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Travail d'usine et démocratie

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

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Il se publie, de par le monde, beaucoup de livres qui traitent, soius les formes les plus variées, du travail dans la grande industrie ; certains, écrits par de savants auteurs. Bien rares, pourtant, ceux qui, à la valeur irremplaçable de l'expérience, joignent des interprétations pénétrantes, des idées nouvelles, une authentique sympathie pour la sensibilité et la condition des travailleurs. Chez nous, Travaux, de Georges Navel, à la fois œuvre d'art et témoignage, en est. Dans un autre registre, celui du document et de la réflexion, le petit livre de Constance Reaveley et John Winnington, consacré aux influences de la grande industrie sur la psychologie et le moral.de l'ouvrier, nous paraît digne d'être placé sur ce rayon, hélas peu chargé.

Type
Études
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1949

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References

page 129 note 1. Reaveley, Constance et Winnington, John, Industry and Democracy, Londres, Chatto and Windus, 1947, 165 p.Google Scholar in-n2. Sur Georges Navel, cf. notre c. r., « Un travailleur, un homme », Annales, 1947, n° 1, p. 90.

page 131 note 1. Réflexion typique d'un ouvrier anglais : « La pensé* en masse, c'est quelque chose qui existe, voyez-vous. Si vous pensez la même chose que votre voisin, ça va, vous êtes régulier. Mais si vous pensez autrement, si on vous voit avec un livre sous le Ibras, par exemple, vous ne l'êtes pas. C'est très difficile de braver le “ridicule. » D'autres (réaction frappante en (pays de moralisme religieux) disent : « Le christianisme signifie : rendre justice à son prochain ; mais dans l'industrie (où seul le succès comjpte), il Haut écraser son prochain ou bien c'est lui qui vous écrasera. » Ils ressentent cette âpre compétition comme partie intégrante du système capitaliste, que,le christianisme, disent-ils, « s'il était une religion vraiment vivante, commencerait par détruire ».

page 131 note 2. « Beaucoup d'employeurs affirment que leur personnel aime la monotonie et répugne aux tâches variées et responsables. Cela est souvenit vrai et constitue la pire condamnation de l'industrie moderne. Ici enclore, il y a un cercle vicieux - l'effort constant des créateurs de machines est de réduire l'activité intellectuelle que leur conduite exige, et par conséquent d'accroître l'inertie mentale des opérateurs. » (C. R. et J. W., o. c., p. 99.)

page 133 note 1. Un technicien anglais, tort averti de ces questions, M. W. S. Rogers, déclare : « Après une longue expérience en la matière, j'en suis venu à approuver le sentiment d'un compagnon mécanicien, avec qui je discutais le sujet : la seule voie pratique pour l'inventeur, s'il a une bonne idée et en trouve les moyens, est de la manufacturer lui-même. » Mais en trouve-t-il les moyens ?

page 134 note 1. N'y a-t-il ipas analogie évidente, se demande C. R., entre ce genre d'adaptation — particulièrement l'aptitude à trouver satisfaction dans l'obéissance aveugle — et l'attitude mentale des collectivités qui ont accepté des régimes fascistes ?

page 134 note 2. Une enquête de 1947, (portant sur environ 700 travailleurs anglais, a révélé que beaucoup d'entre eux manifestent un esprit d'entreprise créateur, appliqué a leur home : « décoration », bricolage autour de l'appareil de radio, élevage de poules, lapins, chiens, oiseaux. Le home, disent-ils, est leur plaisir, leur fierté, et ils ne songent pas à le quitter (d'où le renoncement a toute promotion qui les écarterait cte leur usine ; ils lui sont ainsi indirectement rivés).

page 135 note 1. Là où les tempéraments nationaux interviennent, c'est dans la manière de réagir à cette frustration fondamentale, de l'admettre, de l'assimiler. L'ouvrier anglais ne réagit pas brutalement. Il s'adapte à ce que la vie lui offre, se retire do la compétition, fait ce qu'on lui dit — se réfugie dans june sorte d'acharnement très britannique contre le découragement, la maladie, l'ennui, les vexations. Son caractère n'est pas altéré, parfois même il conserve sa bonne humeur. L'entêtement qui, dans les grandies circonstances, a valu à l'Angleterre « l'esprit de Dunfcerque » ipermet à l'ouivrier, dans les petites, d'endurer sa condition à l'usine. Mais, en même temps, son jugement, son courage,, son esprit d'entreprise, sont iqhibés, altérés. Il apprend chaque jour à réduire ses exigences, à laisser son esprit en jaohère, à se considérer comme un être inapte à toute décision et dont les capacités de réflexion ne sont, en auoune occasion, socialement utilisables.

page 137 note 1. Allusion au livre célèbre d'Ortega y Gasset, La Révolte des Masses (1927), méditation prophétique sur la naissance et l'évolution des régimes totalitaires.