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Résumés / Abstracts

Published online by Cambridge University Press:  04 August 2021

Abstract

Type
Résumés / Abstracts
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© Éditions de l’EHESS

Actualité d’un sous-titre : histoire, sciences sociales

En 1994, dans le sillage du « tournant critique », les Annales changent de sous-titre et substituent au triptyque « Économies, Sociétés, Civilisations » le couple « Histoire, Sciences Sociales ». Bien loin de signifier l’adoption d’un nouveau paradigme unitaire ou hégémonique pour l’histoire, la revue a, à cette occasion, cherché à explorer et expérimenter de nouveaux objets et modes de raisonnement en s’ouvrant davantage aux approches et aux méthodes des autres disciplines des sciences sociales. À partir d’une cartographie rapide des formes et des limites de l’interdisciplinarité dans les Annales, cet article propose de réfléchir aux évolutions des configurations épistémologiques qui traversent plus largement l’espace des sciences sociales depuis trente ans. Il souligne la prise en compte croissante de l’historicisation des catégories et de l’historicité des phénomènes étudiés dans les différentes disciplines des sciences sociales. Il met également l’accent sur de nouvelles configurations de savoirs et, en particulier, sur le rôle important joué par l’émergence des studies dans la redéfinition théorique de nouveaux programmes critiques et scientifiques, par-delà les frontières disciplinaires traditionnelles et les partages intellectuels hérités du xix e siècle. Les Annales font ainsi le pari que l’histoire et l’historicité constituent une ressource pour nourrir les débats épistémologiques des prochaines années et créer un lieu commun d’expérimentation et de circulation entre les sciences.

What’s in a Subtitle? “History, Social Sciences”

In 1994, in the wake of their “critical turn,” the Annales changed their subtitle, replacing the triptych “Economies, Societies, Civilizations” with the dyad “History, Social Sciences.” Far from signifying the adoption of a new unitary or hegemonic paradigm for history, the journal was seeking to explore and experiment with new objects and modes of reasoning by opening itself more widely to the approaches and methods of other social science disciplines. Starting from a rapid sketch of the forms and limits of interdisciplinarity in the Annales, this article reflects on the evolving epistemological configurations that have traversed the social sciences more broadly over the last thirty years. It underlines the growing recognition of the historicization of categories and the historicity of the phenomena studied in different social science disciplines. It also emphasizes new configurations of knowledge, and in particular the important role played by the emergence of “studies” in the theoretical redefinition of new critical and scientific programs beyond the traditional disciplinary boundaries and intellectual divisions inherited from the nineteenth century. In so doing, the Annales stake their claim that history and historicity are a crucial resource for the epistemological debates of the coming years and create a shared space of experimentation and circulation between the sciences in the broadest sense.

Après le tournant documentaire

Ce qui montre, ce qu’on montre

Le rapport entretenu par l’histoire et les sciences sociales avec la documentation, comprise comme l’ensemble des matériaux – textes, chiffres, artefacts, images, paroles, etc. – produits et transmis par une société, a considérablement évolué au cours des vingt dernières années. Les documents ne sont plus considérés comme de simples dépôts d’informations sur le monde social, dans lesquels il suffirait de venir puiser. La documentation a été l’objet d’un processus de dénaturalisation, critiquant la dimension métaphorique des termes comme « sources », « données », « data » ou « témoignage ». Restituer la construction de la documentation et son historicité, en mesurant la manière dont ces dernières orientent l’écriture scientifique, est devenu un problème primordial de la recherche en sciences sociales. Cette approche holistique de la documentation engage à écrire une histoire dont l’échelle d’observation est déterminée de manière plastique par les documents existants – abondants ou rares, représentatifs ou fragmentaires – et par les outils permettant de les traiter. En intégrant explicitement l’analyse de la documentation à l’écriture scientifique, en exposant les conditions sociohistoriques d’élaboration des matériaux mobilisés, ce nouveau rapport aux documents invite à redéfinir les dimensions ontologique et narrative du travail des sciences sociales et à réinterroger de manière réflexive leur rapport à la référentialité.

After the Documentary Turn: Showing what Shows

The relation of history and the social sciences to documentation, that is, to all the material—texts, figures, artifacts, images, speech, etc.—produced and passed on by a society, has evolved considerably over the past two decades. Documents are no longer viewed as simple repositories of information on the social world. Their existence has been denaturalized, especially through critique of the metaphorical dimension of words such as “sources,” “data,” or “testimony.” To resituate the construction and historicity of documents, and to measure how they themselves shape scholarship, has become a central issue in the social sciences. This holistic approach to documentation is an invitation to write history at a scale where observation is constructively adapted to the existing sources—whether abundant or rare, representative or fragmentary—and with the tools best suited to their study. By explicitly integrating the analysis of documentation into scholarly writing, by uncovering the sociohistorical conditions of the creation of the materials studied, this new relation to documents leads to a redefinition of the ontological and narrative dimensions of social science research and to a reflexive interrogation of its relationship to referentiality.

Le temps du récit

Histoire, fiction, littérature

Les fondateurs des Annales, Lucien Febvre en tête, rêvaient d’annexer l’objet littéraire au territoire de l’historien. Depuis lors, l’approche historienne des textes littéraires est restée un thème récurrent de la revue. De l’histoire du livre à l’étude des savoirs de la littérature, les années récentes ont pleinement renoué avec cette tradition, dans un contexte marqué par un intérêt grandissant des historiens non seulement pour les textes littéraires du passé, mais aussi pour la façon dont les écrivains contemporains se saisissent de l’histoire. Concurrence déloyale ou fascination mutuelle ? La question doit être posée différemment, car elle invite surtout à s’interroger sur les formes narratives et les procédés textuels de l’écriture historiographique. Comment expliquer que le débat, vif dès les années 1970, se soit ensuite absenté des pages de la revue, au moment même où il battait son plein dans d’autres lieux ? Y réfléchir, c’est aussi comprendre comment les Annales se situent dans le paysage historiographique et éditorial et comment évoluent les formats et les modèles de l’écriture savante dans une revue internationale. C’est également ouvrir des pistes pour l’avenir : entretenir une approche réflexive des formes d’écriture historique, en dialogue avec la diversité des littératures contemporaines, n’implique nullement d’effacer la frontière entre l’écriture savante et la littérature, mais de réfléchir à l’historicité de l’une et de l’autre, afin de mieux cerner une histoire des styles historiographiques.

Narrating Time: History, Fiction, Literature

The founders of the Annales, especially Lucien Febvre, dreamed of annexing the literary to history. Since then, the historical approach to literary texts has remained a recurrent theme within the journal. From the history of the book to the study of literary knowledge, this tradition has been fully renewed in recent years, in a context marked by a growing interest on the part of historians not only in the literary texts of the past but also in the ways contemporary authors seize history. Unfair competition? Mutual fascination? We suggest, rather, shifting the question toward the narrative forms and textual tools of historiographical writing itself. We must also ask how and why this debate, which was lively from the 1970s onwards, subsequently disappeared from the pages of the journal, at the very moment it was flourishing in other venues. Such a reflection yields useful elements to situate the Annales in the historiographical and editorial landscape and to consider how the formats and models of scholarly writing evolve in an international journal. It also opens up avenues for the future: maintaining a reflexive approach to forms of historical writing, in dialogue with the diversity of contemporary literature, does not mean erasing the border between scholarly writing and literature, but rather reflecting on the historicity of both to better define a history of historiographic styles.

Les échelles du monde

Pluraliser, croiser, généraliser

L’une des caractéristiques des Annales depuis leurs débuts est de publier des travaux qui proviennent ou qui portent sur d’autres régions du monde. Or il existe bien des manières d’envisager et de conduire un tel positionnement éditorial. Fondé sur l’analyse de la répartition géographique des terrains étudiés dans les articles de la revue sur les trente dernières années, cet essai propose une réflexion sur les manières dont celles et ceux qui ont fait les Annales ont pensé la place des différentes histoires et historiographies du monde dans un projet intellectuel en recomposition permanente. En s’appuyant sur certains textes théoriques ou programmatiques publiés par la revue à partir des années 1990, en les replaçant dans leurs moments institutionnels et historiographiques, mais aussi en éclairant certains des courants que les Annales n’ont pas accompagnés, l’article suggère que les attendus intellectuels mis en œuvre par le comité éditorial insistent en réalité sur une inscription documentaire forte des articles et le croisement des traditions historiographiques, et mettent au cœur de la réflexion la question des échelles d’analyse. C’est sans doute par ces expérimentations sur les échelles que les Annales cherchent le plus fortement à inclure la pluralité des histoires du monde dans un cadre intellectuel qui mette en œuvre une pratique généraliste (en termes de périodes historiques comme de diversité d’aires géographiques ou d’ouverture disciplinaire) défendant, à distance de l’exotisme de l’ailleurs, l’histoire comme science sociale à part entière.

A World at Scale: Plurality, Intersections, Generalization

One of the core characteristics of the Annales since their foundation has been to publish articles on, or from, all regions of the world. Yet there are many ways to understand such an editorial commitment. Based on an analysis of the geographical areas studied in articles over the past thirty years, this essay reflects on how the editorial board has conceived the place of diverse histories and historiographies within its larger intellectual project (itself in constant redefinition). Returning to certain theoretical texts published in the journal since the 1990s, placing them in their institutional and historiographical contexts, but also highlighting some of the trends the Annales have not accompanied, this article sketches some of the intellectual traits that emerge from this overview : an insistence on strong documentary evidence, the mobilization of plural historiographies, and a substantive reflection on the scales of analysis. Experimentation with scales appears in the editorial practice of the Annales as a privileged way to incorporate the plurality of the world’s histories into a common intellectual framework. Indeed, it is through this generalist perspective—in terms of periods, geographical regions, and scholarly disciplines—that the Annales seek to avoid the exoticization of far-away lands and instead defend history as a full-fledged social science.

Face au présent

Politique des temporalités

Cet article s’interroge sur les rapports entre les Annales et le présent et, à travers eux, sur la manière dont la revue prend en charge le politique et la pluralité des temporalités qu’il engage. Revue du contemporain, les Annales ne sont pas une revue d’histoire contemporaine, si l’on entend par là une période chronologique. Elles sont, en revanche, une revue du présent, d’un temps historique et épistémologique mis en avant par leurs fondateurs, Marc Bloch et Lucien Febvre. Temps construit, le « présent » tel que l’ont conçu et le revendiquent toujours les Annales défend une certaine idée du passé, indissociable de l’aujourd’hui depuis lequel s’écrivent l’histoire et les sciences sociales. Penser ces dernières au présent conduit à privilégier certains ancrages de longue ou de moyenne durée : la Révolution française et le xix e siècle en particulier, ces deux socles à partir desquels se développe une réflexion sur le politique et où s’enchevêtrent la question de la démocratie et celle du totalitarisme. Cette histoire du politique, entendue comme le rapport singulier que les sociétés modernes entretiennent avec elles-mêmes, mobilise les apports de toutes les sciences sociales. Elle constitue la colonne vertébrale de l’histoire-problème qui intéresse les Annales, d’un point de vue épistémologique, mais aussi civique. Elle affirme la nécessité de faire de la démarche scientifique réflexive un enjeu politique essentiel du temps présent.

Confronting the Present: The Politics of Temporalities

This article examines the relationship between the Annales and the present and, through this, the way the journal deals with the political and the plurality of temporalities it engages. While the Annales are a contemporary journal, they are not a journal of contemporary history, if one understands by that a specific chronological period. They are, rather, a journal of the present, of a historical and epistemological time foregrounded by their founders, Marc Bloch and Lucien Febvre. As a constructed temporality, the “present” conceived and maintained by the Annales defends a certain idea of the past, indissociable from the “today” in which history and social sciences are written. This presentist approach has privileged specific anchoring points in the long and medium durée: in particular the French Revolution and the nineteenth century, the twin foundations from which a reflection on the political developed and where the question of democracy and totalitarianism are entangled. This history of the political, understood as the singular relationship that modern societies have with themselves, mobilizes all the tools of all the social sciences. It is the backbone of the histoire-problème that drives the Annales, from an epistemological but also a civic point of view. It affirms the necessity of making scholarly reflexivity an essential political issue for the present.

Entre revue et « école »

Les Annales en situation

L’histoire des Annales est un point aveugle de l’historiographie. Non pas l’histoire du « mouvement », du courant de pensée passé à la postérité sous ce nom, mais l’histoire de la revue elle-même. Cet article tente de poser quelques jalons pour ce travail encore à accomplir, en s’écartant des récits traditionnels qui privilégient quelques grandes figures masculines et des « générations » aux contours difficiles à saisir. Plutôt que de réduire la revue à une poignée d’éditoriaux et de mettre en avant les ouvrages des membres de la revue, voire d’auteurs proches mais n’ayant jamais fait partie de son comité, il cherche à montrer que la notion d’« école des Annales » a fait obstacle à une histoire sociale de la revue. Il dépeint ensuite les grandes étapes du fonctionnement des Annales depuis 1929, rappelant au passage la place des conflits et la diversité des modes de gestion du pouvoir éditorial jusqu’à aujourd’hui. Enfin, il tente de replacer la revue au sein de sa configuration institutionnelle en décrivant les liens changeants qui ont uni et unissent toujours les Annales, l’École des hautes études en sciences sociales et ses Éditions.

Between the Journal and the “School”: The Annales in Context

The history of the Annales is a blind spot in the historiography—not the history of the “movement,” the strand of thought that passed into posterity under that name, but the history of the journal itself. This article seeks to propose a few preliminary markers for future studies. It parts ways with the more traditional narratives centered on a few illustrious male figures and successive but vague “generations,” noting that these narratives reduce the journal to a handful of editorials and focus on books by its members or even associated scholars who were never actually part of the editorial board. In so doing, it argues that the very notion of the “Annales school” is an obstacle to a social history of the journal. It goes on to briefly describe the main stages of the journal’s practical evolution since 1929, stressing the role of conflict and the diverse organization of editorial duties (and power) until today. Finally, it sketches the institutional environment in which the journal has been embedded, especially the École des hautes études en sciences sociales (EHESS) and its university press, the Éditions de l’EHESS.

Un collectif au travail

Cet article cherche à rendre compte du travail éditorial de la revue du point de vue de celles et ceux qui l’animent à travers la description des pratiques concrètes de ses deux entités : le comité, constitué par quinze chercheurs et chercheuses, et la rédaction, formée de trois éditrices (deux pour l’édition française, et une pour l’édition anglaise). Après avoir présenté la structure du comité et son fonctionnement, cette étude revient sur les procédures de sélection des articles, depuis leur soumission à la revue jusqu’à leur acceptation définitive. Elle décrit ensuite la manière dont le travail éditorial sur les textes est mené par les éditrices, et comment les sommaires et les ensembles de comptes rendus sont mis sur pied. Il s’agit d’analyser les modalités et les conditions du travail éditorial concret ainsi que les enjeux qui le sous-tendent, avec le biais conscient que cette réflexion est portée par celles et ceux-là mêmes qui le mettent en œuvre. Les choix et les spécificités des Annales – une histoire longue et un héritage marquant, une large équipe éditoriale, un comité de rédaction agissant comme un collectif, un important labeur sur des articles souvent plus longs que dans d’autres revues de sciences humaines et sociales et une édition bilingue – donnent sa tonalité particulière au travail effectué au sein de la revue.

A Collective at Work

This article proposes a description of our editorial process from the point of view of those who make the journal: the fifteen scholars who sit on the editorial board and the three assistant editors (two for the French edition, one for the English edition) who form the editorial team. After a presentation of the board, its structure, and its workings, the article outlines the procedure for selecting articles, from submission to final acceptance. It then describes the work done by the editorial team on the articles and how the journal’s contents lists and thematic book review sections are established. In other words, it offers an analysis of the concrete modalities and conditions of such work as well as its underlying objectives (of course, this analysis is carried out by the actors themselves, with all the bias this implies). The Annales’ choices and specificities—a long history and distinctive legacy, a large editorial team, an editorial board working collectively, in-depth editorial work on articles that are often longer than those in other journals, and a bilingual edition—give a particular tonality to the labor of producing the journal.

L’économie matérielle d’une publication

Cet article présente la situation des Annales face aux évolutions actuelles de l’économie matérielle de la publication scientifique. Il part d’une interrogation sur la place de la forme revue dans la communication scientifique contemporaine, à un moment où la lecture électronique modifie considérablement les pratiques héritées du xx e siècle. Il présente tout d’abord les grandes caractéristiques de la production de la revue, du point de vue technique, graphique et matériel, et retrace rapidement ses évolutions au cours des dernières décennies. Cette réflexion sur l’histoire de l’objet revue conduit à l’édition électronique, qui est aujourd’hui le support majeur de lecture et de diffusion des Annales. Le basculement du lectorat du papier vers le numérique a entraîné de profondes transformations dans la diffusion de la revue. Le modèle de l’abonnement individuel ou institutionnel est en forte régression, au profit de celui du bouquet électronique, qu’il soit accessible par Cairn ou par Cambridge University Press, coéditeur de la revue depuis 2017. L’émergence d’une nouvelle géographie et de nouvelles pratiques de lecture pose désormais la question du modèle économique à inventer pour les accompagner, dans un contexte de diminution des recettes liées à la transition numérique et de développement de la science ouverte.

The Material Economy of an Academic Journal

This article discusses the Annales’ present situation in the context of the fast-evolving material economy of scholarly publishing. It starts from the question of the very form of a journal in a world where digital distribution has deeply transformed scholarly practices inherited from the twentieth century. It then presents the main traits of the journal’s production from a technical, graphic, and material point of view, and their evolution over the past few decades. This reflection on the history of the journal-as-object brings us to the digital edition, which is now the format in which the Annales are most widely read and distributed. This shift away from paper has led to profound transformations in the reception of the journal. The individual and institutional subscription model is fast receding and is being replaced by bundled subscriptions through centralizing online platforms—in the case of the Annales, through Cairn and Cambridge University Press (co-publisher since 2017). The new geography and new reading practices that have emerged challenge the economic model of the journal, which must be reinvented in the face of declining revenues linked to the digital transition and the development of open access.

Une revue en langues

Les défis d’une édition bilingue

Que fait la langue à une revue d’histoire et de sciences sociales ? À partir de l’expérience de la création d’une édition bilingue français/anglais des Annales, cet article propose une première réflexion sur les enjeux éditoriaux, historiographiques et intellectuels pour une revue fortement internationalisée, mais publiant dans une langue scientifiquement minoritaire désormais, de traduire tous ses articles en anglais. En quelques pages, l’étude aborde les objectifs et les risques d’un tel changement, mais aussi les effets sur le processus éditorial de la revue et l’ambition des Annales de contribuer à la circulation des savoirs historiques et des réflexions historiographiques tout en prenant au sérieux la pluralité des traditions intellectuelles, dans le refus d’une homogénéisation appauvrissante.

A Journal in Translation: The Challenges of a Bilingual Editorial Project

How does the language of publication impact the production and reception of a history and social science journal? Based on our experience in creating a bilingual French/English edition of the Annales, this article proposes some initial reflections on the editorial, historiographical, and intellectual stakes of translating a journal with an international reputation into English just as the journal’s traditional language is becoming less widely read on a global level. In a few pages, the article discusses the objectives and risks of such an endeavor, its effects on the journal’s editorial process, and the Annales’ continued ambition to contribute to the circulation of historical knowledge and historiographical reflection, taking seriously the plurality of intellectual traditions while refusing an impoverishing homogenization.

Approche quantitative d’un projet intellectuel

Depuis 1990, les Annales ont publié 1 182 articles. Cette production éditoriale peut être appréhendée de façon quantitative et éclairer ainsi comment s’est traduit – ou non – le projet intellectuel affirmé au cours des années, notamment à travers le « tournant critique ». L’analyse propose d’observer la répartition chronologique des articles, puis de croiser les différentes catégories disciplinaires et thématiques auxquels ils appartiennent. L’interdisciplinarité, centrale dans le programme épistémologique des Annales, occupe une place importante, tout en se heurtant à des limites liées aux contraintes inhérentes aux revues et au contexte de « redisciplinarisation » des sciences sociales. L’approche quantitative permet également de mettre en lumière certains angles morts thématiques, comme les études sur le genre, en même temps que la fécondité de certaines approches croisées – par exemple entre l’anthropologie et l’histoire du politique et du droit. La dimension réflexive et épistémologique de nombreux articles publiés aux Annales reste l’une des clefs du dialogue entre histoire et sciences sociales, tel que le propose la revue.

A Quantitative Approach to an Intellectual Project

The Annales have published 1,182 articles since 1990. Together, they form an image of the journal that can be subjected to quantitative analysis, shedding light, in particular, on the gap between the intellectual project and editorial practice after the “critical turn.” This essay proposes to observe the chronological distribution of the articles, then to cross-reference their various disciplinary and thematic categories. As a central component of the Annales’ epistemological program, interdisciplinarity occupies an important place, though it comes up against strong limits due to the nature of the journal and a context of “redisciplinarization” in the social sciences. The quantitative approach reveals the relative absence of certain themes otherwise central to recent research in the social sciences, such as gender studies. It also highlights the fecundity of certain intersecting approaches—for example, anthropology and the history of politics and law. Finally, the reflexive and epistemological dimension of numerous articles published in the Annales remains one of the keys to the dialogue between history and the social sciences as envisioned by the journal.

Fragments d’une histoire éditoriale

Cet article relaie l’expérience de trois anciens responsables des Annales, Marc Ferro (1962-1969), Jacques Revel (1975-1979/1980) et Lucette Valensi (1979-1985). Ces témoignages ne visent pas à revenir sur l’histoire intellectuelle de l’« école des Annales », mais à jeter un regard sur la fabrication concrète de la revue et sur son fonctionnement matériel et humain, entre les années 1960 et l’époque du tournant critique, à la fin des années 1980. Ils cherchent à mettre au jour des réalités mal connues, restées dans l’ombre des coups d’éclat épistémologiques affichés dans les pages des Annales. Ils ont également une dimension mémorielle, en ce qu’ils permettent de restituer un univers d’expériences aujourd’hui largement disparu : c’est une façon de maintenir vivant ce qui fait, dans la durée, l’identité même d’une revue – non pas la répétition des pratiques des fondateurs, mais la prise en compte des écarts, subis ou assumés. Le résultat est assurément fragmentaire, ne serait-ce parce que n’a pas été intégré le témoignage des membres encore actifs du comité de rédaction, comme André Burguière, secrétaire de la rédaction entre 1969 et 1975. Ces textes ont cependant l’avantage de rassembler quelques matériaux d’une histoire des pratiques éditoriales qui reste encore largement à écrire.

Fragments for an Editorial History

This article conveys the experience of three former editors of the Annales, Marc Ferro (1962-1969), Jacques Revel (1975-1979/1980), and Lucette Valensi (1979-1985). Instead of revisiting the intellectual history of the “Annales school,” these testimonies consider the concrete editorial production of the journal, its material and human operations, between the 1960s and the “critical turn” at the end of the 1980s. They seek to bring to light lesser-known experiences that have remained in the shadows of the grand epistemological gestures published in the pages of the journal. They also have a memorial dimension, in that they communicate a world of experience that has since largely disappeared. These testimonies offer a way to preserve what makes up, over time, the very identity of a journal: not the repetition of the practices of its founders but the acknowledgement of divergence, whether endured or assumed. The result is fragmentary, not least because the testimony of still-active members of the editorial board such as André Burguière, who was editor between 1969 and 1975, has not been included. These texts have, however, the advantage of gathering materials for a history of editorial practices that still remains largely to be written.

Christoph Conrad

Une tradition d’innovation

Les Annales dans le paysage transnational des revues d’histoire, 1990-2020

Cet essai examine les Annales au prisme de revues d’histoire comparables et, parfois, concurrentes. En se concentrant sur leurs choix éditoriaux, notamment sur les titres de leurs numéros spéciaux et thématiques, il met en évidence la circulation transversale et transnationale des approches et des sujets de recherche. Une dizaine de revues provenant de différents pays sont analysées sur les trente dernières années ; elles partagent avec les Annales une même pratique, celle d’afficher leurs ambitions conceptuelles et leurs choix thématiques par le biais de mots-clefs et de titres. Considérées ensemble, ces revues d’histoire construisent un vaste texte où se trame l’agenda de l’historiographie internationale. De nouveaux thèmes de recherche comme la micro-histoire, l’histoire du quotidien, les identités religieuses et ethniques, les relations genrées et les inégalités sociales ou encore l’histoire globale et le changement climatique sont ainsi mis en circulation dans le dialogue et la compétition. Au sein de ce paysage dynamique, les Annales ont poursuivi et maintenu leur tradition d’innovation.

A Tradition of Innovation: The Annales in the Transnational Landscape of History Journals, 1990-2020

This essay looks at the Annales through the lens of similar (and sometimes rival) history journals. In focusing on their editorial choices, in particular on the titles of special and thematic issues, the transversal and transnational circulation of approaches and research subjects is highlighted. About a dozen journals from several countries are analyzed over the last thirty years. They share with the Annales the practice of announcing their conceptual ambitions as well as their thematic choices through keywords and headings. Considered together, these history journals collectively construct a vast, interwoven text that traces the agenda of international historiography. New themes like microhistory or the study of the everyday, religious and ethnic identities, gender relations and social inequality, global history and climate change are circulated through dialogue and competition. In this dynamic landscape, the Annales have pursued and upheld their tradition of innovation.

Ethan Kleinberg

Les Annales, force et fragilité d’une revue modèle

Cet article interroge l’héritage, la mission et l’avenir des Annales en se concentrant sur les dix dernières années de la revue. Pour ce faire, il reprend quelques-uns des choix éditoriaux, des thèmes et des articles récents afin d’explorer la façon dont ceux-ci servent à se libérer des modèles et des méthodes associés au passé des Annales, tout en analysant la manière dont certains des aspects de ce passé sont conservés. Les Annales se sont longtemps caractérisées par leur(s) approche(s) méthodologique(s) plutôt que par un sujet ou un thème spécifique. La force de ce paradigme réside dans ses aspirations interdisciplinaires, qui ont rassemblé des historiens issus d’horizons divers dans le but partagé de remettre en question le statu quo. Cet accent mis sur la méthode a toutefois un revers : conduire à la promotion, sinon d’un style, du moins d’une approche propre aux Annales, quitte à ossifier le paradigme et lui faire perdre sa nature protéiforme. L’article tente ainsi d’expliquer non seulement les promesses et les pièges, mais aussi les nouvelles directions que la revue pourrait prendre à l’avenir.

The Annales: The Force and Frailty of a Model Journal

This essay reflects on the legacy, mission, and future of the Annales with a focus on the last ten years. To do so, it takes up some of the recent editorial choices, themes, and articles to explore how these serve to break free from models and methods associated with the journal’s past as well as the ways that aspects of that past are conserved. The Annales have long been characterized by their methodological approach (or approaches) rather than a specific topic or theme. The force of this paradigm resides in its interdisciplinary aspirations, which have brought together historians from varying currents with the common goal of challenging the status quo. The danger is that the emphasis on method has led to the promotion of a particular Annales style or approach which itself became the status quo, ossifying the paradigm and losing its protean nature. The article thus attempts to set out not only the promise and pitfalls of the project but also some new directions the Annales might take in the future.

Carla Hesse

Il n’est pas de passé sans futur

Les Annales à l’heure du nouveau millénaire

Au cours des dernières décennies, le comité de rédaction des Annales a transformé la plus importante revue historique de l’après-guerre pour en faire aujourd’hui une entreprise académique innovante du xxi e siècle qui reste néanmoins ancrée dans la mission, l’ambition et le mode de fonctionnement de ses fondateurs et des générations qui leur ont succédé. Au cœur de sa réinvention se trouve un tournant post-structurel, en réponse aux changements géopolitiques, à la révolution numérique et aux développements de l’économie comportementale. Celui-ci a permis à la revue de renouer avec son engagement pluridisciplinaire originel en faveur d’une recherche historique empirique, mais en l’inscrivant dans un nouveau registre épistémique, qualifié par le comité de « constructiviste ». Les Annales ont ainsi élargi leur engagement aux sciences sociales classiques pour inclure de nouvelles approches de la littérature, de la pensée politique et d’autres disciplines des « humanités », tout en étendant leurs modes de diffusion.

There Is No Past Without a Future: The Annales in the New Millennium

Over the past few decades, the editorial board of the Annales has transformed the most important historical journal of the postwar period. Today it is an innovative, twenty-first-century academic enterprise that remains, nonetheless, recognizably anchored in the mission, ambition, and mode of operation of its founders and its earlier generations of editors. At the core of its reinvention is a post-structural turn in response to geopolitical shifts, the digital revolution, and developments in behavioral economics. This has permitted the journal to recapture its founding pluridisciplinary commitment to empirical historical research in a new epistemic register, characterized by the editorial board as “constructivist.” The journal has broadened its engagement from the classic social sciences to include new approaches from literature, political thought, and other “humanities” disciplines, and has expanded its modes of dissemination.

Markus Messling

La difficile fabrique d’une revue « globale »

Avec le lancement du partenariat avec Cambridge University Press en 2017, les Annales sont devenues une revue « globale » dans le domaine des sciences humaines et sociales. Afin d’éviter l’écueil d’un « globalisme flasque », cet article entend réfléchir à la place de l’édition française par rapport à l’édition anglaise. Ici, c’est non seulement la relation du local au global qui importe, mais aussi la question de l’articulation entre particularité et universalité du savoir. Acclimatée dans la revue, c’est avant tout la micro-histoire qui a exploré la pertinence d’une situation et des indices qu’elle fournit pour les processus épistémologiques. C’est la raison pour laquelle les Annales ont, plus fortement que l’école des Annales, insisté sur le rôle des subjectivités par rapport aux structures. La revue s’est intéressée avant tout aux jeux d’échelles et aux moyens narratifs qui permettent aux acteurs comme aux historiens d’élargir leur horizon – en allant des situations concrètes vers une conception générale – et d’élaborer, de la sorte, une compréhension spécifique du monde. Ce tournant dans la production de connaissances se rapproche du reflexive turn et rejoint l’« histoire-problème » associée aux Annales. Il reviendra à la revue de faire valoir son propre trajet vers l’histoire globale pour réfléchir aux processus spécifiques d’universalisation du savoir qui y sont inclus.

The Challenges of Producing a “Global” Journal

With the launch of its partnership with Cambridge University Press in 2017, the Annales became a “global” journal in the social and human sciences. To avoid falling into a “flaccid globalism,” however, we must reflect on the respective positions of the French and English editions. This is not just a question of the relation between the local and the global, but also and especially of the particularity and the universality of knowledge. Microhistory, which the journal has long accompanied, has explored the relevance of situatedness and its heuristic benefits. Unlike the “Annales school,” it has thus insisted on subjectivities rather than structures, concerned above all with the interplay of scales and the narrative resources that allow both historical actors and historians to broaden their horizons from the particular to the general and thus to form, as it were, a specific understanding of the world. This shift in knowledge production converges with the “reflexive turn” and the histoire-problème approach associated with the Annales. The journal’s task is now to consider its own path toward the reflexive historiography of global history to capture the specific processes of the universalization of knowledge

Angelo Torre et Vittorio Tigrino

Des historiographies connectées ?

Les Annales, Quaderni storici et l’épreuve de l’histoire sociale

L’article analyse le dialogue à distance entre les Annales et les Quaderni storici. Il revient sur la façon dont les deux revues se sont positionnées vis-à-vis des évolutions de l’histoire sociale depuis les années 1980. Les Annales ont, pour leur part, repris certaines propositions de la micro-histoire dans la perspective des jeux d’échelles, élaborant une histoire culturelle des pratiques sociales et valorisant l’étude des « aires culturelles ». Quant aux Quaderni storici, ils ont critiqué le contenu déconstructionniste du linguistic turn à travers l’exploration de la dimension juridique de la structure et de la genèse des sources, du genre et de la localité. L’article s’intéresse à la fois aux instances de dialogue des deux revues au cours des dernières années, en ce qui concerne par exemple l’histoire globale ou l’histoire environnementale, ainsi qu’à leurs trajectoires divergentes, comme au sujet des relations entre histoire et droit, histoire et philosophie, ou encore à propos des réactions au récent « tournant archivistique ».

Connected Historiographies? The Annales, Quaderni storici, and the Test of Social History

The article proposes an analysis of the long-distance dialogue between the Annales and Quaderni storici, exploring the two journals’ positions vis-à-vis developments in social history since the 1980s. For their part, the Annales have taken up some of the propositions of microhistory, in the perspective of the interplay of scales (jeux d’échelles), elaborating a cultural history of social practices and supporting “area studies.” Quaderni storici have focused on criticizing the deconstructionist content of the linguistic turn by exploring the juridical dimension of the structure and genesis of sources, as well as through gender and locality. The article highlights moments of exchange between the two journals over the past few years—on global history or environmental history, for instance—as well as their diverging trajectories on topics such as the relations between law and history or philosophy and history, or on reactions to the recent “archival turn.”

Colin Jones

Les Annales et Past & Present : une histoire croisée

L’article propose une histoire croisée des Annales et du principal périodique d’histoire généraliste britannique, Past & Present. Fondé en 1952, ce dernier s’est inspiré de l’ouverture des Annales à des formes novatrices et interdisciplinaires d’écriture de l’histoire. Dans les années 1960 et 1970, âge d’or de l’histoire sociale, les deux revues ont joui d’une importance particulière. Alors que les Annales ont constamment adopté des niveaux élevés de réflexivité concernant leur forme et leur contenu, Past & Present maintient une approche plus empirique et pragmatique. Les deux périodiques, revues d’histoire généralistes, ont en partage de couvrir toutes les périodes de l’histoire. Une telle ouverture présente des défis particuliers à mesure que la discipline se renouvelle et que l’édition académique s’accommode des formes électroniques de publication.

The Annales and Past & Present: A histoire croisée

The article offers a histoire croisée of the Annales and the leading British-based generalist history periodical, Past & Present, founded in 1952. The latter was avowedly inspired by the Annales’ openness to innovative and interdisciplinary forms of history-writing, and the two journals enjoyed particular prominence during the golden age of social history in the 1960s and 1970s. Whereas the Annales have consistently embraced high levels of reflexivity regarding their form and content, Past & Present maintains a more empirical and pragmatic approach. Both periodicals are generalist history journals, covering all periods of the past. This presents particular challenges as the discipline evolves in new ways and as academic publishing comes to terms with electronic forms of publication.

Fernando J. Devoto

Une revue, un lecteur

L’article propose une approche de l’évolution des Annales à un double niveau. Le premier se fonde sur les manifestes programmatiques de la revue depuis ses débuts, en portant une attention particulière au moment 1989, afin d’identifier quelques lignes de continuité au sein de propositions innovantes et de contextes intellectuels changeants. Le second explore comment, au cours des trente dernières années, et au-delà de l’hétérogénéité inévitable d’une revue qui articule différentes strates historiographiques, ces propositions ont trouvé certaines traductions éditoriales concrètes. L’ouverture des Annales vers les mondes extra-européens en fournit un exemple, qui aboutit à renouveler la réflexion non seulement sur les échelles d’analyse, mais aussi sur l’articulation entre histoire comparée, histoire globale et histoire croisée. Enfin, l’article cherche à revenir sur quelques défis récents qui se sont posés au comité de rédaction des Annales concernant les conditions d’exercice de la profession d’historien aujourd’hui et la place qu’y occupent les revues.

The Journal and Its Readership

The article considers the evolution of the Annales on two levels. The first is based on the programmatic manifestos published since the journal’s beginnings, with particular attention paid to the moment around 1989. Here, we seek to identify lines of continuity within the proposals for innovation and changing intellectual contexts. The second level considers how these proposals have taken shape within concrete editorial initiatives over the last thirty years and beyond, against the backdrop of a necessarily heterogeneous journal that articulates overlapping historiographic strata. For example, the Annales’ exploration of non-European worlds led to renewed reflection not only on the scales of analysis, but also on the articulation between comparative history, global history, and histoire-croisée. Finally, the article revisits some of the recent challenges that have arisen for the Annales’ editorial board, especially concerning the conditions of historical practice and the place that journals occupy within the profession today.

90 ans d’éditoriaux

Cette section regroupe tous les éditoriaux publiés dans les Annales depuis leur fondation, en 1929, sous le nom d’Annales d’histoire économique et sociale, jusqu’à l’annonce du nouveau partenariat noué avec Cambridge University Press, en 2017. Viennent aussi s’y glisser quelques introductions de numéros spéciaux particulièrement significatives : en tout vingt-neuf textes, d’inégale longueur, qui dessinent le portrait en pointillé d’une revue bientôt centenaire. Leur lecture continue permet de mesurer les innovations, les reprises, les écarts, voire les reniements à mesure que se succèdent les générations et que se renouvelle le comité de rédaction. Inédit en anglais comme en français, ce recueil donne surtout à lire une autre histoire de l’« école des Annales », à partir des positions prises dans la revue, et non dans des textes publiés ailleurs et sans lien organique avec elle. Ainsi peut-on espérer dépasser une vision mythifiée de la revue comme « école », aussi célèbre qu’elle est méconnue dans son fonctionnement concret.

Ninety Years of Editorials

This section gathers all the editorials that have been published in the Annales, from the creation of the journal in 1929 under the masthead Annales d’histoire économique et sociale to the announcement of the new partnership with Cambridge University Press in the first issue of 2017. A few particularly significant introductions to special issues have also been included. In total, these twenty-nine texts of unequal length sketch a portrait of a journal that has now existed for nearly a century. Reading them as a whole gives an idea of the innovations, gaps, turns, and even retractions as subsequent generations have replaced earlier ones and the editorial board has changed. This is the first time these editorials have been published as a collection, in French or in English: as such, they tell an alternative story of the “Annales school,” based on the positions taken in the journal itself rather than in disparate texts published elsewhere. We hope this helps in moving beyond a “mythologized” vision of the journal as a famous “school” whose concrete workings have nevertheless remained in the shadows.