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Le contrôle républicain du marché: Vignerons et négociants sous la Troisième République

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Olivier Jacquet  and
Gilles Laferté
Olivier Jacquet
Affiliation:
Université de Bourgogne
Gilles Laferté
Affiliation:
INRA
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Résumé

Dans un premier temps, s’inscrivant dans une problématique proche de Neil Fligstein, le retournement du marché des vins de Bourgogne au détriment des négociants de Beaune a clairement une origine politique: la syndicalisation massive des propriétaires, le contrôle des propriétaires par le parlement suite à la républicanisation des campagnes leur permettent de mettre à profit l’idéologie républicaine lors du cadrage juridique du marché pourtant initié par les négociants. La loi des appellations d’origine de 1919 et son application attribuent la plus-value aux propriétaires contre la marque des négociants. Mais cette origine politique ne suffit pas à expliquer la victoire des propriétaires de Nuits-Saint-Georges et de Meursault. Dans un second temps, ces derniers sont parvenus à imposer l’image d’un vin de tradition, ancré dans le terroir. C’est là qu’intervient la sphère culturelle et le travail complexe qui associe renouveau régionaliste, invention des traditions, valorisation du petit propriétaire comme figure emblématique de la République. Le vin de Bourgogne – et toute la valorisation par le terroir et la tradition de l’économie alimentaire – est donc une construction politique et culturelle.

Abstract

Abstract

Initially – in keeping with issues examined by Neil Fligstein – the change-around in the market for Burgundy wines to the detriment of the Beaune wine merchants was clearly political in origin: the mass unionization of vineyard owners and the political control exerted by parliamentarian owners after the republicanization of the countryside enabled them to make the most of republican ideology when reshaping the legal framework of the market although the change had been initiated by the wine merchants. The 1919 statute on denominations of origin and its application attributed the surplus value to the vineyard owners and not to the wine merchants’ brands. But this political move alone cannot explain the victory won by the vineyard owners of Nuits-Saint-Georges and Meursault. They subsequently managed to impose an image of a traditional wine tightly bound to the locality. This is where the cultural sphere became involved and the complex work of bringing together the regionalist revival, the invention of traditions, and the promotion of the small vineyard owner as the emblematic figure of the Republic. Burgundy wine together with all the value enhancement of the food economy through terroir and tradition is therefore both a political and a cultural construction.

Type
Innovation, marché, culture technique
Information
Annales. Histoire, Sciences Sociales , Volume 61 , Issue 5 , October 2006 , pp. 1147 - 1170
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2006

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24 - Libre-penseur de la première heure (dès 1880), Jean-Baptiste Bouhey-Allex repré-sente le type même du politique en phase avec la républicanisation des campagnes. Maire de Villers-la-Faye, il organisa dans cette commune une caisse de retraite ouvrière, une mutuelle contre les incendies. Il y fonda une bibliothèque et une société républicaine d’instruction. Il s’impliqua dans l’action syndicale en réunissant, après le phylloxéra, l’ensemble des viticulteurs du canton de Nuits-Saint-Georges. Enfin, son action de diffusion de la pensée républicaine socialiste dans les campagnes se concrétisa par le lancement du Réveil des paysans, organe de la fédération socialiste de Côte-d’Or.

25 - Bulletin du Syndicat viticole de la Côte dijonnaise, juillet 1902, p. 250.

26 - P. Barral, Les agrariens français..., op. cit.

27 - Si les socialistes estiment en 1905 que « c’est avant tout aux salariés que nous devons nous adresser », ils prennent la résolution au congrès de Nancy de 1907 de mener leur action « auprès des dépossédés de la terre: salariés, fermiers, métayers, et auprès des petits propriétaires, pour les inciter à entrer dans le Parti Socialiste, pour hâter l’expropriation politique de la classe bourgeoise – condition sine qua non de son expropriation économique » ( Rouger, Hubert, « La France socialiste », in Compère-Morel, A. (dir.), Encyclopédie socialiste, syndicaliste et coopérative de l’Internationale ouvrière, Paris, Éditions Aristide Quillet, 1912, p. 256)Google Scholar.

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31 - Bulletin du Syndicat viticole de la Côte dijonnaise, juillet 1911, pp. 179-181.

32 - Ibid., p. 185.

33 - Id., août 1911, p. 210.

34 - Ibid., p. 287.

35 - Journal officiel de la République française, Chambre des députés, 1re séance du 20 novembre 1913, p. 3328.

36 - Ibid., p. 3461.

37 - Bulletin du Syndicat viticole de la Côte dijonnaise, décembre 1913, p. 286.

38 - E. Lynch, Moissons rouges..., op. cit., p. 129.

39 - En particulier lors des débats sur la loi faisant passer, le 7 août 1913, le service militaire de deux à trois ans. Voir Bonnefous, Georges, Histoire politique de la Troisième République, t. 1, L’avant-guerre (1906-1914), Paris, PUF, 1956 Google Scholar. Cette instabilité rejaillit lors du congrès du Parti radical à Pau l’année même où s’exprimait un rejet de la part d’une partie des membres ayant collaboré avec le gouvernement Barthou (voir Berstein, Serge, Histoire du Parti radical. La recherche de l’âge d’or, t. 1, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1980, p. 72)Google Scholar.

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42 - La Chambre de commerce de Dijon vota à l’unanimité pour le principe du coupage. « L’exportation des vins français et la convention de Madrid », Bulletin de la Chambre de commerce de Dijon, 1922, pp. 135-139. De même, lors de la venue de la commission parlementaire en 1931, Paul Germain, représentant le négoce, déclara: « Nous demandons un pourcentage de vins de soutien et nous ne cesserons de réclamer ce pourcentage », Enquête sur la situation de la viticulture..., op. cit., p. 267.

43 - Tel le marquis d’Angerville, principal représentant syndical des grands propriétaires au cours de la période: « Nous reconnaissons que, certaines années, nos vins ont besoin d’un soutien » (Enquête sur la situation de la viticulture..., op. cit., p. 268). Sur ce point, il y avait possibilité d’un accord, mais les discussions sur l’appellation « Bourgogne » ont fait échouer toute entente sur les coupages.

44 - ADCO, M 13-IX-d, Assemblée générale du 25 janvier 1925, «Registre de délibération du Syndicat agricole de Monthélie (1912-1941) ».

45 - Archives privées du marquis d’Angerville (AMA), « Lettre à d’Angerville du 4 janvier 1921 ».

46 - AMB, FIII, § 8, art. 2, n° 5, « Déclaration du comité d’agriculture et de viticulture de l’arrondissement de Beaune ».

47 - D’Angerville possédait plus de dix hectares de parcelles à Volnay et Pommard. En Bourgogne, dans les années 1920, selon nos calculs, 51,6% de déclarations avouaient moins de 1 ha, 45,5% entre 1 et 5 ha, pour seulement 2,9% de déclarations au-dessus de 5 ha (G. Laferté, Folklore savant..., thèse citée, p. 272).

48 - Gevrey-Chambertin, Chambolle-Musigny, Vosne-Romanée, Nuits-Saint-Georges, Aloxe-Corton, Beaune, Pommard, Volnay, Mersault, Santenay.

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50 - Enquête sur la situation de la viticulture..., op. cit., p. 242.

51 - Ibid., p. 229.

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57 - C’est le cas par exemple des Maisons Champy, fondée en 1720, Bouchard (1731), Finot (1750), Lamarosse (1768), Patriarche (1780), Latour (1797), Jaffelin (1816)...

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77 - Voir, par exemple, « Les quatre glorieuses », L’Illustration, 15 décembre 1934, pp. 554-555; « La fête des vignerons nuitons », Grands crus et vins de France, décembre 1934, pp. 2-17; « La traditionnelle réception des Chevaliers du Tastevin », Le Jour, 23, novembre 1935; « Les quatre glorieuses », Le Bien public, 17-19 novembre 1935; « Confrérie du Tastevin », Le Figaro, 15 novembre 1936; « Banquet in a cave. Pageantry and French wine festival », Southern Daily Echo (Southampton), 23 novembre 1936.

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