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La nomenclature socio-professionnelle : une histoire revisitée

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Thomas Amossé*
Affiliation:
Centre d’études de l’emploi

Résumé

Fruit d’un processus engagé au XIXe siècle, le code des catégories socio-professionnelles est élaboré en France entre 1951 et 1954 et n’a que peu été modifié depuis. Alors sans habillage théorique fort et d’une tonalité réaliste, il donne corps aux classes sociales dans la description de la société d’après-guerre. Lieu d’effervescence sociologique à l’occasion de sa « refonte » (1978-1981), il figure l’espace social à deux dimensions de la sociologie de Pierre Bourdieu et sert de laboratoire à la sociologie pragmatique de Luc Boltanski et Laurent Thévenot. Lors de sa « rénovation » (1995-2001), la prudence administrative des changements opérés contraste avec l’évolution du droit conventionnel et une ambition de pureté analytique soutenue par l’économétrie. L’histoire de la nomenclature rend compte de la situation d’un outil de représentation du monde censé demeurer inchangé quand rien ne l’est, ni l’institution qui en assure la gestion, ni les catégories ordinaires ou juridiques auxquelles il renvoie, ni les théories et usages sociologiques qui lui sont liés.

Abstract

Abstract

Resulting from a process that began in the nineteenth century, French socio-economic classifications (code des catégories socio-professionnelles) were elaborated between 1951 and 1954 and have not been modified much since. Without a strong theoretical framework. and conceived according to a realistic approach, it embodied the social classes as described by post-war society. During a period of “reworking” (1978-1981), it became an exciting topic of sociological exploration, providing a representation of Pierre Bourdieu’s two-dimensional social space and the subject of experimentation for Luc Boltanski and Laurent Thévenot’s pragmatic sociology. During a period of “renovation” (1995-2001), administrative caution toward any changes contrasted with the evolution of labor-law categories and the goal of analytical purity backed by econometrics. The history of this classification provides an account of a statistical tool that was meant to remain unchanged when neither the institution ensuring; its management, the ordinary or legal categories to which it refers, nor the sociological theories and practices themselves remain unchanged.

Type
Stratifications
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2013

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Footnotes

*

Ce travail doit beaucoup aux travaux d’Alain Desrosières et aux échanges noués avec lui autour de l’évolution de la nomenclature socio-professionnelle. Les premières réflexions auxquelles il a donné lieu ont été partagées avec lui, avant qu’il ne nous quitte en ce début d’année. Que ce texte lui soit très modestement dédié. Au-delà des éventuelles erreurs ou imprécisions qui restent de mon seul fait, les analyses avancées ont; bénéficié de discussions avec Emmanuel Didier et, surtout, Laurent Thévenot qui tout à la fois témoin et acteur de cette histoire, a pris le temps de me recevoir longuement. Par ailleurs, Cécile Brousse, Cyprien Tasset et Loup Wolff ont accepté de lire et critiquer des versions provisoires de ce travail, Sylvie Le Minez comme Louis Meuric, actuellement à la division «Emploi » de l’Insee, de m’ouvrir leur bureau. Qu’ils soient tous remerciés.

References

1 Nous ne revenons pas ici sur les origines de la nomenclature, qui remontent bienplus loin que les années 1950 ou même que 1936, année où se pose pour la premièrefois la question de l’usage des statistiques par catégorie, Desrosières, Alain, « Éléments pour l’histoire des nomenclatures socio-professionnelles », in Pour une histoire de la statis-tique, vol. I, Contributions, Paris, INSEE/Economica, 1977, p. 155231 Google Scholar.

2 Desrosières, Alain et THévenot, Laurent, Les catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte, 1988 Google Scholar.

3 Boltanski, Luc et Chiapello, Ève, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 Google Scholar.

4 On peut mentionner, par exemple, la difficile estimation du nombre d’enfants engarde partagée, des couples non-cohabitant ou étendus, l’impossibilité de repérer lescouples demême sexe ( Toulemon, Laurent, « Individus, familles, ménages, logements :les compter, les décrire », Travail, genre et société, 26-2, 2011, p. 4766 CrossRefGoogle Scholar) ou encore laproblématique délimitation des foyers budgétaires.

5 Amossé, Thomas et Peretti, Gaël de, «Hommes et femmes en ménage statistique.Une valse à trois temps », Travail, genre et société, 26-2, 2011, p. 2346 CrossRefGoogle Scholar.

6 A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… », art. cit.

7 Outre les différentes éditions du code (1951, 1952, 1954, 1962, 1968, 1975, 1982,1994 et 2003), ils comprennent notamment : Porte, Jean, « Les catégories socio-professionnelles », in Naville, P. et Friedmann, G. (dir.), Traité de sociologie du travail, Paris, Armand Colin, 1961, p. 240250 Google Scholar ; Joëlle AFFICHARD (dir.), Pour une histoire dela statistique, vol. II, Matériaux, Paris, INSEE, 1987 ; Desrosières, Alain et Thévenot, Laurent, «Les mots et les chiffres. Les nomenclatures socio-professionnelles », Éco-nomie et statistique, 110-1, 1979, p. 4965 CrossRefGoogle Scholar ; Desrosières, Alain, Goy, Alain et Thévenot, Laurent, «L’identité sociale dans le travail statistique. La nouvelle nomenclaturedes professions et catégories socio-professionnelles », Économie et statistique, 152, 1983,p. 5581 CrossRefGoogle Scholar ; A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, Les catégories…, op. cit. ; Paul CHAMPSAUR(dir.), Cinquante ans d’INSEE ou la conquête du chiffre, Paris, INSEE, 1996 ; Pierru, Emmanuel et Spire, Alexis, «Le crépuscule des catégories socio-professionnelles », Revuefrançaise de sciences politiques, 58-3, 2008, p. 457481 CrossRefGoogle Scholar.

8 Ces archives comprennent des documents intermédiaires de la refonte conduitede 1978 à 1981, des notes manuscrites et retranscriptions d’entretiens conduits parA. Desrosières lors de son enquête sur la genèse et les usages de la nomenclature (1975-1977), ainsi qu’un entretien effectué en mars 1976 avec Jean Porte et deux courrierscomplémentaires reçus de ce dernier, le 2 septembre 1977 et le 12 février 1979.Ces documents originaux font partie d’un fonds des Archives nationales en cours deconstitution.

9 Jean PORTE, entretien avec Alain Desrosières, mars 1976.

10 A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… », art. cit., note 37 et 38, p. 227.

11 Dans P. CHAMPSAUR (dir.), Cinquante ans d’INSEE…, op. cit., p. 58, il est décrit«comme ne portant pas de cravate pour venir aux réunions, avec une allure de ‘savantbizarre’ ».

12 Ibid., p. 55.

13 J. PORTE, entretien cit. ; Id., « Les catégories… », art. cit., p. 243.

14 Ce code comporte onze «major groups », dont deux sont subdivisés en deux sous-groupes : on compte parmi les groupes les « farmers and farm managers », les « proprie-tors, managers and officials, except farm », etc., Occupation and Industry Classifications, USdepartment of commerce, Bureau of the census, 1940, p. 3-15, http://www.archives.gov/research/census/1940/occupational-codes.pdf.

15 J. PORTE, entretien cit.

16 Comme le relève toutefois A. DESROSIÈRES, « Éléments pour l’histoire… », art.cit., p. 179, le niveau resserré de la première édition du code en 1951 était proche ducode utilisé par Raymond Lévy-Bruhl et Pierre Thionnet en 1948.

17 Ibid., p. 230.

18 Ibid., p. 231.

19 J. PORTE, entretien cit.

20 Ces classifications des conventions collectives portent le nom duministre duTravailAlexandre Parodi (de septembre 1944 à octobre 1945) en raison des arrêtés relatifs auxclassifications ouvrières qu’il a pris en 1945. Elles ont posé, dans le droit conventionnel, la définition des principales catégories professionnelles que sont les ouvriers (O),employés techniciens et agents de maitrise (ETAM) ainsi que les ingénieurs et cadres.Pour plus de détails sur le lien entre les catégories Parodi et la nomenclature socio-professionnelle, A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… », art. cit., p. 172.

21 J. PORTE, entretien cit.

22 Ibid.

23 Après un passage par la philosophie, il était « resté en contact avec les camaradesrestés orientés vers la sociologie ou la psychologie sociale (comme René Pagès) » et « aurait voulu créer des travaux sociologiques à l’INSEE, il y en avait à l’INED », J. PORTE,entretien cit.

24 L’ajustement progressif du code se fit après son chiffrement dans différentesenquêtes qu’il liste dans le courrier complémentaire envoyé à A. Desrosières le 2 sep-tembre 1977. Trois opérations impliquent des chercheurs extérieurs à l’INSEE, PierreClément et Nelly Xylias, Suzanne Frère et Ida Berger.

25 J. PORTE, «Les catégories… », art. cit., p. 243.

26 A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… », art. cit., p. 230.

27 INSEE, Code des catégories socio-professionnelles, Paris, 1954, p. 6 et 8.

28 Boltanski, Luc, Les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Éd. deMinuit, 1982 Google Scholar.

29 «Les groupes [regroupement des catégories socio-professionnelles sur le 1er chiffre]ne [me] semblent pas avoir en eux-mêmes une grande signification. On prévoyait bienque ce premier chiffre serait utilisé, par commodité. C’est pourquoi on a voulu que ceregroupement soit le moins incohérent possible. Il peut être utilisé pour certains travauxmais n’a pas plus de prétention », cité dans A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’his-toire… », art. cit., p. 230.

30 Cette architecture reflète la nécessité de classer toute la population, ce qui supposed’avoir des groupes qui ne soient pas que hiérarchiques quand la société comporte desespaces incommensurables. Les prises de position de Jean Porte au milieu des années1970 indiquent son attachement à l’idée de hiérarchie, qui aurait pu, si la mesure durevenu avait été disponible, être au fondement de la nomenclature, J. PORTE, entre-tien cit.

31 Dans la publication des résultats de l’enquête sur l’écoute de la radiophonie de1952, il inclut une « analyse factorielle des goûts » à partir de la méthode centroïdede Louis Thurstone (issue de la psychologie) sur le tableau des corrélations entre caté-gories socio-professionnelles et préférences pour divers types d’émission, Jean PORTE,«Une enquête par sondage sur l’auditoire radiophonique », Bulletin mensuel de la statis-tique – supplément trimestriel, 1 et 3, 1954, respectivement p. 31-58 et 22-24.

32 Voir les premières analyses de Desabie, Jacques, «La mobilité sociale en France »[1955], Bulletin d’information de l’INSEE, 1, 1956, p. 2563 Google Scholar, conduites à partir de l’enquêtesur l’emploi de 1953.

33 Voir l’enquête d’ Girard, Alain réalisée en 1959, Le choix du conjoint, Paris, PUF, 1964 Google Scholar.

34 Une rapide recherche dans les numéros de la première moitié des années 1960 desrevues telles que Population, la Revue française de sociologie, la Revue française de sciencespolitiques ou les Annales ESC suffit à s’en convaincre. Sans compter, par exemple, lesouvrages de P. Bourdieu et ses co-auteurs dans les années 1960, où le code était systéma-tiquement utilisé.

35 Pour une description plus précise du contexte académique de ces années d’après-guerre, voir Pollak, Michael, «La planification des sciences sociales », Actes de larecherche en sciences sociales, 2-3, 1976, p. 105121 CrossRefGoogle Scholar.

36 «Le code des catégories socio-professionnelle », Économie et statistique, 4, 1969, p. 65-67, citation p. 65, chronique parue à l’occasion de la 5e édition du code, utilisée pour lerecensement de 1968.

37 Pour une formulation et quelques premiers résultats, voir INSEE, «L’utilisation ducode des CSP, de la théorie à la pratique », note no 194/930, 29 oct. 1975.

38 Il s’inscrit dans un ensemble de travaux initiés par Guibert, Bernard, Laganier, Jean et Volle, Michel, «Essai sur les nomenclatures industrielles », Économie et statistique, 20, 1971, p. 2236 CrossRefGoogle Scholar, et dont le travail d’A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… »,art. cit., est une des principales contributions.

39 J. AFFICHARD (dir.), Pour une histoire…, op. cit., p. 13-14.

40 Elles sont d’ailleurs tempérées un peu plus loin dans l’introduction, quand EdmondMalinvaud rappelle que « les statisticiens ont le devoir de collecter toute l’informationqui est pertinente pour quelque groupe que ce soit », J. AFFICHARD (dir.), Pour unehistoire…, op. cit., p. 14. Si l’analyse historique est nécessaire, elle n’invalide pas la possibi-lité d’une connaissance positive et d’une information objective.

41 Pour une liste de l’ensemble des personnes de l’INSEE impliquées, voir A. DESROSIÈRES, A. GOY et L. Thévenot, «L’identité sociale dans le travail statistique… », art. cit., p. 73.M. Gollac et B. Seys assurent la présentation de la nomenclature refondue à partir de1982.

42 Desrosières, Alain décrit la rencontre du sociologue avec les statisticiens de l’INSEEdans «Une rencontre improbable et ses deux héritages », in Encrevé, P.-M. et Lagrave, R.-M. (dir.), Travailler avec Pierre Bourdieu, Paris, Flammarion, 2003, p. 209218 Google Scholar, particulièrement p. 209-210.

43 P. CHAMPSAUR (dir.), Cinquante ans d’INSEE…, op. cit., p. 67.

44 M. POLLAK, «La planification… », art. cit., p. 118-119.

45 Desrosières, Alain, «Les origines statisticiennes de l’économie des conventions.Réflexivité et expertise », Œconomica, 1-2, 2011, p. 299319, citation p. 301Google Scholar.

46 Laurent Thévenot, entretien avec Thomas Amossé, mai 2013.

47 Ce dernier a récemment décrit dans des termes proches l’ambiance régnant au seindu laboratoire du « patron ». Il y souligne la liberté critique qui animait les jeunessociologues d’alors et s’exerçait contre l’« idéologie dominante ». Voir Boltanski, Luc, Rendre la réalité inacceptable. À propos de La production de l’idéologie dominante, Paris, Démopolis, 2008, p. 15 Google Scholar sq.

48 Outre l’INSEE, participèrent le ministère de l’Éducation et de la Recherche, celuidu Travail, le secrétariat à la Fonction publique, le Commissariat général au Plan, leCEREQ, l’ANPE, l’ONISEP, le CEE, ainsi que les syndicats professionnels, syndicats desalariés, organismes consultatifs, etc.

49 INSEE, « Vers un système cohérent de nomenclatures d’emplois-professions et deformations », note no 410/956, présentée et discutée lors de la première réunion dugroupe spécial.

50 Ibid., p. 22.

51 Ibid., p. 26.

52 « Aux côtés d’autres approches (conditions de travail, possibilité de passage àd’autres emplois, etc.) », ibid., p. 28. Les deux approches sont portées par des definitions différentes de la qualification : la première renvoie aux capacités et connaissances néces-saires pour occuper les emplois, la deuxième à l’organisation et à la division du travail.Une troisième approche est évoquée mais « ne se situe pas sur le même plan », car ellemêle de nombreux critères professionnels et sociaux qui « aboutissent à créer des typesqui ont une réelle existence sociale, même si les frontières entre les différents types nesont pas toujours nettes », ibid., p. 28-31.

53 Elles n’apparaîtront pas en tant que telles mais sous forme de critères plus simplescomme salarié/non-salarié, entretien/fabrication, grande série/petite série, ibid., p. 32.

54 De nombreuses publications en attestent : Robert SALAIS, «Qualification indivi-duelle et qualification de l’emploi. Quelques définitions et interrogations », Économie etstatistique, 81-82, 1976, p. 3-11 ; COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN, La qualification dutravail : de quoi parle-t-on ?, Paris, La documentation française, 1978 ; Michel CÉZARD,«La qualification ouvrière en question », Économie et statistique, 110-1, 1979, p. 15-36.

55 INSEE, « Vers un système cohérent… », note cit., p. 32.

56 Une telle orientation supposerait de postuler une grille universelle de descriptiondes emplois qui ait un sens en elle-même et permette d’identifier les individus de façonstable, à l’image de ce qui a été proposé aux Pays-Bas en 1952, ou existe aux États-Unis (exemples évoqués dans la note). Elle est « écartée résolument » parce que de« nombreux auteurs considèrent que cette démarche, très marquée par les imperfectionsde la psychologie industrielle des années 1950 est aujourd’hui dépassée ». La note lerappelle : «On ne peut nier que les emplois aient des exigences et les individus desaptitudes, mais les unes et les autres ne se laissent pas réduire à une combinaisond’éléments simples et bien définis », ibid., p. 32-33.

57 Ibid., p. 34.

58 A. DESROSIÈRES, «Une rencontre improbable… », art. cit.

59 Bourdieu, Pierre et al., Travail et travailleurs en Algérie : données statistiques, Paris/La Haye, Mouton et Cie, 1963 Google Scholar.

60 INSEE, «Éléments d’appréciations pour le choix du rattachement des contremaîtresau groupe des professions intermédiaires ou à celui des ouvriers dans la nouvelle nomen-clature des CSP », note no 215/NEF, 9 juin 1981.

61 Il convient toutefois de ne pas opposer strictement mise en adéquation des catégo-ries statistiques avec les catégories juridiques et respect d’une représentation de l’espacesocial héritée de P. Bourdieu : ces orientations et/ou principes ont tous deux guidé larefonte et conduisent souvent aux mêmes classements.

62 Bourdieu, Pierre, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éd. de Minuit, 1979 Google Scholar.

63 La première note présentée au CNS distingue comme premiers domaines examinésl’électricité et l’électronique, la gestion des entreprises, le commerce et les servicesinformatiques, etc., INSEE, « Vers un système cohérent… », note cit., p. 46.

64 A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, «Les mots et les chiffres… », art. cit., p. 49-55. Cetarticle s’est appuyé sur une note plus détaillée également signée d’AlainDESROSIÈRES etLaurent Thévenot, «Catégories socio-professionnelles et étude des inégalités sociales »,INSEE, note no 029/NEF, 29 nov. 1978.

65 A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, «Les mots et les chiffres… », art. cit., p. 54.

66 A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, «Catégories socio-professionnelles… », note cit.,p. 5.

67 Cette caractéristique des appellations d’emploi a été examinée à partir d’un rappro-chement au niveau individuel de 17 000 bulletins du recensement de 1975 et del’enquête sur l’emploi conduite la même année. La stabilité ou, à l’inverse, la variabilitédes professions déclarées dans les deux sources ont été utilisées comme des indicateursde ce qu’une appellation est plus ou moins « solide » ou « dure » dans l’espace des mots.

68 Christian TOPALOV, «Un paysage intellectuel renouvelé », in R.-M. LAGRAVE etP. ENCREVÉ (dir.), Travailler avec Pierre Bourdieu, op. cit., p. 195-207.

69 Notamment L. BOLTANSKI, Les cadres…, op. cit.

70 Le premier est allé voir les ateliers de chiffrement du recensement de 1975(A. DESROSIÈRES, «Éléments pour l’histoire… », art. cit., p. 189), alors que le second aréalisé un travail spécifique sur les enquêteuses et la passation des enquêtes, en plusd’avoir observé les ateliers de chiffrement.

71 P. CHAMPSAUR (dir.), Cinquante ans d’INSEE…, op. cit., p. 43 et 55.

72 Ibid., p. 56.

73 Voir, par exemple, le récit de la grève des dactylo-codeuses de Nantes en 1980, ibid., p. 137 ; plus largement, voir Gollac, Michel et Volkoff, Serge, Les conditions detravail, Paris, La Découverte, 2007 Google Scholar.

74 INSEE, « Incertitudes de mesure et conditions de recueil des données : l’exempledes variables professionnelles », note no 057/NEF, 17 sept. 1979, p. 29.

75 Ibid., p. 22. Cette lecture de l’origine de la sociologie pragmatique est en partieretracée par Boltanski, Luc et ThéVenot, Laurent dans l’avant-propos à De la justifica-tion. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991, notamment p. 14 Google Scholar sq.

76 Le texte de Thévenot, Laurent, «Un emploi à quel titre ? L’identité profession-nelle dans les enquêtes statistiques », in Archives et documents, vol. XXXVIII, Les catégoriessocioprofessionnelles et leur repérage dans les enquêtes. Études méthodologiques, Paris, INSEE, 1981, p. 939 Google Scholar, oppose explicitement la « logique du statisticien » et la « pratique desenquêtes ».

77 Sans oublier toutefois l’attention pragmatique existante dans les travaux du socio-logue. Voir, par exemple, Bourdieu, Pierre, Esquisse d’une sociologie de la pratique, Genève, Droz, 1972 CrossRefGoogle Scholar.

78 Par exemple L. Thévenot, «Un emploi à quel titre ?… », art. cit., p. 12, où l’on estinvité à suivre dans l’analyse « un fil conducteur simple, celui de la chaîne des opérationsstatistiques nécessaires à la collecte des données sur la situation professionnelle ». Suitune « énumération sommaire des différents maillons de la chaîne » avec les personnesenquêtées, les chiffreuses, les statisticiens, les représentants des groupes professionnels.

79 INSEE, « Projet de classification des professions de la santé et du travail social »,note no 078/NEF, 18 déc. 1980, p. 3 ; schéma p. 43.

80 L. Thévenot, «Un emploi à quel titre… », art. cit. ; A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, Les catégories socio-professionnelles…, op. cit.. Certains des passages de ce texte seront publiés dans ThÉvenot, Laurent, «L’économie du codage social », Critiques de l’économie poli-tique, 23-24, 1983, p. 188222 Google Scholar.

81 On peut mesurer ici l’influence de plusieurs auteurs ayant travaillé à cette périodela notion de pluralité, comme par exemple Michel Foucault ou Ian Hacking relisantAlistair Crombie.

82 Boltanski, Luc et Laurent|Thévenot, Les économies de la grandeur, Paris, PUF, 1987 Google Scholar.

83 La santé et le travail social en sont un exemple, dont A. DESROSIÈRES etL. Thévenot, Les catégories socio-professionnelles…, op. cit., rend compte.

84 Ce jeu a donné lieu à la formation de près de 500 personnes et a ensuite été analyséen lien avec des travaux de psychologie sociale, Boltanski, Luc et Thévenot, Laurent, » Finding One’s Way in Social Space: A Study Based on Games », Social Science Information, 22-4/5, 1983, p. 631680 CrossRefGoogle Scholar. Ses apports sont également présentés dans A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, Les catégories socio-professionnelles…, op. cit. Il fait l’objet actuelle-ment d’adaptations dans le cadre des travaux visant à élaborer une nomenclature socio-économique européenne.

85 INSEE, Données sociales, Paris, 1984, p. 1-2. On remarquera incidemment que la dis-tinction entre capitaux culturel et économique s’efface là où ils font défaut pour laisserplace à d’autres formes de clivage.

86 Kramarz, Francis, «Déclarer sa profession », Revue française de sociologie, 32-1, 1991,p. 327 CrossRefGoogle Scholar.

87 D’après lui, les intuitions suivies dans la refonte de 1982 pour regrouper les profes-sions renvoient, de façon implicite mais en réalité centrale, à différents registres résu-mant, au travers des organisations de travail, les manières de prendre les décisions,justifications, formes de légitimité et évaluations du et au travail. En conclusion, il pro-pose une relecture « pragmatique » de l’évolution de la structure socio-professionnelleentre 1982 et 1990 en indiquant qu’elle tend à montrer, avec ses termes, que les «CS quiaugmentent sont celles qui correspondent à des registres de justification et d’évaluationsubjectifs, plutôt qu’objectifs, affectifs et esthétiques plutôt que rationnel ou technique »,Éric MAURIN, «La nomenclature française des catégories socio-professionnelles : uneinterprétation », projet de communication au colloque Class Analysis, Oxford, Crest/Nuffield College, déc. 1993.

88 L. BOLTANSKI et L. Thévenot, De la justification…, op. cit., p. 2.

89 Ibid., p. 22.

90 Si l’on inclut les fondateurs des courants de l’économie des conventions,A. DESROSIÈRES, «Les origines statisticiennes… », art. cit.

91 A. DESROSIÈRES, «Une rencontre improbable… », art. cit.

92 E. PIERRU et A. SPIRE, «Le crépuscule des catégories… », art. cit.

93 INSEE, «Lettre de mission. L’usage de la nomenclature des professions et descatégories socio-professionnelles », note no 296/B005, 25 avr. 1995.

94 E. PIERRU et A. SPIRE, «Le crépuscule des catégories… », art. cit.

95 No spécial «Histoire et sciences sociales, un tournant critique », Annales ESC, 44-6,1989 ; Lepetit, Bernard, «Histoire des pratiques, pratiques de l’histoire », in Lepetit, B.(dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, p. 922 Google Scholar.

96 Voir, par exemple, Burnod, Guillaume et Chenu, Alain, «Les représentations ordi-naires de la division du travail. Une étude fondée sur les déclarations de profession », in Menger, P.-M. (dir.), Les professions et leurs sociologues, Paris, Éd. de la MSH, 2003,p. 119131 Google Scholar.

97 P. CHAMPSAUR (dir.), Cinquante ans d’INSEE…, op. cit., p. 202.

98 Ibid., p. 190.

99 Avant une seconde version, présentée au CNIS en octobre 2001, après qu’un examenattentif des possibilités d’implémenter la version de mars 2000 dans l’enquête surl’emploi a amené à revenir sur de nombreuses créations de rubriques, INSEE, «Compterendu de la réunion du 12 octobre 2001 devant la formation ‘Emploi, Revenus’ duCNIS », note no 001/D130. Cette version est celle en vigueur depuis 2003.

100 En dehors des documents officiels de présentation de la nouvelle nomenclature,dite PCS 2003, aucun article de synthèse n’a été publié qui retrace le travail de rénovationou présente la nouvelle nomenclature. Seul est publié partiellement l’audit de Neyret, Guy et Faucheux, Hedda, «Extraits du rapport ‘Évaluation de la pertinence descatégories socio-profesionnelles’ », in Kieffer, A., Oberti, M. et Preteceille, E. (dir.),no spécial «Enjeux et usages des catégories socio-professionnelles en Europe », Sociétéscontemporaines, 45/46-1/2, 2002, p. 131155 Google Scholar.

101 Quatre réunions plénières comptant en moyenne une quarantaine de membresont été tenues par an entre mai 1996 et mars 2000. Les différentes réunions furentl’occasion de discussions autour de l’avancement des travaux conduits sous-groupe parsous-groupe («Employés », «Classements conventionnels », etc.) ainsi que des consul-tations sectorielles opérées à la fin de la mission de rénovation. Voir INSEE, «Mandatdu groupe de travail ‘Rénovation de la PCS’ », note no 271/D130, 11 juin 1996.

102 Voir INSEE, «Lettre de mission. L’usage de la nomenclature… », note cit.

103 Ils sont alors respectivement en poste à la DARES et chercheur au CEE. PourM. Cézard, « le rapport Callies redécouvre finalement les questions déjà posées aumoment de l’élaboration de la nomenclature » ; Michel Gollac précise quant à lui qu’« ilest illusoire de chercher à élaborer une ‘super-nomenclature’ capable de répondre àtous les usages ; les difficultés soulignées par Jean-Marie Callies dans son audit exis-taient déjà à la fin des années 1970 », INSEE, «Compte rendu de la réunion du 16 avril1996 », note no 169/F233.

104 Dans ces sources, le matériau premier n’est pas le même que dans les enquêtesauprès des ménages : la notion de « profession principale » demandée aux personnes estsusceptible de différences systématiques avec le libellé d’emploi ou de poste déclarépar les gestionnaires de paie ou responsables des réponses aux enquêtes statistiques ausein des entreprises. Deux « sémantiques » différentes, pour reprendre l’expression durapport d’audit, sont à l’œuvre, dont il convient de tenir compte pour obtenir des struc-tures d’emploi comparables dans les deux types de source.

105 Ces grilles positionnent sur une échelle l’ensemble des emplois, classés selon descritères dits « classant », tels que le degré d’autonomie, de responsabilité, etc. Lemodèlede ces grilles s’est diffusé au cours des années 1980, la première d’entre elles a faitl’objet d’un accord dans la métallurgie en 1975.

106 Voir DARES, «L’utilisation de la PCS dans les systèmes statistiques sur l’emploi,les salaires et le marché du travail : le point de vue de la DARES », note no JLD/no 39/97, 7 avr. 1997, qui remet en cause la subordination du niveau des professions à celui descatégories socio-professionnelles : « La difficulté majeure provient de la structurationprincipale des PCS par les catégories sociales (les deux premiers chiffres de la CS) » avantde demander la scission de deux niveaux de la nomenclature des PCS.

107 INSEE, « Vers une nomenclature des fonctions et des familles professionnelles ? »,note no 246/B005, 11 sept. 1997.

108 De très nombreuses branches ont été consultées. Voir INSEE, «Compte rendu dela réunion du 1er mars 2000 devant la formation ‘Emploi, Revenus’ du CNIS », note no 381/D130.

109 Il convient toutefois de noter qu’à l’inverse des secteurs en pointe sur ces questionssociales à la fin des années 1990 qu’étaient la métallurgie, la pharmacie ou l’assurance,d’autres acteurs patronaux soulignèrent la pertinence et l’intérêt de la nomenclaturepour catégoriser leur main-d’œuvre, notamment dans les secteurs où les petites entre-prises sont nombreuses (comme dans le bâtiment), elles qui ont moins de ressourcespour développer leur propre « investissement de forme », voir les comptes rendus de tra-vaux de la mission de rénovation et les entretiens conduits par G. Neyret et H. Faucheux.

110 INSEE, «Compte rendu de la réunion du 24 février 1999 avec l’UIMM», note no 13/F203, 2 mars 1999.

111 Cette brochure a été publiée par le Think Tank patronal Entreprise et Progrès en1993.

112 Selon cet avenant, qui n’a pas été étendu et était alors contraire à la jurisprudenceconstante de la Cour de cassation, c’est le régime de temps de travail qui devait définir lestatut « cadre » et non le statut qui devait conditionner les modalités de temps de travail.

113 L. BOLTANSKI, Les cadres…, op. cit.

114 L’argumentaire joint au courrier destiné aux entreprises du secteur fait une nou-velle fois référence à l’histoire de la notion de cadre (qui fait partie des « entreprisesd’hier ») et son inadaptation aux « entreprises actuelles et de demain », dont la descrip-tion fait plus que rappeler la « cité par projet » de L. BOLTANSKI et È. CHIAPELLO, Lenouvel esprit du capitalisme, op. cit.

115 INSEE, «Compte rendu de la réunion du groupe ‘Classements conventionnels’ »,no 9418/D201, 22 avr. 1997.

116 INSEE, note non numérotée du 12 décembre 1996, dont l’objet est la « Propositiond’un sous-groupe ‘critères classant’ » lors de la réunion du groupe CNIS «Rénovationde la PCS », du 9 janvier 1997.

117 INSEE, «Rapport d’étape du sous-groupe ‘Classements conventionnels’ », note no 9452/D201, 18 juin 1997.

118 É. MAURIN, «La nomenclature française… », art. cit.

119 Christine CHAMBAZ, Constance TORELLI et Éric MAURIN, «L’évaluation socialedes professions en France. Construction et analyse d’une échelle des professions », Revue française de sociologie, 39-1, 1998, p. 177-226, ici p. 177.

120 Nicolas HERPIN et Daniel VERGER «Consommation et stratification sociale selonle profil d’emploi », Économie et statistique, 324-325, 1999, p. 57-74.

121 INSEE, «La nomenclature des catégories socio-professionnelles : éléments pour ladéfinition d’un niveau intermédiaire d’agrégation », note no 261/F230, 6 sept. 1999.

122 Selon le terme utilisé de façon générique dans le cadre du processus d’harmonisa-tion européenne inauguré à l’époque pour qualifier les nomenclatures telles que la PCS.

123 INSEE, «Compte rendu de la journée d’étude à l’Observatoire sociologique duchangement, division ‘Emploi’ », note non numérotée, 28 avr. 1997.

124 INSEE, «Évaluation de la pertinence des catégories socio-professionnelles », note no 49/B005, 23 mars 1999.

125 Dans la note de synthèse no 183/930 du 17 mai 1977 qui conclut l’enquête sur lesusages conduite par A. Desrosières entre 1975 et 1977, on peut lire par exemple : «Defaçon générale, le code est rarement contesté de façon globale, si ce n’est par des gensqui se cantonnent dans la pure spéculation sur ‘les classes sociales’ conçues de façontrès abstraites. Pour la plupart des utilisateurs, les CSP ‘font partie des meubles’, aupoint que beaucoup sont étonnés qu’on leur demande d’y réfléchir, de la même façonqu’on ne réfléchit jamais à des objets très familiers » (p. 29).

126 CNIS, «Compte rendu de la réunion du groupe ‘Rénovation’ », 18 déc. 1998.

127 D’après les entretiens menés dans les deux enquêtes conduites sur les usages dela nomenclature, que nous avons pu consulter, les critiques ne sont pas moins vivesdans les années 1970 que vingt ans après.

128 A. DESROSIÈRES et L. Thévenot, «Les mots et les chiffres… », art. cit.

129 Pour une présentation synthétique récente, voir Brousse, Cécile, «Réflexions surla nomenclature socio-économique européenne en gestation » et Étienne PÉNISSAT,” La difficile production d’une nomenclature socio-professionnelle à l’échelle euro-péenne », Revue française de socio-économie, 10-2, 2012, respectivement p. 241250 et 251-257CrossRefGoogle Scholar.