardi 1er mars et le lundi suivant) pour leur apporter contradiction.

Nous ne connaîtrons malheureusement jamais la fin de cette histoire. En effet, ces procès allaient rarement jusqu’à la sentence définitive, à savoir l’excommunication de l’usurier ou la restitution de l’usure à sa victime. Dans le cas contraire, les sentences n’étaient pas toujours consignées par les notaires actifs auprès de l’évêque. Le quatrième concile du Latran (1215) avait pourtant exigé que les cours ecclésiastiques conservent une trace écrite de leurs procéduresFootnote 3. Or, si les documents (acta) relatifs à chaque affaire furent enregistrés avec une plus grande régularité tout au long du xiiie siècle – qu’il s’agisse des libelles, des citations à comparaître, des allégations des parties, des « dépositions » (attestationes) de témoins, et même des « conseils » (consilia) que le juge ou les parties pouvaient solliciter auprès d’experts en droit –, les premiers registres de justice épiscopale qui nous sont parvenus pour la Toscane, voire pour toute la péninsule italienne, sont tardifs et incomplets.

Ces registres, au nombre de quatre, aujourd’hui conservés à l’Archivio di Stato de FlorenceFootnote 4, contiennent la transcription d’environ 80 procès en tous genres (crimes commis par des clercs, revenus et bénéfices ecclésiastiques, empêchements canoniques au mariage, adultères, etc.) et forment un ensemble de 900 feuillets de papier. L’étude de ces « causes » (causae), plaidées entre 1287 et 1301, aide à comprendre le fonctionnement de la justice épiscopale à une époque relativement ancienne. D’importants historiens du droit comme Paul Fournier, Anne Lefebvre-Teillard, Richard H. Helmholz et Charles Donahue Jr.Footnote 5 avaient bien montré que des cours épiscopales appelées « officialités » étaient apparues en France et en Angleterre au tournant du xiiie siècle, mais très peu de sources ont survécu pour cette période à l’échelle de l’Europe entière. Cela vaut pour la FranceFootnote 6 comme pour l’Espagne, par exemple, où les archives de la justice ecclésiastique criminelle ne remontent qu’au xve siècleFootnote 7. La seule exception jusqu’ici était l’Angleterre, les cours anglaises ayant laissé des registres datés du début du xiiie siècleFootnote 8. La documentation italienne n’en est donc que plus précieuse dans la perspective d’une meilleure connaissance du système juridique de l’Église dans son ensemble.

Jacques Le Goff a décrit l’Italie médiévale comme une « exception documentaire » au sein de l’Europe, et il est vrai que les archives qu’elle a laissées sont uniques tant par leur volume que par leur diversité. Elles ont ainsi été, sans surprise, étudiées dans de nombreux domaines. Un vide historiographique relatif persiste pourtant concernant les cours de justice ecclésiastiques et leurs transformations au xiiie siècle. Robert Brentano, en son temps, avait certes tenté une comparaison audacieuse entre les chancelleries épiscopales anglaise et italienne et, depuis son remarquable essai paru en 1968, plusieurs études ont été publiées sur les « bureaucraties » épiscopalesFootnote 9. Mais le thème de la justice rendue par les évêques et leurs vicaires n’a été que fort peu traité, si l’on excepte l’enquête d’Ezio Claudio Pia fondée sur les registres d’actes judiciaires et les minutes notariales d’AstiFootnote 10 et, plus récemment, l’essai de Lorenzo Tanzini qui compare un grand nombre de registres de justice toscans de la fin du xiiie siècle et du xive siècle (Volterra, Lucques, Pise ou Fiesole)Footnote 11. Dans ces travaux, comme dans ceux, plus anciens, de Gero R. Dolezalek sur les formulaires notariaux de l’archevêque de Pise en 1230Footnote 12, l’intérêt est souvent centré sur les notaires, leurs instrumenta et leurs registres, plutôt que sur le droit, la procédure et l’inscription de la justice dans le tissu social. De plus, lorsque les historiens se sont penchés sur les affaires qui étaient jugées, ils ont souvent privilégié les cas criminels (en particulier ceux impliquant le clergé) ou matrimoniauxFootnote 13. Or l’analyse des registres de Pistoia, qui n’a encore jamais été menée de façon extensive, ouvre non seulement de nouvelles perspectives sur la justice ecclésiastique à la fin du xiiie siècle, mais aussi sur certains aspects socio-économiques de la vie rurale et citadine que sont l’usure et le créditFootnote 14 – deux formes de prêt créatrices de dettes, mais distinctes par leur taux d’intérêt.

Le nombre d’affaires de crédit, d’endettement et d’usure à Pistoia est pour le moins réduit (cinq cas d’usuriers « publics », quatre d’emprunteurs accusés de n’avoir pas remboursé leurs dettes et quatre de prêteurs accusés de n’avoir pas reconnu le paiement de certaines dettes), mais il permet de tirer quelques enseignements sur les mécanismes du crédit et de l’endettement – dans une société, faut-il le rappeler, dépourvue d’institutions financières et où les cadres éthiques et juridiques de l’échange sont pensés majoritairement par l’Église. Il s’agit là d’une question bien connue des historiens du commerce et de la banque – qui font du crédit un élément essentiel de la révolution commerciale qui a touché l’Europe médiévale – autant que des spécialistes des campagnes européennes de la fin du Moyen Âge et de la première modernitéFootnote 15. Cependant, le prêt d’argent a rarement été examiné au prisme de la justice (ecclésiastique, en particulier) et, quand il l’a été, les travaux ont surtout porté sur les sanctions réservées aux insolvables, soit l’excommunication, le bannissement ou la prison pour dettesFootnote 16. Quant à l’usure, elle est étudiée depuis fort longtemps, mais principalement sous l’angle des définitions théologiques et canoniques qui en ont été données au Moyen ÂgeFootnote 17. Cela signifie qu’à l’exception de quelques rares analyses de procès d’usure dans les tribunaux ecclésiastiques anglaisFootnote 18 ou de celui, désormais fameux, de Bondavin de DraguignanFootnote 19 et des grandes campagnes pontificales et princières de lutte contre les usuriersFootnote 20, les théories de l’usure ont été relativement peu confrontées aux documents de la pratique comme les contrats notariaux et les actes de procès. Il faut dire aussi que la compréhension et l’application des canons et des traités concernant l’usure ont tellement varié selon les lieux et les époques – les prêteurs d’argent professionnels ayant été tantôt épargnés par l’ÉgliseFootnote 21, tantôt sévèrement poursuivis, comme ce fut le cas à Albi à la fin du xiiie siècle ou à Narbonne en 1314Footnote 22 – qu’il convient de résister à la tentation de généralisations trop hâtives.

Que faire, dans ces conditions, de notre dossier d’archives pistoïen ? Les quelques procès en usure ou pour dettes conservés dans les registres de l’évêque Tommaso Andrei rendent incontestablement visibles plusieurs processus au long cours tels que la monétarisation de l’économie, la professionnalisation du prêt d’argent et le pouvoir grandissant des instances séculières (en particulier communales) face à une Église luttant pour préserver sa part d’autorité dans l’espace public. Depuis le xiie siècle déjà, le prêt d’argent a en effet changé de main. Alors que l’Église s’adonne depuis longtemps à cette pratique – en dépit de l’interdiction antique faite aux clercs de percevoir des usuresFootnote 23 –, le crédit se généralise jusqu’à devenir, dans les années 1180, la principale raison du recours à l’écrit et au notariat. Ces vingt-cinq dernières années, les historiens ont éclairé cet incroyable essor des opérations de crédit ainsi que la diversité des instruments formalisant les relations entre débiteurs et créanciersFootnote 24. Dans ce contexte, l’Église a peut-être cherché à rétablir un semblant de contrôle sur le marché du crédit et à se débarrasser de ses créanciers en les accusant d’usure. Mais n’a-t-elle pas aussi essayé de retrouver une certaine maîtrise de l’espace public ? Au coin de la rue ou en place publique, il eût été difficile de distinguer l’usurier du simple prêteur (comme le montrent les affaires de dettes non soldées ou de créanciers niant avoir été remboursés). Dans le cadre de ces procès (même inaboutis), l’Église tentait justement de définir l’usure – ou plus exactement l’usurier, car elle ne voulait pas tant proscrire la pratique du prêt à intérêt que la réguler – et de déterminer qui était autorisé à occuper l’espace public en en chassant tous ceux que la fama, c’est-à-dire l’opinion collective recueillie par le juge, désignait à sa vindicteFootnote 25.

Cette source nous permet donc, en partant de la procédure et de qualifications juridiques alors employées dans toute l’Europe, de revisiter l’histoire économique et sociale d’une cité italienne et de son contado – voire au-delà, puisque l’histoire du droit, par les comparaisons qu’elle offre, aide à s’extraire des pesanteurs ponctuelles de la micro-analyse. Ce sont en effet ces règles qui donnent les contours des relations économiques et des échanges fondés sur le crédit. Ce sont elles aussi qui permettent de distinguer l’usure d’une myriade d’autres transactions et qui tracent une frontière, labile, certes, entre le crédit autorisé et le prêt à intérêt condamné – en particulier le statut d’« usurier public » établi par la fama. En se situant au niveau pratique du procès, pour ainsi dire « au ras » de la procédure, il devient possible de poser sur l’usure un regard différent de celui dans lequel l’histoire des doctrines l’a parfois enfermée et de celui de l’histoire économique qui, au contraire, ignore tout du poids des constructions institutionnelles quand elle accorde une attention exclusive aux realia.

Crédit et endettement dans le contado pistoïen

Le crédit en procès

On compte, dans les registres de Pistoia, quatre causes pour les années 1300-1301 impliquant des créanciers accusés de ne pas vouloir reconnaître avoir été remboursés (causes que nous signalerons dans la suite de l’article par les lettres a, b, c et d) et quatre autres datant des années 1292-1293 et 1299 de personnes endettées et convoquées devant le juge à la demande de leurs créanciers (causes que nous indiquerons par les chiffres romains I, II, III et IV)Footnote 26. L’endettement était, en effet, une matière contentieuse dès lors qu’un créancier insatisfait s’adressait au juge pour faire citer à comparaître l’emprunteur qui ne s’était pas acquitté de sa dette et faire ainsi pression sur lui. La menace de l’excommunication pour dettes, que seul un tribunal d’Église pouvait prononcer, était encore une réalité à la fin du Moyen Âge, d’autant que les cours ecclésiastiques en tiraient l’essentiel de leurs revenusFootnote 27. À l’inverse, un emprunteur pouvait traîner son créancier devant une cour de justice si ce dernier niait avoir été remboursé. Dans le sud de la France, par exemple, « les prêteurs d’argent avaient la fâcheuse réputation de conserver les reconnaissances de dette, même après remboursementFootnote 28 ». Certains allaient jusqu’à contraindre leurs clients à payer deux fois une dette identique, en négociant avec eux de nouveaux contrats dans lesquels le montant de l’ancienne dette était inclus. À Pistoia, il arriva ainsi que des créanciers soient mis en accusation par des débiteurs mécontents, comme en témoigne l’affaire de Carbonis et Soldus, deux notaires et procureurs actifs à la curie épiscopale, mais aussi exécuteurs testamentaires d’un certain Baroncino de Carmignano ayant refusé de reconnaître qu’il avait été remboursé (b).

Si l’Église prenait en charge de telles accusations, c’est sans doute, comme le suggère Giacomo Todeschini, parce qu’en définissant les paramètres de l’usure, elle était devenue compétente et légitime pour juger la myriade des opérations de crédit et leur validitéFootnote 29, à plus forte raison si celles-ci impliquaient des clercs (ce qui est le cas dans nos huit affaires de crédit et d’endettement), puisqu’en vertu du « privilège du for », ceux-ci ne pouvaient être jugés, au civil comme au pénal, que par un tribunal ecclésiastiqueFootnote 30. Cela s’explique peut-être aussi par le fait que nombre de transactions de crédit entraînaient à l’époque des quittances, des reconnaissances de dette ou des contrats rédigés par des notaires actifs à la cour de l’évêque au sein de ce que l’historiographie moderne a appelé, pour le nord de la France, la juridiction « gracieuse »Footnote 31.

Dans le cadre contentieux qui nous occupe, il revenait au demandeur, qu’il soit débiteur ou créancier, de fournir les preuves de son bon droit. Si le demandeur était l’emprunteur, il devait apporter la preuve qu’il avait bel et bien remboursé sa dette ; inversement, le créancier devait prouver que la dette contractée n’avait pas été acquittée. Dans les registres de Pistoia, des quittances de dette sont parfois mentionnées (b), de même que des contrats notariaux (cartae ou instrumenta)Footnote 32. Mais, en dépit de la culture notariale qui s’était épanouie dans la Toscane du xiiie siècle sous la forme d’une riche documentation financière, allant de la simple reconnaissance de dette à d’autres modes d’obligation écrite plus complexesFootnote 33, les créanciers de Pistoia s’avéraient généralement incapables de fournir les preuves écrites de leur activité, soit que la plupart des promesses aient été faites oralement – une somme symbolique étant parfois versée devant témoins –, soit que les montants de ces prêts aient été si faibles (encore qu’ils ne l’étaient pas tant que ça, nous y reviendrons) que l’établissement d’un contrat écrit n’avait pas été jugé nécessaire, en particulier s’il liait des personnes d’une même paroisse ou d’un même village.

Les témoins n’en étaient que plus appréciés : ayant souvent assisté à la transaction (ou du moins à une partie de celle-ci)Footnote 34, ils étaient à même de fournir des détails sur les acteurs impliqués et les lieux concernés comme sur les gestes et les paroles des deux parties en présenceFootnote 35. On apprend, par exemple, que les alentours des églises, voire l’intérieur de celles-ci, étaient des espaces privilégiés de ce genre d’échanges (III et a ; ce qui est logique dans des affaires impliquant un recteur d’église paroissiale ou un prieur d’abbaye), de même que la maison du prêteur ou celle du notaire ayant rédigé le contratFootnote 36. Les témoins pouvaient aussi citer les mots prononcés (ou supposément prononcés) par le créancier au moment de recevoir la somme payée par le débiteurFootnote 37. Quelques-uns, encore, répondant aux questions du juge, étaient capables de faire le récit de la transaction et de ses circonstances, de citer le prêteur et de décrire sa tenueFootnote 38.

Les témoins devaient, en outre, montrer leur sincérité afin que leur déposition soit prise au sérieux. Le crédit de leur parole était certes lié à leurs statuts sociaux (raison pour laquelle chacun était interrogé sur son niveau de richesseFootnote 39), mais il fallait aussi qu’ils admettent « honnêtement » s’ils connaissaient le demandeur, s’ils le soutenaient, et qu’ils écartent tout soupçon de collusion possible ou de complicité avec luiFootnote 40. C’est pourquoi tous promettent de ne rechercher que la « vérité » et d’éviter la moindre partialité en faveur de l’une des deux parties (II et c). Daniel L. Smail invite, évidemment, à ne pas prendre au pied de la lettre de telles déclarations, invariablement inscrites dans le formulaire de procédure, d’autant que, « pour de nombreuses personnes, les litiges pour dettes étaient avant tout un moyen approprié ou satisfaisant de se venger, faire sanctionner ou humilier un ennemiFootnote 41 ». La chose était vraie aussi bien pour les demandeurs que pour les témoins qui, souvent, figuraient par exemple parmi les clients des créanciers et qui étaient parfaitement capables de répondre aux attentes du juge tout en cherchant à assouvir leur haine ou leur désir de vengeance. Quant aux témoins des créanciers, ils n’hésitaient pas à ruiner la crédibilité des témoins du débiteur ou l’honneur de ce dernier. Évitons, néanmoins, de donner une lecture psychologique des rapports de force lisibles dans ces procès, car l’« inimitié » (inimicitia) était une catégorie avant tout procédurale consistant à disqualifier l’accusateur ou ses témoinsFootnote 42.

En définitive, les juges encourageaient la négociation et la coopération entre demandeurs et défendeurs et les créanciers se contentaient bien souvent d’un enregistrement des dettes impayées, ce qui suffisait à mettre les débiteurs sous pression. Si un accord pouvait être trouvé, le conflit était résolu sans condamnation ; sinon, le tribunal ordonnait le paiement de la dette et menaçait, en cas de non-paiement, d’excommunication – c’est-à-dire de privation des moyens de préparer le salut de son âmeFootnote 43. Le juge pouvait aussi ordonner ou confirmer la saisie des biens des débiteurs et leur incarcération ; à Pistoia cependant, des mesures aussi draconiennes et coercitives ont rarement été appliquées, pour ne pas dire jamais.

Débiteurs et créanciers

Carmignano, Vignole, Quarrata, Serravalle, Campiglio ou Montemagno : la plupart des lieux mentionnés dans les affaires de crédit des registres judiciaires de Pistoia sont des villages de plaine, situés dans un rayon de 20 à 30 kilomètres autour de la ville (la seule affaire urbaine, le cas IV, concerne les paroisses de San Prospero, San Marco et San Barco, à Pistoia). L’endettement paysan y était sans doute plus fort que dans les villages des Apennins, où les ressources collectives (pâturages ou forêts) avaient été mieux préservées. Il faut dire qu’à la campagne, « tout le monde vit à créditFootnote 44 ». Celui-ci y est pratiqué « comme une forme de réciprocité » et fait souvent partie du « système de solidarité villageois »Footnote 45 (ce qui explique d’ailleurs la rareté des poursuites en justice). « Par conséquent, les cas de litiges pour dettes ne font que refléter des situations dans lesquelles les débiteurs s’opposent aux revendications des créanciersFootnote 46 » et inversement, pourrait-on ajouter. Mais, tous ces cas sont-ils, comme dans le sud de la France étudié par Elizabeth L. HardmannFootnote 47, des prêts interpersonnels entre des gens de statut social équivalent ?

Parmi les emprunteurs, on trouve d’abord des clercs. Par exemple, Melior, prêtre et recteur de l’église de Campiglio, emprunte du blé à Ormano de Forteguerri (III). De même, Cursus, prieur de l’église San Fabiano à Prato, semble avoir donné à Ciano une certaine quantité de blé (frumentum), d’une valeur équivalente à la somme qu’il avait empruntée. Il s’agissait peut-être d’une datio in solutum (dation en paiement) – lorsqu’un débiteur insolvable payait sa dette en nature –, ou de l’achat, par Ciano, d’une récolte sur pied (a). Par ce genre de contrat, le débiteur s’engageait à rembourser le capital emprunté en payant une partie d’une ou de plusieurs récoltes à venir. Pour finir, on voit apparaître, parmi les emprunteurs, un certain Ceus (I et II), chanoine de son état, suspecté d’avoir mis à profit ses compétences de notaire pour rédiger un faux contrat de prêt.

Du côté des prêteurs, on trouve le clergé local et des habitants qui avancent des sommes d’argent, parfois infimes, ou diverses denrées alimentaires (châtaignes et blé, notamment). Les mêmes peuvent d’ailleurs être à la fois créanciers et débiteurs, ce qui brouille la frontière entre « patrons » créanciers, d’un côté, et « clients » débiteurs, de l’autre. Parmi les prêteurs occasionnels, ancrés dans le monde rural, se dégagent les cas de deux clercs : Chele Tedici (IV)Footnote 48 et Iacopo de Serravalle, présenté comme plebanus, c’est-à-dire titulaire d’une église paroissiale (d). Le curé prêteur d’argent était effectivement une figure familière des campagnes italiennes, et nombre de prêtres impliqués dans des transactions de crédit usuraire semblent avoir été dénoncés par leurs paroissiens. Les monastères aussi prêtaient fréquemment, en particulier à leurs dépendants, parfois par l’intermédiaire de convers ayant développé un certain appétit pour les affairesFootnote 49.

Loin d’être des manieurs d’argent ou des professionnels du commerce, les prêteurs ruraux étaient donc essentiellement des clercs, des notaires, voire de petits artisans – Bolognettus Iannis, par exemple, tient une « boutique » (apoteca) (II). Les veuves comptaient également parmi les principaux créanciers du monde rural, car il s’agissait pour elles d’un moyen de subsister, voire de s’enrichir, après la mort de leur mariFootnote 50. Dans les registres de Pistoia toutefois, Moltocara est la seule femme impliquée dans des transactions et des opérations de crédit (I). Nous savons très peu de choses sur elle, si ce n’est qu’elle fut mariée à un certain Biçus, recensé dans le Liber hominum de Pistoia effectué en 1292Footnote 51.

Et les familles les plus aisées ? Ne prêtaient-elles jamais d’argent ou de semences ? Ormano de Forteguerri, représenté par ses trois fils (Nuccio, Duccio et Gino) lors du procès qui lui est fait post mortem, est bien qualifié de « seigneur » (III), ce qui tend à prouver qu’il existait aussi des relations « verticales » entre créanciers et débiteurs dans le contado pistoïen. Alain Guerreau parle à ce sujet d’« avances monétaires » ou en nature visant à maintenir les ruraux « dans des réseaux de dépendance » déjà existants, plutôt que de « crédit »Footnote 52.

De l’argent et du blé

Les prêts d’objets ou en nature étaient courants : Ormano semble avoir prêté du blé (III) – chose fréquente en cas de mauvaise récolte pour l’emprunteur (à moins qu’il ne se soit agi de spéculer sur le marché du grain, ce qui est ici peu probable) – quand une autre affaire évoque le prêt d’une matarassa (d’une certaine quantité donc) de laine (II). Dans le Comtat Venaissin également, on achetait du grain à crédit ainsi que des produits bruts comme la laineFootnote 53, et en Angleterre les sources judiciaires des cours manoriales distinguent le commodatum, par lequel un villageois pouvait emprunter un objet en particulier (tel qu’une charrue), qu’il rendait une fois qu’il n’en avait plus besoin, et le mutuum, destiné à la consommation d’un objet (par exemple, du grain), que le débiteur remboursait ensuite à hauteur équivalenteFootnote 54.

Si les actes notariés de la fin du Moyen Âge permettent de connaître la nature des biens prêtés et, par conséquent, les motivations des emprunteursFootnote 55, il n’en va pas de même pour notre poignée de procès, trop pauvres en données. Cela étant, Giuliano Pinto a montré que, pour la Toscane du xive siècle, les prêts faits aux paysans, dans leur majorité, étaient de « simples » prêts (gagés ni sur des terres ni sur des récoltes) et qu’ils correspondaient à des formes de crédit à la consommation. Il s’agissait de petites dettes contractées entre voisins habitant le même village, et non de dettes commerciales (qui eussent été d’un montant plus élevé). Quant aux prêts pour les semis et les soudures, liés à la rotation des cultures, ils formaient une multiplicité de petites promesses écrites ou orales, enregistrées en argent à la valeur du prix des céréales au moment du prêt. Si l’argent était emprunté pour remédier à une mauvaise récolte, il pouvait aussi l’être pour payer des impôts ou des baux dont les loyers étaient élevésFootnote 56. Derrière la participation paysanne au marché financier se cache donc, avant tout, le besoin de se prémunir des fluctuations des cycles agricoles, des mauvaises récoltes, des catastrophes naturelles ainsi que la nécessité de payer les impôts et autres prélèvements seigneuriaux, en particulier en temps de pénurie. Enfin, on peut aussi y trouver le désir de s’agrandir et d’améliorer l’exploitation (c’est alors un investissement productif).

Ce « crédit de circonstance », comme l’appelle D. L. SmailFootnote 57, offrait aux paysans la possibilité de disposer d’argent rapidement. Les montants étaient faibles en comparaison des sommes prêtées par les usuriers, et même des taux d’intérêt élevés que ces derniers pratiquaient – nous y reviendrons –, mais relativement conséquents si nous les rapportons aux salaires mensuels des ouvriers agricoles ou des maîtres (environ 43 sous pour les premiers, 110 sous pour les secondsFootnote 58) : 6 livres (soit 120 sous) dans le cas b, 6 livres auxquels s’ajoutent 12 deniers (soit un sou) dans le cas c, 17 livres dans le cas I, 3 florins (soit 36 sous) et 20 sous dans le cas d, 11 florins et 20 sous dans le cas IV, 9 florins et 8 livres dans le cas a. On ne doit pas s’étonner de voir certains prêts libellés en florins, monnaie d’or la plus répandue dans les campagnes. En revanche, il peut paraître curieux que ces montants relativement importants n’aient pas donné lieu à la rédaction d’un contrat devant notaire. Mentionnés dans les cas où les débiteurs tâchent de prouver qu’ils ont remboursé leurs dettes (a, b et c), les contrats ne le sont plus guère quand ce sont les créanciers qui tentent de faire payer les débiteurs récalcitrants – ce qui ne laisse pas de surprendre puisque de tels contrats, en donnant une force légale à l’obligation, auraient pu aider les créanciers à gagner leurs procès. Une autre différence entre cette forme souple et souvent orale de crédit et les affaires d’usure (systématiquement contractualisées) consiste en l’absence de taux d’intérêt, en tout cas apparent – ce qui peut expliquer que la durée du prêt ne soit jamais mentionnée dans les affaires de dettes impayées (ou alors dans des termes très vaguesFootnote 59). Et pourtant, la frontière entre le crédit et l’usure – cette dernière impliquant certes des sommes plus élevées et des contrats plus sophistiqués – paraît dans bien des cas assez floueFootnote 60 ; la différence de traitement judiciaire entre les deux n’en est que plus frappante.

Procès en usure

Enquête ou accusation ?

À Pistoia, les cinq procès en usure conservés dans les registres de l’évêque s’ouvrent tous par une accusation en bonne et due forme de la part de débiteurs mécontentsFootnote 61, et non par une enquête judiciaire ou une dénonciation collective comme le droit canonique l’encourageait depuis 1206. La procédure inquisitoire, formalisée par le pape Innocent III dans sa décrétale Qualiter et quando, autorisait en effet n’importe quel juge à se saisir d’une cause de sa propre initiative (ex officio) ou sur la base d’une dénonciationFootnote 62. Cette démarche, qui allait s’avérer décisive dans la poursuite de nombreux crimes, en particulier tous ceux commis par des clercs perturbant la paix de l’Église ou compromettant l’exemplarité du clergé, fut d’emblée utilisée à l’encontre des usuriers. Dans une lettre de 1207, Innocent III demandait ainsi aux évêques de procéder ex officio contre ceux qui auraient la réputation d’être usuriers et de réunir toutes les preuves possibles de leur crime (vente à crédit, comptes révélant la nature de leur activité, contrats de vente apparente, etc.)Footnote 63. Six ans plus tard, le concile de Paris ordonnait à quiconque de communiquer aux autorités religieuses les informations concernant les transactions d’usuriers, au risque, sinon, d’être excommuniéFootnote 64. Cette législation « prévoyait que le ‘fléau de l’usure’ soit éradiqué par des enquêtes d’officiers ecclésiastiques chargés de recueillir les témoignages, dresser les listes de suspects, admonester ces derniers à trois reprises, pour finalement les excommunier publiquement, au cours d’une grande cérémonie, s’ils refusaient d’abandonner leurs pratiques usuraires et de restituer les profits qu’ils avaient générésFootnote 65 ».

À Pistoia pourtant, ce qui amène les usuriers, leurs procureurs ou leurs héritiers devant la cour, ce sont bien les accusations portées par ceux qui disent avoir payé des usures et qui demandent réparation, soit du vivant de l’accusé, soit après sa mort – et non une initiative ex officio des autorités ecclésiastiques. La voie judiciaire pouvait en effet être empruntée si l’usurier avait manqué à l’obligation – vigoureusement rappelée par le concile de Lyon II (1274) et formulée dès le Decretum Gratiani – de restituer via testament les biens qu’il avait « mal acquis » et de dédommager ainsi ses victimesFootnote 66, ou si l’exécution de son testament n’avait pas été respectée. Dans les cas où l’usurier était mort mais où nul testament n’avait été rédigé, il restait aux clients dudit créancier la possibilité d’obtenir une réparation post mortem. Ceux-ci déposaient alors plainte auprès de l’évêque afin d’établir la réputation d’usurier du défunt et justifier ainsi la demande de restitution des sommes extorquées par ce dernier. Comme le montre le tableau qui suit, la majorité de nos procès (trois, en toute certitude) s’est déroulée après la mort du créancier mis en cause.

Tableau 1 – Cinq procès en usure (Pistoia, 1292-1300)

Date et lieuDemandeurDéfendeurLibelleTémoins
(1) mars 1292, PratoAliottus Struffaldi et son épouse Tavernaria, représentés par Lapus Consiglii, notaire et procureurBerricordatus, jadis appelé Datuccius († ?), représenté par ser Bomiparis, procureurVente d’une maison à un prix frauduleux (in fraudem usurarum) ; Berricordatus a été usurier public et a publiquement « pratiqué l’usure » (exercere usuras) pendant 12 ans et plus ; ceci est de voix et de renommée publiques (est publica vox et fama)Ranuccius Ramonis ; Isbrigatus Iunte ; Allegrettus Bonaiuti ; Spinellus Arrighi ; Voglia Uberrini ; Pratese Iunte ; Simonuccius Pertempi
(2) mars 1300, PistoiaRomaninus AldibrandiniInsegna, frère de Iohannes Buscii (†)Usurier public, Iohannes prêtait publiquement de l’argent à usure (mutuabat pecuniam suam ad usuras) ; Romaninus lui a versé les intérêts de la somme prêtée ; ceci est de voix et de renommée publiquesIohannes Bonvasalli, notaire ; Perinus Ronçineti, chapelle San Paulo ; Vannes Bonvicini, chapelle Santa Maria Maggiore ; Bertinus Gherardi, chapelle San Stefano
(3) 28 mai-2 juin 1300, PistoiaBartromuccius ou Bartolus Chiariti, représenté par Falcone Rolandi, notaireCinus Belli Caccialostis (†), représenté par Pardo BonaiutiBellus Caccialostis prêtait publiquement à usure de son vivant ; ceci est de voix et de renommée publiquesPuccius Bonaiuti, chapelle San Vitale ; Nardinus Simonis, chapelle Santa Maria al Prato ; Ghuccius Guidi, chapelle San Vitale ; Vannes Ugholini, chapelle San Vitale ; Lapus Johannis, chapelle San Vitale ; Michele Simonis, chapelle Santa Maria al Prato
(4) septembre 1300, PistoiaInsegna BusciiMuccius Lanfranchi et son procureur Iohannes CaccialeonisRejet des témoins produits par Iohannes Caccialeonis, au motif qu’ils sont usuriers publics ; ceci est de voix et de renommée publiquesSalvettus Iacobi, chapelle San Andrea ; Soldus Cini ; Bartromeus Junte, chapelle San Andrea ; Tancredus Vannes Iusti, chapelle Santa Maria Forisporte ; Cicchus Venture, chapelle San Andrea
(5) 15 novembre 1300, Pistoia, San StefanoPhilippus Buonus, représenté par Fredianus Tancredi, procureurVannes et Melliorinus, fils et héritiers de Iacobus Framerrighi (†)Usurier public, Iacobus a prêté publiquement de l’argent à usure pendant 16 ans et plus ; ceci est de voix et de renommée publiquesMatheus Iunte, chapelle San Vitale ; Mellius Iacobi ; Tassimannus Michelis, chapelle San Vitale ; Ricciardus Baldis, chapelle San Vitale ; Iacobus Maçei, chapelle San Paulo

Dans ces différents procès d’usure, ce sont bien les débiteurs qui sont les demandeurs. Ils sont en général représentés par leurs procureurs. Dans le cas 1, par exemple (nous numérotons les cas dans l’ordre chronologique, et non selon leur ordre d’apparition dans les registres), Aliottus Struffaldi, originaire de Prato, et sa femme Tavernaria sont représentés par un certain Lapus Consiglii, l’un des notaires et procureurs les plus en vue à la cour épiscopaleFootnote 67. Il n’est pas impossible, par ailleurs, que Tavernaria se trouve aux côtés de son mari à titre de garante (voire de fideiussor) afin de couvrir l’obligation de ce dernier si jamais il venait à mourir au cours du procès ou s’il n’était plus solvableFootnote 68. Dans le cas 3, Bartromuccius Chiariti est représenté par Falcone Rolandi, également notaire de son état. Dans le cas 5, Philippus Buonus a embauché Fredianus Tancredi comme procureur et, dans le cas 2, Insegna Buscii représente son frère défunt Giovanni.

La force des témoignages

Une fois le libelle – c’est-à-dire l’ensemble des chefs d’accusation – présenté au juge, et la litis contestatio du défendeur enregistrée, la comparution des témoins commençait. Si elles étaient faites en toscan, les dépositions étaient rédigées en latin par les notaires. Nous n’avons donc pas accès à la parole des témoins telle qu’elle résonna dans la salle d’audience, mais uniquement à sa transcription dans le langage juridique de l’époque. Lorsque le juge demande aux témoins de définir l’usure, nombre d’entre eux répondent d’ailleurs dans les termes de son interdiction officielle. L’un d’eux, par exemple, dit qu’elle est « ce que l’Église prohibe » (ea est qua vetatur ab ecclesia) (4).

Sans entrer dans le détail – bien connu – des formes de cette condamnation, que l’on fait généralement remonter aux livres de l’Exode, du Lévitique et du DeutéronomeFootnote 69 ainsi qu’aux Pères de l’Église, en particulier Augustin, Jérôme et AmbroiseFootnote 70, il importe de souligner, à la suite de G. Todeschini, qu’il n’y a jamais eu de doctrine fixe et intangible de l’Église sur l’usure, ni même de définition stableFootnote 71. Dans les œuvres exégétiques des Pères susmentionnés, l’usure concerne non seulement le prêt d’argent, mais aussi tout « profit illégitime » tiré de la situation de faiblesse de l’emprunteur. Au xiiie siècle encore, l’usure renvoie à de multiples manières abusives de s’enrichir (simonie, extorsion, etc.)Footnote 72. Les canons conciliaires interdisent toute une série de transactions qui, techniquement, ne sont pas des prêts, mais que l’on appelle néanmoins « usure ». Quant aux canonistes, ils enseignent qu’il existe « bien des sortes d’usure »Footnote 73 et que certains contrats inventés pour contourner l’interdit (in fraudem usurarum) en relèventFootnote 74.

Les décrétistes, notamment, semblent avoir eu quelques difficultés à décrire en des termes précis la réalité de l’usure. Ce flou était cependant peut-être volontaire, dans la mesure où il donnait une certaine latitude aux établissements ecclésiastiques ayant besoin d’hypothéquer leurs terres ou de mettre leurs biens en gage. Gratien consacra, vers 1140, l’une des « Causes » de son Decretum à la question de l’usure (cause 14). Alors qu’il s’appuyait principalement sur les vieux textes conciliaires et patristiques des ive, ve et vie siècles, il ajouta, dans l’une de ses paleae, que « l’on appelle usure tout ce qui est attendu au-delà du principal » ou bien « du sort » (ultra sortem)Footnote 75 (le « sort » étant évidemment ce qui rend le gain incertain). Cette définition frappante se retrouve telle quelle dans les dépositions de certains témoins pistoïens : « L’usure est ce que l’on reçoit au-delà du sort » (ultra sortem) ou « en plus du capital » (ultra capitale)Footnote 76, lequel doit être compris comme l’avance monétaire et non, tel que le suggère Pierre de Jean Olivi à la même époque, comme l’argent « destiné à être investi en marchandises et à produire un profit au terme d’un cycle commercialFootnote 77 ».

Ce témoin du cas 4 exprime donc une opinion (ut credit) conforme à la doctrine de l’Église, quand un autre affirme, de manière en apparence plus tautologique (en apparence seulement, car il s’agit en fin de compte d’une définition assez restrictive de l’usure), que « l’on appelle usurier celui qui prête avec usureFootnote 78 ». Or Gratien avait précisé qu’il y avait usure lorsqu’on attendait, en retour d’un prêt, plus que ce que l’on avait prêté : l’usure était une violation de la loi, fondée sur l’intention de faire un profitFootnote 79. Et tous les canonistes qui, dans les décennies suivantes, ont glosé ou commenté Gratien s’entendent sur le fait que l’intention suffit à établir l’usure, y compris dans des contrats qui a priori ne sont pas usurairesFootnote 80.

Pratiques de l’usure

L’usure, en droit canonique, ne dépendait donc pas seulement d’un contrat de prêt (mutuum), d’un accord formel (pactum) ou d’une extorsion réelle, mais bien de l’espoir de tirer profit d’un prêtFootnote 81. Pourtant, ce critère de l’intention, en soi criminelle, qui devait permettre de distinguer l’usure du crédit, ne se retrouve qu’une seule fois dans les registres de Pistoia sous l’aspect de la voluntas lucrandi et de la cupiditas denariorum Footnote 82. Sans doute parce que, dans le cadre du for externe, il fallait que le vicaire de l’évêque puisse juger secundum allegata et probata (sur la base d’arguments et de preuves). Les procès abondent, par conséquent, en renseignements sur les pratiques et le fonctionnement du prêt usuraire dans la cité.

Au-delà de la définition standard qu’en donnent plusieurs témoins – imprégnée, on l’a vu, de celle formulée par Gratien dans son Decretum –, la plupart parviennent à quantifier, et même à chiffrer les sommes prêtées par l’usurier. L’un d’eux énonce une règle générale : « Les usuriers publics sont ceux qui, s’ils peuvent recevoir trois deniers pour le prêt d’une livre, n’en réclament pas deux » (5). Le juge demande alors plus précisément « combien le prêteur prêtait », « combien d’usures il en tirait », « quel délai il laissait à l’emprunteur », « quels mots il avait prononcés », « s’il avait usé d’un contrat ou non » (cum carta vel sine carta) et, le cas échéant, « qui s’était chargé de rédiger le contrat » (instrumenta). Les réponses à la première question varient selon les cas, sachant que les témoins cités à comparaître ne se souviennent pas toujours du montant exact du prêt ni de sa duréeFootnote 83. Les sommes pouvaient être relativement importantes (50 livres dans le cas 5, 74 et même 100 florins dans le cas 2).

Les usuriers ne prêtaient-ils que de l’argent ? Pour les canonistes, en particulier pour les décrétistes, il ne faisait pas de doute que l’usure découlait d’un prêt (mutuum) en général, et que celui-ci pouvait être en nature. Dans les registres de Pistoia, l’un des cas les plus intéressants est précisément celui d’un contrat de vente « simulé » (1), c’est-à-dire d’une transaction qui, à première vue, n’implique pas d’usure et ressemble à la vente normale d’une maison (incluant un four et une vigne), mais se voit qualifiée d’usuraire parce que la maison a été achetée par l’usurier en dessous du prix du marchéFootnote 84. Les canonistes avaient de longue date attiré l’attention sur le fait que l’usure pouvait être « dissimulée » (in fraudem usurarum), ce qui consistait généralement à cacher l’intérêt dans le capitalFootnote 85 ; tous étaient d’accord pour dire que l’intention frauduleuse suffisait à établir l’usure et que les contrats qui n’étaient pas usuraires à strictement parler pouvaient le devenir aussitôt le cas échéant. La décrétale Consuluit d’Urbain III (1187) avait synthétisé cette position en précisant que pratiquer des prix plus élevés dans une vente à crédit était considéré comme de l’usureFootnote 86.

Il semble qu’il y ait aussi eu, parmi les « usuriers publics » de Pistoia, des prêteurs sur gages (super pignore)Footnote 87. Ces gages, non nécessaires au prêt, étaient souvent présentés comme une alternative au contrat car, tel que le souligne D. L. Smail, quand les dettes étaient petites et les biens mis en gage portatifs, on n’établissait généralement pas de contrats notariés ; les biens étaient directement remis au prêteur, qui les gardait tant que le remboursement du prêt était pendantFootnote 88. Toutefois, dans les registres de justice de l’évêque de Pistoia, la plupart des usuriers ont eu recours au contrat écrit (cum carta, cas 3) – même si l’on voit quelques emprunteurs mettre en gage des biens de consommation courante tels que des vêtementsFootnote 89 –, faisant appel, pour cela, à des notaires. Les témoins présents au moment de la transaction étaient d’ailleurs souvent capables de nommer ces derniers, qu’il s’agisse de Vannes Ranerii (2), de Iohannes Armaleoni (2) ou encore de Cursus Landi (5). Il y a un cas dans lequel le témoin répond au juge qu’il ne se souvient pas du nom de la personne chargée de la rédaction du contrat (3), et un autre dans lequel le témoin se dit certain qu’il existe une preuve écrite du prêt (5). Le contrat donnait de fait à la dette une garantie légale et constituait, pour le prêteur, une protection plus forte en cas de non-remboursement ; il avait aussi vocation à neutraliser la force des affects, conformément à la pensée contractualiste qui s’affirme alors dans certains traités d’économie comme celui de Pierre de Jean OliviFootnote 90.

Les deux parties, le prêteur et l’emprunteur, étaient tout de même supposées échanger quelques paroles rituelles pour sceller le contrat, phrases que les témoins citaient « de mémoire », ou du moins dont la transcription dans les dépositions laisse croire qu’ils s’en rappelaient : « Je te donne ces 6 florins d’or comme intérêt [pro usuris] des 66 florins [que tu m’as prêtés]Footnote 91. » Ou bien, si c’est le prêteur qui parle : « Je reçois présentement de toi la somme de 6 florins d’or qui est l’intérêt que tu me dois pour la somme de 70 florins que je t’ai prêtéeFootnote 92. » De telles phrases n’étaient sans doute pas réellement prononcées, mais le juge attendait des témoins qu’ils donnent cette « preuve » supplémentaire qu’un contrat, même oral, avait été passé entre le prêteur et l’emprunteur.

Parmi les autres preuves matérielles pouvant être signalées se trouvent les cahiers dans lesquels les usuriers enregistraient les sommes qu’ils avaient prêtées ainsi que les taux d’intérêt (merita) qu’ils requéraientFootnote 93, ce qui témoigne du caractère organisé de leur activité de prêteurs. Le taux d’intérêt – dont on sait qu’il pouvait être régulé par les autorités publiques et était toléré par les canonistes à condition d’être « modéré » Footnote 94 – était, en dernier recours, imposé par l’usurier en personne. À Pistoia, et plus largement en Toscane, le taux mensuel était d’environ quatre sous (solidi) pour une livre (libra), soit un taux annualisé de 20 %. Ceci dit, les témoins sont en désaccord sur cette moyenne – ce qui, au passage, montre leur aptitude à évaluer les dettes et les taux d’intérêt. Quelques-uns parlent de trois deniers pour une livre, d’autres d’un quart du prêt ou d’un dixième seulement, et parfois même d’un peu moinsFootnote 95. L’estimation peut être volontairement très floue, comme avec ce témoin qui, à la question « De combien était le taux d’intérêt ? », n’hésite pas à charger l’usurier mis en cause en répondant sans ambages : « Le plus possibleFootnote 96. » Un taux de 40 % semble toutefois être le maximum de ce qu’ont exigé les usuriers de Pistoia à cette époque – et encore s’est-il probablement agi d’un stratagème de la part de témoins qui, contraints d’emprunter de plus en plus, cherchaient à se venger d’un prêteur dont ils soulignaient l’esprit de lucre. Les autres témoignages sont d’ailleurs si divergents qu’ils ne laissent aucun doute sur le caractère mensonger ou sur l’exagération volontaire de la part des témoins revanchardsFootnote 97. Quant au délai laissé à l’emprunteur pour rembourser sa dette, il était en théorie de six mois (sachant que le taux d’intérêt augmentait légèrement au fil des mois impayés)Footnote 98.

Le contrôle de l’espace public

Usuriers « publics », vox et fama

Dans ces procès en usure, la même question revient, inlassablement (preuve s’il en est que les interrogatoires s’inspirent d’un formulaire et que les témoignages répondent aux attentes du juge) : « Qui sont les usuriers publics ? » ; « Qu’est-ce qui fait un usurier public ? » ; « Qu’est-ce que veut dire public ? »Footnote 99 Cette qualification d’usurier « public » – qui montre que la question pour le tribunal était moins de définir l’usure en tant que telle, que la figure de l’usurier – ne manque pas de surprendre quand on sait que la législation canonique usait plutôt, depuis le concile de Latran III (1179), de la qualification d’usurier « manifeste »Footnote 100. Des conciles plus tardifs ou certains canonistes, comme le pape Innocent IV (1243-1254), avaient quant à eux privilégié la catégorie d’usurier « notoire »Footnote 101, pour désigner ceux ayant avoué leur crime devant un juge ou ceux dont l’activité était si connue qu’elle ne pouvait être dissimuléeFootnote 102. Pour Bernard de Parme, l’auteur de la Glose ordinaire sur les Décrétales de Grégoire IX (vers 1241), soit un usurier était « notoire », auquel cas il n’était pas nécessaire de réunir des preuves, soit il ne l’était pas, ce qui requérait alors de mener une enquête pour établir les faits et rendre son crime « manifeste »Footnote 103. Personne, en somme, ne pouvait être considéré comme usurier « manifeste » avant d’avoir été condamné comme tel par une cour de justice. Dès lors, le fait d’être qualifié d’usurier « public » signifiait-il que l’usurier était « manifeste » ou simplement qu’il exerçait son commerce au vu et au su de tous, comme une prostituée – à laquelle la doctrine théologique et canonique le comparait parfoisFootnote 104 – l’eût fait dans un bordel ? Et quel rôle la fama – autrement dit la renommée de l’usurier – jouait-elle dans ces affaires ? Était-elle suffisante pour établir le « fait » de l’usure, ou des témoins, voire d’autres preuves, étaient-ils requis ?

À toutes ces questions, que les théologiens et les canonistes se posaient aussi, le juge avait la tâche délicate de répondre en s’appuyant d’abord et avant tout sur les témoins du demandeur. Ceux-ci commençaient par répondre que l’usurier exerçait son métier « publiquement », et non « clandestinement » (3, par exemple). Dans le contexte judiciaire, il était crucial d’établir la visibilité de l’activité des usuriers, car si la pratique du prêt d’argent était clandestine et ignorée de tous, elle ne pouvait être jugée (ou alors au « for de la confession », comme le laissaient entendre les manuels de confesseursFootnote 105). Quelles preuves les témoins avaient-ils ? D’abord, la localisation de l’usurier. Il pouvait s’agir d’un endroit public, comme les abords du palais du Capitaine du Peuple (sub palatio populi dans le cas 2), la « place communale » (in platea comunis, dans le cas 2 également) ou encore les environs de la maison de l’usurier, à condition que celle-ci se trouve dans une rue passante et connue (3). Ensuite, l’usurier était facilement reconnaissable au banc (banchum) derrière lequel il prenait place (5). « Public » signifiait aussi que les témoins avaient pu assister à la transaction entre le prêteur et l’emprunteur (et, quand ce n’était pas le cas, qu’ils avaient au moins vu le contrat notarié, le publicum instrumentum [2]), ce qui en faisait des témoins oculaires capitaux dans l’établissement de la véritéFootnote 106. Quelques-uns avaient assisté à plusieurs transactions (5) ; d’autres avaient emprunté directement de l’argent à l’usurier mis en cause (2). Dans le cas de Giovanni Buscii, certains témoins dirent avoir vu, en personne, une voire plusieurs transactions entre l’usurier et ses clients (2). Ceux-là furent à même de décrire où elle s’était déroulée, si un notaire avait établi un contrat, à combien s’élevaient les montants du prêt et de l’intérêt, quel avait été le délai de paiement laissé à l’emprunteur, qui étaient les autres personnes présentes lors de la transaction et parfois qui étaient les autres clients de l’usurier (parmi eux figuraient l’un des témoins, Bertino, mais aussi deux hommes appelés Muccio Lanfranchi et Guittencino Tancredi). Certains se sont même remémoré – c’est du moins ce que laisse croire la transcription de leurs dépositions – les propos tenus par chacune des deux parties au moment du prêtFootnote 107. D’autres, au contraire, ne se souvenaient pas des présents, d’autant qu’ils n’étaient pas tous d’anciens clients de Giovanni. Il valait mieux, du reste, qu’ils ne le soient pas, afin d’éviter tout soupçon de complicité avec le plaignant ou, pis encore, de « haine » à l’encontre de l’usurier.

Tous, en effet, s’efforçaient d’éviter les soupçons de collusion avec le demandeur ou d’exprimer de la haine à l’encontre du défendeur, étant supposés souhaiter que celui « ayant le droit de son côté » (ius habentem) l’emporteFootnote 108 ; le cadre judiciaire ne devait en aucun cas être utilisé à des fins de revanche personnelle. On a déjà souligné le caractère très stéréotypé de ces formules et leur emploi par les témoins. Les dépositions transcrites avaient vocation à neutraliser toute manifestation éventuelle d’hostilité et indiquent donc surtout quels étaient les cadres de pensée imposés par la procédure. Enfin, quand les témoins disaient ne pas avoir assisté à la transaction, ils se référaient à la rumeur venue à eux, ou, plus exactement, à ce qu’ils avaient entendu dire (auditu, audivit dici)Footnote 109. C’est là qu’intervient la fama. Non pas au sens de réputation à défendre (ou d’honneur à laver), mais d’opinion publique collectée par le juge. Telle était, effectivement, la signification que le mot avait acquise en droit canonique depuis l’instauration de la procédure d’enquête par Innocent III en 1207Footnote 110, reprise par bon nombre de traités de procédure italiens des années 1270-1290, en particulier ceux de Tommaso di Piperata et d’Alberto GandinoFootnote 111. Cette fama, bien sûr, n’était pas étrangère à la réputation de l’accusé, puisque c’est elle qui permettait de mesurer le « crédit », voire la « crédibilité » (fides) de l’usurier. Les deux étaient liés dès lors que l’évaluation de la réputation de l’accusé était confiée au soin des voisins ou des personnes qui le connaissaientFootnote 112. Avec la décrétale Qualiter et quando d’Innocent III cependant, la fama cessa de désigner la réputation de l’accusé (comme cela avait été le cas dans plusieurs procédures en vigueur au xiie siècle) pour devenir l’élément déclencheur du procès, véritable substitut à la figure de l’accusateurFootnote 113.

Désormais essentielle à la procédure ex officio, la fama n’en garda pas moins un rôle prépondérant dans la procédure accusatoire qui, elle, faisait s’opposer deux parties l’une à l’autre. Elle se trouvait, en effet, au cœur des dépositions faites devant le juge, ce dernier demandant systématiquement aux témoins comment ils savaient ce qu’ils affirmaient, s’ils le savaient par la fama et, le cas échéant, s’ils pouvaient définir ce qu’ils entendaient par fama. À Pistoia, le vicaire de l’évêque posait ainsi les deux questions suivantes : « Quand la voix publique et la fama se sont-elles formées ? » (quando fit publica vox et fama) ; « Combien de personnes font la voix publique et la renommée ? » (quot persone faciunt publicam vocem et famam). Les réponses variaient : 5 ou 6 hommes suffisaient pour former la « voix publique », selon certains témoins ; 10 ou plus, voire 15 ou 20, pour d’autresFootnote 114. L’importance et la récurrence de ces questions laissent penser que la valeur des témoignages ne dépendait pas tant, en tout cas pas seulement, de ce qu’avaient vu les témoins, que de leur capacité à se référer à une forme d’opinion publique. Il s’agissait, en effet, de l’un des principaux moyens dont le juge disposait pour établir à la fois la réputation de l’accusé et les faits, et, par là même, la vérité dans le procès.

La notoriété « publique » d’un usurier était donc non seulement liée au lieu d’exercice de sa profession, mais aussi au fait d’être diffamé comme tel par plusieurs personnes. Par conséquent, la définition de l’usure était moins fondée sur des données objectives (telles que la répétition des prêts ou le taux d’intérêt, celui-ci pouvant toujours être régulé et modulé par les autorités publiques) que sur une évaluation au cas par cas des comportements économiques et de la crédibilité des parties en jeu. Comme le résume Renato Bordone, « la question de la validité formelle des opérations financières passa[it] au second plan pour laisser place au champ de la reconnaissance sociale des sujets en causeFootnote 115 ». Il faut donc fortement nuancer l’idée selon laquelle il y aurait eu une catégorie spécifique d’acteurs économiques appelés « usuriers » – qu’il s’agisse de prêteurs sur gage professionnels ou de prêteurs d’argent en général. Jusqu’au xve siècle au moins, la frontière entre prêteurs d’argent et banquiers ou marchands resta fort ténue, et pour cause : un banquier pouvait être, dans certains contextes, qualifié d’« usurier », et il eût été difficile de distinguer l’un de l’autre sur le seul fondement de leurs pratiques du crédit ou des modes de transactionFootnote 116. Les théologiens de la fin du xiiie siècle eux-mêmes disaient avec force que la catégorie d’usurier reposait avant tout sur la mauvaise fama des individus prêtant de l’argent et sur le scandale que leur activité pouvait provoquerFootnote 117.

Des procès politiques ?

Si l’on en croit le décompte d’Armando Sapori, une quinzaine d’individus auraient été infamés (ou diffamés) en tant qu’« usuriers » pour l’ensemble du territoire pistoïen, ville et contado inclusFootnote 118, mais nous n’en avons compté que sept qui soient nommés dans les registres de l’évêque. Ceux pratiquant en ville étaient sans doute les plus nombreux, encore qu’il soit parfois difficile de s’en assurer car certaines phrases attribuées aux témoins – « comme le font tous les usuriers », « comme le font les autres prêtant de l’argent à intérêt » ou « de manière usuraire »Footnote 119 – s’y réfèrent de manière vague. Outre Berricordatus (1), qui exerce à Prato, on trouve Giovanni Buscii (2), Bellus Caccialostis (3), Marsoppinus Rocchigiani et Bischi Bonaiuti (4), Iacobus Framerrighi (5) et Nardoccius (cité comme témoin dans une affaire de violence commise à l’encontre d’un clerc). Au contraire de certains usuriers de Perpignan ou de Marseille à la même époqueFootnote 120, aucun de ces infamés n’est juif ou qualifié comme tel, et nous ne disposons du reste pas d’attestation documentaire de la présence de juifs ou d’une communauté juive à Pistoia avant la fin du xive siècle. Ils ne sont pas non plus membres des grandes compagnies chrétiennes bien connues de banquiers, changeurs et marchands, tels les Ammannati, les Cancellieri, les Visconti ou les PanciatichiFootnote 121. Il s’agit donc vraisemblablement de prêteurs de moindre envergure qui pratiquent l’usure depuis parfois fort longtemps : plus de douze ans dans les cas 1 et 5Footnote 122, davantage selon certains témoins (seize, voire vingt ansFootnote 123), et au moins six ans dans le cas 2Footnote 124.

Les procès datent pourtant tous de 1300, à l’exception de l’un d’entre eux, qui remonte à 1292, et d’un autre de 1293 – celui mentionnant Nardoccius. Ce fait n’a pas manqué de retenir notre attention, étant donné l’implication de longue date de l’Église dans les affaires d’usure (au moins dans la péninsule italienne). Est-ce parce que les actes des procès d’usure furent plus rarement conservés avant 1300 ? Il est vrai que les actes des procès des années 1294-1298 n’ont malheureusement pas été conservés, et que les années 1299-1301 constituèrent sans nul doute, pour l’évêque, une période d’enregistrement particulièrement intense, le registre de comptes (certes incomplet) du trésorier épiscopal Mino datant aussi de cette époque. On y trouve d’ailleurs un grand nombre de prêts enregistrés entre le 26 décembre 1300 et juillet 1301Footnote 125. Une autre hypothèse peut néanmoins être formulée : les accusations d’usure auprès du vicaire de l’évêque semblent avoir brutalement augmenté au moment où guelfes noirs et blancs s’affrontaient en villeFootnote 126 ; peut-être certains citoyens cherchèrent-ils, par la voie judiciaire, à éliminer des ennemis politiques – membres de la faction adverse –, convaincus qu’une cour ecclésiastique montrerait peu de clémence à l’endroit d’usuriers présumés ou de leurs héritiers (en tout cas moins que des statuts communaux relativement peu explicites sur le traitement réservé aux usuriersFootnote 127) et saurait sévir en conséquence, en allant éventuellement jusqu’à l’accusation d’hérésie – comme pour Nardoccius, simple témoin dans un cas de violence commise à l’encontre d’un clerc, mais finalement récusé pour usure qualifiée d’hérésie (pravitas eretica)Footnote 128. Quant à l’évêque, il a peut-être encouragé le dépôt de plaintes contre des usuriers (dont certains étaient morts depuis plusieurs années), menant ainsi une « campagne » anti-usuraire par le truchement non de l’enquête – comme cela se fit à Toulouse en 1255Footnote 129 –, mais de la procédure accusatoire.

E. C. Pia l’a montré pour Asti, où les guelfes bénéficièrent, dans les années 1280, du soutien de l’évêque (au point que leur pratique de l’usure était tolérée, voire encouragée), tandis que les gibelins étaient poursuivis en justice pour les mêmes pratiquesFootnote 130. C’est aussi ce que David Kusman a mis en évidence pour certaines villes du Brabant, dont les prêteurs lombards, pourtant bien intégrés à la société locale, furent brutalement accusés d’usure, puis incarcérés (notamment à Malines) en 1318-1319Footnote 131. Cependant, pour prouver cette politisation des procès d’usure, il faudrait identifier plus clairement les usuriers et leurs débiteurs ; cette tâche n’est pas aisée dans la mesure où les documents notariaux, tels que les testaments ou les contrats de prêt, n’ont pas été conservés. Il serait aussi nécessaire de pouvoir montrer que l’appartenance aux factions de l’époque traversait les générations – la majorité des procès de Pistoia ayant eu lieu après la mort des créanciers –, ou du moins que les héritiers des usuriers mis en cause étaient eux-mêmes pris dans les jeux de faction locaux. Les plaignants auraient alors choisi, pour les atteindre, d’accuser d’usure leurs parents ou leurs pères, ce qui les aurait rendus inaptes à hériter.

Malheureusement, les sources fournissent peu de détails sur les demandeurs et sur les témoins des procès pour usure. Comme l’ont bien montré Joseph Shatzmiller et D. L. Smail pour Marseille, « les débiteurs capables de poursuivre quelqu’un pour usure jouissaient d’un certain pouvoir sur la bonne réputation des créanciersFootnote 132 », mais il est souvent difficile d’en savoir plus sur eux et leur environnement social. À Pistoia, on sait surtout qu’ils vivaient en ville – sont en effet mentionnées les paroisses de San Paolo, Santa Maria Maggiore, San Stefano, San Vitale, Santa Maria al Prato, Santa Maria Forisporte et San Andrea – sans connaître généralement leur métier. L’un d’eux est qualifié de « notaire » (Giovanni Bonvassallo, du cas 2), un autre pourrait être marchand puisqu’il dit « voyager beaucoup en raison de son travail » (5)Footnote 133. On les questionne essentiellement sur leur âge – l’un a 30 ans, un autre 45Footnote 134 – et leur niveau de richesse. Dans le cas 5 par exemple, l’un des témoins dit posséder plus de 1 000 livres, un autre 2 000 et un troisième seulement 300. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’afficher de telles sommes ou un tel patrimoine était aussi un moyen pour les témoins de se donner de l’importance, et peut-être de souligner qu’ils étaient suffisamment riches pour ne pas être insolvables et suspectés d’esprit de vengeance.

Morales de la restitution

En définitive, il est difficile de savoir comment ces procès se terminaient – quand ils n’étaient pas interrompus avant leur terme – faute d’enregistrement des sentences. Dans l’Angleterre du xve siècle, les tribunaux ecclésiastiques favorisèrent souvent l’accord et le compromisFootnote 135, mais en fut-il de même dans la Toscane du xiiie siècle ? Sans doute pas, si l’on s’en tient à l’hypothèse d’un usage politique du procès ; peut-être davantage si l’on comprend ces procès comme un moyen de faire pression sur les héritiers pour qu’ils restituent les sommes extorquées par leur père ou leur frère. Un laps de temps d’une semaine ou huit jours leur était laissé pour contester les dépositions des témoins du plaignant et rassembler leurs propres témoins en vue de la défense, mais les registres de Pistoia ne conservent aucune trace de cette séquence (sauf, peut-être, pour le cas 4). Sur la condamnation des usuriers, on ne sait donc que ce que la législation canonique en dit.

Rappelons qu’au concile de Latran III (1179), peut-être même dès le concile de Latran II (1139) – encore que l’authenticité textuelle des mesures prises contre les usuriers dans le canon 13 soit sujette à interprétationFootnote 136 –, il avait été prévu que les usuriers « manifestes » seraient exclus de la communion (et, plus généralement, de tous les offices religieux, si l’on en croit certains commentaires de canonistes), que leurs offrandes et aumônes seraient refusées et que, s’ils mouraient en état de péché, la sépulture chrétienne leur serait interditeFootnote 137. Dans la lignée de ce décret, le concile de Lyon II (1274) avait également clarifié la doctrine de l’Église sur l’usure et la restitution des biens mal acquis (male ablata).

Si la préoccupation du salut de l’âme transparaissait déjà dans les testaments d’usuriers de la seconde moitié du xiie siècle, elle fut assurément renforcée par la naissance du PurgatoireFootnote 138. Des actes témoignent, à Sienne, au milieu du xiiie siècle, des dispositions testamentaires prises par les usuriers pour restituer leurs biens et les léguer à des établissements ecclésiastiquesFootnote 139, mais le canon 27 du concile de Lyon II fut le premier à légiférer en détail sur la question de la « restitution testamentaire », devenue la condition sine qua non de l’absolution de l’usurier. Ce dernier restait en effet excommunié jusqu’à ce qu’il ait opéré la restitution ou que ses héritiers s’en soient chargés post mortem Footnote 140. Ceux-ci étaient d’ailleurs censés subir la même peine que leur père s’ils échouaient à restituer les « biens mal acquis » – une disposition qui se trouvait déjà chez le pape Alexandre III (1159-1181)Footnote 141. C’est ainsi qu’à Pistoia, en février 1299, l’évêque fut nommé par le pape Boniface VIII (1294-1303) pour régler un litige opposant les héritiers de Losus Iacobus – usurier florentin mort à une date incertaine – et Andreas, le vicaire de l’évêque de Florence. Ce dernier avait décidé d’excommunier les héritiers de Losus, et même aggravé leur sentence, estimant qu’ils n’avaient pas restitué les sommes correspondant à ce que leur père avait avoué sur son lit de mort avoir mal acquis, « par dépravation usuraire »Footnote 142.

Les traités de la seconde moitié du xiiie siècle, abordant la question brûlante de la restitution au travers d’une casuistique toujours plus sophistiquéeFootnote 143, distinguaient les certa et les incerta. Les certa étaient les biens dont l’origine était connue et qui, par conséquent, pouvaient être retournés aux emprunteurs. De tels cas nous sont connus grâce aux documents notariaux qui encadraient la réparation du débiteur par le prêteur (reconnaissance en restitution, absolution des créanciers par leurs débiteurs, engagement pris par les créanciers de dédommager leurs victimes, etc.), mais aussi grâce aux procès qui faisaient suite aux promesses de restitution non tenues (comme en témoigne le cas de Losus). Ces procès rendent manifeste la part de négociation, parfois très tendue, qui pouvait se faire jour après la mort de l’usurier, sachant qu’à Pistoia, il ne s’agit pas tant de testaments qui n’auraient pas été exécutés que de plaintes d’anciens débiteurs cherchant à établir la réputation d’usurier « public » du défunt afin d’obtenir une juste réparation. Lorsque les demandes en restitution ou les accusations d’usure intervenaient après le décès du créancier, donc en l’absence de repentance ou de clause de restitution des male ablata, l’évêque procédait à une enquête afin d’établir la fama du prêteur et d’imposer la restitutionFootnote 144.

Dans le cas des incerta – richesses mal acquises dont les provenances étaient inconnues puisque l’usurier lui-même était incapable d’identifier ses victimes ou de quantifier avec précision les montants dus –, l’Église s’érigeait là encore en intermédiaire obligatoire. En tant que « père des pauvres », l’évêque avait le devoir de faire bénéficier les pauvres de ces biens et des gains illicites des usuriers, dès lors que ces derniers n’étaient réclamés par personneFootnote 145. Selon le droit canonique, c’était à chaque évêque d’en déterminer le montant dans son diocèseFootnote 146, et c’est ensuite l’Église tout entière qui en profitait grâce à la redistribution des richesses de l’usurier (fondations pour églises rurales et hôpitaux, construction d’autels et de chapelles afin que des messes puissent y être célébrées pour l’âme du testateur, vêtements donnés aux pauvres, aide versée aux funérailles, etc.). À Pistoia, par exemple, les Mendiants bénéficièrent de plus en plus souvent des largesses des usuriers au cours du xiiie siècle, en particulier parce que les exécuteurs testamentaires ou le testateur lui-même choisissaient d’être inhumés dans l’un des cimetières des églises conventuelles de ces ordres.

Dans ces conditions, l’Église ne pouvait pas condamner de manière univoque les usuriers, puisque ceux-ci étaient supposés redistribuer leurs richesses au travers de legs pieux. Le grand mouvement de restitution qui commence dans la seconde moitié du xiiie siècle ne saurait être interprété comme « une simple moralisation hypocrite de pratiques spéculativesFootnote 147 ». La procédure de restitution autorisait non seulement l’Église à employer comme elle l’entendait les richesses rendues, mais aussi à contrôler les comportements économiques, et même à décider de l’inclusion des individus dans la communauté. En restituant les biens mal acquis de son vivant, l’usurier se donnait ainsi les moyens d’être réintégré dans la communauté chrétienne – il retrouvait le droit d’avoir une sépulture digne de ce nom – et dans le corps civique dont il avait été exclu du fait de son infamie. L’on voit plus globalement combien les relations de crédit étaient source d’inclusion ou d’exclusion sociale et déterminaient l’appartenance ou non au corps civiqueFootnote 148.

Pourquoi l’usure fut-elle tout à coup jugée (et sans doute condamnée) à Pistoia, en cette fin du xiiie siècle ? Si G. Todeschini nous aide à comprendre qu’il n’y eut jamais, dans la doctrine chrétienne, de condamnation naturelle de l’usure, et s’il suggère au contraire que celle-ci renvoyait avant tout à une position de marginalité sociale dans certains contextes socio-politiques donnés, l’on peut, à l’appui des sources judiciaires, aussi ténues soient-elles, être encore plus constructiviste : l’usurier n’était-il pas, à la différence du banquier ou du marchand, celui dont la réputation était abîmée dans le cadre judiciaire ? Que la procédure soit accusatoire ou inquisitoire, c’est bien la fama qui dessinait les contours de l’usure et entachait l’usurier d’infamie – même si celui-ci gardait la possibilité, par la restitution des male ablata, de restaurer sa bonne réputation et de « récupérer de [sa] crédibilité publiqueFootnote 149 ».

De ce point de vue, on peut se demander si l’accusation d’usure ne fut pas le moyen, pour certains, de discréditer ou de disqualifier un concurrent, voire un ennemi – ainsi de la procédure inquisitoire, lorsqu’elle servit, dans l’Italie de la fin du xiiie siècle, à incriminer les ennemis politiques de la CommuneFootnote 150. Répondre à cette question supposerait une enquête approfondie du tissu social pistoïen et du profil politique des usuriers de ce temps, que l’absence de sources notariales comparables, par exemple, à celles d’Asti nous empêche malheureusement de mener. Mais, dans la mesure où les marchands et les banquiers, de plus en plus perçus par l’Église comme de « bons » prêteurs, étaient aussi les principaux acteurs politiques de la ville, ils pourraient avoir cherché à faire condamner – par l’Église, dont ils pensaient qu’elle les jugerait avec sévérité – certains individus qu’ils considéraient comme des ennemis politiques, des partisans de la faction adverse ou de sérieux concurrents sur un marché du crédit grandissant, en taxant leurs pratiques d’« usuraires ».

Quant à l’Église, en jugeant ceux qu’elle appelait « usuriers » et en exposant sur la place publique leur infamie, elle s’est peut-être fait l’écho des intérêts de la classe dominante – allant jusqu’à procurer le monopole du prêt à certaines grandes compagnies familialesFootnote 151 –, mais elle s’est surtout donné la possibilité de reprendre le contrôle de l’espace public et de réguler le marché en discriminant les mauvais prêteurs des honnêtes banquiers, à un moment où sa juridiction était grièvement affaiblie par les pouvoirs communaux. Assurément, l’Église avait depuis longtemps la juridiction sur les cas d’usure – ne serait-ce que parce qu’elle avait développé, la première, une doctrine cohérente sur le sujet, allant jusqu’à assimiler l’usure à l’hérésie, ce que consacrera le canon Ex gravi du concile de Vienne de 1311 en déclarant « hérétiques » ceux qui osaient dire ou penser que l’usure n’était pas un péchéFootnote 152. En déterminant qui pouvait légitimement occuper l’espace public (après tout, les usuriers n’étaient-ils pas qualifiés de « publics » parce qu’ils disposaient illégitimement de cet espace ?), l’Église faisait aussi la démonstration que, en dépit des limites juridictionnelles que n’avaient de cesse de lui opposer les pouvoirs séculiers, elle avait encore quelque pouvoir et, à tout le moins, une « préséance dans les questions touchant à la crédibilité publiqueFootnote 153 ».

Footnotes

*

Cet article a fait l’objet d’une présentation, en mai 2020, lors de deux séminaires de l’Institute for Advanced Study (IAS) à Princeton. Je tiens à remercier les participantes et participants pour leurs remarques constructives. Il a par ailleurs été relu, dans des versions sensiblement différentes, par Guillaume Calafat, Jacques Chiffoleau, Rowan Dorin, Clément Lenoble, Éric Monnet et Francesca Trivellato, à qui je souhaite exprimer toute ma reconnaissance.

References

1 Gaetano Beani, La chiesa pistoiese, dalla sua origine ai tempi nostri. Appunti storici, Pistoia, Pagnini, [1883] 1912, p. 248 ; Natale Rauty, L’antico palazzo dei Vescovi a Pistoia, vol. 1, Storia e restauro, Florence, L. S. Olschki, 1981, p. 356 ; Sabatino Ferrali, « La serie dei vicari generali della diocesi di Pistoia dal sec. xiii al sec. xviii », in S. Ferrali, Chiesa e clero pistoiese nel Medioevo, éd. par G. Francesconi et R. Nelli, Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 2005, p. 201-226, ici p. 216 ; Elena Vannucchi, « X. Chiesa e religiosità », in G. Cherubini (dir.), Storia di Pistoia, vol. 2, L’Età del libero comune dall’inizio del xii alla metà del xvi secolo, Florence, F. Le Monnier, 1998, p. 347-386.

2 Florence, Archivio di Stato (ci-après ASF), « Tribunale vescovile di Pistoia » (ci-après TvP), Reg. 3, c. 13 r-18 r.

3 Conciliorum oecumenicorum generaliumque decreta, vol. 2, éd. par G. Alberigo et A. Melloni, The General Councils of Latin Christendom: From Constantinople IV (869/870) to Lateran V (1512-1517), t. 1, 1215 Lateran IV, Turnhout, Brepols, 2013, p. 185, can. 38 (Quoniam contra falsam).

4 Au sujet de la conservation de ces registres, voir Luigi Schiaparelli, Pietro Fedele et Alfonso Gallo (dir.), Guida storica e bibliografica degli Archivi e delle Biblioteche d’Italia, vol. 2, Provincia di Pistoia, éd. par R. Piattoli, Rome, Libreria dello Stato, 1937, partie I, « Pistoia », p. 102 ; Luigi Chiappelli, « Una nuova fonte per l’antica storia di Pistoia », Bullettino storico pistoiese, 15-1, 1913, p. 75-77.

5 Paul Fournier, Les officialités au Moyen Âge, Paris, Plon, 1880 ; Anne Lefebvre-Teillard, Les officialités à la veille du concile de Trente, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1973 ; Richard H. Helmholz, The Oxford History of the Laws of England, vol. 1, The Canon Law and Ecclesiastical Jurisdiction from 597 to the 1640s, Oxford, Oxford University Press, 2004 ; id., « Judges and Trials in the English Ecclesiastical Courts », in M. Mulholland et B. Pullan (dir.), Judicial Tribunals in England and Europe, 1200-1700, Manchester, Manchester University Press, 2001, p. 102-116 ; id., « Local Ecclesiastical Courts in England », in W. Hartmann et K. Pennington (dir.), The History of Courts and Procedure in Medieval Canon Law, Washington, The Catholic University of America Press, 2016, p. 344-391 ; Charles Donahue Jr., « Procedure in the Courts of the Ius Commune », in W. Hartmann et K. Pennington (dir.), The History of Courts and Procedure…, op. cit., p. 74-124.

6 Charles Donahue Jr. et Sara McDougall, « France and Adjoining Areas », in W. Hartmann et K. Pennington (dir.), The History of Courts and Procedure…, op. cit., p. 300-343.

7 Yolanda Serrano Seoane, « El sistema penal del tribunal eclesiástico de la diócesis de Barcelona en la Baja Edad Media », Clío & Guida storica e bibliografica degli Archivi e delle Biblioteche d’Italia, crimen. Revista del centro de historia del crimen de Durango, 3, 2006, p. 334-428 ; Martine Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon au Moyen Âge ( xve- xvie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.

8 Norma Adams et Charles Donahue Jr. (éd.), Select Cases from the Ecclesiastical Courts of the Province of Canterbury , 1200-1301, Londres, Selden Society, 1981.

9 Robert Brentano, Due chiese : Italia e Inghilterra nel xiii secolo, Bologne, Il Mulino, [1968] 1972 ; Attilio Bartoli Langeli et Antonio Rigon (dir.), I registri vescovili dell’Italia settentrionale (secoli xii- xv), Atti del convegno di studi (Monselice, 24-25 novembre 2000), Rome, Herder, 2003.

10 Ezio Claudio Pia, La giustizia del vescovo. Società, economia e Chiesa cittadina ad Asti tra xiii e xiv secolo, Rome, Viella, 2014.

11 Lorenzo Tanzini, Una Chiesa a giudizio. I tribunali vescovili nella Toscana del Trecento, Rome, Viella, 2020.

12 Gero R. Dolezalek, Das Imbreviaturbuch des erzbischöflichen Gerichtsnotars Hubaldus aus Pisa, Mai bis August 1230, Cologne, Böhlau, 1969.

13 Giuliano Pinto, « Clero e chiese rurali nel Pistoiese alla fine del Duecento », in E. Vannucchi (dir.), Pistoia e la Toscana nel Medioevo. Studi per Natale Rauty, Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 1997, p. 104-129 ; Gene A. Brucker, « Ecclesiastical Courts in Fifteenth-Century Florence and Fiesole », Medieval Studies, 53-1, 1991, p. 229-257 ; Silvana Seidel Menchi et Diego Quaglioni (dir.), Coniugi nemici. La separazione in Italia dal xii al xviii secolo, Bologne, Il Mulino, 2000 ; id., Matrimoni in dubbio. Unioni controverse e nozze clandestine in Italia dal xiv al xvii secolo, Bologne, Il Mulino, 2001 ; id., Trasgressioni. Seduzione, concubinato, adulterio, bigamia ( xiv- xviii secolo), Bologne, Il Mulino, 2004 ; id., I tribunali del matrimonio (secoli xv- xviii), Bologne, Il Mulino, 2006 ; Cecilia Cristellon, Marriage, the Church, and Its Judges in Renaissance Venice (1420-1545), trad. par C. McNamara, Cham, Palgrave Macmillan, [2010] 2017.

14 À ce sujet, voir le bref article exploratoire d’Armando Sapori, « L’usura nel Dugento a Pistoia » [1929], in Studi di storia economica medievale (secoli xiii-xiv- xv), vol. 1, Florence, Sansoni, 1955, p. 181-189 et, plus récemment, Giampaolo Francesconi, « Qualche considerazione sull’attività creditizia a Pistoia in età comunale », in A. Duccini et G. Francesconi (dir.), L’attività creditizia nella Toscana comunale, Atti del convegno di studi (Pistoia-Colle di Val d’Elsa, 26-27 settembre 1998), Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 2000, p. 151-190.

15 Dossier « Les réseaux de crédit en Europe (xvie-xviiie siècles) », Annales HSS, 49-6, 1994, p. 1335-1442 ; Craig Muldrew, The Economy of Obligation: The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, New York, Palgrave, [1998] 2001 ; Maurice Berthe (dir.), Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XVII e journées d’histoire (abbaye de Flaran, 1995), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1998 ; Phillipp R. Schofield et Nicholas J. Mayhew (dir.), Credit and Debt in Medieval England, c. 1180-c. 1350, Oxford, Oxbow Books, 2002 ; Laurence Fontaine, L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008 ; Christopher D. Briggs, Credit and Village Society in Fourteenth-Century England, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Daniel L. Smail, Legal Plunder: Households and Debt Collection in Late Medieval Europe, Cambridge, Harvard University Press, 2016.

16 Dossier « Le bannissement pour dettes à Bologne au xiiie siècle », Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge, 109-2, 1997, p. 477-567 ; Julie Claustre, Dans les geôles du roi. L’emprisonnement pour dette à Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007 ; Tyler Lange, Excommunication for Debt in Late Medieval France: The Business of Salvation, Cambridge, Cambridge University Press, 2016. De manière plus générale sur les procès pour dettes, voir Elaine G. Clark, « Debt Litigation in a Late Medieval English Vill », in J. A. Raftis (dir.), Pathways to Medieval Peasants, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1981, p. 247-279 ; Phillipp R. Schofield, « L’endettement et le crédit dans la campagne anglaise au Moyen Âge », in M. Berthe (dir.), Endettement paysan et crédit rural…, op. cit., p. 69-98 ; Daniel L. Smail, The Consumption of Justice: Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca, Cornell University Press, 2003 ; id., Legal Plunder, op. cit. ; Elizabeth L. Hardman, Conflicts, Confessions, and Contracts: Diocesan Justice in Late Fifteenth-Century Carpentras, Leyde, Brill, 2016.

17 Aujourd’hui dépassée, la première synthèse sur le sujet est celle de Benjamin N. Nelson, The Idea of Usury: From Tribal Brotherhood to Universal Otherhood, Princeton, Princeton University Press, 1949. Voir également Gabriel Le Bras, « Usure », Dictionnaire de théologie catholique, XV-2, 1950, col. 2316-2372 ; John T. Noonan, The Scholastic Analysis of Usury, Cambridge, Harvard University Press, 1957 ; John W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants: The Social Views of Peter the Chanter and His Circle, Princeton, Princeton University Press, 1970 ; Jacques Le Goff, La bourse et la vie. Économie et religion au Moyen Âge, Paris, Fayard/Pluriel, [1986] 2011 ; Odd I. Langholm, Economics in the Medieval Schools: Wealth, Exchange, Value, Money and Usury according to the Paris Theological Tradition, 1200-1350, Leyde, Brill, 1992. À l’inverse, les travaux de Giacomo Todeschini montrent que l’interdit de l’usure n’a en rien empêché l’avènement d’une pensée capitaliste. Voir en particulier son ouvrage Il prezzo della salvezza. Lessici medievali del pensiero economico, Rome, La Nuova Italia Scientifica, 1994 ; id., Les marchands et le temple. La société chrétienne et le cercle vertueux de la richesse du Moyen Âge à l’époque moderne, trad. par I. Giordano avec la collaboration de M. Arnoux, Paris, Albin Michel, [2002] 2017. Dans ce sens, voir également Giacomo Todeschini, Diego Quaglioni et Gian Maria Varanini (dir.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione. Linguaggi a confronto (sec. xii- xvi), Rome, École française de Rome, 2005 ; Pierre de Jean Olivi, Traité des contrats, éd. par S. Piron, Paris, Les Belles Lettres, 2012. Enfin, sur la doctrine des canonistes concernant l’usure, l’étude la plus complète à ce jour reste celle de Terence P. McLaughlin, « The Teaching of the Canonists on Usury (xii, xiii and xiv Centuries) », Mediaeval Studies, I, 1939, p. 81-147, et II, 1940, p. 1-22.

18 Richard H. Helmholz, « Usury and the Medieval English Church Courts », Speculum, 61-2, 1986, p. 364-380.

19 Joseph Shatzmiller, Shylock revu et corrigé. Les juifs, les chrétiens et le prêt d’argent dans la société médiévale, trad. par S. Piron, Paris, Les Belles Lettres, [1990] 2000.

20 Claude Denjean, La loi du lucre. L’usure en procès dans la couronne d’Aragon à la fin du Moyen Âge, Madrid, Casa de Velázquez, 2011 ; Elsa Gabaude, « L’usure en procès. Le gouvernement économique de l’Église au temps des papes d’Avignon (milieu du xive siècle-début du xve siècle) », thèse de doctorat, École nationale des chartes, 2011.

21 Rowan Dorin, « A Heretical Perspective on Medieval Usury », American Society for Legal History Congress, 2015 ; id., No Return: Jews, Christian Usurers, and the Spread of Mass Expulsion in Medieval Europe, Princeton, Princeton University Press, 2023.

22 Jean-Louis Biget, « Aspects du crédit dans l’Albigeois à la fin du xiiie siècle », Castres et pays tarnais, Actes du XXVI e congrès d’études régionales, organisées à Castres, les 5-7 juins 1971, par la Société culturelle du Pays castrais et la Société des sciences, arts et belles lettres du Tarn, Albi, Éditions de la Revue du Tarn, 1972, p. 1-50 ; Julien Théry, « Fama, enormia : l’enquête sur les crimes de l’évêque d’Albi Bernard de Castanet (1307-1308). Gouvernement et contestation au temps de la théocratie pontificale et de l’hérésie des bons hommes », thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 2003 ; Sylvain Piron, « Marchands et confesseurs. Le Traité des contrats d’Olivi dans son contexte (Narbonne, fin xiiie-début xive siècle) », in Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, L’argent au Moyen Âge, XXVIII e actes du congrès de la SHMESP (Clermont-Ferrand, 30 mai-1 er juin 1997), Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 289-308.

23 G. Le Bras, « Usure », art. cit., col. 2329-2330, cite, entre autres, les conciles d’Elvire (vers 306) et de Nicée (325).

24 François Menant et Odile Redon (dir.), Notaires et crédits dans l’Occident méditerranéen médiéval, Rome, École française de Rome, 2004 ; M. Berthe (dir.), Endettement et crédit rural…, op. cit. Parmi les travaux les plus récents sur les instruments notariés du crédit, voir la thèse de doctorat de Matthieu Allingri, « Le métier de notaire en Europe méridionale à la fin du Moyen Âge. Étude comparée de deux modèles régionaux (Italie communale, pays catalans, v. 1280-1420) », Université Lumière Lyon 2, 2014, en particulier p. 705-715 et 792-831.

25 Sur la fama comme opinion collective saisie par le juge, voir Julien Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la révolution médiévale de l’inquisitoire (xiie-xive siècles) », in B. Lemesle (dir.), La preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, 2003, p. 119-147.

26 ASF, TvP, a = Reg. 3, fol. 27r-30v ; b = Reg. 3, fol. 31r-32v ; c = Reg. 3, fol. 33r-36r ; d = Reg. 3, fol. 79r-82v ; I = Reg. 4, fol. 131r-132v ; II = fol. 153r-154v ; III = Reg. 3, fol. 85r-89v ; IV = Reg. 4, fol. 115r-120v.

27 T. Lange, Excommunication for Debt…, op. cit.

28 J. Shatzmiller, Shylock revu et corrigé, op. cit., p. 27.

29 Giacomo Todeschini, Au pays des sans-nom. Gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen Âge à l’époque moderne, trad. par N. Gailius, Lagrasse, Verdier, 2015, p. 129 : « Puisque l’usurier ‘manifeste’, à savoir reconnu comme tel par la science et par les tribunaux canoniques, n’était pas crédible, et que les engagements envers lui pouvaient, voire devaient ne pas être reconnus, étaient inconsistants du point de vue tant moral que juridique, c’était à la science et aux tribunaux canoniques, ou à ceux qui en adoptaient les préceptes, de passer au crible le système des accords, des compromis, des transactions dont l’entrelacs composait les communautés civiques. »

30 P. Fournier, Les officialités au Moyen Âge, op. cit. ; Robert Génestal, Le privilegium fori en France du décret de Gratien à la fin du xive siècle, Paris, E. Leroux, [1921] 1924.

31 Julie Claustre (dir.), La dette et le juge. Juridiction gracieuse et juridiction contentieuse du xiiie au xve siècle (France, Italie, Espagne, Angleterre, Empire), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006 ; J. Claustre nuance au passage l’opposition entre juridiction « gracieuse » et notariat public, mais ne prend pas en compte le cas des juridictions ecclésiastiques.

32 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 33r (c) ; Reg. 3, fol. 27r (a) ; Reg. 3, fol. 31r (b) : […] predicti Guidottus et Iohannes et Donna sive Donnuccia cuiusdam Caruccii receperunt mut[uum] a dicto Baroncino de quo debito fuit carta manus ser Ranerii Scharlacti notarius […]. Item qualiter dictus Baroncinus notavit sibi solutus de dicta pecuniae quantitate et licentia concessit dicto ser Ranerio Cancellandi instrumentum mutui supradicti.

33 Voir François Menant, « Notaires et crédit à Bergame à l’époque communale » et Jean-Louis Gaulin, « Affaires privées et certification publique : la documentation notariale relative au crédit à Bologne au xiiie siècle », in F. Menant et O. Redon (dir.), Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, op. cit., respectivement p. 31-54 et 55-95.

34 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 86r (III) : Interrogatus si vidit tunc mensurare dictum frumentum, respondit quod non, set vidit scriptos fratres ire cum dicto presbiteri Melliore in domo ecclesie pro ipso frumento et postea vidit ipsos fratres exire domum ecclesie cum uno saccho in quo dicebant ipsi fratres esse frumentum mensuratum.

35 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 87v (III) : […] testis qui loquitur ivit cum Duccio Ormanni predicto apud ecclesiam de Campillio et invenerit presbiterum Melliorem qui nunc est rector dicte ecclesie qui tunc cantaverat missam et ipse Duccius tunc dixit eidem presbitero Melliori « Ego veni pro illo quod scitis » et non nominavit tunc aliquod et ipse presbiter tunc dixit « Et ego dabo tibi », et tunc iverunt ambo in domo ecclesie et vidit postea ipsum Duccium exire domum cum uno sacco in celle in quo erat granum quod dederat sibi, dictus rector prout audivit tunc dic[it] a dicto Duccio, quia ipse Duccius dixit ipsi testi tunc quod ipse rector dederat sibi granum.

36 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 33r (c) : […] in terra Carmignano loco dicto prato justa [sic] domum Scharlacti Galghani.

37 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 27 v-28r (a) : « Tu [subuisti] a me LXVI suprascripti in una parte et VIII in alia, et XVI staria panichi in alia et unam pançeriam [modo] tibi satisfact. de dicto instrumento paratus sum satisfacere vobis ad libitum […] et restituam vobis instrumentum mutui ad voluntatem vestram ». Reg. 3, fol. 33v (c) : « Ego sum confessus quod habeo a Bando sex libras et XII solidos et voco me […] solutus » et vocavit tunc ser Nerium Scharlacti notarius qui conficiat instrumentum mutui et dixit eidem « Dampno et cancella instrumentum quod fecisti inter me et Bandum de sex libris et solidis XII ». […] Interrogatus quando facta fuit dicta confessio, respondit quando facta fuit solutio [inibi] et in uno momento. Reg. 3, fol. 35 r (c) : « Cencella et dampna instrumentum Bando quia ego voco me bene solutus ».

38 ASF, TvP, Reg. 3, c. 28v (a) : Respondit quia ipse testis erat ad abbatiam de Sancto Fabiano et vidit mensurare Cuicchino frumentum et Cianus erat et recipiebat dictum frumentum et ipse testis interrogavit cuius est istud frumentum et ipse Cianus dixit « est meum quia accipio pro una carta quam habeo contra ipsum priorem ». Reg. 3, c. 31 v (b) : Interrogatus de quo [panno] erat tunc indutus dictus Baroncinus, respondit de uno albaxio. Interrogatus quantum tempus est quod facta fuit dicta solutio, respondit vigilia. Reg. 3, fol. 33v (c) : Interrogatus de quo panno erat tunc indutus dictus Baroncinus, respondit de panno viride.

39 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 29r (a) : Interrogatus quantum habet in bonis, respondit C. libras vel circha.

40 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 32r (b) : Interrogatus quare facit dictum testimonium, respondit quia fuit appellatus pro teste a dictis Guidotto et Iohanne. Interrogatus si actinet alicui partium, respondit non. Interrogatus quam partem vellet obtinere, respondit jus habentem. Interrogatus si est doctus vel rogatus de hac testimonium faciendo, respondit non et dixit quod non testificatur hodie, amore, pretio, precibus vel timore nisi pro veritate dicenda. Reg. 2, fol. 86r (III) : Interrogatus si ipse testis cognoscit filios et fratres olim Ormanni, respondit quod sic. Interrogatus quantum etatis sunt, respondit quod nescit bene sed cognoscit bene eos, quia unus vocatur Duccius qui est maior, secundus vero vocatur Nuccius, tertius qui est minor vocatus Ghinus.

41 D. L. Smail, The Consumption of Justice, op. cit., p. 136.

42 L. Tanzini, Una Chiesa a giudizio…, op. cit., p. 131-132.

43 Véronique Beaulande-Barraud, Le malheur d’être exclu ? Excommunication, réconciliation et société à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006.

44 Jean-Louis Gaulin et François Menant, « Crédit rural et endettement paysan dans l’Italie communale », in M. Berthe (dir.), Endettement paysan et crédit rural…, op. cit., p. 35-67, ici p. 48.

45 Ibid.

46 D. L. Smail, The Consumption of Justice, op. cit., p. 150.

47 E. L. Hardmann, Conflicts, Confessions and Contracts…, op. cit., p. 169 ; id., « Regulating Interpersonal Debt in the Bishop’s Court of Carpentras: Litigation, Litigators and the Court, 1486 and 1487 », Journal of Medieval History, 40-4, 2014, p. 478-498.

48 Ce cas est, du reste, assez singulier puisqu’il n’oppose pas un créancier à l’un de ses débiteurs, mais un débiteur à un autre. Pauluccius Schiatte prétend, en effet, qu’il n’a jamais reçu sa part de la somme empruntée auprès de Chele Tedici, car son codébiteur, Marchus Albertini, a tout pris et ne lui a rien laissé (pas plus qu’à Simone Lunardi, le troisième emprunteur).

49 Francesca Bocchi, « I debiti dei contadini (1235). Note sulla piccola proprietà terriera bolognese nella crisi del feudalesimo », in Studi in memoria di Luigi Dal Pane, Bologne, CLUEB, 1982, p. 169-209. F. Bocchi a bien montré que, dans la campagne bolonaise des années 1230, les créanciers sont généralement des notaires ou des membres du clergé local (moines, convers et même archiprêtres, autant de prêteurs qu’elle qualifie de « semi-professionnels »).

50 William C. Jordan, Women and Credit in Pre-Industrial and Developing Societies, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1993, en particulier p. 22-38, 58-60 et 67-71.

51 Liber hominum et personarum comitatus pistorii (1293-1294), éd. par G. Francesconi, Florence, L. S. Olschki, 2010, p. 31.

52 Alain Guerreau, « Avant le marché, les marchés : en Europe, xiiie-xviiie siècle (note critique) », Annales HSS, 56-6, 2001, p. 1129-1175, ici p. 1150.

53 Monique Zerner, « La question du crédit dans les campagnes du Comtat Venaissin au début du xve siècle : enquête dans les registres notariés », in M. Berthe (dir.), Endettement paysan et crédit rural…, op. cit., p. 199-216. Sur le prêt d’argent et la vente à crédit de textile ou de blé dans le Comtat Venaissin, voir également Michel Lacave, « Crédit à la consommation et conjoncture économique : L’Isle-en-Venaissin (1460-1560) », Annales ESC, 32-6, 1977, p. 1128-1153.

54 P. R. Schofield, « L’endettement et le crédit dans la campagne anglaise au Moyen Âge », art. cit., p. 78-79.

55 Christian Castellani, « Le rôle économique de la communauté juive de Carpentras au début du xve siècle », Annales ESC, 27-3, 1972, p. 583-611 ; l’auteur y propose une étude statistique de plus de 3 500 opérations de crédit effectuées par les notaires de Carpentras entre 1396 et 1418.

56 Giuliano Pinto, « Note sull’indebitamento contadino e lo sviluppo della proprietà fondiaria cittadina nella Toscana tardomedievale », Ricerche storiche, X-1, 1980, p. 3-19, rééd. sous le titre « Aspetti dell’indebitamento e della crisi della proprietà contadina », in Giuliano Pinto, La Toscana nel tardo medioevo. Ambiente, economia rurale, società, Florence, Sansoni, 1982, p. 207-223.

57 D. L. Smail, The Consumption of Justice, op. cit., p. 144.

58 Charles-Marie de La Roncière, Prix et salaires à Florence au xive siècle (1280-1380), Rome, École française de Rome, 1982, p. 394-405.

59 ASF, TvP, Reg. 4, fol. 131r (I) : […] restituere promisit eidem donne Moltocare ad certum terminum jam elapsum.

60 G. Todeschini (dans Au pays des sans-nom, op. cit.) met à raison l’accent sur la porosité entre l’usure et la « myriade de transactions de crédit » (p. 123), qui avaient en commun les mêmes outils et techniques de prêt. Il souligne aussi combien « la condamnation des usuriers évidents et manifestes, des usuriers montrés du doigt, projet[a] indubitablement une ombre sur la vaste gamme des relations économiques qui […] se mouvaient dans l’espace incertain des liens obligataires entre les personnes et entre les groupes » (p. 124).

61 Ce qui peut surprendre quand on sait que les débiteurs étaient souvent réticents à accuser leurs créanciers d’usure, comme le souligne R. H. Helmholz, « Usury and the Medieval English Church Courts », art. cit., p. 369 : « De nombreux débiteurs ne porteront pas l’affaire au grand jour. Ils peuvent craindre, en effet, de se retrouver eux-mêmes impliqués dans le crime (possibilité que le droit canonique laissait ouverte). Ils peuvent aussi estimer que la honte qui en résulte est plus coûteuse socialement que l’usure payée. Ils peuvent, pour finir, vouloir protéger de futures sources de crédit » (nous traduisons).

62 Winfried Trusen, « Der Inquisitionsprozeß. Seine historischen Grundlagen und frühen Formen », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung (ci-après Kan. Abt.), 74-1, 1988, p. 168-230 ; Richard M. Fraher, « IV Lateran’s Revolution in Criminal Procedure: The Birth of ‘Inquisitio’, the End of Ordeals and Innocent III’s Vision of Ecclesiastical Politics », in R. I. Castillo Lara (dir.), Studia in honorem eminentissimi cardinalis Alphonsi M. Stickler, Rome, LAS, 1992, p. 97-111 ; J. Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire… », art. cit.

63 X, 5, 19, 15, Corpus iuris canonici, t. 2, Decretalium collectiones, éd. par E. Friedberg et A. L. Richter, Leipzig, Tauchnitz, 1879-1881 (ci-après Fr. II), col. 815.

64 Gian Domenico Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collection […], éd. par L. Petit et J.-B. Martin, Paris, Hubert Welter, [1759-1798] 1901-1927, t. 22, col. 850-851. Au sujet de ce concile et de ses dispositions contre l’usure, voir J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants…, op. cit., p. 302.

65 Deborah G. Shulevitz, « Heresy, Money, and Society in Southern France, 1175-1325 », thèse de doctorat, Columbia University, 2017, p. 107.

66 G. Todeschini, Les marchands et le temple, op. cit., chap. 4 ; Jean-Louis Gaulin et Giacomo Todeschini (dir.), Male ablata. La restitution des biens mal acquis, xiie- xve siècle, Rome, École française de Rome, 2019.

67 ASF, TvP, Reg. 1, fol. 40v ; Reg. 1, fol. 149v et 159 r. D’autres mentions de lui dans Reg. 4, fol. 170r, fol. 201r et fol. 234r.

68 Pour des exemples du mécanisme procédural de la fideiussio dans les cas d’usure, voir John H. Mundy, « Un usurier malheureux », trad. par P. Wolff, Annales du Midi, 68, 34-35, 1956, p. 217-225.

69 Exode, 22:25 ; Lévitique, 25:35-37 ; Deutéronome, 23:19.

70 Voir les analyses de David Graeber, Debt: The First 5,000 Years, Brooklyn, Melville House, 2011, p. 283-286, en particulier au sujet de Basile de Césarée.

71 Giacomo Todeschini, « Usury in Christian Middle Ages: A Reconsideration of the Historiographical Tradition (1949-2010) », in F. Ammannati (dir.), Religione e istituzioni religiose nell’economia europea, 1000-1800, Florence, Firenze University Press, 2012, p. 119-130. G. Todeschini rappelle que les relations de crédit n’ont cessé de changer de forme et de signification au gré des contextes sociaux et politiques.

72 Clément Lenoble, « L’économie des hérétiques. Note sur le rapprochement entre usure et hérésie », in F. Mercier et I. Rosé (dir.), Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2017, p. 111-152.

73 Bernard de Parme, Decretales papae Gregorii IX, una cum glossis restituae, ad X, 5, 19, 1, v. genus : Multa enim sunt genera usurarum.

74 Jean le Teutonique, Glossa ordinaria, Venise, 1487, ad Grat., 47, 2, v. transigens : […] id est quodcumque novum pactum vel contractum inveniens in fraudem usurarum.

75 Grat., 14, 3, 4 : […] quod quicquid ultra sortem exigitur usura est. Voir également Grat., 16, 3, 2 : Quicquid supra datum exigitur, usura est (« Toute somme exigée en sus de ce qui a été donné est une usure »).

76 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 56r (4) : Interrogatus quid est dicere usura, respondit illa quam […] accipit ultra capitale ut credit.

77 Sylvain Piron, « Présentation », in P. de Jean Olivi, Traité des contrats, op. cit., p. 68.

78 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 56r (4) : Interrogatus quid est dicere usurarius, respondit ille qui mutuat ad usuras.

79 J. T. Noonan, The Scholastic Analysis of Usury, op. cit., p. 32-37.

80 T. P. McLaughlin, « The Teaching of the Canonists on Usury… » [I], art. cit., p. 106-107 et 112-113.

81 Sur cette idée que « le seul espoir fait l’usurier », ses origines et ses développements chez les canonistes, voir l’article fondamental de Sylvain Piron, « Le devoir de gratitude. Émergence et vogue de la notion d’antidora au xiiie siècle », in D. Quaglioni, G. Todeschini et G. M. Varanini (dir.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione, op. cit., p. 73-101.

82 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 37 : cupiditas denariorum illorum qui habent voluntatem lucrandi denarius ; Reg. 2, fol. 45 : voluntas lucrandi denarios et parum curare de animo ; Reg. 2, fol. 57 : voluntas facere et habere denarius.

83 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13v (2) : Interrogatus quantam pecuniam mutuabat ad usuras, respondit multam pecuniam, tamen de quantitatibus non recordatur nec ad quem terminum.

84 ASF, TvP, Reg. 4, fol. 133r : […] probare qualiter domus cum area fornace et pe[ti]o terre pro parte vineato ad unum se simul tenentia posito in Ser[ravalli] […] precii libr. CLX Bon. denar. florin. par. tempore vendicionis facte […]. Item qualiter dicta vendicio fuit in fraudem usurarum contracta.

85 T. P. McLaughlin, « The Teaching of the Canonists on Usury… » [I], art. cit., p. 95. Au sujet des développements qu’y consacre le théologien parisien Pierre le Chantre dans son Verbum abbreviatum, voir J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants…, op. cit., p. 273-279.

86 X, 5, 19, 10 : […] et an negotiator poena consimili debeat condemnari, qui merces suas longe maiori pretio distrahit, si ad solutionem faciendam prolixioris temporis dilation prorogetur, quam si ei in continenti pretium persolvatur.

87 ASF, TvP, Reg. 4, fol. 133r (1) : Interrogatus qui sunt publici usurarii, respondit tabulerii ut credit et illi qui mutuant super pignore.

88 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 40r (3) : tam super pignora quam sine pignore ; Reg. 2, fol. 44r : sunt usurarii qui prestant ad meritum danarios super pignora aut super carta. Voir D. L. Smail, Legal Plunder, op. cit., p. 116-117.

89 A. Sapori, « L’usura nel Dugento a Pistoia », art. cit.

90 S. Piron, « Le devoir de gratitude… », art. cit. ; P. de Jean Olivi, Traité des contrats, op. cit., p. 49-61 ; S. Piron, « Marchands et confesseurs… », art. cit.

91 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 15r (2).

92 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13r (2).

93 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 44r.

94 R. H. Helmholz, « Usury and the Medieval English Church Courts », art. cit., p. 374-375 ; J. Shatzmiller, Shylock revu et corrigé, op. cit., chap. 3 ; Renato Bordone et Franco Spinelli (dir.), Lombardi in Europa nel Medioevo, Milan, F. Angeli, 2005.

95 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13v (2) : ad tres denarios et ad duos et ad plures et ad minus, ut faciunt alii publici usurarii ; Reg. 3, fol. 14v (2) : mutuabat ad duos denarios et ad tres et ad plus si plus petant ut faciunt alii usurarii ; Reg. 3, fol. 49r (5) : et postea habet inde LV et accipit meritum et usuras super usuris ; Reg. 3, fol. 15r (2) : sex floreni pro usuris LXX florenos auri.

96 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 37v (3).

97 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13r-18v (2). Selon certains témoins, Giovanni Buscii récupérait 106 ou 107 livres quand il en prêtait 100, mais d’autres parlent plutôt de 6 florins d’usure pour 70 prêtés.

98 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 17r (2) : C. florenos de capitali et in instrumento dicitur et continetur CVII ad terminum VI mensorum ; Reg. 3, fol. 37v (3) : Interrogatus ad quem terminum, respondit VI mensibus et plus et minus ut erat in concordia cum partibus ; Reg. 3, fol. 56r (5) : Interrogatus quando accepit, respondit iam sunt sex mensis et ultra ; Reg. 3, fol. 17r (2) : VI florenos C. pro sex mensibus et ad XIIII pro anno.

99 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13r (2) : Interrogatus quid est dicere publice, respondit quod publicum dicitur. Interrogatus qui sunt publici usurarii, respondit illi qui publice mutuant pecuniam ipsorum ad usuras. Interrogatus que sunt illa que requiruntur ad hoc ut faciant et reddant aliquem publicum usurarium, respondit publice mutuare ad usuras hominibus et [personis] petentibus pecuniam.

100 Conciliorum oecumenicorum generaliumque decreta, op. cit., vol. 2/1, p. 144-145, concile de Latran III, can. 25.

101 Innocent IV, Apparatus super V libro decretalium, Venise, 1481, ad X, 5, 19, 2, v. manifesti. Sur l’émergence et la signification de la qualification de « notoire » en droit canonique, voir Mathias Schmoeckel, « Excessus notorius examinatione non indiget. Die Entstehung der Lehre der Notorietät », in O. Condorelli (dir.), Panta rei. Studi dedicati a Manlio Bellomo, vol. 5, Telle est la question, Rome, Il Cigno edizioni, 2004, p. 133-164 ; Jacques Chiffoleau, « ‘Ecclesia de occultis non iudicat’ ? L’Église, le secret et l’occulte du xiie au xve siècle », no spécial « Il Segreto/The Secret », Micrologus: Nature, Sciences and Medieval Societies, 14, 2006, p. 359-481 ; Wolfgang P. Müller, « The Internal Forum of the Later Middle Ages: A Modern Myth? », Law and History Review, 33-4, 2015, p. 887-913.

102 T. P. McLaughlin, « The Teaching of the Canonists on Usury… » [II], art. cit., p. 12-13.

103 Ibid. Voir Bernard de Parme, Decretales papae Gregorii IX…, op. cit., ad X, 5, 19, 15, v. manifestos.

104 Benjamin N. Nelson, « The Usurer and the Merchant Prince: Italian Businessmen and the Ecclesiastical Law of Restitution, 1100-1550 », no spécial « Economic Growth: A Symposium », The Journal of Economic History, 7-S1, 1947, p. 104-122, ici p. 108.

105 Thomas of Chobham, Summa confessorum, éd. par F. Broomfield, Louvain, B. Nauwelaerts, 1963, p. 515-516.

106 Voir les analyses de Renaud Dulong, Le témoin oculaire. Les conditions sociales de l’attestation personnelle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998, sur les récits et les rapports de témoins oculaires.

107 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 13v (2) : Accipio istos VI florenos pro merito LXX florenos auri quos tibi mutuavi et si indiges istis VI florenos, facias modo de ipsis ad libitum tuum.

108 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 14r (2) : Interrogatus si est amicus dicti Romanini, respondit sic. Interrogatus si est inimicus vel hodiosus dicti Insegne, respondit quod non, vel si fuit inimicus vel hodiosus dicti domini Iohannis, respondit quod non iam sunt VI anni. Interrogatus quam partem plus diligit, respondit utramque […]. Interrogatus quam partem vellet obtinere, respondit ius habentem, et si fuit doctus vel rogatus, respondit quod non.

109 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 48v (5) : Interrogatus quomodo scit, respondit quia audivit dici a personis ; Reg. 3, fol. 49v (5) : Interrogatus si testificaret visu, auditu vel credulitate, respondit audito et pro eo quod inde vidit.

110 J. Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire… », art. cit.

111 Sur ces deux traités et la place qu’y occupe la fama, voir Richard M. Fraher, « Conviction According to Conscience: The Medieval Jurists’ Debate Concerning Judicial Discretion and the Law of Proof », Law and History Review, 7-1, 1989, p. 23-88 ; Massimo Vallerani, « La fama nel processo tra costruzioni giuridiche e modelli sociali nel tardo medioevo », in P. Prodi (dir.), La fiducia secondo i linguaggi del potere, Bologne, Il Mulino, 2007, p. 93-111 ; id., « Il giudice e le sue fonti. Note su inquisitio e fama nel Tractatus de maleficiis di Alberto da Gandino », Rechtsgeschichte. Zeitschrift des Max-Planck-Institus für europäische Rechtsgeschichte, 14, 2009, p. 40-61.

112 M. Vallerani, « La fama nel processo… », art. cit., p. 103, parle du « mécanisme inductif de l’évaluation d’une personne au sein d’une communauté » qui contribue à « restituer aux voisins et aux connaissances de la personne une part de ‘pouvoir’ décisionnel », puisque ceux-ci, au travers de leurs témoignages, sont en mesure « d’orienter dans un sens ou un autre l’issue du procès ».

113 Id., « Il giudice e le sue fonti », art. cit., p. 48-49.

114 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 14r (2) : Interrogatus quid est dicere publica vox et fama, respondit illud quod publicum dicitur per maiorem partem gentium. Interrogatus quot homines faciunt publicam vocem et famam, respondit VI et X et ab inde supra ; Reg. 3, fol. 48v (5) : Interrogatus quid est publica fama, respondit quando dicunt X, XV aut XX homines et quanto plus sunt tanto faciunt plus publicam famam. Interrogatus quot persone faciunt publicam vocem et famam, respondit X, XV et XX.

115 R. Bordone et F. Spinelli (dir.), Lombardi in Europa nel Medioevo, op. cit., p. 124.

116 G. Todeschini, Les marchands et le temple, op. cit., p. 292-309.

117 G. Ceccarelli, « L’usura nella trattatistica teologica… », art. cit.

118 A. Sapori, « L’usura nel Dugento à Pistoia », art. cit., p. 183.

119 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 14v.

120 Richard W. Emery, The Jews of Perpignan in the Thirteenth Century: An Economic Study Based on Notarial Records, New York, Columbia University Press, 1959 ; J. Shatzmiller, Shylock revu et corrigé, op. cit. ; C. Denjean, La loi du lucre…, op. cit.

121 David Herlihy, Pistoia nel Medioevo e nel Rinascimento (1200-1430), Florence, L. S. Olschki, 1972, p. 162-164 ; Sergio Tognetti, « Mercanti e banchieri pistoiesi nello spazio euromediterraneo dei secoli xiii-xiv », in P. Gualtieri (dir.), La Pistoia comunale nel contesto toscano ed europeo, secoli xiii- xiv, Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 2008, p. 125-148 ; Giampaolo Francesconi, « L’espansione di un centro minore : Pistoia. Una storia regressiva e qualitativa », in La crescita economica dell’Occidente medievale. Un tema storico non ancora esaurito, Venticinquesimo convegno internazionale di studi (Pistoia, 14-17 maggio 2015), Rome, Viella, 2017, p. 277-289.

122 ASF, TvP, Reg. 4, fol. 133r ; Reg. 3, fol. 51r : ab anno Domini 1288.

123 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 52r : iam sunt sedecim anni, et etiam viginti.

124 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 15v.

125 Elena Vannucchi, « Debiti e crediti degli enti ecclesiastici pistoiesi nei secoli xiiixiv : ipotesi per una ricerca », in A. Duccini et G. Francesconi (dir.), L’attività creditizia nella Toscana comunale. Atti del convegno di studi (Pistoia, Colle di Val d’Elsa, 26-27 settembre 1998), Castelfiorentino, Società Storica della Valdelsa, 2000, p. 209-222.

126 Vieri Mazzoni, « Tra mito e realtà : le fazioni pistoiesi nel contesto toscano », in P. Gualtieri (dir.), La Pistoia comunale nel contesto toscano ed europeo…, op. cit., p. 223-240 ; Piero Gualtieri, « Oltre Bianchi e Neri. I rapporti fra Pistoia e Firenze negli anni della vita politica di Dante », Reti Medievali Rivista, 18-1, 2017, p. 473-492 ; Giampaolo Francesconi, « ‘Come l’una pecora malata corrompe tutta la greggia.’ La faziosità pistoiese di fine Duecento come linguaggio del dominio e dell’Infamia », in G. Francesconi et L. Mannori (dir.), Pistoia violenta. Faide e conflitti in una città italiana dall’età comunale allo Stato moderno. Atti della giornata di studi, 16-17 maggio 2014, Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 2017, p. 31-50.

127 Lodovico Zdekauer (dir.), Statuti pistoiesi del secolo xiii. Studi e testi, vol. 3, Statutum potestatis comunis Pistorii (1296), Pistoia, Società pistoiese di storia patria, 2002, p. 249, IV, 122 : Nullus publics usurarius sit in civitate Pistorii vel diocesii et nullus det sibi domum ad pensionem vel alio modo.

128 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 18r : Item qualiter dictus Nardoccius est publicus usurarius et erat tempore dicte testificationis et fuit crucesignatus per delictum heretice pravitatis et de hoc est publica vox et fama.

129 J. Shatzmiller, Shylock revu et corrigé, op. cit., p. 122.

130 E. C. Pia, La giustizia del vescovo, op. cit.

131 David Kusman, Usuriers publics et banquiers du prince. Le rôle économique des financiers piémontais dans les villes du duché de Brabant ( xiiie- xive siècle), Turnhout, Brepols, 2013, ici p. 319-334.

132 D. L. Smail, The Consumption of Justice, op. cit., p. 147.

133 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 49v.

134 ASF, TvP, Reg. 3, fol. 15r (2) et 29r (a).

135 R. H. Helmholz, « Usury and the Medieval English Church Courts », art. cit., p. 377.

136 Martin Brett et Robert Somerville, « The Transmission of the Councils from 1130 to 1139 », in J. Doran et D. J. Smith (dir.), Pope Innocent II (1130-1143): The World vs the City, New York, Routledge, 2016, p. 226-271, ici p. 242-243.

137 X, 5, 19, 3 (Fr. II, 812) : […] constituimus quod usurarii manifesti nec ad communionem admittantur altaris, nec christianam, si in hoc peccato decesserint, accipiant sepulturam.

138 Sur les testaments d’usuriers, voir Benjamin N. Nelson, « Blancardo (the Jew?) of Genoa and the Restitution of Usury in Medieval Italy », in Studi in onore di Gino Luzzatto, t. 1, Milan, A. Giuffrè, 1949, p. 98-116 ; Armando Sapori, « L’interesse del denaro a Firenze nel Trecento », in A. Sapori, Studi di storia economica, op. cit., p. 223-243 ; Nolens intestatus decedere. Il testamento come fonte della storia religiosa e sociale, Pérouse, Regione dell’Umbria, 1985 ; Gian Maria Varanini, « L’attività di prestito ad interesse », in G. Cracco (dir.), Storia di Vicenza, vol. 2, L’Età medievale, Vicence, N. Pozza, 1988, p. 203-217.

139 Michele Pellegrini, « Attorno all’‘economia della salvezza’. Note sue restituzione d’usura, pratica pastorale ed esercizio della carità in una vicenda senese del primo Duecento », in G. Piccinni (dir.), Fedeltà ghibellina, affari guelfi. Saggi e riletture intorno alla storia di Siena fra Due e Trecento, Ospedaletto, Pacini, 2008, p. 395-446. Pour d’autres cas de restitution d’usures au xiiie siècle, voir Massimo Giansante, L’usuraio onorato. Credito e potere a Bologna in età comunale, Bologne, Il Mulino, 2008 et Giovanna Petti-Balbi, « Fenomeni usurari e restituzioni : la situazione ligure (secoli xii-xiv) », Archivio storico italiano, 169-2, 2011, p. 199-220.

140 VI, 5, 5, 2 (Fr. II, 1082), Lyon II, can. 27.

141 X, 5, 19, 9 (Fr. II, 813-814).

142 ASF, TvP, Reg. 2, fol. 114r-114v.

143 Giovanni Ceccarelli, « L’usura nella trattatistica teologica sulle restituzioni dei ‘male ablata’ (xii-xiv secolo) », in D. Quaglioni, G. Todeschini et G. M. Varanini (dir.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione, op. cit., p. 3-23.

144 Massimo Giansante, « Eretici e usurai. L’usura come eresia nella normativa e nella prassi inquisitoriale dei secoli xiii-xiv. Il caso di Bologna », Rivista di storia e letteratura religiosa, 23-2, 1987, p. 193-221.

145 Richard C. Trexler, « The Bishop’s Portion: Generic Pious Legacies in the Late Middle Ages in Italy », Traditio, 28, 1972, p. 397-450.

146 VI, 5, 5, 2 (Fr. II, 1082), Lyon II, can. 27.

147 G. Todeschini, Les marchands et le temple, op. cit., p. 120.

148 Ibid., p. 292-309.

149 G. Todeschini, Au pays des sans-nom, op. cit., p. 141.

150 Mario Sbriccoli, « Justice négociée, justice hégémonique. L’émergence du pénal public dans les villes italiennes des xiiie et xive siècles », trad. par J. Théry, in J. Chiffoleau, C. Gauvard et A. Zorzi (dir.), Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2007, p. 389-421.

151 R. Bordone et F. Spinelli (dir.), Lombardi in Europa nel Medioevo, op. cit. ; Renato Bordone, « Tra credito e usura : il caso dei ‘lombardi’ e la loro collocazione nel panorama economico dell’Europa medievale », in G. Boschiero et B. Molina (dir.), Politiche del credito. Investimento, consumo, solidarietà, Atti del congresso internazionale, Cassa di Risparmio di Asti (Asti, 20-22 marzo 2003), Asti, Comune di Asti, 2004, p. 141-161.

152 C. Lenoble, « L’économie des hérétiques », art. cit. ; D. G. Shulevitz, Heresy, Money, and Society…, op. cit.

153 G. Todeschini, Au pays des sans-nom, op. cit., p. 129.