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«Temporalisation» et modernité politique: penser avec Koselleck

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Alexandre Escudier*
Affiliation:
Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), FNSP

Résumé

La catégorie de « temporalisation » est omniprésente dans les textes fondateurs de la Begriffsgeschichte koselleckienne. Elle renvoie à la question générale de la temporalité humaine et au problème épistémologique des temporalités historiques en particulier. Elle constitue en outre, pour Koselleck, un cadre interprétatif fondamental de notre modernité politique. Ce texte revient sur ces différents problèmes en reconstruisant la « théorie générale de l’expérience historique » qui se trouve à l’arrière-plan. Un inventaire des usages analytiques de la catégorie de «temporalisation » est ensuite proposé. Par là même, le schème de la « temporalisation » apparaît comme un processus global traversant notre modernité politique, en interaction avec d’autres processus englobants, qu’il s’agit aujourd’hui de tenter de typologiser dans la continuité certes, mais au-delà du cadre koselleckien initial. Soucieux de faire apparaître, en les distinguant et articulant ensemble, les différents niveaux d’analyse mis en œuvre par l’entreprise même de l’histoire des langages politiques modernes, cet article tente de réengager le dialogue entre l’histoire (structurelle, culturelle et événementielle) et les sciences politiques en reconnaissant un statut causal propre aux idées politiques et religieuses modernes, à la philosophie politique et juridique moderne, à l’inertie des sémantiques historiques sur la longue durée: toutes choses qui ne peuvent être causalement, et partant disciplinairement, disqualifiées que parce que l’on part d’une vision étriquée et pauvre de ce qu’est l’expérience de l’histoire.

Abstract

Abstract

The notion of ‘temporalization’ is one of the key concepts in the Koselleckian Begriffsgeschichte. It refers to the general issue of human temporality and more specifically to the epistemological problem of historical temporalities. In Koselleck’s writings, it constitutes a fundamental interpretative framework for political modernity as a whole. This article returns to these different issues and reconstructs their common background: an implicit ‘general theory of historical experience’. There then follows a general survey of the analytical uses of the notion of ‘temporalization’ as understood by Koselleck himself. As a result, the key concept of ‘temporalization’ emerges as a global process within political modernity as a whole working in interaction with other global processes. Henceforth, these should be identified and typologized precisely, in continuity with Koselleck’s notion of course, but also prospecting further and moving beyond his initial framework. The present article aims at distinguishing and also combining, on an ad hoc basis, the different levels of analysis at work in the historicization of modern political languages. In so doing, it reengages the dialogue between both history (structural, cultural and political historical studies) and political science; it ascribes a particular causality status to modern religious and political ideas, to modern political philosophy and theories of law and to the inertia of historical semantics in the long term. These are all different types of historical factors which are too often underestimated, due to an excessively narrow working definition of what historical experience is.

Type
Le temps de l’histoire
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2009

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References

1 - Complémentaires quant à leur visée et leurs résultats respectifs, deux œuvres majeures contemporaines ont posé, parallèlement, les fondations d’une théorie générale de l’expérience historique: celle de Ferry, Jean-Marc, Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine, 2 tomes, Paris, Le Cerf, 1991 Google Scholar; Id., La question de l’Histoire: nature, liberté, esprit. Les paradigmes métaphysiques de l’histoire chez Kant, Fichte, Hegel entre 1784 et 1806, Bruxelles, Éd. de l’université de Bruxelles, 2002; Id., Les grammaires de l’intelligence, Paris, Le Cerf, 2004, et celle de Baechler, Jean, Nature et histoire, Paris, PUF, 2000 Google Scholar; Id., Esquisse d’une histoire universelle, Paris, Fayard, 2002; Id., Les morphologies sociales, Paris, PUF, 2005; Id., Les fins dernières. Éléments d’éthique et d’éthologie humaines, Paris, Hermann, 2006; Id., Les matrices culturelles. Au foyer des cultures et des civilisations, Paris, Hermann, 2009; Id., Agir, faire, connaître, Paris, Hermann, 2008. Bon nombre des insuffisances de l’argumentation koselleckienne (au niveau anthropologique notamment) peuvent être amendées par la lecture de ces différents travaux.

2 - Koselleck, Reinhart, Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten, Francfort, Suhrkamp, 1979 Google Scholar; Id., Zeitschichten. Studien zur Historik, Francfort, Suhrkamp, 2000.

3 - La meilleure synthèse disponible sur l’œuvre de Koselleck est l’article nécrologique publié par Steinmetz, Willibald, « Nachruf auf Reinhart Koselleck (1923-2006)», Geschichte und Gesellschaft, 32-3, 2006, p. 412432 Google Scholar; Id., « De l’histoire des concepts à la sémantique historique: problèmes théoriques et pratiques de recherche», in B. Lacroix et X. Landrin (dir.), Histoire des concepts et histoire sociale. Signifier, classer, représenter, XIVe-XXIe siècles, textes rassemblés en hommage à R. Koselleck, Paris, PUF, à paraître, ainsi que, dans le même volume, mon texte intitulé, « La Begriffsgeschichte en Allemagne: genèse et fondements théoriques ».

4 - Reinhart Koselleck, «Über die Theoriebedürftigkeit der Geschichtswissenschaft » [1972], Zeitschichten..., op. cit., p. 298-316.

5 - Koselleck, Reinhart, «Historik und Hermeneutik», in Koselleck, R. et Gadamer, H.-G., Hermeneutik und Historik, Heidelberg, C. Winter, 1987, p. 928 Google Scholar, repris in Koselleck, Reinhart, L’expérience de l’histoire, Paris, Le Seuil/Gallimard, 1997, p. 181199 Google Scholar.

6 - Koselleck, Reinhart, « Vielerlei Abschied vom Krieg», in Arnold, H. L., Sauzay, B. et von Thadden, R. (dir.), Vom Vergessen, Vom Gedenken. Erinnerungen und Erwartungen in Europa zum 8. Mai 1945, Göttingen, Wallstein, 1995, p. 1925 Google Scholar, ici p. 21. Koselleck ajoute plus loin (p. 24), non sans jeu de mots ironique: « Wissen ist besser als Besserwissen » (mieux vaut savoir d’expérience charnelle que d’avoir toujours raison, abstraitement, de loin, après coup, dans le noir et blanc tranché d’une morale hors contexte, celle de la critique idéologique des années 1960). Voir également la version abrégée de ce texte: Koselleck, Reinhart, «Glühende Lava, zur Erinnerung geronnen. Vielerlei Abschied vom Krieg: Erfahrungen, die nicht austauschbar sind», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 6 mai 1995 Google Scholar.

7 - Hobbes, Thomas, Leviathan ou matière, forme et puissance de l’État chrétien et civil, Paris, Gallimard, [1651] 2000, p. 224225 Google Scholar.

8 - Koselleck, Reinhart, « Was sich wiederholt», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 21 juillet 2005 Google Scholar. À travers les trois couples d’opposition fondamentaux suivants « haut/bas », « dedans/dehors » et früher/später, Koselleck maintient dans ce texte tardif le projet d’une « Anthropologie elementarer Oppositionsverhältnisse » en tant qu’elle livrerait le socle indépassable des structures de répétition de l’histoire.

9 - C’est l’analyse kantienne du « jugement réfléchissant », dans la troisième Critique, qui me sert ici de guide, avec la distinction fondamentale des opérations de « classification » et de « spécification ». Par « spécification », on entendra ici le passage du niveau primaire fondationnel à l’histoire concrète via un certain nombre de concepts intermédiaires – les concepts primaires recevant des extensions empiriques de rang successivement inférieur, de moins en moins formel, voir Kant, Immanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Flammarion, [1790] 2000, p. 104105 Google Scholar.

10 - Les différents niveaux de fondation puis de spécification des concepts ci-après évoqués sont récapitulés dans le tableau. Précisons simplement ici que: le niveau dit « primaire » est fondationnel (existential et/ou transcendantal) alors que les niveaux dits « secondaire » puis « ternaire » correspondent respectivement aux niveaux de « spécification I » et « II ».

11 - Schmitt, Carl, Der Begriff des Politischen, Tübingen, Mohr, 1927 Google Scholar.

12 - R. Koselleck, «Historik und Hermeneutik », art. cit., p. 100-101, repris dans L’expérience de l’histoire, op. cit., p. 184-185: « Comme Dasein, l’homme n’est pas encore libre pour les autres hommes – c’est là une thématique de Löwith; porteur de conflits, il n’est pas ouvert à son prochain. Les temporalités de l’histoire ne sont pas identiques; elles ne sont pas non plus totalement dérivables des modalités existentielles développées autour de la notion d’homme conçu comme Dasein. Les temporalités de l’histoire sont tout d’abord constituées par les rapports existant entre les hommes; il s’agit toujours de la simultanéité du non-contemporain, de rapports de différence contenant leur propre finitude, laquelle ne peut être référée à une ‘existence’ particulière. »

13 - Cette dichotomie d’ordre primaire peut elle-même être fondée sur l’analyse kantienne du « sens interne », au sein de l’« Esthétique transcendantale » de la première Critique (cf. tableau).

14 - Voir essentiellement les cinq textes suivants: R. Koselleck, «Über die Theoriebedürftigkeit... », art. cit., p. 298-316; Id., « Geschichte, Geschichten und formale Zeitstrukturen » [1973], Vergangene Zukunft..., op. cit., p. 130-143, repris dans Id., Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l’ehess, 1990, p. 119-131; Id., « Darstellung, Ereignis und Struktur » [1973], Ibid., p. 144-157, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 133-144; Id., « ‘Erfahrungsraum’ und ‘Erwartungshorizont’ – zwei historische Kategorien » [1976], Ibid., p. 349-375, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 307-329, et Id., « Erfahrungswandel und Methodenwechsel. Eine historischanthropologische Skizze » [1988], Zeitschichten..., op. cit., p. 27-77, repris dans L’expérience de l’histoire, op. cit., p. 201-247.

15 - Je m’appuie ici sur le passage important suivant du texte de 1973: Reinhart Koselleck, «Geschichte, Geschichten und formale Zeitstrukturen », Vergangene Zukunft..., op. cit., p. 132-133, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 121: « Avant de mettre en discussion, dans leur dimension temporelle, quelques exemples d’une expérience ‘pré-historique’, je rappellerai, en les formalisant très rigoureusement, trois modes d’expérience temporels: (1) l’irréversibilité des événements, présence d’un avant et d’un après dans leurs divers contextes de déroulement; (2) la répétitivité des événements, qu’il s’agisse d’une identité présumée de ceux-ci, du retour de constellations ou d’une coordination figurée ou typologique des événements; (3) la simultanéité du non-simultané ».

16 - Le texte programmatique séminal est celui de Conze, Werner, Die Strukturgeschichte des technisch-industriellen Zeitalters als Aufgabe für Forschung und Unterricht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1957 Google Scholar.

17 - Voir notamment les 67 volumes de la collection « Industrielle Welt » publiée par l’Arbeitskreis für Moderne Sozialgeschichte fondé par Conze à Heidelberg en 1957, à Stuttgart chez Klett-Cotta entre 1962-1999, puis à Cologne chez Böhlau, à partir de 2000. Il est fondamental de percevoir que la « sémantique historique » koselleckienne est demeurée fortement rattachée à ce terreau premier d’histoire structurelle (économique, sociale, juridico-politique) tout en en reproblématisant les confins en prenant au sérieux les médiations praxéologiques de la langue.

18 - Koselleck, Reinhart, «Dankrede am 23. November 2004», in Weinfurter, S. (dir.), Reinhart Koselleck (1923-2006). Reden zum 50. Jahrestag seiner Promotion in Heidelberg, Heidelberg, Winter, 2006, p. 3360 Google Scholar, ici p. 59-60. Voir également la notice nécrologique sur Conze: Koselleck, Reinhart, « Werner Conze. Tradition und Innovation», Historische Zeitschrift, 245, 1988, p. 529543 Google Scholar.

19 - R. Koselleck, «Darstellung, Ereignis und Struktur », art. cit., p. 144-157, ici p. 149, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 137: « Inversement certaines structures ne seront appréhendées que par le biais des événénements dans lesquels elles s’articulent, à travers lesquels elles transparaissent. »

20 - Entre les deux principaux représentants de ce qu’on appelle l’école de Cambridge et la Begriffsgeschichte allemande, le malentendu demeure aujourd’hui encore total, voir Lehmann, Hartmut et Richter, Melvin (dir.), The meaning of historical terms and concepts: New studies on Begriffsgeschichte, Washington, German Historical Institute, 1996 Google Scholar, ainsi que l’interview récente donnée par Quentin Skinner: Sebastián, Javier Fernández, «Intellectual history, liberty and republicanism: An interview with Quentin Skinner», Contributions to the History of Concepts, 3-1, 2007, p. 103123 CrossRefGoogle Scholar, en particulier p. 114 sq., dans laquelle il s’emploie à réfuter une caricature taillée sur mesure. Si l’on prenait la peine de le lire, on s’apercevrait en effet que Koselleck a depuis le début, et avec détermination, insisté sur la question du cui bono (c’est-à-dire le problème des « usages » concrètement faits, en situation, des langages politiques) et sur la nécessité d’historiciser finement la dimension pragmatique de toute sémantique historique (à la fois ce que les concepts signifient et ce qu’ils font faire dans tel ou tel contexte singulier, le plus souvent conflictuel). Sur ce point, voir en dernier lieu Koselleck, Reinhart, « Begriffsgeschichte», in Jordan, S. (dir.), Lexikon Geschichtswissenschaft. Hundert Grundbegriffe, Stuttgart, Reclam, 2002, p. 4044 Google Scholar.

21 - Développée en termes de « sociologie de la traduction » versus « sociologie du social », l’approche du politique exposée en 2002 par Bruno Latour est en bien des points homologue à la position koselleckienne: Latour, Bruno, « Si l’on parlait un peu politique?», Politix, 15-58, 2002, p. 143165 CrossRefGoogle Scholar.

22 - Stäheli, Urs, «Die Nachträglichkeit der Semantik. Zum Verhältnis von Sozialstruktur und Semantik», Soziale Systeme. Zeitschrift für soziologische Theorie, 4-2, 1998, p. 315339 Google Scholar.

23 - Qu’on me permette ici de renvoyer à ma mise au point: Escudier, Alexandre, « La temporalité historique comme objet de réflexion dans l’épistémologie moderne de l’histoire», Divinatio. Studia culturologica series, 18, 2003, p. 3565 Google Scholar.

23 - Ricœur, Paul, Temps et récit, Paris, Éd. du Seuil, 1983 Google Scholar.

24 - Une étude systématique comparative est en cours de préparation, dans laquelle je chercherai à montrer continuités et discontinuités, points communs et différences entre ces rares grandes tentatives de fondation théorique de l’histoire.

26 - Suivant la formule de Muray, Philippe, Après l’histoire, Paris, Gallimard, [1999-2000] 2007 Google Scholar.

27 - Encore convient-il de relever la différence entre « accélération itérative » (le même se répétant en accéléré) et « accélération créatrice » de l’histoire (production de nouveautés inédites à grande vitesse): Escudier, Alexandre, « Le sentiment d’accélération de l’Histoire chez les Modernes: éléments pour une histoire», Esprit, 6, 2008, p. 165191 CrossRefGoogle Scholar.

28 - Hartog, François, «Marshall Sahlins et l’anthropologie de l’histoire», Annales ESC, 38-6, 1983, p. 12561263 Google Scholar; Id., Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003. Dans une très intéressante interview: «Sur la notion de régime d’historicité. Entretien avec François Hartog», in Delacroix, C., Dosse, F. et Garcia, P. (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, p. 133149 Google Scholar, F. Hartog est récemment revenu sur la genèse complexe de cette notion, de sa lecture de Marshall Sahlins dans les années 1980 à l’expérience des historicités berlinoises après la chute du Mur en 1989 en passant par les propositions sur la mémoire de Pierre Nora et par celles de Reinhart Koselleck sur le rapport des Modernes à l’histoire. Voir également Lenclud, Gérard, «Traversées dans le temps», Annales HSS, 61-5, 2006, p. 10531084 CrossRefGoogle Scholar.

29 - F. Hartog, «Sur la notion de régime d’historicité... », art. cit., p. 139 et 148.

30 - Ibid., p. 144 et 141.

31 - R. Koselleck, Vergangene Zukunft..., op. cit., p. 358, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 314.

32 - Une telle distinction pourrait être aisément réinscrite dans la continuité de la théorie des « idola » ou anticipations baconiennes telle qu’en fait abondamment usage Johann Droysen, Gustav, Historik. Rekonstruktion der ersten vollständigen Fassung der Vorlesungen, textes établis et présentés par Leyh, P., Stuttgart/Bad Cannstatt, Frommann-Holzboog, [1857] 1977 Google Scholar, voir tableau, § 5.1.

33 - Olson, Richard, The emergence of the social sciences, 1642-1792, New York/Toronto, Twayne/Maxwell Macmillan International, 1993 Google Scholar; Bödeker, Hans ErichDas staatswissenschaftliche Fächersystem im 18. Jahrhundert», in Vierhaus, R. (dir.), Wissenschaften im Zeitalter der Aufklärung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1985, p. 143162 Google Scholar.

34 - Il conviendrait de coupler l’approche koselleckienne articulant expériences et régimes d’attente avec l’histoire des seules représentations religieuses si savamment reconstruite par Delumeau, Jean, La peur en Occident (XIVe>-XVIIIe siècles): une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978 Google Scholar, et Id., Une histoire du paradis, 3 tomes, Paris, Fayard, [1992] 2000.

35 - Hartog, François, «Régimes d’historicité», in Mesure, S. et Savidan, P. (dir.), Le dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF, 2006, p. 980982 Google Scholar.

36 - Troeltsch, Ernst, « Die Krisis des Historismus», Die neue Rundschau, 1, 1922, p. 572590 Google Scholar; Id., Der Historismus und seine Probleme, t. 1 [le seul paru]: Das logische Problem der Geschichtsphilosophie, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1922; Meinecke, Friedrich, Die Entstehung des Historismus, Munich/Berlin, R. Oldenbourg, 1936 Google Scholar.

37 - von Herder, Johann Gottfried, Verstand und Erfahrung. Eine Metakritik zur Kritik der reinen Vernunft, Leipzig, J. F. Hartknoch, 1799, vol. 1, p. 120121 Google Scholar: « En fait, chaque chose finie porte en elle la mesure de sa propre temporalité [...]. Existe donc, dans l’univers, en même temps une infinité de temporalités. »

38 - R. Koselleck, «Geschichte, Geschichten... », art. cit., p. 130-143, ici p. 132, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 121. Voir également Id., « Fortschritt», in Koselleck, R., Brunner, O. et Conze, W. (dir.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Stuttgart, Klett-Cotta, 1975, vol. 2, p. 390393 Google Scholar, sections I. III-VI.

39 - Wegelin, Jacob Daniel, « Sur la philosophie de l’histoire», Nouveaux Mémoires de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres, Berlin, Decker, 1770, p. 361414 Google Scholar, en particulier p. 365.

40 - R. Koselleck, «Geschichte, Geschichten... », art. cit., p. 141, repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 128.

41 - Koselleck, Reinhart, Preußen zwischen Reform und Revolution. Allgemeines Landrecht, Verwaltung und soziale Bewegung von 1791 bis 1848, Stuttgart, Klett, [1967] 1975 Google Scholar.

42 - R. Koselleck, «Über die Theoriebedürftigkeit... », art. cit., p. 302 sq.

43 - Luhmann, Niklas, «Temporalisierung von Komplexität. Zur Semantik neuzeitlicher Zeitbegriffe», Gesellschaftsstruktur und Semantik. Studien zur Wissenssoziologie der modernen Gesellschaft, Francfort, Suhrkamp, 1980, vol. 1, p. 235300 Google Scholar.

44 - R. Koselleck a parfaitement vu ce point: « Darstellung, Ereignis und Struktur », art. cit., p. 148 sq., repris dans Le futur passé..., op. cit., p. 137.

45 - Car c’est via cette seconde dénomination que Koselleck s’est défendu de la critique formulée par Pocock contre l’hypothèse de la Sattelzeit pour l’ensemble de la modernité politique, voir Reinhart Koselleck, «A response to comments on the Geschichtliche Grundbegriffe», in H. Lehmann et M. Richter (dir.), The meaning of historical terms and concepts..., op. cit., p. 59-70, ici p. 69. Ce concept d’époque a été depuis mis en œuvre par Jordan, Stefan, Geschichtstheorie in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts. Die Schwellenzeit zwischen Pragmatismus und Klassischem Historismus, Francfort, Campus, 1999 Google Scholar, et Jordan, Stefan (dir.), Schwellenzeittexte. Quellen zur deutschsprachigen Geschichtstheorie in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts, Waltrop, Spenner, 1999 Google Scholar.

46 - Dans la lignée, critique mais fidèle, de Koselleck, voir les matériaux rassemblés par Reichardt, Rolf, Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich (1680-1820), t. 1, Allgemeine Bibliographie. Einleitung , Munich, Oldenbourg, 1985 Google Scholar.

47 - Fellmann, Ferdinand, Gelebte Philosophie in Deutschland. Denkformen der Lebenswelt-phänomenologie und der kritischen Theorie, Fribourg/Munich, Alber, 1983, p. 20 Google Scholar sq.

48 - Chladenius, Johann Martin, Allgemeine Geschichtswissenschaft, Leipzig, 1752 Google Scholar; Gatterer, Johann Christoph, «Abhandlung vom Standort und Gesichtspunct des Geschichtschreibers oder der teutsche Livius», Allgemeine historische Bibliothek, 5, 1768, p. 329 Google Scholar.

49 - R. Koselleck, «Historische Kriterien des neuzeitlichen Revolutionsbegriffs », art. cit., p. 63-80. Voir également Rey, Alain, « Révolution ». Histoire d’un mot, Paris, Gallimard, 1989 Google Scholar.

50 - On oublie du reste souvent de préciser que – contre toute dialectisation téléo-logique – Friedrich von Schiller s’était empressé d’affirmer l’absence de toute justice compensatrice extra-mondaine: « Was man von der Minute ausgeschlagen / Gibt keine Ewigkeit zurück » (Ce qu’à cette minute on a refusé /aucune éternité ne le restitue).

51 - À Heidelberg, prêtant main-forte à son ami Hanno Kesting, Koselleck a lui-même traduit, sans que cela soit mentionné lors de la publication, les quatre derniers chapitres ainsi que les notes du livre de Löwith, Karl, Meaning in history: The theological implications of the philosophy of history, Chicago, The University of Chicago Press, 1949 Google Scholar. Voir le témoignage de R.KOSELLECK, «Dankrede am 23. November 2004», art. cit., p.45.

52 - Blumenberg, Hans, La légitimité des temps modernes, Paris, Gallimard, [1988] 1999 Google Scholar. Sur ces différents débats interprétatifs et idéologiques, voir Monod, Jean-Claude, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, Vrin, 2002 Google Scholar.

53 - Reinhart Koselleck, «Über die Verfügbarkeit der Geschichte » [1977], Vergangene Zukunft..., op. cit., p. 260-277, repris in Le futur passé..., op. cit., p. 233-247. 54- On peut renvoyer par exemple aux nombreux travaux de van Laak, Dirk, Weiße Elefanten: Anspruch und Scheitern technischer Großprojekte im 20. Jahrhundert, Stuttgart, DVA, 1999 Google Scholar, et Id., Imperiale Infrastruktur: Deutsche Planungen für eine Erschließung Afrikas 1880 bis 1960, Paderborn, Schöningh, 2004.

55 - Le réseau européen Europaeum. European Conceptual History a été fondé à l’initiative de Henrik Stenius (Helsinki) et de Michael Freeden (Oxford) en novembre 2006 à Oxford. La parution d’une première série de cinq volumes thématiques comparatistes, couvrant l’ensemble de l’Europe, est prévue à partir de 2010. Présenté à Berlin le 11 octobre 2008, le texte prospectif inaugural de Willibald Steinmetz, «Are the steering principles of Geschichtliche Grundbegriffe a good model for a European conceptual history? » paraîtra dans le volume 1 de la série.

56 - Henriet, Eric-B., L’uchronie, Paris, Klincksieck, 2009 Google Scholar.

57 - Koselleck, Reinhart, « Die Verzeitlichung der Utopie», in Voßkamp, W. (dir.), Utopieforschung. Interdisziplinäre Studien zur neuzeitlichen Utopie, Stuttgart, Metzler, 1982, vol. 3, p. 114 Google Scholar, repris in Zeitschichten..., op. cit., p. 131-149, et Hölscher, Lucian, «Utopie», in Koselleck, R., Brunner, O. et Conze, W. (dir.), Geschichtliche Grundbegriffe..., op. cit., Stuttgart, Klett-Cotta, 1997, vol. 6, p. 733788 Google Scholar, en particulier p. 768 sq.

58 - Il est sans doute possible d’aller quelque peu au-delà de Koselleck en affirmant que, d’une certaine manière, tout le « régime d’attente chrétien » pourrait être interprété via le schème « figuriste » mis en évidence par Erich Auerbach dans ses recherches sur Dante et son étude séminale de 1938: Auerbach, Erich, Figura, Paris, Macula, [1938] 2003 Google Scholar. La différence entre exégèse « typologique » (à partir de saint Paul, qui pointe dans le texte évangélique la récurrence de « types » vétéro-testamentaires) et exégèse « figuriste » de la Bible s’avère ici essentielle quant au régime d’attente induit. Comme l’indique Marc de Launay dans sa postface, «tandis que la conception du temps et de l’histoire sous-jacente à la typologie est d’ordre cyclique, celle que présuppose l’idée d’accomplissement (la figura ) est d’ordre linéaire » (E. Auerbach, Figura, op. cit., p. 124). La figura est ainsi au type ce que le temps linéaire de l’accomplissement de la promesse est au temps cyclique de la répétition.

59 - Nassehi, Armin, «Keine Zeit für Utopien. Über das Verschwinden utopischer Gehalte aus modernen Zeitsemantiken» [1996], Differenzierungsfolgen. Beiträge zur Soziologie der Moderne, Opladen/Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 1999, p. 179201 Google Scholar, ainsi que mon essai d’inventaire: A. Escudier, «Le sentiment d’accélération... », art. cit.

60 - Kittsteiner, Heinz Dieter, Wir werden gelebt: Formprobleme der Moderne, Hambourg, Philo, 2006 Google Scholar; Innerarity, Daniel, Le futur et ses ennemis. De la confiscation de l’avenir à l’espérance politique, Paris, Flammarion, 2008 Google Scholar.

61 - Latouche, Serge, Survivre au développement. De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative, Paris, Mille et une nuits, 2004 Google Scholar; Id., Petit traité de la décroissance sereine, Paris, Mille et une nuits, 2007.

62 - Reinhard, Wolfgang, « Was ist europäische politische Kultur? Versuch zur Begründung einer politischen historischen Anthropologie», Geschichte und Gesellschaft, 27, 2001, p. 593616 Google Scholar (trad. fr.: « Qu’est-ce que la culture politique européenne? Fondement d’une anthropologie historique politique», in « Culture politique et communication symbolique», Trivium. Revue franco-allemande de sciences humaines et sociales, 2, 2008: http://trivium.revues.org/index902.html), ainsi que Id., Geschichte der Staatsgewalt. Eine vergleichende Verfassungsgeschichte Europas von den Anfängen bis zur Gegenwart, Munich, Beck, 1999.

63 - Blumenbach, Johann Friedrich, Über den Bildungstrieb und das Zeugungsgeschäft, Göttingen, Dieterich, 1781 Google Scholar.

64 - On se rappelle en outre le rôle crucial que joue la pensée de Blumenbach pour Kant lorsque ce dernier discute la possibilité de conjoindre l’approche mécaniste et l’approche téléologique du vivant. Dans un passage fameux de la troisième Critique (fin du § 81), le philosophe de Königsberg salue ainsi expressément l’apport de Blumenbach en matière d’épigenèse via sa catégorie téléologique de « Bildungstrieb ».

65 - Meiners, Christoph, Grundriß der Geschichte der Menschheit, Lemgo, Meyer, 1785 Google Scholar; Id., Untersuchungen über die Verschiedenheiten der Menschennaturen in Asien und den Südländern, in den ostindischen und Südseeinseln; nebst einer historischen Vergleichung der vormahligen und gegenwärtigen Bewohner dieser Continente und Eylande, Tübingen, Cotta, 1811-1815.

66 - À la racine du conservatisme politique (comme l’a bien montré Karl Mannheim dans son habilitation de 1925), le romantisme politique a joué dans l’Empire romain-germanique défunt, puis dans une bonne partie de l’Europe, un rôle essentiel en politisant le common law anglais (Edmund Burke via Wilhelm August Rehberg, Friedrich von Gentz, etc.) dans le langage des « droits historiques » organiques opposés au jusnatu-ralisme français et à l’impérialisme napoléonien.

67 - Guillo, Dominique, Les figures de l’organisation. Sciences de la vie et sciences sociales au XIXe siècle, Paris, PUF, 2003 Google Scholar.

68 - Cette impossible rationalisation sans reste du politique constitue le cœur de l’analyse Cassirer, d’Ernst, Le mythe de l’État, Paris, Gallimard, [1946] 1993 Google Scholar.

69 - Ce niveau « méso » pourrait encore être spécifié, dans ses parties, comme mixte de « pratiques institutionnelles », de « cultures politiques » et de « cultures historiques » (lesquelles ne sont pas la « mémoire historique », mais la résultante de la dialectique proprement moderne existant entre « mémoires subjectives » et « histoire-science publicisée »).

70 - Voir en particulier Stollberg-Rilinger, Barbara (dir.), Was heißt Kulturgeschichte des Politischen?, Berlin, Duncker & Humblot, 2005 Google Scholar; Id., « La communication symbolique à l’époque prémoderne. Concepts, thèses, perspectives de recherche», in « Culture politique et communication symbolique », op. cit.: http://trivium.revues.org/index1152.html, ainsi que Steinmetz, Willibald (dir.), « Politik »: Situationen eines Wortgebrauchs im Europa der Neuzeit, Francfort, Campus Verlag, 2007 Google Scholar.

71 - Beaune, Colette, Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985 Google Scholar; Pomian, Krzysztof, L’Europe et ses nations, Paris, Gallimard, 1990 CrossRefGoogle Scholar; Nicolet, Claude, La fabrique d’une nation. La France entre Rome et les Germains, Paris, Perrin, 2003 Google Scholar.

72 - Le réseau de recherche Europaeum va particulièrement s’attacher à dégager sur ce point similitudes et différences, et le cas de la Roumanie est à cet égard éloquent: le projet d’histoire des concepts politiques roumains mis en chantier, en 2009, par Victor Neumann (Université Ouest de Timisoara) et Armin Heinen (Université d’Aix-la-Chapelle), et financé par la Fondation Volkswagen, s’attache ainsi à la mise en évidence de ces interférences linguistiques multiethniques aux confins de plusieurs empires.

73 - Meinecke, Friedrich, Weltbürgertum und Nationalstaat, Munich, R. Oldenbourg, 1907 Google Scholar.

74 - Voir la synthèse de Wolfgang Reinhard, Geschichte der Staatsgewalt, op. cit., ainsi que Bertrand BADIE et Birnbaum, Pierre, Sociologie de l’État, Paris, Hachette, [1979] 1990 Google Scholar; Delannoi, Gil et Taguieff, Pierre-André (dir.), Théories du nationalisme, Paris, Kimé, 1991 Google Scholar; Delannoi, Gil, Sociologie de la nation. Fondements théoriques et expériences historiques, Paris, Armand Colin, 1999 Google Scholar; Roger, Antoine, Les grandes théories du nationalisme, Paris, Armand Colin, 2001 Google Scholar.

75 - Le concept d’« Histoire » (Geschichte) fonctionne dans le Lexikon, à mon sens, comme le Grundbegriff de tous les « concepts fondamentaux » de la langue sociopolitique moderne des territoires germaniques (et le genre de la « philosophie de l’histoire » est implicitement posé comme sous-jacent à l’ensemble des idéologies politiques modernes – comme s’il constituait la matrice dynamique du régime d’attente – téléologique tem-poralisé – de toute la politique moderne).

76 - Halperin, Jean-Louis, Histoire des droits en Europe de 1750 à nos jours, Paris, Flammarion, [2003] 2006 Google Scholar.

77 - Voir par exemple la trilogie de Badie, Bertrand, La fin des territoires. Essai sur le désordre international et sur l’utilité sociale du respect, Paris, Fayard, 1995 Google Scholar; Id., Un monde sans souveraineté. Les États entre ruse et responsabilité, Paris, Fayard, 1999; Id., L’impuissance de la puissance. Essai sur les incertitudes et les espoirs des nouvelles relations internationales, Paris, Fayard, 2004, ainsi que Colliot-Thelene, Catherine, «La fin du monopole de la violence légitime?», Revue d’études comparatives Est-Ouest/East-West Comparative Studies, 34-1, 2003, p. 531 CrossRefGoogle Scholar, et Bayart, Jean-François, Le gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation, Paris, Fayard, 2004 Google Scholar.

78 - Rappelons que si le titre n’avait déjà été pris par Max Horkheimer et Theodor Adorno pour leur célèbre étude, l’ouvrage de Koselleck aurait dû s’intituler: Die Dialektik der Aufklärung.

79 - R. Koselleck, «Historische Kriterien... », art. cit., p. 67-86, ici p. 86, repris in Le futur passé..., op. cit., p. 77.