Hostname: page-component-5c6d5d7d68-lvtdw Total loading time: 0 Render date: 2024-08-15T10:14:25.976Z Has data issue: false hasContentIssue false

Signe et représentation : Philippe de Champaigne et Port-Royal

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

Extract

” Le langage, pour exprimer tout ce qui est en dehors du monde sensible, ne peut toujours être employé que d'une manière allusive, mais jamais d'une manière analogique, puisque, répondant au monde sensible, il ne concerne que la propriété et ses relations. »

KAFKA (« Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie », in Journal Intime, Paris, Grasset, 1945).

Malgré les apparences, la réflexion sur le langage est au centre de la Logique de Port-Royal : langage dangereux dans la mesure où il introduit confusion et obscurité dans la pensée, langage inéluctable, cependant, puisqu'il « est nécessaire dans la logique de considérer les idées jointes aux mots et les mots joints aux idées ». Toutefois, cette réflexion n'apparaît jamais comme un problème central, mais dans les marges du discours d'Arnauld et de Nicole ; et cela pour une raison fondamentale : le mot est coextensif à l'idée, et dès lors, l'espace du langage recouvre exactement — et normativement — le monde des idées. L'idéal du langage est celui d'un langage qui s'oublie devant l'idée, qui s'efface comme pure transparence devant elle, dont, cependant, il permet seul la communication. C'est en ce sens que le langage est système de signification, que le mot est signe.

Type
Art et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1970

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

page 1 note 1. Là Logique ou l'Art de Penser. 5* édition revue et augmentée, Desprez, Paris, 1683, p. 35.

page 1 note 2. Il faut en effet attendre le chapitre IV de la 1 r e partie pour que le problème du signe soit posé dans toute sa généralité. Op. cit., p. 55 et sq.

page 2 note 1. Op. cit., pp. 56-57 et 204-205.

page 2 note 2. Op. cit., p. 55.

page 2 note 3. Pascal, , Pensées sur la religion et sur quelques autres sujets, 2e édition Lafuma, L., Delmas, Paris, 1952, Pensée 77, p. 124.Google Scholar

page 3 note 1. La Logique ou l'Art de Penser, p. 205.

page 3 note 2. Félibien, , Entretiens sur les Vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Mortier, David, Londres, 1705, t. IV, pp. 355356.Google Scholar

page 3 note 3. La Logique ou l'Art de Penser, p. 205.

page 3 note 4. Félibien, op. cit., p. 357.

page 3 note 5. La Logique ou l'Art de Penser, p. 130.

page 4 note 1. Félibien, op. cit., p. 356.

page 4 note 2. Ainsi Nicole écrit, au chapitre II du Traité de la Comédie (1667), en parlant du métier de comédien : « C'est un métier où des hommes et des femmes représentent des passions de haine, de colère, d'ambition, de vengeance et principalement d'amour. Il faut qu'ils les expriment le plus naturellement et le plus vivement qu'il leur est possible; et ils ne sauraient le faire s'ils ne les excitent pas en quelque sorte en eux-mêmes et si leur âme ne se les imprime, pour les exprimer extérieurement par les gestes et les paroles ». Et au chapitre III : « La représentation d'un amour légitime et celle d'un amour qui ne l'est pas font presque le même effet et n'excitent qu'un même mouvement qui agit ensuite diversement selon les différentes dispositions qu'il rencontre » (Pierre Nicole, Traité de la Comédie, éd. les Belles Lettres, Paris, 1961, pp. 41-42 et 44).

page 4 note 3. La Logique ou l'Art de Penser, second discours, pp. 22-23.

page 4 note 4. Op. cit., p. 364.

page 4 note 5. Op. cit., p. 58.

page 5 note 1. Op. cit., « Car la même chose, pouvant être en même temps et chose et signe, peut cacher comme chose ce qu'elle découvre comme signe » (p. 57).

page 5 note 2. On trouverait dans La Logique de Port-Royal, sinon une réhabilitation de la peinture, qui d'ailleurs n'a jamais été condamnée comme le théâtre, du moins une définition de ses conditions de légitimité. Elle repose sur l'opposition du coloris et du dessin et se développe par analogie avec l'éloquence : ce qui est déjà très significatif pour notre propos. Les hommes « n'estiment et ne blâment souvent les choses que selon ce qu'elles ont de moins considérable, leur peu de lumière faisant qu'ils ne pénétrent pas ce qui est le principal, lorsque ce n'est pas le plus sensible. Ainsi, quoique ceux qui sont intelligents dans la peinture estiment infiniment plus le dessin que le coloris ou la délicatesse du pinceau, néanmoins les ignorants sont plus touchés d'un tableau dont les couleurs sont vives et éclatantes que d'un autre plus sombre qui serait admirable pour le dessin », p. 363. Voir également, p. 364… « La pureté du langage, le nombre des figures sont tout au plus dans l'éloquence ce que le coloris est dans la peinture, c'est-à-dire que ce n'est que la partie la plus basse et la plus matérielle; mais la principale consiste à concevoir fortement les choses et à les exprimer, en sorte qu'on en porte dans l'esprit des auditeurs une image vive et lumineuse…; les peintres remarquent que ceux qui excellent dans le coloris n'excellent pas ordinairement dans le dessin. » Ainsi la catégorie du visible, catégorie dominante du signe pictural, se scinde dans ce texte en deux parties : le dessin et le coloris. Le dessin est le « visibleinvisible », qui passe inaperçu de ceux qui n'estiment les choses que « par l'extérieur » ou « par l'écorce » mais qui, cependant, soutient et anime la partie « la plus basse » et « la plus matérielle», le coloris. Celui-ci est le visible-visible ou l'apparence qui, réduite, à elle-même est pure illusion. Ainsi c'est dans la mesure où la structure réelle complexe du signe pictural permet, par la distinction du dessin et du coloris, de le rapprocher du signe linguistique ramené à sa structure idéale simple, que la vérité de la peinture peut être atteinte. La catégorie du visible et de l'invisible fonctionne bien dans le système général des signes comme un opérateur de transformation du rapport du signe et de l'objet.

page 6 note 1. Ouvrage en préparation : Signe et Représentation, Éléments pour une philosophie du signe au XVIIe siècle.

page 6 note 2. E. Benveniste donne à propos de l'analyse linguistique une indication très importante qui est transposable, nous semble-t-il, à l'analyse de l'objet extra-linguistique qu'est l'oeuvre picturale : « La notion de niveau, écrit-il, nous paraît essentielle dans la détermination de la procédure d'analyse. Elle seule est propre à faire justice à la nature articulée du langage et au caractère discret de ses éléments; elle seule peut nous faire retrouver dans la complexité des formes, l'architecture singulière des parties et du tout» (p. 119). « On voit alors que le niveau n'est pas quelque chose d'extérieur à l'analyse. Il est dans l'analyse; le niveau est un opérateur” (p. 122). Problèmes de linguistique générale, N.R.F., Gallimard, Paris, 1966.

page 6 note 3. Panofsky, Erwin, Gothic architecture and scholasticism, Meridian Books, New York, 1957 Google Scholar, traduction française, éd. de Minuit, Paris, 1967, p. 83 et sq.

page 7 note 1. Op. cit. Pierre Bourdieu, postface, p. 152. Voir également Panofsky, E., « Der Begriff des Kunstwollens », Zeitschrift fur Aesthetik und Allegemeine Kunst Wissenschaft, XIV, 1920, pp. 321339 Google Scholar. Sur le problème méthodologique ici évoqué, cf. Wind, E., Des Experiment und die Metaphysik, Tùbingen, 1934 Google Scholar et également « Some points of contacts between History and Natural Science », Philosophy and History, Essays presented to Ernst Cassirer, Oxford, 1936, p. 255 sq. Cf. également Panofsky, E., Meaning in the visual Arts, New York, 1955, p. 35.Google Scholar

page 7 note 2. J. Orcibal a montré que la date de 1643 inscrite sur le parapet derrière lequel pose le modèle « AE T A s 62 - 1643 » indique, non pas l'année de l'exécution de l'effigie, mais celle de la mort du modèle. « Les Frontispices gravés dans Champaigne », Bulletin de la Société des Amis de Port-Royal, 1952.

page 7 note 3. Cf. Dorival, B., Philippe de Champaigne et Port-Royal, éd. des musées nationaux, Paris, 1957, p. 16.Google Scholar

page 7 note 4. Op. cit., p. 18.

page 7 note 5. Goujet, Abbé, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal, t. I, s. I., 1734, pp. 336345 Google Scholar; voir également Clémencet, Dom, Histoire Générale de Port-Royal, t. IV, Amsterdam, 1756, pp. 227229 Google Scholar et 230-231 et la lettre de la Mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiée par Fougère, t. II, Paris, 1858.

page 7 note 6. Félibien, , Entretiens sur les Vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres, Londres, 1705, t. IV, p. 256.Google Scholar

page 7 note 7. Op. cit., pp. 256-257.

page 8 note 1. Mesnard, Jean, Pascal et les Roannez, Desclée de Brouwer, Paris, 1965, t. I, p. 396.Google Scholar

page 8 note 2. Voir, par exemple, Saint-Cyran, dans Les Lettres chrétiennes et spirituelles, 2 volumes, 16451647.Google Scholar

page 8 note 3. L'entretien de Pascal avec M. de Saci, Vrin, Paris, 1960, p. 11.

page 8 note 4. Cf. Orcibal, M. J., Saint-Cyran et le jansénisme. Le Seuil, Paris, 1961, pp. 7778 Google Scholar. « Le disciple trouvera la liberté dans l'obéissance à l'homme dans l'Église qui lui tient lieu de toute l'Église, car il n'est instruit que de Dieu. »

page 8 note 5. « Les théologiens traqués demeuraient secrètement cachés… », écrit Mlle G. Delassai) LT dans son Le Maistre de Sacy et son temps (p. 131 ). Il ne fallait pas faire découvrir le lieu de leur retraite. La mort de Singlin avait fait connaître la maison des Vitart. Trois mois plus tard, Sacy comme les autres avait dû quitter le lieu. Cf. Fontaine, Mémoires, t. II, p. 299. Nous le retrouvons, en septembre 1664, chez Philippe de Champaigne. C'est ce que nous apprend Lancelot le 18 de ce mois : « M. de Gournay (pseudonyme de Saci), écrivait-il, ne se trouve pas en sûreté où il est et est fort embarrassé de sa personne. On dit que la maison du peintre sera une des premières visitées ». P.R., ms. P.R. 6, f° 34. N'est-ce pas le signe d'un lien personnel profond ? de plus, n'est-ce pas la confirmation rétrospective du sens qui revêtait pour Champaigne et pour Saci l'Invention de saint Gervais et de saint Protais. Voir ci-dessous.

page 9 note 1. Correspondance de Martin de Barcos, abbé de Saint-Cyran, éd. par Lucien Goldman, P.U.F., Paris, 1956, pp. 403-406.

page 9 note 2. Lavalleye, M., Philippe de Champaigne et l'esthétique janséniste, Louvain, 1946.Google Scholar

page 9 note 3. Blunt, Sir Anthony, Art and Architecture in France 1500-1700, Londres, 1955, pp. 173.Google Scholar

page 10 note 1. B. Dorival, op. cit., p. 12.

page 10 note 2. Actes du Colloque Poussin, t. I.

page 10 note 3. Felibien, op. cit. : « Si je me suis un peu étendu sur la vie de cet excellent homme, ce n'est pas pour vous faire remarquer dans ses ouvrages des parties comparables à celles des plus grands maîtres d'Italie, car il n'avait jamais vu ces beautés si propres à faire naître d'excellentes idées. Aussi a-t-il toujours conservé le goût de son pays, qu'il a cependant rectifié par l'étude et la peine qu'il s'est donné à imiter ce que l'on estimait de plus parfait. Et comme il n'aimait pas à représenter des sujets profanes, il a évité autant qu'il a pu les nudités. Ayant commencé à paraître dans un temps où, en France, l'on n'était pas si éclairé qu'aujourd'hui et où il y avait peu d'habiles peintres, il y a tenu un des premiers rangs dans la Peinture » (p. 259).

page 10 note 4. Piles, Roger de, Abrégé de la Vie des Peintres, Estienne, Paris, 1715, pp. 501503.Google Scholar Cf. également le jugement de Mariette dans VAbecedario, « Esclave de l'objet qu'il traitait, il le rendait servilement sans pouvoir en quelque façon sortir de son sujet. »

page 11 note 1. Voir sur ce point l'indication que donne Félibien, op. cit., p. 249, « Il alla chez l'Allemand peintre lorrain qui en ce temps était en réputation, mais qui travaillait plus de pratique que par une grande connaissance de son art. Aussi le quitta-t-il parce que l'Allemand se fâchait contre lui de ce qu'il s'arrêtait trop exactement à observer les règles de la perspective… » Voir également la remarque de Félibien sur les figures en raccourci sur la voûte de l'église des Carmélites à Paris (p. 250).

page 11 note 2. M. de Barcos, op. cit., p. 407.

page 11 note 3. Éléments disparus : le jeune serveur de l'extrême gauche, chien et chat se disputent sous la table, verres et cristaux sur la table, tapis sous la nappe, écusson sur le mur.

page 12 note 1. Nous n'en avons pas trouvé de représentations dans la photothèque du Warburg and Courtauld Institute à Londres.

page 12 note 2. Conférence du 7 juin 1670 publiée par A. Fontaine, Conférences inédites de l'Académie royale de Peinture, p. 97, et sq. Voir également le Commentaire de la Genèse par saint Augustin sur ce point.

page 12 note 3. Champaigne dans une conférence de 1671 appliquait cette théologie de l'ombre à l'étude du tableau du Titien, Le Christ porté au tombeau : il notait que Titien disposait l'ombre sur le visage du Christ pour des raisons de technique picturale : faire reculer le corps vers le fond du tableau; pour des raisons psychologiques : exprimer la douleur et la tristesse, et pour des raisons théologiques et mystiques : cette suprême humilation de Dieu, du Dieu mort pour les péchés de l'humanité, doit être masquée par l'ombre et par là-même révélée pour notre édification, puisque seule la lumière convient à la face du Christ rayonnant.

page 13 note 1. M. de Barcos, op. cit., pp. 404-405.

page 14 note 1. Op. cit.. p. 431.

page 14 note 2. Op. cit., p. 409.

page 14 note 3. On reconnaîtra ici encore l'importance des catégories que L. Goldmann a introduites pour la compréhension du jansénisme, à propos de Pascal et de Barcos. « Le Dieu caché, est, pour Pascal, un Dieu présent et absent et non pas présent quelquefois et absent quelquefois; mais toujours présent et toujours absent… il faut ajouter que l'être du Dieu caché est pour Pascal, comme pour l'homme tragique en général une présence permanente plus importante et plus réelle que toutes les présences empiriques et sensibles, la seule présence essentielle. Un Dieu toujours présent et toujours absent, voilà la centre de la tragédie. » Le Dieu caché. N.R.F., Gallimard, Paris, 1955, pp. 46-47.

page 15 note 1. Pascal, Pensées. 562, p. 277, op. cit.

page 15 note 2. M. de Barcos, op. cit.. p. 408.

page 15 note 3. B. Dorival, op. cit.. p. 8.

page 16 note 1. M. de Barcos, op. cit.. p. 407 : « cela fera que vous pourrez passer pour un restaurateur de la peinture en la délivrant de l'erreur et du mensonge que les Italiens y ont introduits et la rendant une histoire véritable et propre pour honorer Dieu en instruisant fidèlement les hommes ».

page 16 note 2. Du Musée de Lyon.

page 16 note 3. Texte du minutier central cité par A. Mabille de Poncheville, Philippe de Champaigne, éd. des Humanités, Courtrai, Bruxelles, s.d.

page 16 note 4. Voragine, Jacques de, La Légende dorée. Flammarion-Garnier, Paris, 1967, t. I, p. 400.Google Scholar

page 16 note 5. Comme l'indique l'abbé Brochard, curé de Saint-Gervais, dans sa noticesurZ.es Tapisseries de I Église Saint-Gervais et leurs cartons d'après des documents inédits. Poirier, Bottreau, Aurillac, 1933.

page 17 note 1. Fontaine, Mémoires, t. I, pp. 338-339, « Son étude (de Le Maitre de Saci) plus particulière était la lecture de saint Augustin… Ce qu'il chercha le plus dans la lecture de saint Augustin, ce fut de concevoir une grande idée de Dieu. Il en faisait des recueils à ce sujet. » Voir également Saci, Lettres chrétiennes et spirituelles, 1.1, Paris, 1690, p. 31, « Je croirais qu'il faut commencer par saint Augustin ; je lirais d'abord les Confessions de saint Augustin qui est un livre incomparable et à relire toute la vie avec De Doctrina christiana ».

page 17 note 2. Augustin, Saint, Les Confessions, livre IX, chap. VIL Garnier-Flammarion, Paris, 1964, pp. 187188.Google Scholar

page 17 note 3. Fontaine, Mémoires, t. II, pp. 138-139 et 142, cité également par Courcelle, P. dans son édition de Y Entretien de Pascal et de M. de Sacy, Paris, 1960, p. 124.Google Scholar

page 18 note 1. Thuillier, Jacques, Catalogue de l'exposition Le Brun, Versailles, 1965.Google Scholar

page 18 note 2. Pascal, Opuscules et Lettres, Aubier, Paris, 1955, pp. 106107.Google Scholar

page 19 note 1. Correspondance de Nicolas Poussin, publiée par Ch. Jouanny, Archives de l'Art français, réimpression 1968 : lettre de Poussin à Chantelou du 28 avril 1639, p. 21.

page 19 note 2. Blunt, Anthony, Nicolas Poussin, t. II, Phaidon, Londres, New York, 1967, p. 314 Google Scholar et sq. et notamment pp. 317-318 et 319.

page 19 note 3. Dupont, J., Mathey, F., Le XVIIe siècle. Du Caravage à Vermeer, Skira, Genève, 1951 Google Scholar, parlent très justement de « ces beaux visages absents, dissimulés dans la prière et comme exilés dans leur souffrance », p. 76.

page 19 note 4. Jacques Thuillier, op. cit.

page 19 note 5. Bérulle, Opuscules de Piété, p. 148, col. 1191. Sur l'importance du berullisme à Port- Royal, voir notamment J. Orcibal, op. cit., p. 55 et sq.

page 19 note 6. C'est un des remarquables partis pris de Champaigne dans les portraits des religieux et religieuses, par exemple celui de Saint-Cyran (Grenoble) ou de la Mère Angélique (Chantilly).

page 19 note 7. Voir sur ce point B. Dorival, «Le Jansénisme et l'art français». Bulletin de la Société des Amis de Port-Royal, 1952. Ainsi cette remarque de la Mère Angélique « Je ne puis vous pardonner le vain désir que vous avez d'avoir mon portrait, et je vous dis devant Dieu que je croirais l'offenser mortellement de consentir qu'on me tirât ». Cité par B. Dorival.

page 20 note 1. Par exemple, dans \'Enterrement de Phocion (Oakley Park), cf. Friedlander, W., Nicolas Poussin, New York, 1966.Google Scholar

page 20 note 2. Saint Luc, Évangile 1, 76-79 en particulier 78-79 «… notre Dieu qui nous amènera d'en haut la visite du soleil levant afin d'illuminer ceux qui se tiennent dans les ténèbres… ».

page 21 note 1. Signe qui fait signe, le tableau, dans sa mise en page, l'atteste, puisque la figure principale, saint Jean, est présentée en grandeur naturelle, mais coupée à mi-jambes, comme s'il venait de quitter l'espace du monde pour entrer dans l'espace du tableau et, par là, faire entrer l'existant dans les figures.

page 21 note 2. Voir les remarques sur la présentation frontale dans Mabille de Poncheville, op. cit.. p. 80 et dans Anthony Blunt, Art and Architecture in France 1500-1700. p. 175.

page 21 note 3. B. Dorival, La Revue des arts, décembre 1951.

page 22 note 1. Voir à ce sujet les remarques de P. Sterling dans les Actes du Colloque Poussin, 1960. Comparer également cette remarque de R. de Piles dans le Cours de Peinture de 1708 : « les sites (dans le paysage) doivent être bien liés et bien débrouillés par leur forme en sorte que le spectateur puisse juger facilement qu'il n'y a rien qui empêche la liaison d'un terrain à un autre, quoiqu'il n'en voie qu'une partie » (p. 206).

page 23 note 1. Il est sans aucun doute instructif pour notre propos de transcrire quelques-unes des précisions que R. de Piles donne à ce sujet dans son Cours de Peinture par principes, Estienne, Paris, 1708. Après avoir indiqué que « la peinture, qui est une espèce de création, l'est encore plus particulièrement à l'égard du paysage », R. de Piles donne la définition du paysage héroïque : « le style héroïque est une composition d'objets qui de leur genre tirent de l'art et de la nature tout ce que l'un et l'autre peuvent produire de grand et d'extraordinaire. Les sites sont tout agréables et tout surprenants, les fabriques n'y sont que temples, que pyramides, que sépultures antiques qu'autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d'une régulière architecture; et si la nature n'y est pas exprimée comme le hasard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins représentée comme on s'imagine qu'elle devrait être. Ce style est une agréable illusion et une espèce d'enchantement quand il part d'un beau génie et d'un bon esprit comme était celui du Poussin : lui qui s'y est si bien exprimé” (pp. 201-202). On notera l'importante référence à Poussin. Quant au style champêtre, il « est une représentation de Pays qui paraissent bien moins cultivés qu'abandonnés à la bizarrerie de la seule nature. Elle s'y fait voir toute simple, sans fard et sans artifice. Mais avec les ornements dont elle sait bien mieux se parer lorsqu'on la laisse dans sa liberté que quand l'art lui fait violence. Dans ce style les sites souffrent toutes sortes de variétés : ils y sont quelquefois assez étendus pour y attirer les troupeaux de bergers et quelquefois assez sauvages pour servir de retraite aux solitaires et de sûreté aux animaux sauvages» (pp. 202-203). L'allusion aux retraites des solitaires pourrait nous inciter à admettre, pour Champaigne, la définition de R. de Piles, s'il n'ajoutait : « Il serait à propos de jeter dans les paysages champêtres, non seulement un caractère de vérité, mais encore quelque effet de nature piquant extraordinaire et vraisemblable comme a toujours fait le Titien » (p. 204).

page 23 note 2. Voir à ce sujet la référence à Fouquières dans le Cours de Peinture de R. de Piles, p. 229 et notamment l'introduction par Fouquières, dans le paysage champêtre, de figures « avec toute la vraisemblance et toute la grâce possible ».

page 24 note 1. Tervarent, Guy de, Attributs et Symboles dans l'art profane 1450-1600. Droz, Genève, 1958, p. 98 Google Scholar, référence à Valériane Hieroglyphica, Bâle, 1575, XVII, et Ripa, Iconologia, Padoue., 1630, « Disprezzo e distruttione de i placeri e cattive affetti ».

page 24 note 2. Isaie, 1, 30; 3, 12-13; 7, 13; 10, 33-34. Ezechiel, 20, 10-11 ; 31, 1-18, etc. Voir également ; The dry tree : symbol of Death, Étude de Rose J. Peebles, in Vassar Médiéval Studies, 1923.

page 24 note 3. Guy de Tervarent, op. cit., p. 66, cf. Valeriano, op. cit., VII.

page 24 note 4. Anthony Blunt, op. cit., p. 217, note 158, pense que les quatre paysages proviennent de Port-Royal, M. Dorival pense, en toute certitude, qu'ils sont originaires du Val-de-Grâce.

page 24 note 5. Pascal, Opuscules et Lettres, éd. cit., p. 111, « Comparaison des chrétiens des premiers temps avec ceux d'aujourd'hui ».

page 25 note 1. Anthony Blunt, au cours d'une conversation privée, a suggéré que le tableau de Tours pourrait ne pas être un nocturne.

page 25 note 2. Fontaine, N., Le Dictionnaire chrétien où sur différents tableaux de la nature on apprend par l'Écriture et les Saints Pères à voir Dieu peint dans tous ses ouvrages et à passer des choses visibles aux invisibles. Paris, Élie Josset, 1691 Google Scholar. La date tardive de la publication de cet ouvrage ne nous paraît pas compromettre son utilisation référentielle pour le déchiffrement de la peinture de Philippe de Champaigne. En effet, il existe une filiation intéressante entre l'histoire de l'ancien et du nouveau Testament du même Fontaine publiée en 1669. de plus, le Dictionnaire chrétien suggère l'existence de recueils de textes à Port-Royal, bien antérieurs à la publication du Dictionnaire. Cf. p. 17, n. 1.

page 25 note 3. N. Fontaine, op. cit. Introduction : de larges extraits de ce texte méritent d'être cités : « Dieu a donné ses créatures à l'homme comme un tableau visible où… il a peint les grandeurs invisibles… Elles sont comme une voix qui publie de toutes parts la puissance de celui qui les a faites et on doit déplorer le malheur de ceux qui, ouvrant l'oreille à tant de choses indignes de leur application, ne sont… sourds qu'à cette parole muette qui leur crie à tout moment et qui, comme dit David, fait retentir son bruit aux extrémités du monde… Adam, en son état d'innocence, faisait ses chastes délices de voir les beautés invisibles de Dieu, peintes dans les beautés visibles, comme nous voyons le Ciel dans l'eau d'un bassin. Toutes les créatures corporelles… lui représentaient les choses spirituelles… (Après son péché) elles lui sont devenues au contraire des objets trompeurs de sa concupiscence, de sa curiosité et de ses désirs déréglés. Au lieu de les considérer dans la vue de Dieu, il ne les a plus regardées que pour la satisfaction de son amour-propre, et, en quittant Dieu pour s'attacher à elles, il a fait ce que ferait un homme qui chercherait les fontaines et les sources dans les ruisseaux. (Il faut empêcher que les hommes) ne s'arrêtent à entendre la voix trompeuse du démon qui leur parle continuellement par tout ce qu'ils voient des yeux et qu'ils entendent des oreilles… (Leur apprendre comment) résister à l'impressions maligne de ce langage continuel du serpent (en écoutant) avec une vigilance pleine de respect. Dieu qui nous parle d'une bien autre manière par les mêmes créatures… » Ainsi, pour Fontaine, le péché originel a clos la vérité de la représentation, et a ouvert le domaine ambigu de la figure. Dans l'état d'innocence adamique, les choses créées visibles représentent visiblement les choses spirituelles, sur le mode de l'image spéculaire ou du reflet. C'est à ce moment-là que la théorie du signe-représentation développée par La Logique de Port-Royal était vraie. Aujourd'hui, dans le monde de la concupiscence et du péché, les choses continuent à « représenter de façon illusoire, fausse et dangereuse ». C'est la voix du démon qui parle à travers la représentation, cependant que Dieu continue de nous parler « d'une bien autre manière par les mêmes créatures ». Les choses cachent et révèlent, mentent et disent la vérité. Cf. sur un développement semblable dans l'Antiquité grecque, Détienne, M., Les Maîtres de Vérité dans ta Grèce archaïque, Maspero, Paris, 1967, pp. 7578.Google Scholar

page 25 note 4. Voir par exemple l'article serpent : « Il y a dans le serpent quelque chose à fuir et quelque chose à imiter. Quand le serpent est à fuir, il est la figure du péché et du démon qui l'inspire… Un serpent caché dans les haies et les épines figure encore le démon caché sous la tromperie des richesses comparées aux épines par Jésus-Christ… Les serpents visibles nous apprennent à en craindre d'autres invisibles qui empoisonnent et déchirent les âmes… Comme les serpents naissent dans les terres qui ne sont point cultivées, ainsi les vices naissent dans l'âme des paresseux qui ne veillent pas sur eux-mêmes (P. 566) … Les serpents que nous voyons ne sont à l'égard du péché et du démon que comme des serpents en peinture (p. 567). La chose à imiter dans le serpent est le soin qu'il a de se renouveler tous les ans. Quittons, à son imitation, la peau du vieil homme. Le serpent pour se renouveler aussi se serra contre la pierre et passe par un trou étroit. Pressons-nous contre Jésus-Christ, qui est la pierre, afin de quitter la pesanteur du vieil homme… » (p. 569) ou les articles « Pont » (p. 508) ou « Porte » (p. 519).

page 26 note 1. Mario Praz, Studies in the imagery of XVIIth Century, t. I. C'est dans cette perspective que pourraient être marquées les différences, voire les incompatibilités entre les thèses soutenues par Le Brun dans sa conférence du 10 juin 1671 sut le Ravissement de saint Paul, de Poussin, et l'orientation profonde de Champaigne. Certes, Le Brun écrit : «On ne s'était point encore imaginé que les peintres eussent une théologie muette et que, par leurs figures, ils fissent connaître les mystères les plus cachés de notre religion… ». Mais l'analyse que fait Le Brun du tableau de Poussin montre que l'expression picturale des mystères cachés relève d'un symbolisme ou, mieux encore, d'un allégorisme univoque par lequel chaque figure, chaque couleur renvoient à une signification déterminée, à un concept théologique qu'elle a charge d'illustrer. D'ailleurs, Le Brun précise que si cette partie ne se rencontre pas dans un tableau, il n'est pas condamnable pour cela. « Je veux seulement qu'on la regarde comme l'éclat et le poli de l'or quand il est appliqué sur du bon or et non pas sur du cuivre… elle donnera un grand éclat à l'ouvrage et le rendra parfait. » La théologie allégorique ou muette de Le Brun est un ornement du tableau. Elle n'en livre pas le sens. Cf. A. Fontaine, Conférences inédites, p. 77 et sq.

page 27 note 1. Une indication de La Logique de Port-Royal va dans le même sens et expliquerait l'abandon de l'iconographie de la Légende dorée pour saint Augustin dans la série Saint Gervais et Saint Protais : « la piété n'oblige pas un homme de bon sens de croire tous les miracles rapportés dans la Légende dorée ou dans Métaphraste… Mais je soutiens que tout homme de bon sens doit reconnaître pour véritables les miracles que saint Augustin raconte dans les Confessions ou dans la Cité de Dieu… comme d'un aveugle guéri à Milan en présence de tout le peuple, par l'attouchement des reliques de saint Gervais et de saint Protais… », IVe partie, chapitre XIV, pp. 458-459.

page 27 note 2. Pascal, Opuscules et Lettres de l'Art de persuader, éd. cit., p. 143.

page 27 note 3. M. de Barcos, op cit., p. 132. Lettre à la Mère Angélique, 14 avril 1652.

page 28 note 1. Foucault, M., Les Mots et les Choses, Gallimard, Paris, 1966.Google Scholar

page 28 note 2. « Christo uni medico animarum et corporum, soror Catharina Susanna de Champaigne post febrem 14 mensium contumacia et magnitudine symptomatum medicis cadentibus, junctis cum matre Catharina Agnete precibus punctotemporis perfectam sanitatem consecuta, se iterum offert. Philippus de Champaigne hanc imaginem tanti miraculi et laetitiae suae testem apposuit. A° 1662. »