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La nature, les territoires et le politique en Afrique du Sud

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Frédéric Giraut
Affiliation:
Université Joseph Fourier – Grenoble 1
Sylvain Guyot
Affiliation:
Université Pierre Mendès-France – Grenoble 2
Myriam Houssay-Holzschuch
Affiliation:
ENS Lettres et Sciences humaines – Lyon

Résumé

Le traitement de la nature dans les colonies de peuplement prend en Afrique du Sud une dimension particulière. La gestion de la nature y fut remarquablement instrumentalisée dans le cadre d’une ingénierie territoriale de la ségrégation coloniale, puis de l’apartheid, au point d’être l’une des pièces maîtresses des dispositifs territoriaux et de l’idéologie qui les sous-tendait. Dans la nouvelle Afrique du Sud, elle constitue l’un des terrains privilégiés du raccommodage socio-spatial, et ceci à trois niveaux. Au niveau local, avec le développement de formes participatives communautaires de gestion et d’appropriation qui ne vont pas sans poser de problème avec une municipalisation qui privilégie la démocratie représentative ; au niveau national, avec un certain consensus autour de la promotion et la restauration d’un patrimoine naturel autochtone d’où l’on doit extirper les plantes allochtones ; et au niveau international, avec la transformation des parcs frontaliers en des objets internationaux de développement, les transfrontier peace parks.

Abstract

Abstract

In South Africa, nature management has been “instrumentalised” for spatial engineering during the colonial and apartheid eras. In the new South Africa, “Nature” has remained an essential tool for repairing the socio-spatial fabric. At a local level, nature management has allowed new, participative, forms of administration to develop, even if they are sometimes inconsistent with new, democratic, municipal structures. At a national level, a consensus for the preservation of an indigenous natural heritage has been agreed upon and “alien plants” have become an enemy to destroy. At an international level, transfrontier peace parks planned for development have replaced transfrontier peace parks used as military buffer zones.

Type
Politique de la nature
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

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References

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4- La classification raciale en vigueur sous l’apartheid comprenait : les « Blancs » (Sud- Africains ayant des origines européennes), parmi lesquels on distinguait les Afrikaners, descendants des colons hollandais installés dans le pays depuis le XVIIe siècle et parlant l’afrikaans, les Sud-Africains anglophones et d’autres immigrants – souvent arrivés plus tardivement – d’origine européenne, tels que les Grecs ou les Portugais ; les « Indiens », Sud-Africains d’origine indienne, dont les ancêtres étaient souvent venus comme travailleurs sous contrat ou de leur propre chef, notamment à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ; les « Africains » (dénommés auparavant « Natifs » ou « Bantous »), Sud- Africains d’origine africaine ; les « métis » ou « colorés » (coloured), groupe hétérogène incluant les personnes ayant des origines mélangées et celles qui ne rentraient pas dans les catégories mentionnées ci-dessus. Même si nous sommes conscients des implications politiques de chaque terme, nous suivrons les conventions usuelles et emploierons les catégories ci-dessus telles qu’elles sont comprises dans le contexte sud-africain.

5- En sachant que celle-ci pose déjà question dans le contexte africain : voir M’Bokolo, Elikia, « Afrique : colonisation, décolonisation et post-colonialisme », in Université de tous les savoirs : géopolitique et mondialisation, Paris, Odile Jacob, 2001, pp. 143167 Google Scholar.

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14- Moins de dix millions d’hectares, soit moins de 8,5% du territoire. En 1913, elles regroupent environ 60% de la population noire de l’Union.

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17- Voir aussi la signature à Londres, dès 1900, de la Convention for the Preservation of Wild Animals, Birds and Fish in Africa ; la création en 1903, de la Society for the Fauna of the Empire, active jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; l’instauration d’une Consultative Commission for the Protection of Nature (1913-1918), puis d’un Bureau international pour la conservation de la nature, créé en 1928 ( Rodary, Estienne et Castellanet, Christian, « Les trois temps de la conservation », in Rodary, E., Castellanet, C. et Rossi, G. (dir.), Conservation de la nature et développement : l’intégration impossible ?, Paris, Karthala/GRET, « Économie et développement », 2004, pp. 544 Google Scholar).

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20- Paul Kruger (1825-1904), président de la République du Transvaal pendant la guerre des Boers contre les Anglais, qui ne s’était jamais, dit-on, intéressé à la faune sauvage autrement que sous la forme du biltong (viande séchée), proclama en 1898 une game reserve entre les rivières Sabie et Crocodile.

21- J. Carruthers, « Nationhood and national parks… », art. cit.

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24- 1933-1997, directeur du KwaZulu Bureau of Natural Resources de 1983 à 1994.

25- Né en 1927, ayant travaillé au Natal Parks Board, fondateur de la Wilderness Foundation : voir Draper, Malcom, « Zen and the art of garden province maintenance: The soft intimacy of hard men in the wilderness of KwaZulu-Natal, South Africa, 1952-1997 », Journal of Southern African studies, 24, 4, 1998, pp. 801828 CrossRefGoogle Scholar.

26- Homme d’affaires britannique (1926-2000), aux conceptions eugénistes, propriétaire de zoos et de casinos, membre de l’IFP et ami de Margaret Thatcher (cf. M. Draper et G. Maré, « Going in… », art. cit.).

27- M. Draper, « Zen and the art of garden province… », art. cit.

28- Certains acteurs environnementalistes au KwaZulu-Natal se réclament encore aujourd’hui de ce courant proche de celui des « écofascistes ». P. Pelletier, L’imposture écologiste, op. cit. ; Sylvain Guyot, L’environnement contesté. La territorialisation des conflits environnementaux sur le littoral du KwaZulu-Natal (Afrique du Sud) : Kosi Bay, St Lucia, Richards Bay et Port Shepstone, Thèse de Doctorat, Université de Paris-X – Nanterre, 2003.

29- M. Draper et G. Maré, « Going in… », art. cit.

30- Il n’eut jamais autorité sur la Province du Natal, qui cultive ici aussi son particularisme et conserva ses prérogatives d’abord au sein de l’administration provinciale, puis avec le Natal Parks Game and Fish Preservation Board, organisme indépendant créé en 1947.

31- J. Carruthers, « Nationhood and national parks… », art. cit.

32- Il doit être rattaché en 2004, avec son Basotho Cultural Village, au Golden Gate Highlands National Park et donc passer sous l’administration du South African National Parks.

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41- S. Guyot, L’environnement contesté…, thèse citée.

42- En 2004 pourtant, et en raison de considérations politiciennes, ce portefeuille revint à Marthinus Van Schalkwyk, chef du nouveau Parti national.

43- Greater St Lucia, Wetland Park, Ndumo Game Reserve, Tembe Elephant Park, Kruger National Park, Richtersveld, etc.

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46- La plupart de ces espaces, composés de prairies et de forêts, étaient devenus entre 1956 et 1964 des State forests (Cape Vidal State Forest, Eastern Shores State Forest) dédiées à l’exploitation forestière et non à la conservation de la nature. Cinq mille personnes vivant dans les Eastern Shores furent alors expulsées et une partie d’entre elles relogée à Mbazwana dans le futur bantoustan. Les membres de la communauté des Eastern Shores sont maintenant très dispersés et l’argent du dédommagement profite à des familles habitant Durban ou Johannesbourg.

47- S. Guyot, L’environnement contesté…, Thèse citée.

48- Lors du IVe Congrès mondial sur les parcs nationaux et les aires protégées (Caracas, Venezuela, 1992), il fut ainsi recommandé l’élaboration de politiques sur les aires protégées qui tiennent compte des intérêts des peuples autochtones, des pratiques coutumières liées aux ressources et des systèmes traditionnels de régime foncier. En octobre 1996, c’est le Congrès mondial de la nature, réuni à Montréal, qui adopte une résolution sur les « principes et lignes directrices sur les peuples autochtones et traditionnels et les aires protégées » ; enfin, le thème et slogan du récent Congrès mondial des parcs de Durban, en 2003, s’intitulait « Benefits beyond boundaries ».

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50- Community levies, dont une part était versée directement et sans contrôle aux chefs des autorités tribales riveraines.

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56- P. Pelletier, L’imposture écologiste, op. cit.

57- « “Working for water”… », site web cité, et http://www.dwaf.org.za, 2003.

58- J. Carruthers « Nationhood and national parks… », art. cit., rappelle l’épisode de l’éphémère parc de Dongola. Premier parc international non exclusivement animalier créé en 1947 sur la frontière septentrionale avec le Bechuanaland et la Rhodésie, il fut déclassé après l’avènement du Parti national en 1948. Ses opposants contestaient le gel des intérêts miniers et fonciers mais aussi le caractère international du projet.

59- Ironiquement, l’expression est de Valli Moosa, ministre ANC de l’Environnement sous la première présidence de Thabo Mbeki.

60- Malcom Draper et Harry Wels, Super African dreams: The mythology of community development in transfrontier conservation areas in Southern Africa, Leyde, African Studies Center, 2002, rapport du séminaire « Ecotourism and Nature Parks in East and Southern Africa ».

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