Hostname: page-component-7bb8b95d7b-dtkg6 Total loading time: 0 Render date: 2024-09-10T11:02:39.950Z Has data issue: false hasContentIssue false

La discrimination négative. Le déficit de citoyenneté des jeunes de banlieue

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Robert Castel*
Affiliation:
EHESS

Résumé

En dépit de discours convenus sur « l’exclusion » ou le « ghetto des banlieues », les jeunes qui ont participé aux violences urbaines de l’automne 2005 ne sont nullement hors des cadres de la société française. La majorité d’entre eux étaient des citoyens français « issus de l’immigration », c’est-à-dire marqués par leur appartenance ethnique, citoyens par défaut. Leur désespoir pourrait tenir à ce qu’ils vivent les prérogatives de la citoyenneté sur le mode de l’impossibilité de leur réalisation. Dans une République qui proclame l’égalité des droits et l’égalité des chances, ils font quotidiennement l’expérience du déni des droits: discrimination dans les rapports avec la police et la justice, dans leurs relations à l’école et au travail. Discrimination aussi en raison de leur affiliation religieuse, puisque le fait d’être d’origine musulmane est souvent associé à une adhésion à l’islam radical. La stigmatisation d’une partie de la population sur une base ethnique est contradictoire avec les principes de la République. Elle est aussi dangereuse pour l’unité de la nation. Les politiques sécuritaires actuelles ciblent un profil de jeunes comme les principaux responsables de la propagation de l’insécurité, en oubliant de s’interroger sur l’ensemble des conditions nécessaires pour être reconnu comme un citoyen à part entière. C’est le paradoxe d’une instrumentalisation rigide et dogmatique du modèle républicain: si nos banlieues ne sont pas encore des ghettos, elles sont en train de le devenir, à force de traiter une partie de leurs habitants, en particulier les jeunes issus de l’immigration, comme des citoyens de seconde zone.

Abstract

Abstract

In spite of conventional discourse about “exclusion” or “suburban ghettos”, the young people who took part in the urban riots during the autumn of 2005 are part and parcel of French society. The majority were French citizens from ethnic minorities, i.e. marked out by their ethnic origin, citizens by default. Their despair could stem from the fact that their rights as citizens could not be enjoyed. While “equal rights” and “equal opportunity” are the watchwords of the French Republic, they are denied these on a daily basis. They are discriminated against by the police, by the judiciary, in their experiences at school and at work. They are also discriminated against because of their religion, as being a Muslim is often associated with radical Islamism. Stigmatizing people because of their ethnic origin is at odds with Republican principles. It also poses a threat to national unity. The current political stance paints a picture of these young people as if they were the main cause of insecurity, overlooking the fact that certain conditions have to be met before they can be considered fully-fledged citizens. Such a dogmatic and unbending application of the Republican model is paradoxical: French suburbs haven’t been transformed into ghettos yet, but treating their inhabitants as second class citizens, especially youth from ethnic minorities, is pushing them in that direction.

Type
Penser la crise des banlieues
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2006

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 - Bachman, Christian et Guennec, Nicole Le, Violences urbaines. Ascension et chute des classes moyennes à travers cinquante ans de politique de la ville. , Paris, Albin Michel, 1996 Google Scholar. Si l’on voulait établir la généalogie de cet urbanisme fonctionnel, il faudrait partir des propositions élaborées à partir de la fin du xixe siècle dans le milieu des réformateurs sociaux, en particulier autour du Musée social et du courant du socialisme municipal, qui voulaient restructurer la ville pour en faire un espace de pacification sociale correspondant aux exigences de l’hygiène publique et de la gestion rationnelle des populations dans la société industrielle. Ces courants accueillirent des architectes novateurs issus de l’École de Rome comme Tony Garnier, concepteur de la Cité industrielle et inventeur du « zonage », ou Henri Prost qui, avec la construction des villes nouvelles de Casablanca et de Rabat implantées au Maroc sous le protectorat de Lyautey (1912-1925), réalisa le premier programme d’envergure d’aménagement urbain. Sur ces points, voir Rabinow, Paul, Une France si moderne. Naissance du social, 1800-1950. , Paris, Buchet Chastel, [1989] 2006 Google Scholar.

2 - Corbusier, Le, Charte d’Athènes. , Paris, Le Seuil, [1942] 1971 Google Scholar.

3 - Oblet, Thierry, Gouverner la ville. Les voies urbaines de la démocratie moderne. , Paris, PUF, 2003 Google Scholar.

4 - En référence à Sarcelles, où a été construit le premier de ces grands ensembles de la région parisienne, vite devenue le symbole du « mal-vivre ».

5 - Donzelot, Jacques, Quand la ville se défait. Quelle politique face à la crise des banlieues?. , Paris, Le Seuil, 2006 Google Scholar.

6 - Delarue, Jean-Marie, Banlieues en difficultés. La relégation. , Paris, Syros, 1991 Google Scholar.

7 - Avenel, Cyprien, Sociologie des quartiers sensibles. , Paris, Armand Colin, 2004 Google Scholar.

8 - Il faudrait souligner le fait que « la banlieue » ou même « le grand ensemble » ou « la cité » ne représentent pas du tout des réalités homogènes d’un point de vue sociologique. Au sein d’un même espace peuvent coexister des immeubles ou des groupes d’immeubles particulièrement « sensibles », parce qu’y ont été regroupées les plus fortes proportions d’immigrés, de chômeurs, de « cas sociaux », de familles réputées insolvables, etc., et des zones dans lesquelles les habitants mènent une vie paisible et investissent positivement leur quartier. Comme le montre Thierry Oblet, la politique de certaines municipalités et de certains organismes chargés de la gestion des logements sociaux contribue à créer ces disparités qui rendent particulièrement problématique la « mixité sociale » (T. Oblet, Gouverner la ville…, op. cit.). La mise en exergue des situations les plus dégradées contribue à construire cette vision globalement catastrophiste de « la banlieue » que diffusent la plupart des médias. Si l’on voulait être rigoureux, il faudrait sans doute proscrire ce terme de banlieue qui, comme auparavant « la zone », reste inscrit dans un imaginaire misérabiliste où rôde l’ombre des Apaches, des batailles de chiffonniers et de l’incurie des mauvais pauvres. Objectivement et historiquement parlant, Neuilly-sur-Seine est autant une banlieue que Clichy-sous-Bois. Le ban de « banlieue » est d’abord le territoire situé dans le voisinage immédiat d’une ville et sous sa dépendance, et d’où l’on peut entendre la cloche du ban. L’arrière-ban est la campagne environnante (voir Étienne, Bruno, « Ban-lieues, essai d’interprétation anthropologique », in Draï, R. et Mattéi, J.-F., La République brûle-t-elle?. , Paris, Éditions Michalon, 2006, pp. 119-135 Google Scholar). On pourrait aussi évoquer le bannissement, cette sanction terrible des sociétés préindustrielles qui condamnait à l’errance l’individu privé de toute inscription territoriale, c’est-à-dire de toute protection et de tout droit. Si l’on pense que l’histoire laisse toujours des traces, « la banlieue » est un héritage lourd à porter.

9 - Je suis malheureusement dans l’incapacité, comme il le faudrait en toute rigueur, de faire une analyse différentielle précise des comportements des jeunes émeutiers en fonction de la diversité de leurs origines (Maghreb, Afrique sub-saharienne, Asie du Sud-Est, Français d’origine), ni de pouvoir mesurer la proportion des immigrés proprement dits venant d’arriver en France par rapport à celle des jeunes « issus de l’immigration » qui ont la nationalité française. Comme l’ont fait la plupart des commentateurs, je prends ces derniers, le plus souvent d’origine maghrébine, comme représentatifs des « jeunes des cités », en reconnaissant que c’est une simplification. Mais ils ont été les plus nombreux à se manifester et ce sont eux qui posent les problèmes les plus significatifs par rapport à la problématique de l’intégration dans la société française. Dans les très nombreuses publications parues depuis le début de l’année 2006 sur ces événements, les données relatives au profil ethnique des émeutiers sont toujours très parcellaires pour des raisons évidentes: sauf lorsqu’ils étaient arrêtés par la police, ils n’ont pas laissé leur identité. Parmi ceux qui ont été arrêtés et jugés, on relève la prépondérance de jeunes d’origine maghrébine et de jeunes provenant d’une immigration plus récente, originaires de l’Afrique sud-saharienne. En revanche, et contrairement aux premières allégations du ministère de l’Intérieur, la proportion des étrangers a été insignifiante.

10 - Wacquant, Loïc, Parias urbains. Ghetto, Banlieues, État. Une sociologie comparée de la marginalité sociale. , Paris, La Découverte, 2006 Google Scholar. À la différence des proclamations catastrophistes sur « le ghetto des banlieues », cet ouvrage présente l’avantage de s’appuyer sur des enquêtes de terrain menées dans le ghetto noir de Chicago et à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Il faut noter cependant que ces analyses portent sur la situation du début des années 1990 et qu’elles doivent être réactualisées (voir infra, où l’on montre que le fait qu’il n’y ait pas encore de ghetto en France n’exclut pas la possibilité que se mette actuellement en place un processus de ghettoïsation, qui est aussi un processus d’ethnicisation).

11 - Dubedout, Hubert, Ensemble, refaire la ville. , Paris, La Documentation française, 1983 Google Scholar.

12 - Lorrain, Dominique, « La dérive des instruments. Les indicateurs de la politique de la ville et l’action publique », Revue française de science politique. , 56, 3, 2006, pp. 429-455 CrossRefGoogle Scholar.

13 - Les tentatives d’évaluation de ces politiques sont certes très nombreuses. Un observatoire national des zones urbaines sensibles (ZUS) a été récemment créé. Dans son second rapport annuel, publié quelques jours avant le déclenchement des événements de l’automne 2005, il constate que les écarts entre l’ensemble des ZUS et le reste du territoire ont tendance à s’accroître et que le chômage est également en augmentation (cf. Epstein, Renaud et Kirszbaum, Thomas, «Après les émeutes, comment débattre de la politique de la ville? », in Comprendre les violences urbaines. , Paris, La Documentation française, « Regards sur l’actualité-319 », 2006, pp. 39-50 Google Scholar). Mais ces mauvais résultats ne disent évidemment rien sur ce qu’il serait advenu en l’absence d’une telle politique.

14 - D. Lorrain, « La dérive des instruments… », art. cit.

15 - Voir, par exemple, Beaud, Stéphane et Pialoux, Michel, Violences urbaines, violences sociales. , Paris, Fayard, 2003 Google Scholar; Kokoreff, Michel, La force des quartiers. , Paris, Payot, 2003 Google Scholar; Masclet, Olivier, La Gauche et les cités, enquête sur un rendez-vous manqué. , Paris, La Dispute, 2003 Google Scholar; Muchielli, Laurent et Goaziou, Véronique Le (dir.), Quand les banlieues brûlent… Retour sur les émeutes de novembre 2005. , Paris, La Découverte, 2006 Google Scholar, et le dossier de la revue Mouvements, 44, « Émeutes et après? », 2006, pp. 9-120. La littérature produite dans le prolongement des événements de l’automne commence à devenir pléthorique et je ne pourrai pas en faire ici état d’une manière exhaustive.

16 - Lewis, Oscar, Les enfants de Sanchez. Autobiographie d’une famille mexicaine. , Paris, Gallimard, [1979] 1981 Google Scholar.

17 - C. Avenel, Sociologie des quartiers sensibles, op. cit.

18 - Il demeurait certes de la pauvreté, des individus et des groupes qui ne s’étaient pas inscrits dans la dynamique de la société salariale (ce que l’on appelle « le quart monde »). Mais on pouvait penser alors qu’il s’agissait de populations résiduelles en voie de résorption en raison du développement continu du progrès économique et social. Il y avait aussi, évidemment, la foule des immigrés appelés par la pénurie de main-d’œuvre qui a caractérisé cette période. Mais, dans la mesure où il s’agissait d’une immigration de travail concernant des hommes de nationalité étrangère dont la résidence sur le sol français était censée être provisoire, les problèmes de l’immigration ont pu être pensés, dans un premier temps, indépendamment de la question de la citoyenneté dans un pays où nationalité et citoyenneté sont des notions indissociables. Les premières vagues d’immigrés ont été, et plutôt mal que bien, inscrites dans la société à partir de leur participation au monde du travail, et non dans les cadres de l’État-nation.

19 - Cette gestion de l’immigration comme immigration de travail est toute différente de celle de pays qui, comme les États-Unis ou le Canada, pratiquent une immigration de peuplement ou d’installation. Sur ces différences de régimes, voir par exemple Boutang, Yann Moulier et Papadémitriou, Dimitri, «Typologie, évolution et performances des principaux systèmes d’immigration », Migration et développement. , Paris, OCDE, 1994, pp. 21-41 Google Scholar. Pour une interprétation générale de la problématique de l’immigration envisagée dans toutes ses dimensions, se reporter à Boutang, Yann Moulier, De l’esclavage au salariat. Économie historique du salariat bridé. , Paris, PUF, 1998 Google Scholar.

20 - Pour une analyse équilibrée des relations de ces jeunes avec la police, voir Jobard, Fabien, « Sociologie politique de la “racaille” », in Lagrange, H. et Oberti, M. (dir.), Émeutes urbaines et protestations: une singularité française. , Paris, Les Presses de Sciences Po, 2006, pp. 59-80 Google Scholar.

21 - Voir l’entretien avec Dominique Monjardet, « La crise de l’institution judiciaire ou comment y faire face », Mouvements, 44, 2006, pp. 67-77. De nombreux observateurs ont souligné la responsabilité dans les derniers événements de l’abandon par l’actuel gouvernement des efforts pour développer une police de proximité. Pour la thématique d’ensemble de la police de proximité, voir Roché, Sébastien, Police de proximité, nos politiques de sécurité. , Paris, Le Seuil, 2005 Google Scholar.

22 - F. Jobard, « Sociologie politique… », art. cit., p. 65. Pour une analyse de la collusion d’une partie de l’appareil judiciaire avec la police pour sanctionner de manière parfois expéditive les auteurs des infractions commises dans le cadre des récentes violences urbaines, voir Sire-Marin, Évelyne, « L’état d’urgence, rupture de l’État de droit ou continuité des procédures d’exception? », Mouvements. , 44, 2006, pp. 78-82 CrossRefGoogle Scholar.

23 - Richard, Jean-Louis, Partir ou rester? Destinées des jeunes issus de l’immigration. , Paris, PUF, 2004, p. 157 Google Scholar.

24 - Stéphane Beaud, « L’insertion professionnelle en question », in Comprendre les violences urbaines, op. cit., pp. 27-37, ici p. 28.

25 - Weil, Patrick, La République et sa diversité. , Paris, Le Seuil, 2005, p. 78 Google Scholar.

26 - Bataille, Philippe, Le racisme au travail. , Paris, La Découverte, 1997 Google Scholar.

27 - Noiriel, Gérard, Longwy: immigrés et prolétaires. , Paris, PUF, 1984 Google Scholar.

28 - Ces moyens ne sont évidemment pas les seuls, et l’absence d’un travail « honnête » est la raison principale du développement d’une économie parallèle à base de trafics illicites et de délinquance, difficile à chiffrer mais considérable, et qui entretient une culture de la violence.

29 - Pour les mesures prises contre les discriminations à l’embauche qui commencent à devenir une préoccupation mais qui sont encore très timides, voir Goff, Jacques Le, « Lutter contre les discriminations à l’embauche », Esprit. , 322, 2006, pp. 218-221 CrossRefGoogle Scholar.

30 - Félix Pyat, dans son plaidoyer à l’Assemblée constituante pour le droit au travail, le 2 novembre 1848, cité par Agulhon, Maurice, Les Quarante-Huitards. , Paris, Gallimard/Julliard, 1973, p. 184 Google Scholar.

31 - S. Beaud, « L’insertion professionnelle… », art. cit, p. 28.

32 - C’est le «vieux» schéma dégagé dans les années 1960 par Bourdieu, Pierre et Passeron, Jean-Claude, Les héritiers. Les étudiants et la culture. , Paris, Éditions de Minuit, 1966 Google Scholar, et ID., La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Éditions de Minuit, 1970, mais qui n’a jamais été aussi actuel qu’aujourd’hui (voir, à titre d’exemple, le recrutement social des élèves de l’école nationale d’administration et des grandes écoles). La différence principale intervenue depuis quarante ans tient au fait que le public potentiel de l’École est plus nombreux, plus hétérogène quant à sa composition sociale, et aussi qu’en fonction de l’évolution du marché du travail il est plus lourd de conséquences de manquer aujourd’hui de certifications scolaires. Dans cette compétition qui s’est durcie, les perdants sont fréquemment les élèves issus de l’immigration.

33 - C’est ici que des pratiques discriminatoires pourraient non seulement se défendre, mais s’imposer sous la forme de la « discrimination positive ». On sait qu’elle a été tentée à travers la mise en place des zones d’éducation prioritaires (ZEP), qui en représentent une forme et dont les résultats, comme ceux de la politique de la ville, ont été contestés. Les insuffisances dans la manière dont les ZEP ont été jusqu’ici mises en œuvre ne devraient toutefois pas conduire à en remettre en cause le principe. Outre la faiblesse des moyens déployés, ou la difficulté de stabiliser des enseignants compétents et motivés dans ces fonctions quelque peu ingrates, on peut constater que les efforts se sont concentrés sur le fonctionnement interne du système scolaire. Mais la discrimination négative qu’il faut combattre joue aussi en amont de l’entrée à l’école et dans les relations entre l’école et l’environnement social, en particulier les familles. Un travail avec ces familles serait particulièrement important pour affronter le handicap ethnoracial dans le rapport à l’école.

34 - Gèze, François, «Les intégristes de la République et les émeutes de novembre », Mouvements. , 44, 2006, pp. 88-100 CrossRefGoogle Scholar. L’interview d’Alain Finkelkraut paru dans le quotidien israélien Haaretz du 18 novembre 2005 est une bonne illustration de cette posture. Voir aussi Delthombe, Thomas, L’Islam imaginaire, la construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005. , Paris, La Découverte, 2005 Google Scholar. L’assimilation des événements de novembre 2005 à une révolte d’immigrés musulmans contre le modèle français d’intégration a été particulièrement instrumentalisée dans de nombreux médias étrangers (voir Roy, Olivier, « Intifada des banlieues ou émeutes de jeunes déclassés? », Esprit. , 320, 2005, pp. 26-30 Google Scholar).

35 - Voir Randolph, Luc et Soulez, Christophe, Insécurité, la vérité. , Paris, J.-C. Lattès, 2002 Google Scholar.

36 - C’est le cas de Khaled Kelkal, socialisé dans la périphérie lyonnaise, soupçonné d’être impliqué dans des attentats terroristes et abattu par la police en octobre 1995, et de Zaccarias Moussaoui, qui s’est accusé d’être impliqué dans les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

37 - Voir Kepel, Gilles, Les banlieues de l’Islam. Naissance d’une religion en France. , Paris Le Seuil, 1987 Google Scholar, et Khosrokhavar, Farhad, L’islam des jeunes. , Paris, Flammarion, 1997 Google Scholar.

38 - Olivier Masclet, La Gauche et les cités…, op. cit. À l’inverse, Gérard Noiriel montre que des immigrés de générations antérieures, en particulier d’origine italienne, ont pu choisir les solidarités syndicales et politiques marquant l’appartenance à la classe ouvrière contre les valeurs religieuses associées pour eux à la droite, aux patrons et à la « bourgeoisie » (G. Noiriel, Longwy…, op. cit.).

39 - Les Juifs aussi peuvent restructurer leur religiosité en fonction de leur accession aux classes moyennes (voir Saada, Emmanuelle, « Les territoires de l’identité. Être juif à Arbreville », Genèses. , 11, 1993, pp. 111-136 CrossRefGoogle Scholar).

40 - Voir le texte de cet appel: « “Nous sommes les indigènes de la République!…” Appel pour des Assises de l’anticolonialisme postcolonial », en annexe à Khiari, Sadri, Pour une politique de la racaille. , Paris, Textuel, 2006, pp. 153-157 Google Scholar.

41 - Sur la localisation précise des émeutes et leur rattachement aux caractéristiques des différents sites où elles se sont déroulées, voir Hugues Lagrange, « Autopsie d’une vague d’émeutes », in H. Lagrange et M. Oberti (dir.), Émeutes urbaines…, op. cit., pp. 37-58.

42 - Kokoreff, Michel, « Les émeutiers de l’injustice », Mouvements. , 44, 2006, p. 36 CrossRefGoogle Scholar.

43 - O. Masclet, La Gauche et les cités…, op. cit.

44 - Merklen, Denis, « Paroles de pierre, images de feu », Mouvements. , 43, 2006, pp. 131-137 CrossRefGoogle Scholar.

45 - Sayad, Abdelmalek, « Exister c’est exister politiquement. Pour une défense des droits civiques des immigrés », Presse et immigrés en France. , CIGM 135, Paris, novembre 1985 Google Scholar.

46 - Cf. Didier Lapeyronnie, «Les émeutes urbaines en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis », in Comprendre les violences urbaines, op. cit., pp. 5-14.

47 - Lee Rainwater, « Open letter on White justice and the riots », in P. ROSSI (dir.) Ghetto revolts, Transaction Books, 1970 (cité par D. Lapeyronnie, « Les émeutes urbaines… », art. cit., p. 9).

48 - L’article ii de la Constitution stipule que « la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Le mot race est prononcé dans la Constitution, mais il est proscrit dans les différentes formes de recensements statistiques qui permettraient de qualifier sous ce rapport les populations qui vivent en France. Sous le motif respectable de ne pas renforcer la stigmatisation, on se prive ainsi de l’appareillage technique qui serait nécessaire pour la mesurer et la combattre. On peut voir là un signe de la gêne du modèle républicain à reconnaître, en les rendant d’abord visibles et mesurables, les pratiques qui contredisent à ses principes. Sur ces points, voir Hamdani, Khalid, « Visibles pour les discriminations, invisibles pour les statistiques » Google Scholar, et Garapon, Antoine, « Diversité ethnique: le mot et la chose. Pour une révolution réaliste », Esprit. , 320, 2005, respectivement pp. 34-37 et 37-41Google Scholar.

49 - J’ai tenté d’expliciter le sens de cette distinction entre deux types d’insécurités car elle me paraît essentielle pour rendre compte de l’inflation actuelle du souci sécuritaire à partir des confusions que l’amalgame entre ces deux sortes d’insécurité entretient: Castel, Robert, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé?. , Paris, Le Seuil, 2003 Google Scholar.

50 - Si, globalement, les taux de délinquance s’accroissent régulièrement depuis le milieu des années 1980, il faut préciser que la proportion des délits contre les biens (vols) a diminué. La progression s’est donc faite sur les délits contre les personnes, mais surtout des délits contre les institutions et les autorités: dégradations et destructions, violences et outrages. Voir Bailleau, Francis, «Consommation de masse ou prédation de masse? La délinquance des mineurs en France, 1972-2002 », in Lévy, R., Mucchielli, L. et Zauberman, R. (dir.), Crime et insécurité, un demi-siècle de bouleversements. , Paris, L’Harmattan Google Scholar, à paraître. Ces séries statistiques s’arrêtent en 2002 et ne prennent donc pas en compte les dernières violences urbaines. Mais on doit souligner que, lorsque l’on parle de l’augmentation de la délinquance, ce n’est pas d’une délinquance d’appropriation (vols) qu’il s’agit, mais d’une violence contre les personnes et surtout d’une violence exercée contre les institutions et ses agents, catégorie dans laquelle se rangent les violences de novembre 2005.

51 - Voir Peyrat, Didier, Éloge de la sécurité. , Paris, Gallimard/Le Monde, 2005 Google Scholar.

52 - Trosne, Guillaume-François Le, Mémoire sur les vagabonds et sur les mendiants. , Soissons, 1764 Google Scholar.

53 - J’ai tenté cette évaluation, évidemment approximative, à partir de témoignages d’époque et du profil de vagabonds enfermés dans certains dépôts de mendicité comme celui de Soissons en 1786: se reporter à Castel, Robert, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat. , Paris, Gallimard, « Folio », [1995] 1999, chap. II Google Scholar.

54 - Turgot avait parfaitement perçu l’enjeu de la question, mais l’échec de sa tentative pour abolir les corporations illustre l’impossibilité de réformer l’organisation du travail au sein de l’Ancien Régime. Il faudra une révolution pour y parvenir. Les travaux du Comité pour l’extinction de la mendicité de l’Assemblée constituante, qui inspirèrent la loi Le Chapelier, posèrent explicitement l’exigence de la libéralisation du marché du travail comme la solution à la question sociale du vagabondage qui avait pour horizon de mettre fin à cette construction du vagabond comme classe dangereuse, avant qu’elle ne se déplace sur le prolétariat au début du xixe siècle.

55 - Bloch, Camille, L’assistance et l’État en France à la veille de la Révolution. , Genève, Slatkine, 1974, p. 160 Google Scholar. Texte de l’ordonnance royale de 1764, dans Jourdan, A.-J.-L. et alii, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 400 jusqu’à la Révolution de 1789. , Paris, 1829, t. XXII, p. 74 Google Scholar.

56 - Que cette masse considérable d’ordonnances répressives édictées par les pouvoirs publics (royaux ou municipaux) pour combattre le vagabondage et la mendicité ait pour l’essentiel échoué, comme le montre le fait qu’elles étaient régulièrement réitérées et renforcées à partir du constat que le nombre des vagabonds ne cessait de croître, ne doit pas inviter à conclure que ces mesures ont été inutiles. D’une part, elles ont pu neutraliser la frange la plus turbulente ou la plus malchanceuse de ces non-travailleurs en les condamnant au travail forcé (galères, maisons de force, dépôts de mendicité, déportation aux colonies…); d’autre part, cette « législation sanguinaire », pour reprendre la qualification que Marx donnait aux lois anglaises en la matière (Le Capital, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1965, Livre I, 8e section, chap. xviii, p. 1192), a pu avoir une fonction préventive en dissuadant un grand nombre de misérables d’emprunter les voies si dangereuses du vagabondage pour chercher du travail. En ce sens, et pour parler comme un ministre de l’Intérieur, « la véritable prévention, c’est la sanction » (Nicolas Sarkozy).

57 - Alban, Jean-Paul Villeneuve-Bargemont, De, Économie politique chrétienne ou Recherches sur les causes du paupérisme. , Paris, 1834 Google Scholar.

58 - Comte, Auguste, Système de politique positive. , Paris, Positivisme, t. 1, 1929, p. 411 Google Scholar.

59 - Buret, Eugène, De la misère des classes laborieuses en France et en Angleterre. , Paris, 1840 Google Scholar.

60 - Chevalier, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du xixe siècle. , Paris, Plon, 1958 Google Scholar.

61 - Gerardin, Saint-Marc, Le Journal des débats. , 8 décembre 1831 Google Scholar.

62 - L’expression est du baron Haussmann, cité dans Louis Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses…, op. cit., p. 460.

63 - Alphonse de Lamartine, dans un discours prononcé le 14 décembre 1844 à la Chambre des députés pour défendre le droit au travail, rend compte de ce paradoxe d’une manière dont le lyrisme du style ne doit pas dissimuler l’intuition sociologique profonde qu’il recouvre. Il décrit « les armées d’ouvriers dont le travail, immense comme les capitaux qui l’emploient, chanceux comme la spéculation qui le commande, mobile comme la mode qui le consomme, n’a pas la condition de fixité des économies domestiques. […] Peuple sorti du peuple, nation dans la nation, race dépaysée qui a pour unique capital ses bras, pour terre un métier, pour foyer un toit emprunté, pour patrie un atelier, pour vie un salaire. C’est une caste flottante dont les cadres sont brisés, qui ne sait faire qu’une seule chose et qui, lorsque son métier tout spécial et ses vivres viennent à manquer, se répand, s’extravase dans la nation, sous forme de coalitions, d’émeutes, de vagabondage, de vices, de lèpre, de misère. C’est là ce que l’on appelle proprement les prolétaires, race destinée à peupler le sol, espèce d’esclaves de l’industrie qui servent sous le plus rude des maîtres, la faim. » (La France parlementaire, Œuvres oratoires et écrits politiques, t. iv, p. 109, cité dans Ferdinand-Dreyfus, Louis, L’assistance sous la Troisième République. , Paris, 1907 Google Scholar).

64 - Abbé Meysonnier, aumônier des «couvents soyeux» lyonnais, dans lesquels des religieuses encadraient des jeunes filles pauvres sous un régime impitoyable de travail (cité par Reybaud, Louis, Études sur le régime des manufactures. , Paris, [1874] 1955, p. 276 Google Scholar).

65 - de Gérando, Baron, Le visiteur du pauvre. , Paris, 1820, p. 9 Google Scholar.

66 - J.-P. Alban De Villeneuve-Bargemont, Économie politique chrétienne…, op. cit., p. 231.