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Penser — et mal penser — les Indo-Européens1 (Note critique)

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Le concept d’ « Indo-Européens » est fortement chargé affectivement : depuis un siècle, ou un peu plus, il séduit ; ou il scandalise. L'attitude qu'il détermine auprès d'un chercheur est fonction, naturellement, des realia — mais pas uniquement. La formation du chercheur, sa sensibilité aux différents éléments du problème, et ses goûts, ses affects, ses fantasmes, investissent le concept de contenus variables. Parce qu'ils sont les « ancêtres » des Grecs, des Latins, des Celtes, des Germains — nos pères, biologiques ou culturels ; parce que leur étude, comparative, permet une formidable plongée intellectuelle dans une préhistoire qui, autrement, faute de textes, serait réduite aux realia archéologiques, anonymes, lacunaires, frustrants ; parce que l'abondance des textes qu'ont laissés leurs successeurs historiques est une matière inépuisable pour le travail historique — les Indo-Européens sont bons à penser.

Type
Polémiques et Controverses
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1982

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Footnotes

*

Au sujet du livre de Jean Haudry, Les Indo-Européens. Paris. P.U.F.. « Que sais-je ? », 1981.

References

Notes

1. Par exemple Uhlenbeck et Troubetzkoy.

2. Cf. Benveniste, É., Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p. 36 Google Scholar.

3. Origines indo-européennes des mètres grecs. Paris, 1923.

4. Dumézil, G., Le problème des Centaures, Paris, 1929, p. vii Google Scholar ; cf. sur ce point, du même, La religion romaine archaïque, Paris, Payot, 1966, p. 343, n. I.

5. « La préhistoire des (lamines majeurs », dans Revue d'Histoire des Religions (R.H.R.), 118, 1938, pp. 188-200 (cf. id., Idées romaines. Paris, Gallimard, 1969, pp. 156-166).

6. D. A. Binchv, « The Linguistic and Historical Value of the Irish Law », Proceedings of the British Academy, 29, 1943 ; F. Wikander, Der arische Mânnerbund, Studien zur indo-iranischen Sprach- und Religionsgeschichte, Lund, 1938, etc. ; Ch.-J. Guyonvarc'H et F. Le Roux, nombreux articles dans Ogam et dans Celticum ; R. A. Barnett, Comparative Studies in Homeric Epie and other Heroic Narrative, Especially Sanskrit and Celtic, with Spécial Référence to the Theory of Oral Improvisation by Means ofFormulary Language, Ann Arbor, 1980 ; G. Nagy, Comparative Studies in Creek and Indic Mêler, Cambridge, 1974. Sur la poésie, cf. encore R. Jakobson, dans Oxford Slavonic Papers, 3, 1952, pp. 21-66 ; C. Watkins, « Indo-European Metrics and Archaic Irish Verse », Celtica, 6, 1963, pp. 194-249.

7. Sur cette question, voir en particulier les travaux de M. Mayrhofer. Die Indo-Arier im alten Vorderasien, mit einer analytischen Bibliographie, 1966 ; « Die vorderasiatischen Arier », Asiatischen Studien, 23, 1969, pp. 139-154. etc.

8. The Prehistory of Eastern Europe, I, Mesolithic, Neolithic and Copper Age Cultures in Russia and the Baltic Area, Cambridge (Mass.), 1956; Indo-European and Indo-Europeans, éd. par G. Cardona, H. M. Hoenigswald, A. Senn, Philadelphie, 1970, pp. 155-197 ; et nombreux articles dans le Journal of Indo-European Studies (désormais cité J.I.E.S.), depuis le n° I, 1973.

9. « Tokharien et Indo-Européen », dans Germanen und Indogermanen, Festschrift fur Hermann Hirt, Heidelberg. 1936, II, pp. 227-240 ; « Le problème du th indo-européen », B.S.L., 38. 1937. p. 146.

10. Cf. Démoule, Jean-Paul. « Les Indo-Européens ont-ils existé ? », L'Histoire, 28. nov. 1980, pp. 108120 Google Scholar.

11. Ainsi est-il également l'auteur d'un autre ouvrage de la même collection publiée antérieurement ( 1979) sur L'indo-européen ; on y trouvera par exemple les renvois à ses nombreux articles du B.S.L.

12. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine(4), Paris, 1967, s. v. Mars. p. 388 ; Dumézil, Religion romaine, pp. 214-215.

13. Rennes. 1978.

14. lbid.. pp. 295-307.

15. Cf. Cahiers universitaires, 30, janvier-février 1967, pp. 26-29, texte de Lundmann sur « les nations nordiques », traduit par F. Laroche (pseudonyme d'Alain De Benoist) ; et pp. 54-57 du même journal, Lucien Rebatet, « Les Dieux du Nord chantent ». Etc.

16. Article dans le J.I.E.S., 1.1973,pp. 66-67. La livraison suivante du même journal fournit un article d'un nommé R. Peterson, pp. 385-406, qu'Haudry (pp. 123-124) résume ainsi : « Dans son étude sur le profil grec, R. Peterson a montré que les portraits d'Eupatrides (nobles) présentent tous les traits du type nordique. » Que le profil « grec » soit une convention artistique remontant à la Crète minoenne. pré-indo-européenne, ne gêne pas ces messieurs ! La parution de tels articles dans le J.I.E.S. ne laisse pas d'être inquiétante ; on doit noter que Marija Gimbutas, l'un de ses fondateurs, fait, encore aujourd'hui, partie du Comité de Patronage de la revue d'extrême droite française Nouvelle École ; et que la rédaction de ce journal, qui traite volontiers des langues indo-européennes, refuse la publication d'articles en d'autres langues que l'anglais…

17. Voir par exemple l'ouvrage 10 ans de combat pour une renaissance culturelle, édition du G.R.E.C.E., 1977, p. 27, et photos finales ; Éléments (revue du G.R.E.C.E.), n° 8-9, novembre 1974- février 1975, p. 3 ; A. De Benoist, id., n° 38, printemps 1981, « Haro sur nos ancêtres », p. 6 ; et cidessous n. 21, de Benoist, dans l'article cité, me cite, aux côtés d'Haudry. C'est un honneur dont je le remercie.

18. Il s'agit, outre Haudry lui-même, d'Isabelle Turcan, de Jean Varenne, et de Jean-Paul Allard ; la première est une élève d'Haudry ; le second est son compagnon indianiste de longue date, cf. cidessous, p. 16, et Éléments, 8-9, 1974-1975. p. 5 ; 10 ans de combat, pp. 27-29, et photos finales ; le troisième est un autre membre du G.R.E.C.E., cf. Éléments, 8-9, p. 5, etc.

19. Loki, Paris. 1958.

20. Haudry affirme et réaffirme ce point : cf. encore pp. 93-94, 96. Quelques données sont pourtant discordantes (cf. par exemple Benveniste, Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969.1, pp. 206-207, 218) et certains auteurs supposent un stade matrilinéaire antérieur à la situation patrilinéaire communément attestée (M. Sakellariou, Peuples préhelléniques d'origine indo-européenne, Athènes, 1977, p. 317). Rien de tout cela ne modifie sérieusement le schéma d'ensemble, mais il eût été de stricte honnêteté de signaler l'existence de divergences.

21. Cf. Alain De Benoist, « Vue de droite », 1979, pp. 533-535. Du même, « Les idées à l'endroit», 1979, pp. 263-266.

22. Les Grecs et les Indiens ont expliqué leurs guerres mythiques précisément par le trop grand nombre des hommes : cf. Euripide, Hélène, v. 39-40 ; et, pour le Mahâbhàrata, Dumézil, Mythe et épopée, I, première partie : « La Terre soulagée », Paris, Gallimard, 1968, pp. 31-257. Haudry utilise abondamment les données grecques et indiennes : pas celles-ci !

23. Cf. Dumézil, Heur et malheur du guerrier. Aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo-Européens, Paris, P.U.F., 1969, p. 132. Jan Bremmer, « An Enigmatic Indo-European Rite : Pederasty », Arethusa, 13, 2, 1980. pp. 279-298.

24. Les travaux et les jours, v. 376.

25. Voir A. De Benoist, Comment peut-on être païen ? Paris, 1981 ; id., dans M. De Smedt et ai. L'Europe païenne, Paris, 1980, pp. 251 -364 ; et nombreuses allusions dans Éléments.

26. Cf. ci-dessus, p. 10 et n. 13.

27. Dumézil a toujours laissé ce problème de côté ; pas plus que moi il ne le tient pour essentiel à la « résolution » du « problème » indo-européen.

28. Il n'y a pas une ligne sur ce point dans toute l'oeuvre de Dumézil. Ni dans les années 1920, ni dans les années 1930, ni dans les années 1940, etc.

29. Éléments, n° 40, hiver 1981-1982, pp. 37-39. La manoeuvre commence tôt: cf. Europe- Action. 18.1.64 ; et encore la revue Nouvelle École, n° 21-22, hiver 1972-1973. numéro qui lui est consacré ; jusqu'à cette date, Dumézil fit partie du Comité de patronage de la revue, comme nombre de personnes abusées sur le caractère politique de celle-ci ; averti après ce numéro de l'arrière-plan de l'affaire, il démissionna du Comité.

30. Dans son excellente étude sur la « nouvelle droite », dans les Nouveaux Cahiers, 64. printemps 1981, pp. 3-22, « L'héritage nazi », Pierre-André Taguieff distingue clairement entre les intellectuels d'extrême droite, néo-fascistes, et ceux que l'extrême droite essaye de s'annexer — en premier lieu Dumézil, pp. 7, 9, 10. Deux observations encore sur Haudry et consorts, a) la glorification des Romains et le dénigrement de Carthage s'inscrit dans un projet global de la « nouvelle droite»; cf. par exemple Éléments, 31, décembre 1979, p. 22 ; corrélativement un antisémitisme discret, implicite, allusif, ruse avec la loi : 1’ « antipunisme » n'en est qu'un des aspects, b) le livre d'Haudry campe des Indo-Européens mythiques. L'auteur ne peut pas ne pas savoir que quantité de ses affirmations sont des mythes, des rêves, et des projections indues. Aussi est-il intéressant de noter qu'un des membres les plus représentatifs de la « nouvelle » droite. Charles Vial. explique sans ambiguïté (Éléments, 32. novembre-décembre 1979, p. 22) qu'il faut un mythe unificateur de l'Europe à venir.