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Un ensemble sémantique tibétain: créer et procréer, être et devenir, vivre, nourrir et guérir

Published online by Cambridge University Press:  24 December 2009

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L'ensemble annoncé dans le titre comporte les mots suivants qui peuvent remplir, selon le contexte, les fonctions de nom, verbe ou adjectif: srid ou srid-pa et sri; sprul ou sprul-pa et 'phrul; so, sos, gso-ba, 'cho-ba, bços. Bien entendu, les divers elements de cet ensemble relevent aussi d'autres ensembles séinantiques qui coupent le premier. Leur groupement peut paraître arbitraire; il est le fait de l'auteur de cette note qui a cru y déceler une certaine homogéneité de conception. Chacun de ces mots appartient à une famille ou à, un arbre généalogique dont les ramifications peuvent former avec d'autres un réseau compliqué. Le regroupement proposé vise à mettre á jour des connotations inconnues ou insuffisamment définies par les dictionnaires. L'auteur a eu pour principe de se laisser guider par les associations trouvées dans les textes mêmes, les contextes, plutôt que d'élaborer des définitions basées sur l'usage exclusif des dictionnaires. II est pleinement conscient du fait que les auteurs de ces textes appartiennent à une époque relativement tardive de l'histoire de la langue. Mais il pense aussi que, si ces auteurs ne pouvaient sûrement pas avoir une connaissance consciente de l'étymologie des mots qu'ils employaient, ils on dû être guidés inconsciemment, à. leur insu, par le sens de leur propre langue que le savant européen ne peut avoir qu' à, un faible degré. Certes les rapprochements faits par les auteurs indigénes, les connotations ou associations d'idées qu'ils ont retenues ne reflètent pas nécessairement l'étymologie réelle (remontant historiquement à la formation du tibètain en tant que membre de la grande famille des langues tibéto-birmanes).

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Articles
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Copyright © School of Oriental and African Studies 1973

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References

1 Souvent appelé snaṅ-srid ‘monde des apparences, des phénoménes’.

2 Srid-źi = saṃsāra et nirvāṇa; le premier se rapportant aussi au sens ‘existence’. La célèbre ‘Roue de la Vie’ (bhāvanacakra) est appelée srid-pa'i 'khor-lo: la catégorie du temps y est prépondérante. Par contre la catégorie de l'espace (qui va avec le sens ‘monde’) prime dans l'expression srid-pa ho, le diagramme des ‘Neuf Palais’ (sme-ba dgu) sur le ventre d'une tortue couchée sur le dos.

3 Je renonce aux références, le sujet étant trop vaste; cf. mes comptes-rendus de cours dans I' Annnaire du Collège de France, 19661967, 417–18Google Scholar.

4 cf. vietnamien nươc ‘eau’ et ‘état’. En tibétain quelques associations d'idées peuvent sans doute être retenues. Dans la ‘Chronique’ de Touen-houang, le premier roi, Ñag-khri, descend du ciel sur la terre ‘comme la pluie’ (čihar), ‘comme l'eau’ (čhob; éd. Bacot, etc., p. 81). A propos d'un autre roi, Gri-gum, une vieille prédit dés sa naissance qu'il mourra de mort violente: ‘il mourra (par ?) l'eau, il mourra (par ?) le mal qui fait mourir les nouveaux-nés’ (čhu dgum sri dgum; ibid., p. 97). Pour sri, voir plus loin. Une association avee l'eau était sentie; cf. ‘Chronique’ (p. 108): ‘l'état fut prolongé dans l'eau’ (čhab-srid ni čhur bsriṅs) et l'alternance bsrid ~ bsriṇ, ‘allonger’, ‘produiré. On verra cependant (sub II) que le čhu de čhu-srid n'a peut-être rien à faire avec l'eau, mais pourrait être un mot āan-āuṇ (ǰu ou ču) signiflant ‘créer, procréer’. Si l'on devait retenir cette hypothése, la forme tibétaine čhab-srid devrait être considérée comme une formation analogique postérieure avec interprétation de ču en čhu ‘eau’ et remplacement de čhu par sa forme honorifique čhab.

5 Deux cas tres clairs. (1) ‘Chronique’ de Touen-houang (Bacot, p. 115): la sceur du roi tibétain part pour être l'épouse du roi de Žan-ųuṇ (Lig-myi-rhya la čhab-srid la gčega-so). (2) ‘Annales’ (ibid., année 704–5): le roi va prendre épouse au Nan-tch'ao (bcan-po čhab-srid la Myva-la gčegs-pa). C'est bien ainsi qu'a compris dGe-'dun čhos-'phel (Deb-ther dkar-po, 29a) qui traduit, dans le premier cas par bag-mar gtaṇ-ba ‘fut envoyée comme fiancée’. Cf. les trois phrases parallèles des ‘Annales’ relatives à un mariage: en 671, une princesse ‘va comme fiancée’ (bag-mar gčegs); en 688, une autre ‘va comme épouse’ (čhab-srid la gčegs); en 689, une troisième ‘va comme fiancée’ (bag-mar gčegs). Dans l'inscription bilingue du traité de 821–2, 1'accord au sujet d'un seul et même čhab-srid est lié à l'établissement de liens de mariage (les princesses Wen-tch'eng et Kin-tch'eng), de parenté par alliance (gṇen) ou de rapports entre gendre et beau-père (dbon-Žaṇ). Il est vrai que la version chinoise, chȏ-tsi pour čhab-srid, ne retient que le côté ‘affaire d'état’ (cf. Zuihȏ, Yamaguchi, ‘Matrimonial relationship between the T'u-fan and the T'ang dynasties’, Mem. Res. Dept. Toyo Bunko, 27, 1969, p. 143, n. 2Google Scholar). Ou bien les Tibétains (ou les Chinois ?) de l'époque n'étaient plus conscients de l'aoception ‘mariage’ ou bien celle-ci est dérivée du sens ‘affaire d'état’.

6 Čho-ga byas-na nor r ed/ 'bru thams-čad daṇ čhu-srid kyan snin-la bsam-ba bźin-du 'grub/ … čho-ga byas-na čhu-srid bde-ba čhen-po thob-ste/ rgyal-po daṇ/ blon-po thams-čad-kyis bharŽiṇ …, 1. 3.

7 P 1047, 1. 122, myi-čhig čhu-srid yoṇ, myi-ñams-pha'i no// gñog yoṇ, myi-stord-pha'i ṇo//; ibid., 1. 153, myi skyes-pha gčhig-la 'dre bud-med gñis gdond-pa'i ṇo/// myi tha-mal-pa gčig čchu-srid dmas-pha'i ṇo//; 1. 94, bud-myed gčhig rgyal-pho čhu-srid gyi naṇ-du Žugs-ste/ rgyal-phos srid ma-rbund (? zund f)-te/ rgyal-pho gdon ni bya-rog bŽin ni bud-myed du byas-te/ srid dma's-pha'i ṇo//, Le dernier cas est identique à l'aventure de la soeur du roi tibétain chez le roi de Āan-ṇuṇ. Après être allée comme čhab-srid du roi de Āah-Žuṇ, ‘celui-ci n'eut pas de relations sexuelles (so-nam) avee elle et ne lui fit pas d'enfant (bu-srid)’. La lecture de Bacot est sans doute une erreur pour ču-srid, car on trouve ailleurs l'expression so-nam daṇ čhu-srid (Thomas, F. W., Ancient folk-literature, Berlin, 1957, p. 119, 1. 2Google Scholar; pour so-nam voir plus loin, sub III). Dans le manuscrit de la ‘Chronique’, le č- se distingue à peine du b- dans les deux binômes bu-srid et rmaṇ-čuṇ. Ce dernier nom est écrit rmaṇ-čhuṇ dans les ‘Annales’ (p. 13, § 4), mais aussi rmaṇ-bu (p. 104).

8 Les phuṇ-sri rendent stérile. Cf. Stein, , ‘Trente-trois fiches de divination tibétaines’, HJAS, IV, 3–4, 1939, 330Google Scholar.

9 cf. Stein, , Recherches sur l'épopée et le barde au Tibet, Paris, 1959, 421Google Scholar.

10 Recueil de textes débutant par Phya-phrin …, Phyva-glud mi-la spun-dgu bkar-ba'i rim-pa, 3a. Je traduis ‘fécondité du bétail’ malgré la construction du texte. Cela ressort du contexte, 3a, lhas-sar phyugs daṇ sri la rku/ na-čhuṇ gŽon-nu'i srid-kyaṇ 'čhil; 3b, phyugs-la god-kha byed/ Žo-ba'i Žon-la 'o-ma med … phyva-g.yaṇ rku-Žiṇ srid-kyaṇ 'čhil.

11 éd. Lokesh Chandra, New Delhi, 1969. Le texte date de la fin du xve ou du début du xvie siècle (sKyab-seṇ la bcun-mo lṇa-brgya yod-kyaṇ sras med-de/ srid-kyi čho-ga maṇ-du byas-kyaṇ bu med-nas). Cf. un autre exemple dans Kaschewsky, , ‘Die Äbte von Dga'-Idan’, Zentralas. Studien, IV, 1970, 247Google Scholar, 'Phyoṇ-rgyas-par bu ma-byuṇ-pa la/ … srid bskyed-pas bu byuṇ-nas; trad., p. 269: ‘indem er Fruchtbarkeitsriten ausführte’.

12 Karma Kam-chaṇ, 224b.

13 Klu-'bum, 207b–208a, khyod-kyi srid ni pha-myes lag-tu khyer-nas soṇ. Plus loin, ils disent: ‘nous n'avons pas d'enfant, de fils; nous n'avons pas de procréation, de part (du destin)’ (bdag-la bu dan sras ma-mčhis-nas/ srid daṇ skal-pa ma-mčhis-pas). C'est sans doute cet aspect de chance ou de puissance qui permet d'établir le lien avec l'acception ‘pouvoir, règne, domaine’ de čhab-srid. On a VII, p. 413, n. 3, que, dans une liste d'êtres surnaturels, on groupe ensemble srid, skos et phyva. Les deux derniers mots designent aussi le destin ou la chance. C'est en volant le phyva que les démons mi-la dérobent le srid (cf. n. 10).

14 Hoffmann, H., Quellen zur Geschichte der tibetischen Bon-Religion, Mainz, 1950, 379Google Scholar.

15 Fol. 185b, de gñis khab daṇ dbyal ni/ srid-čiṇ sprul-pa las sras gñis-su 'khruṇs-so. Fol. 312b, srid-čiṇ sprul-pa'i sras. La même formule se retrouve dans beaucoup de petits rituela.

16 Rituel bon-po, Srog-bdag grogs-mčhog bskul-ba, la.

17 cf. Biardeau, M., BEFEO, LV, 1969, 61Google Scholar, ‘Brahmā crée par désir de créer (ou de procréer, siṣrkṣa); et Dumezil, G., Mythe et épopée, I, Paris, [1968], 157Google Scholar, ‘le souverain prestigious qui agit par création magique plutôt que par procréation’.

18 On a vu un exemple, n. 15 (-su 'khruṇs-so). Le même ouvrage (204a) emploie la même tournure aveo le verbe ltam ‘naītre’: ‘(un homme) s'étant accouplé (avec une femme), huit fils en naquirent’ ('chos-pas sras-brgyad du bltams-pa). La même construction avec le même verbe est déjà attestée dans un ms. de Touen-houang (…du ltam-le; Thomas, , Ancient folkliterature, p. 11, 1. 41Google Scholar). Dans un récit bon-po de la création et des premiers etres, la naissance d'enfants résultant de l'accouplement est exprimée par le verbe srid, une fois avec le complément direct (mJod-phug, p. 57) et trois fois avec le déterminatif (-ru sriṇ, pp. 57, 65), ainsi que par les verbes ‘devenir’ et ‘naître’ avec le même déterminatif (-ru byuii, p. 65; deux fois -ru ltam, p. 57). Par ailleurs, ce déterminatif est évidemment normal avee le verbe sprul dans son sens courant de ‘transformer en’. Mais on a vu et on verra encore que sprul s'emploie comme srid dans le sens ‘engendrer’. Inversenient, le verbe srid se construit avec le déterminatif quand la création consists à transformer quelque chose en autre chose. Dans une cosmogonie bon-po, des dieux créent (-su srid) une montagne d'or et une vallée de turquoise en prononcant un voeu sur de l'or et de la turquoise, les seconds devenant les premiers (dBu-nag mi'u dra-čhags, 14a, gser daṇ g.yu bŽag-nas smon-lam btab-nas/ gser-ri daṇ g.yu-luṇ gñis-su srid). Dans une autre cosmogonie (mJod-phug, p. 6), le père Chaṇs-pa œuvre pour l'existence ou la création (srid). Il crée un lac (mchor srid, avec déterminatif; il le devient tout en restant lui-même). Dans ce lac se produit (srid) une femme. Les deux s'accouplent (gñis srid-pas) et de là naissent ('khruṇs) des êtres. On voit là lee diverses nuances du mot.

19 Le dictionnaire de Dagyab n'a que la forme bsriii et ignore srid, bsrid. Celui de Che-tan n'a que le substantif srid ' longueur, largeur ' (de meme Jaschke et Das). Je ne puis citer qu'un seul cas d'emploi verbal. Dans le supplement au Tanjur de Peking (vol. CLXIV de l'ed. japonaise, no. 6415), on lit le titre ' Formule magique pour allonger la vie du lama … Hor-6hen ' (sku-che bsrid-pa'i bden-chig). II y en a surement d'autres. On trouve aussi le passe bsrid ' allonger, devenir' dans le sens ' creer ' (cosmogonie du dBu-nag mi'u dra-ihags, 13b): ' deux oiseaux. un noir et un blanc, furent crees (naquirent, apparurent)… trois oeufs … furent crees ' (bya-bur corr. bya'u) dlear nag gnis bsrid-pa la/ … sgon-im dhar nag khra gsum bsrid).

20 Ms. Pelliot 239, 2e partie, p. 23, čhu-gaṇ, khrd-ltas su bsrid-pa'.

21 Selon une conversation, Walter Simon propose l'équation de tib. sprul et chin, pien, parce que tout un groupe de mots montre la même alternance des finales. Ceci vaut sans derate pour l'étymologie primitive. Mais du point de vue des conceptions plus ou moins tardives, le rapprochement aveo houa est tentant, surtout en comparant les biôdmes rju-'phrul et tsao-houa Houa comporte en effet des connotations de magique, surnaturel, illusoire, créateur (cf. sprul-sku = houa-chen, nirmaṇakāya). Les pouvoirs surnaturels impliques par le mot houa sont propres à l'activité des divinités (chen; dans le Lie-tseu, un houa-jen est un chen-jen). C'est par ce biais que s'explique, me semble-t-il, l'emploi de 'phrul comme équivalent de chen ‘divin’ ou cheng ‘sage’ dans les bilingues archaïques. Les traducteurs européens ont géneréralement retenu le sens ‘muni de pouvoir surnaturel' pour le mot’ phrul en tant qu'épithète du roi tibétain ('phrul-gyi lha bcan-po). Mais ce mot traduit chin, cheng ‘sage’, en tant qu'épithète de l'empereur chinois (qui implique, bien sûr, aussi un pouvoir charismatique); cf. la stéle de Lhasa de 822 = 'phrul-gyi lha bcan-po, et Pelliot chin. 2770, verso, col. 173, Le sens ‘sage’ est certain dans d'autres cas. Dans la traduction tibétaine du Leng-Kie che-tseu Ki (Taishō 2837; ms. tib. Stein 710) 'phrul-gyi mi = ‘sage’, opposé à ‘homme ordinaire’ (, tha-mal-pa daṇ 'phrul). Un autre ms. de Touen-houang (Pelliot 126, 11. 100–1) donne des ‘maximes (mdo) enseignés pour la postérité par un moine sage’ ('phrul-gyi byig-çus phyi-ma la bstan-pa'i mdo); de même P 640: ‘enseigné par un moine sage’, ('phrul-gyi dge-sloṇ gis bçad-pa); et d'autres cas. Ailleurs (P992, p. 1) on dit: ‘si on a (un enfant) de sagesse surnaturelle, qu'il apprenne à lire et à calculer dés son jeune âge’ ('jans-kyi 'phrul byuṇ-na ni …). Il est vrai qu'il est aussi questions d'armes magiques ou divines (‘Chroniques’, Bacot, p. 97: 'phrul-gyi dkor, lance qui frappe d'elle-même, etc.; de même, P 1053, un cakravartin a un joyau magique, 'phrul-gyi nor-bu). Mais ce mot s'applique aussi à des ministres ('phrul daṇ ldan-te) doués de vertus, non pas magiques, mais intellectuelles et morales (astuce, acuité des sens, etc.; ibid., p. 100). Enfin il est question du roi. Il est aussi fort que sage (thugs-sgam); c'est pourquoi on Iui donne l'épithète (bla-dags) ‘roi sage’ ('phrul-gyi rgyal-po) qui devient l'objet d'un dicton (p. 112). L'épithéte du roi, 'phrul-gyi lha ou lha-'phrul (Richardson, H. E., ‘The inscription at the tomb of Khri IDe Srong brTsan’, JRAS, 1969, 1, 31Google Scholar) est expliquée ainsi dans un ms. de Touen-houang (P 100, § 2): ‘Sa Face, le roi, divinité sage … (est ainsi appelé parce que) son savoir (son intelligence) est de type surnaturel ('phrul), alors que son action est pareille à la façon des dieux’ ('phrul-gyi lha bcan-po Ñi-gcug sde-bcan gyi Ža-sṇa-nas// mkhyen-pa 'phrul-gyi chul čhags-te/ mjad-pa lha'i lugs daṇ mthun//). La qualité est certes surnaturelle, mais elle concerne l'intelligence. La ‘sagesse’ est liée à une qualité ‘divine’ ou miraculeuse, 'phrul alternant avec sprul. Le cheval ‘qui sait tout’ est tantôt appelé čaṇ-çes 'phrul-gyi rta-pho, tantôt sprul-pa'i rta (Klu-'bum, 235b). Le cas du ‘roi’ légendaire de Chine, Koṇ-ce (< Confuoius) est du même genre. On sait que ce nom a été donné à l'enfant sage (Hiang T'o, etc.) de la légende chinoise, enfant qui se montrait plus sage que Confucius (Soymie, M., ‘L'entrevue de Confuoius et de Hiang T'o’, JA, CCXLII, 3–4, 1954, 311–92Google Scholar). On l'appelle Koṇ-ce 'phrul-gyi bu ‘l'enfant sage’ (P 987, 988,989; India Office, 742 = Thomas, , Ancient folk-literature, 151Google Scholar) et on l'associe aux sciences (du calcul, de la divination). Il est possible que 'phrul évoque dans oe oas le mot sprul qui ferait allusion aux mutations (houa, yi) du Ti-king.

22 cf. ms. de Touen-houang P 22 oú l'on trouve rjun-'phrul.

23 cf. Stein, , ‘Du récit au rituel dans les manuscrits tibétains de Touen-houang’, Études tibétaines dédiées à la mémoire de M. Lalou, Paris, 1971, 633–6Google Scholar. Le mot čho forme binôme avec 'braṇ et rigs pour désigner la descendance par la famille maternelle ('braṇ aussi: ‘engendrer’). Or les deux éléments se combinent aussi avec les deux éléments du binôme rju-'phrul, et cela avec une aeception analogue: (čho-re-'phrul, 'braṇ-re-rjus (ms. P 1289) ou či čho, či 'braṇ, či 'phrul (Klu-'bum, 113b).

24 Notons que māayāa ne signifie pas settlement ‘ruse, artifice, stratagème’, mais dénote aussi le pouvoir de création miraculeuse (-Gonda, J., Change and continuity in Indian religion, The Hague, 1965, 169Google Scholar). Un dieu doué de ce pouvoir ‘crée, transforme, fait émaner ou apparaître le monde phénoménal’, ibid., 170). La définition vaut pour srid-pa et tprul-pa.

25 cf. Stein, , La civilisation tibétaine, Paris, 1962, 200, 210Google Scholar (Tibetan civilization, London, 1972, 236, 247Google Scholar).

26 bon-po, Ouvrage, Nag-po bdud-kyi lda-zor, 15a—bGoogle Scholar: (un nom de déesse): -mor bços-pa las, -la bços-pa'i, -daṇ bços-pa las, -mor sprul, -daṇ sprul-pa las.

27 gZi-brǰid, Kha, 149, thabs daṇ yid-kyis bços-pa las. Ailleurs on ne retient plus que ‘l'action magique de Moyen’, mais il s'agit bien d'un accouplement: un démon et une démone thabs-kyi rju-'phrul brdeb-pa la; le résultat est un œuf de cuivre (Srog-bdag gros-mčhog bskul-pa, 4a).

28 Klu-'bum, 127a: un klu et une femme lha ont quatre fils d'un ‘accouplement par l'esprit’ (de gñis yid-kyis bços-pa'i sras-bŽi byuṇ). Ce fait est évoqué plus loin sous une autre forme. Les deux ‘ont eu quatre fils par une union (magique sprul-pa) sans accouplement (bčos = bços), ma-bčos-par sprul-pa'i bu-bŽi byuṇ’. Un commentaire rend à sprul-pa son sens principal d'action miraculeuse: ‘ce fils que les deux ont engendré ('chos) par l'esprit, sans union sexuelle (réelle, ma-'chos-par) bien que leure corps ne se soient pas éloignés, c'est un fils miraculeux’ (klu daṇ lha gñis sku mi-riṇ-gis ma-'chos-par thugs-yid kyis 'chos-pa'i bu-'di sprul-pa'i bu yin-pas). Cf. Klu-'bum, 221b (de gñis—père et mére— yid-kyis bços-pa'i sras), et gZi-brǰid, Kha, 117: un homme et une déesse ‘s'étant aceouplés par l'esprit sans s'approoher eurent quatre fils magiquement créés par l'esprit’ (ma-mǰal yid-kyis bços-pa la/ yid-las sprul-pa'i bu-bŽi yod). Aussi Klu-'bum, 319a: un homme et une femme ‘ont un fils par l'esprit sans que leurs corps se touchent’ (de skus ma-chor-bar thugs-las sras…byuṇ-ṇo); ce qui est repris fol. 320b par les mots: ‘fils engendré par accouplement en esprit’ (yid-las 'chos-pa'i sras).

29 P 1040, 1. 39, myi-bços bços-mčhin ( = čin ?) rnamsu rnamso; P 1285 (Lalou, , JA, COXI, 2, 1952, 182Google Scholar), 1. 31, myi-bços-mčhin rnams-Žiṇ bŽugs; et 1. 104, myi-bços-su bços-mčhiṇ rnams-su brnams-çiṇ bŽugs. Pour rnam, voir plus loin, sub III.

30 Lus-kyi rju-'phrul du ma-bcos/ sems-kyi čho-'phrul du sprul-pa ste. On retrouve ici la relation entre sprul et 'phrul; cf. p. 418, n. 24; p. 419, n. 27.

31 De-rnams kyi sprul-pa yan lha dan mi ltar lus-kyi rju-'phrul ma-spyos ( = bços)-te/ rluṇ daṇ smigs ( = dmigs) daṇ ṇad bços-pa'o. Le verbe sprul y indique bien un genre particulier d'aocouplement. On trouve à la mêmo page des exemples où un homme sprul-pa (avec) une femme. Le mot rju-'phrul implique aussi un accouplement. Cf. la chronique bon-po bsTan-'byuṇ, 9b: ‘père et mère de l'existence s'étant “transformés” (rju-'phrul), les dieux, les démons et les hommes en résultèrent suceessivement. Ils furent six à “pratiquer le désir”, deux par deux ils s'embrassérent et se prirent par les mains, ce fut un accouplement sauvage et(?)’ (srid-pa yab-yum rju-'phrul las/ lha 'Art mi sogs rim-gyis sgrol/ 'dod-pa spyod-pa drug-po ni/ g is g is 'khyud daṇ lag bčahs daṇ/ rgod daṇ ltas (?)-pa'i 'khrigs yin).

32 De-yaṇ thabs daṇ rju-'phrul gyi sbyor-ba la ma-byuṇ-bas/ raṇ-byuṇ ye-srid/ thabs ni yab-yum sprul-pa'i thabs-kyis 'brel-te byed-pas byas-pa.

33 Sur cette question voir mon article La Iangue Žarṇ-Žuṇ du Bon organisé’, BEFEO, LVIII, 1971, p. 260, n. 12Google Scholar.

34 Byed-pas byas-pa'i srid-pa ni (l'équivalent Žaṇ-Žuṇ manque), mṇon-rjogs lha-yi rju-'phrul las ( = slig-co sad-la ǰu-lig ni), …, drod-las me-yi 'khor-lor sprul (= ne-Ži du-phud slig-co či).

35 mJod-phug, p. 7. A propos de l'accouplement des frères et des sceurs, le verbe tibétain est chaque fois bços et son équivalent Žaṇ-Žuṇ est ǰu. La naissance (apparition) des file est marquee par tib. byuṇ et Žaṇ-Žzuṇ ǰu (de même p. 51, 11. 6–7, tib. byuṇ ‘provenir de’ = Žaṇ-ṇuṇ ǰu); ibid., p. 8, 1. 2, on lit: ‘quant à la “transformation” (sprul-pa) de Lha-rab gñan-rum, il s'accoupla (bços = /ǰu) avec (telle déesse) (même formule p. 8, 1. 5, et p. 10, 1. 6 d'en bas). Pour Žaṇ-ṇuṇ ǰu ‘prooréer’, of. Mosso 3dsu ‘copulation’. Le binôme Žaṇ-Žuṇ ǰu-lig et les traductions tibétaines par srid et sprul suggèrent que le mot ǰu a été conservé dans le terme technique tibétain (surtout bon-po) ǰu-thig. Ce sont des cordelettes nouées de diverses façons qui servent a la divination. Un traite de Mi-pham 'ǰam-dbyaṇs rnam-rgyal rgya-mcho (1846–1912) lui est consacré (Srid-pa 'phrul-gyi ǰu-thig dpyad-don snaṇ-gsal sgron-me). Le titre est significatif en associant ǰu-thig à srid-pa et 'phrul. On associe ces cordes au Āaṇ-Žuṇ (la). Le mot thig pourrait etre une déformation de Žaṇ-ṇuṇ lig, slig (= srid-pa) par contamination avec le mot tibétain thag ‘corde’. On parle en effet couramment de la ‘corde à escalader (le ciel)’, dmu-thag ou 'ǰu-thag (cf. Stein, , La civilisation tibétaine, 189–91Google Scholar).

36 Pour la naissance exprimée par sprul, cf. gZi-brǰid, Ka, p. 502: le mître prit femme (khab bŽts-pa) et eut d'elle un fils (sras sprul-pa).

37 Dès les textes anciens, tsao-houa (‘nature, Tao’; souvent mal traduit par ‘crèateur’) est assimilé au jeu changeant (impliquant des relations sexuelles) de Ciel et Terre, Yin et Yang, mâle et femelle (Houai-nan tseu, 8, lb). L'action est u n perpétuel jeu de transformations (houa) qui sont comparées à des mirages d'illusionnistes (houan ; Lie-tseu, ch. 3). Mais houa désigne aussi la capacité sexuelle d u garcon pubère (à seize ans; Kia-yu cité dans T'ai-p'ing yu-lan, 360, 3a). Il s'applique aussi à la fille pubère (à quatorze ans; Ta-tai li-ki, ch. Pen-ming et Tch'ouen-ts'ieou fan-lou, 16, § 77). Ailleurs, houa est caractéristique de la femme, tsao ou che de l'homme. Ilouai-nan tseu, ch. 3 (éd. Tchou-tseu Tsi-tch'eng, p. 35): yang fait che et yin fait houa. T'ai-p'ing king (éd. Wang Ming, p. 37), ‘l'homme chaste n'émet pas (che), la femme chaste ne se mu e pas (houa)’. Symboliquement les termes tsao et houa sont respectivement propres au yang et au yin (San-tong tao-che kiu-chan sieou-lien k'o, Tao-tsang fasc. 1003, 14a: d'abord on tsao selon le yang, ensuite on houa scion le yin).

38 Pour le ms. de Touen-houang, cf. p. 420, n. 30. Le verbe bços se retrouve combiné avec nams dans P 1068: ‘fils d'un homme et d'une femme qui ont eu des relations’ (bços daṇ noms kyi sras) et dans Thomas, Ancient folk-literature, texte IA, Il. 40 et 49; texte IB, 11. 31 et 97. Pour les textes plus tardifs, on a déjà vu des exemples plus haut. Cf. n. 39.

39 Pour Touen-houang, cf. P 1040,1. 73, un homme propose à une femme: ‘accouplons-nous’ ('u-bu-čag gñis 'cho daṇ namso), formule où 'cho remplace le verbe bços de p. 420, n. 30, et n. 38. De même Thomas, , op. cit., IB, 1. 66Google Scholar, ‘moi, t a mêre, je me suis accouplée aveo un démon’ (ma ṇa ni srin dan 'chos-Žiṇ’; et P 1136, 1. 9, ‘le pére … et la mére…, ces deux chevaux ont engendré un fils’ (pha yob … daṇ ma … g is, rta-g is 'chos-kyi bu, rmaṇ-gñis 'thams-kyi bu). Pour les textes postérieurs, voici quelques exemples. Snellgrove, D. L., Nine ways of bon, London, 1967, p. 70, 1. 4, et p. 72, 1.14Google Scholar: un homme et une femme s'accouplent ('chos-pa las). Snellgrove traduit: ‘offspring was born’, mais il s'agit bien de Pacte de procréation, non du résultat; gZi-brǰid, Kha, 118, on distingue bien entre l'acte (père et mère s'accouplent, 'chos-pa las) et son résultat (un enfant naît, byuṇ; idem, pp. 119, 120, 172, mais p. 171 il y a bços). Un rituel bon-po du dieu Phur-pa montre bien l'ambiguité entre l'acte et son résultat (fol. 89a): au début d u monde, il y avait cinq sources de la création (srid-pa'i čhu-mig), plus tard appelées ‘sources de la procréation’ (ou vie, 'cho-ba'i čhu-mig). Un loup (une lonve ?) et un faucon y boivent, ‘s'amusent’ (rol-te, s'aiment), s'accouplent ('chos-pa) et donnent naissance (bltam) a cinq ceufs. De même Klu-'bum, 204a, u n homme et une femme s'accouplent (daṇ 'chos-pa) et huit fils en naissent (-du bltams).

40 Pour l'alternance c-/s-, cf. 'cho, passé bsos, fntur bsab, et 'chob, passé bsabs, futur bsab; dans les mss. de Touen-houang le mot classique la-sogs est souvent écrit la-scogs.

41 Bços est opposé à noṇs1 ‘mort’; cf. Thomas, , op. cit., IA, 1. 72Google Scholar: au lieu de trouver son frère vivant (bços-kyi Žal), il trouve son cadavre (noṇs-kyi spur); ibid., 1.101, ‘de son vivant…, lorsqu'il sera mort’ (bços-che …, noṇs-ehe); ibid., IV, 1. 42 et suivantes où bços est opposé à groṇa1 ‘mort’. P 1134, II. 64–5, ‘vivant, dan s la terr e des dieux (?), c'est le moyen de vivre, de ne pa s mourir’ (bços-gyi ni lha-sa na ma-groṇs ni bços-kyi tabs-so). Même opposition dans la ‘Chronique’ (ed. Bacot, p. 100, 1. 5).

42 mJod-phvg, comm., p. 20, ‘les Bon-po des dieux qui (font des rituels pour) les vivants, les Bon-po des funérailles qui (font des rituels pour) les morts’ (bços-Kyi lha-bon daṇ/ groṇ-gi 'dur-bon daṇ).

43 L'alternance bços et so ‘vie’ résulte de Thomas, , op. cit., IV, 1. 219Google Scholar, où l'on trouve un cliché relatif à un homme qui est entre vie (en haut) et mor t (en bas; so ya-dag las ni …/ 'čhi ma-dag las ni). Même cliché ibid., 1. 236, bços ya dag las ni …/ (groṇ)s ma-dag las ni.

44 P 1134, 1. 42; on dit d'abord du mort qu'il est mort et qu'on n'a pas accompli de rite bon-po pour le ‘guérir’ (faire revivre, 'pan-gyi bu groṇs-na/ gso-ru bon ma-mçhis), mais ensuite, 1. 65, on parle du moyen de vivre (bços). P 1285 (Lalou, M., ‘Fiefe, poisons, et guérisseurs’, JA, COXLVI, 2, 1958, 157–201Google Scholar), on voit un malade traité par un rite bon-po: ‘malgré sa maladie, il fat guéri (< vivant) et mieux qu'avant’ (1. 55, sñun-kyaṇ bços/ gna'-bas da bzaṇ; idem., I. 76). La formule ‘mieux qu'avant’ caractérise aussi les guérisons par des rites bon-po dans le Klu-'bum.