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Mariage tardif et vie sexuelle:Discussions et hypothèses de recherche

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Louis Flandrin*
Affiliation:
Paris- Vincennes.

Extract

Mon article de 1969, intitulé « Contraception, mariage et relations amoureuses dans l' Occident chrétien », paraît n'avoir pas convaincu tout le monde, si j'en juge par les allusions qu'y font, dans le précédent numéro des Annales, André Burguière et Jacques Depauw. Mais à quelles parties de l'article se réfèrent-ils? Aux affirmations fondamentales, qui me paraissent, à moi, solidement établies, ou aux suggestions et idées de recherche que j'avais émises en conclusion?

Type
Famille et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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References

1. Cf. Annales, 1969, n° 6 (Numéro spécial « Histoire biologique et Société »), pp. 1370- 1390.

2. A. Burguière, « De Malthus à Max Weber : le mariage tardif et l'esprit d'entreprise » ; J. Depauw, « Amour illégitime et Société, à Nantes au XVIIIe siècle », Annales, 1972, n° 4/5.

3. La chasteté matrimoniale implique que les conjoints ont des rapports sexuels pour la procréation. Mais la chasteté virginale ou « chasteté parfaite » reste supérieure à la chasteté matrimoniale. Voilà les réserves que l'on peut trouver dans la doctrine de l'Église. Dans la pratique des chrétiens, il semble qu'un certain discrédit pèse sur l'ensemble de la sexualité. Tout à fait évidentes pendant le haut Moyen Age, ces tendances « cathares » ressurgissent-elles au XVIIe siècle après s'être assoupies ? C'est ce que paraît soutenir Pierre Chaunu (cf. Annales, 1972, n° 1, p. 18).

4. Cf. l'article de Hajnal, J. sur la nuptialité en Europe occidentale dans le recueil Population in History (Londres, 1965, 692 p.)Google Scholar.

5. « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes », publié en traduction française dans le recueil suivant : S. Freud, La vie sexuelle (Paris, 196g), pp. 28-46. Le texte cité se trouve pp. 37-38.

6. Dans cet article, Freud imagine trois stades de civilisation dans l'évolution de la pulsion sexuelle : dans le premier, l'activité de la pulsion sexuelle, hors même des buts de reproduction, aurait été libre ; dans le second tout aurait été réprimé à l'exception de ce qui sert la reproduction ; dans le troisième la reproduction dans le mariage est le seul but sexuel autorisé (cf. p. 34). Il va de soi que c'est là une simple vue de l'esprit.

7. Par exemple les statuts synodaux de Cambrai (vers 1300-1310), réservent à l'évêque l'absolution du péché de sodomie chez les hommes de plus de vingt ans, tandis que le pénitencier est autorisé à l'absoudre chez les femmes de tout âge et les hommes de moins de vingt ans (cf. Annales, 1969, n° 6, p. 1376).

8. Cf. Annales, 1972, n° 1, p. 18.

9. Cette idée a été soutenue par Alain Lottin, dans la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, avril-juin 1970, pp. 293-294. On la trouve également sous-jacente à l'article 17 de la deuxième partie de l'encyclique Humanae Vitae.

10. Voir par exemple dans le pénitentiel de Cummean (vne s.), le chapitre xi relatif aux « jeux puérils ». L'acte le plus caractéristique de la sodomie y est, à vrai dire, sévèrement puni : « In terga vero fornicantes, si pueri sunt, duobus anni, si viri tribus annis vel quatuor… ». Mais on décrit toutes sortes de jeux sexuels qui le sont infiniment moins. Par exemple : « 2. Osculum simpliciter facientes VI superpositionibus ; inlecebrosum osculum sine coinquinamento, VIII ; si cum coinquinamento sive amplexu, X superpositionibus corrigantur. 3. Post autem annum XX (id est adulti) idem committentes XL diebus separati sunt a mensa et extores ab ecclesia cum pane et aqua vivant. 4. Minimi vero fornicationem imitantes et inritantes se invicem, sed coinquinati non sunt propter inmaturitatem aetatis, XX diebus ; si vero fréquenter, XL. 5. Puer qui sacrificio communicat peccans cum pecode, centum diebus. 6. Pueri autem XX annorum se invicem manibus coinquinantes et confessi fuerint antequam communicant, XX vel XL diebus. (…) 8. Supra dicta aetas inter foemora fornicantes, 6 diebus ; id iterum faciens, annum. 9. Puer parvulus oppressus a majore annum aetatis habens decimum ebdomadam dierum jejunet ; si consensit, XX diebus. » Et lorsque ces jeux ont lieu avec une fille : « 17. Puer de saeculo veniens nuper cum aliqua puella fornicari nitens nec coinquinatus, XX diebus ; si autem coinquinatus est, C diebus ; si vero, ut moris est, suam compleat voluntatem, anno peniteat ». (éd. Bieler, The Irish Penitentials », pp. 126-128).

11. Cf. Annales, 1969, n° 6, p. 1376.

12. Gerson, Confessional… (B.N. Rés. D 11579), chapitre sur le péché de Luxure.

13. Ibid.

14. Cf. D. Rochemonteix, Un collège de Jésuites au XVIIIe siècle : le collège Henri IV de La Flèche, t. II, p. 29. Ce passage est cité par Georges SNYDERS, La pédagogie en France aux XVIIIe et XVIIIe siècles, p. 40.

15. L'école paroissiale ou la manière de bien instruire les enfants dans les petites escoles (Paris, 1654). Ce livre a eu de nombreuses éditions au XVIIe siècle et a été adopté officiellement dans plusieurs diocèses. Il est pourtant aujourd'hui introuvable à Paris et j'en ai eu connaissance par une photocopie faite à la Bibliothèque de Bordeaux, que m'a aimablement prêtée François Furet.

16. Cf. Dr Hesnard, La sexologie, Petite Bibliothèque Payot, n° 31 (Paris, 1959), p. 287 : « Des enquêtes dans divers pays, en particulier celles rapportées par H. Ellis, indiquent qu'elle est davantage répandue dans les établissements d'éducation où règne l'ignorance sexuelle coexistant avec la menace terrosisante contre le péché d'impureté. Par contre elle est accidentelle et plus ou moins transitoire dans les milieux tolérants quant à la sexualité dans ses aspects naturels. Nous avons eu l'occasion d'en comparer la fréquence dans divers groupes ethniques : elle est moins répandue, parfois inexistante, dans les milieux populaires et surtout dans les pays de liberté sexuelle. C'est ainsi que les jeunes Arabes d'Afrique du Nord la considèrent comme sans attrait, sinon méprisable (alors qu'ils s'adonnent à des jeux allo-érotiques, pour eux sans importance, au cours desquels ils imitent la pratique sexuelle des adultes). Les jeunes Juifs, dans les mêmes contrées, sont au contraire attirés par la masturbation solitaire, que leurs éducateurs pour des raisons religieuses, condamnent très sévèrement. »

17. Ibid., p. 286.

18. Cf. S. Freud, La vie sexuelle, p. 42.

19. Cf. Annales, 1969, n° 6, pp. 1374-1375. La sévérité à l'égard de la masturbation est variable d'un pénitentiel à l'autre et parfois à l'intérieur d'un même pénitentiel. Mais l'attitude la plus fréquente est celle d'une relative indulgence.

20. Cela ressort du canon « Adulteri malum » tiré de saint Augustin. Il me semble que tous les théologiens, à partir de Gratien et de Pierre Lombard, soutiennent ce point de vue. Sur ce sujet voir John T. Noonan, Contraception, pp. 174, 260, 304 de l'édition américaine.

21. Cf. Annales, 1969, n° 6, pp. 1376-1377.

22. Guy de Roye, « Le doctrinal de sapience qui contient tous les estats du monde… », édition française de 1585 (B.N., D 50934), pp. 148-150.

23. Op. cit.

24. Jean Gerson, Opéra, édition in-folio de 1606, t. II (premier volume), pp. 309-312, Tractatus de confessione molliciei. La traduction est de moi.

25. Gerson, au début de son traité, en attribue la paternité à « un certain maître en théologie, de Paris, qui grâce à une expérience abondante et à une étude soigneuse, avec l'aide de Dieu invoqué par un zèle pieux, a découvert les choses qui sont écrites ci-après et ont été très efficaces pour extraire du coeur de ceux qui se confessent, surtout des jeunes gens, le pus abominable de ce péché détestable qui est dit molesse ».

26. IUd.

27. Cf. Gerson, Confessional, chapitre consacré à la Luxure.

28. Benedicti, La somme des péchés, édition in-40 de Paris 1601, livre II, chap. viii, pp. 152-160.

29. Quoique depuis le XIIIe siècle au moins les théologiens emploient « molesse » pour désigner les pratiques solitaires, Benedicti éprouve curieusement le besoin de justifier cette interprétation de l'emploi qu'en fait saint Paul : « Ce n'est donc pas sans cause que saint Paul apprend à détester cest ordure à ses Corint. ausquels il écrit en disant : ‘ Ne vous trompez point : car ni les paillards, ne les idolâtres, ne les mois, ne les adultères, ne les sodomites, ne les larrons (…) n'hériteront point le Royaume céleste ‘. Où il faut noter le mot ‘ molles ‘. qui nous signifie ceux qui se polluent eux-même. En tel sens il a esté exposé tant des pères Grecs que des Latins, ainsi mesme que l'année passée je l'apprins d'un docte religieux Grec de ceux qu'on appelle en ce pays la Caloyers, lequel je trouvay en Hierusalem, là où il me donna le même interprétation de ce mot ‘ molles ‘ comme la donne nos Théologiens » (Ibid.) 30. Ibid.

31. Cf. Noonan, Contraception, p. 229 de l'édition américaine.

32. Benedicti, loc. cit.

33. Cf. « L'instruction de Prestres qui contient sommairement tous les cas de conscience. Composé en latin par l'Illustriss. et Reverendiss. Cardinal François Tolet, de la compagnie de Iesus. Et mise en François par M. A. Goffar, D. en Théologie… » (Lyon, 1628, in-4°), livre V, chap. XIII, nOS 10 et 11.

34. Cf. Fontaine, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal, t. II, p. 486. Passage cité par Georges Snyders, op. cit., p. 45.

35. Cf. Noonan, op. cit., chap. 11, paragraphe sur l'idéal stoïcien, pp. 46-49 de l'édition américaine. Voir aussi Flandrin, J.-L., L'Église et le contrôle des naissances, Paris, Flammarion Google Scholar ( « Questions d'histoire », n° 23), 1970, pp. 24-28.

36. Détienne, Marcel, Les jardins d'Adonis; la mythologie des aromates en Grèce (Bibliothèque des Histoires, Gallimard, 1972)Google Scholar. A travers l'opposition d'Adonis et de Cérès, c'est bien celle de la séduction amoureuse au mariage que l'auteur évoque tout au long de ce livre. Il nous montre, entre autres choses, comment la société, par le moyen des aromates, cherche à susciter la passion amoureuse au moment des noces, mais combien, hors ce bref moment, elle la considère comme antithétique du mariage.

37. Luc Thore, « Langage et sexualité », pp. 65-95 du recueil intitulé Sexualité humaine, Paris, Aubier-Montaigne (Coll. R.E.S.), 1970.

38. P. Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », dans Études Rurales, 1962, n° 5/6.

39. « Que le mariage soit affaire de la famille plus que de l'individu et qu'il se réalise selon les modèles strictement définis par la tradition, il suffit, pour l'expliquer, d'invoquer sa fonction économique et sociale. Mais il y a aussi que, dans la société d'autrefois et encore aujourd'hui, la ségrégation des sexes est brutale : dès l'enfance, garçons et filles sont séparés sur les bancs de l'école, au catéchisme. De même, à l'église, les hommes se groupent à la tribune ou dans le fond de la travée centrale, tandis que les femmes se disposent sur les bas-côtés ou dans la nef. Le café est le lieu réservé aux hommes… Tout l'apprentissage culturel et l'ensemble du système des valeurs tendent à développer chez les membres des attitudes d'exclusion réciproque et à créer une distance qui ne peut être franchie sans gêne. En sorte que l'intervention des familles était d'une certaine façon exigée par la logique du système et aussi celle du ‘ marieur ‘ ou de la ‘ marieuse ‘ .. La restriction de la liberté de choix a son envers positif. L'intervention directe ou indirecte de la famille et surtout de la mère, dispense de la recherche de l'épouse. On peut être lourdaud, rustre, grossier, sans perdre toute chance de se marier. » (Ibid., pp. 56 et 57).

40. Cf. A. Hesnard, La sexolocie, p. 289.

41. May Caumette, Bénédiction du lit nuptial et cérémonies contre l'impuissance dans les rituels français des XVIe-XIXe siècles. Mémoire de maîtrise d'Histoire, soutenu à l'Université de Paris VIII en décembre 1971.

42. Anne-Catherine Kliszowski, Les théories de la génération et leur influence sur la morale sexuelle du XVIe au XVIIIIe siècle, Mémoire de maîtrise de l'Université de Paris VIII, juin 1972.

43. Des textes présentés par A.-C. Kliszowski, je ne citerai que le plus court : « Si autem vir, postquam seminavit, se retrahat ante seminationem uxoris, uxor potest se tactibus se excitare donec seminet quia aliter gravem sentiret afflictionem, et illi tactus ordinantur ad completum actum conjugalem qui consistit in utriusque seminatione ; et licet semen uxoris non sit necessarium ad generationem, tamen valde utile quia innat ad formandum pulchriorem foetum. » Cf. Bonacina, Summa Theologica, éd. 1678, « De matrimonio », c. 205.

44. Brantôme, Les Dames galantes, édité par Maurice Rat, Paris, Garnier (Coll. Selecta), pp. 332-334-

45. Mlle Besson-Leroy qui travaille sur la sexualité médiévale depuis plus d'un an, sous la direction de Georges Duby, aurait déjà beaucoup à dire sur la répression de l'adultère dans diverses coutumes urbaines des XIIe et XIIIe siècles. Mais je n'ai pas connaissance que des recherches de ce type aient été entreprises pour l'époque moderne, et ceux qui croient à la chasteté des hommes de ce temps n'en citent aucune.

46. Ainsi les coutumes de la ville d'Auch, rédigées en 1301, prescrivent en l'article LXIII : « Item est coutume que si quelqu'un ayant femme ou n'en ayant point soit surpris avec femme mariée, et qu'ils soient trouvés tous deux nuds ayant ôté leurs vêtements, qu'ils soient appréhendés à l'endroit où ils seront trouvés, tel cas prouvé par deux témoins, il faudra que chacun d'iceux paye soixante cinq sols morlas aux seigneurs comte et archevêque suivant la juridiction, ou qu'ils courrent la ville tous nuds, et cela suivant la volonté de ceux qui ont ainsi trouvé, ou qu'ils payent la peine susdite, ou bien qu'ils courent dans la ville au son de la trompette » (cité par P. LAFFORGUE, dans Histoire de la ville d'Auch, p. 21). Cette coutume de la course ou du défilé nu dans la ville est très fréquente et paraît emprunter beaucoup aux réactions populaires illégales. Au XVIe siècle les tribunaux font généralement enfermer la femme adultère dans un couvent pendant un certain temps au bout duquel son mari peut venir la chercher s'il le veut. S'il ne la reprend pas, elle est cloîtrée à vie.

47. Ainsi le tiers-état réitère en 1614, en l'article 54 de son cahier, un voeu qu'il avait déjà formulé lors des États de 1576 et de 1588 : « E t parce que les adultères sont fréquentz pour n'estre estimés que comme actes ridicules en France (…), il sera ordonné que les adultères (…) suffizamment attaintz et convaincus seront punis de mort et dernier supplice, sans que les juges puissent modérer la peine pour quelque cause ou considération que ce soit ». (Cf. « Remontrances faites au Roy par les députés du pays d'Agenois… », publiées par G. Tholin.) Un tel texte atteste d'ailleurs que s'il y a une montée de la répression sexuelle vers le XVIIe siècle, elle n'est pas due qu'à la Réforme catholique.

48. Les Caquets de l'accouchée (éd. Marpon et Flammarion, 1890), p. 12, cité dans Annales, 1969, n° 6, p. 1389, note 3.

49. Peter Laslett, Un monde que nous avons perdu, Paris, Flammarion (Nouvelle bibliothèque scientifique), 1969, pp. 156-157.

50. Pour l'instant je ne connais en France que deux provinces, d'ailleurs excentriques, où des coutumes semblables à celle du comté de Leicester, ou plus étranges encore, paraissent exister : la Corse et le Pays Basque. Ni l'une ni l'autre ne paraissent avoir encore attiré les historiens-démographes.

Sur la Corse, voir les rapports des missionnaires envoyés dans l'île par saint Vincent de Paul. Ils notent que rarement les paysans « célébraient le mariage sans qu'ils eussent auparavant habité ensemble » (cf. Mgr Abelly, Vie de saint Vincent de Paul, Paris, 1891, t. II, p. 98 ss.).

Sur le Pays basque, voir Orcibal, J. Duvergier de Hauranne…, p. 93, notes 1 et 2. Selon la note 1, on trouvait en Pays basque « la coutume de l'année probatoire pendant laquelle les fiancés cohabitaient avant mariage sous l'oeil complaisant des familles. Malgré les mesures sévères édictées par l'évêque Fouquet, dans ses statuts de 1666, et même, vingt-cinq ans après, les anathemes de son successeur d'Olce, cette tradition subsistait encore en partie au XVIIIe siècle (cf. Dubarat, Missel, p. cccxn) ». P. de Lancre, le chasseur de sorcières, affirme pour sa part qu'il était d'usage de prendre les femmes à l'essai quelques années avant de les épouser (cf. J. Bernou, La chasse aux sorciers dans le Labourd en 160g (Agen, 1897), p. 112.

51. Marie-Claude Phan, Introduction à l'étude des déclarations de grossesse et autres séries documentaires concernant la sexualité illégitime, Mémoire de maîtrise soutenu à l'Université de Paris VIII, en décembre 1971.

52. Philippe Wiel, « Une grosse paroisse du Cotentin aux XVIIe et xvnie siècles : Tamerville. », Annales de Démographie Historique, 1969, pp. 136-189.

53. Toutes les descriptions littéraires montrent la jeune fille faisant mine de résister et franchissant le pas par force ou comme par force. Est-il si facile de distinguer cette résistance de façade qui est quand même en quelque manière une vraie résistance, du refus véritable qui n'est jamais jusqu'au bout un vrai refus ? Si les garçons savent jouer ce jeu, ne le jouent-ils pas aussi dans des cas où on ne le souhaitait pas ? Et comment croire qu'ils ne le jouaient qu'avec des filles qu'ils voulaient épouser et qui voulaient les épouser ? 54. Mlles Sapin et Sylvoz, Les rapports sexuels illégitimes au XVIIIe siècle, à Grenoble, d'après les déclarations de grossesse, mémoire dactylographié d'une maîtrise soutenue à l'Université de Grenoble en octobre 1969. Ce travail a été imaginé et dirigé par Jacques Sole.

55. Jean Bourgeois-Pichat, « Les facteurs de la fécondité non dirigée », dans Population, 1965, n° 3, pp. 383-424, et en particulier, pp. 406-408.

56. J. Bourgeois-Pichat est bien conscient du caractère théorique de son tableau, et montre dans son article que dans la réalité les chances de conception sont bien plus faibles, en l'absence même de toute manœuvre contraceptive.

57. Depuis le travail de Mlles Sapin et Sylvoz, d'autres travaux ont été entrepris à Grenoble sur la sexualité illégitime, toujours sous la direction de Jacques Sole.

58. A Lille, Alain Lottin a décrit certains types de relations, mais il n'a guère cherché à en quantifier la fréquence et n'en a pas étudié l'évolution chronologique. Sans doute les déclarations étaient-elles moins riches que celles de Grenoble ou de Carcassonne. On verra d'autre part le cas de Nantes. Quant aux déclarations de Carcassonne, qu'étudie actuellement Mme Phan, elles ne montrent pratiquement pas de viol, et la proportion des relations uniques y évolue de manière moins claire qu'à Grenoble. Mais à Carcassonne aussi la proportion des relations suivies augmente, de 32,5 % entre 1676 et 1746, à 42,3 % entre 1747 et 1766, et 56,7 % entre 1767 et 1786.

59. Op. cit., p. 150.

60. Jacques Sole, « Passion charnelle et société urbaine d'Ancien Régime : amour vénal, amour libre et amour fou à Grenoble au milieu du règne de Louis XIV », dans Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, n° 9/10, 1969, pp. 211-232.