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Les « écrits de jeunesse » de Max Weber: l'histoire agraire, le nationalisme et les paysans*

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

Jean-Rodrigue Paré
Affiliation:
Queen's University

Abstract

The 50 texts which make up Max Weber's “Early Writings” have been largely ignored by analysts of his works. Yet there are important differences between Weber's positions in those texts and the more familiar positions he exposed later. In the Early Writings, there is a nearly complete absence of epistemological preoccupations on themes which will later become central. One also notes the essential primacy of the political sphere over the scientific, in the form of the German Nation's transcendence as the condition for the protection of ethical ideals. This article argues that Weber's nationalist aggressiveness in his Early Writings is conditioned by the relative poverty of their theoretical basis.

Résumé

La cinquantaine de textes qui composent les « érits de jeunesse » de Max Weber constituent une section importante et méconnue de son oeuvre. Une analyse de ces textes suggère des différences importantes avec le Weber dont les thèses nous sont familières. On note tout d'abord une absence quasi-totale de questionnement épistérnologique sur des thèmes centraux de son analyse ultérieure. On remarque également la primauté essentielle de la dimension politique par rapport à la dimension scientifique. Cette primauté prend la forme d'une transcendance de la Nation allemande comme condition de la sauvegarde d'idéaux éthiques. Cet article fait l'hypothèse que l'agressivité nationaliste du jeune Weber est fonction de cette relative pauvreté de son édifice théorique.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1995

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References

1 Une bibliographic compléte et systématique des écrits de Weber ne fut disponible qu' à l'automne de 1976, et servit de base à l' édition des oeuvres completes de Weber (Max Weber. Gesamtausgabe; ci-aprés MWG). Cette bibliographie est facilement accessible dans la traduction anglaise du livre de Kasler, D., Max Weber: An Introduction to His Life and Work (Chicago: University of Chicago Press, 1988), 243274Google Scholar.

2 Il n'est pas facile d'établir une distinction univoque entre méthodologie et épistémologie, entendue ici comme synonyme de « théorie de la connaissance ». Qu'il suffise de dire que la première découle de la seconde, en tant qu'une théorie de la connaissance en est à la fois le présupposé et la condition, même quand elle n'est pas explicitée.

3 Cette transition est par ailleurs mise en évidence de manière presque spectaculaire à la lecture du premier texte publié par Weber à la suite de sa léthargie intellectuelle: «Roscher und Knies und die logischen Probleme der historischen Nationalökonomie », « Vorbemerkung » et «I. Roschers historische Methode» (1903), dans Weber, Marianne, dir., Max Weber. Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre (ciaprès GAzW) (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1922), 141Google Scholar. Cet essai, qui reprend pour l'essentiel les theses de son collégue Rickert, manifeste une densité théorique sans commune mesure avec les textes des années 1890.

4 Nous avons voulu nous en tenir strictement à une analyse des textes de Weber eux-mêmes, et avons évité d'entrer dans une discussion des innombrables commentaries de son oeuvre. C'est pourquoi nous ne mentionnons dans cet article que les seuls commentaires qui touchent directement à l'interpretation qui est proposée ici.

5 Nous renvoyons pour cette question à Pexcellent recueil publié sous la direction de W. J. Mommsen et W. Schwentker, Max Weber und seine Zeitgenossen (Göttingen et Zürick: Vandenhoeck & Ruprecht, 1988); traduction anglaise: Mommsen, W. J.Osterhammel, et J., dir., Max Weber and His Contemporaries (Londres: Allen & Unwin, 1987)Google Scholar.

6 C'est de la première des deux enquêtes, menées sous l'égide du Verein fur Sozialpolitik, que nous traitons (Max Weber, Die Lage der Landarbeiter im ostelbischen Deutschland [1892], Riesebrodt, dans M., dir., MWG, sect. I: vol. 3 [Töbingen: J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1984]Google Scholar; ci-après Landarbeiter). La seconde enquête, qui ne sera jamais menée à terme, avait été initiée par Weber et son ami Paul Göhre, sous les auspices du Congrès Évangélique-social de F. Naumann, pour pallier aux insuffisances de la première qui n'avait interrogé que les propriétaires. Voir Weber, « “Privatenqueten” über die Lage der Landarbeiter» (ci-après « Privatenquêten ») (1892), dans W. J. Mommsen et R. Aldenhoff, dir., MWG 1: 4, Landarbeiterfrage, Nationalstaat und Volkswirtschaftspolitik: Schriflen und Reden 1892–1899 (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1993), 74105Google Scholar; et «Die Erhebung des Evangelisch-sozialen Kongresses über die Verhältnisse der Landarbeiter Deutschlands »(1893), dans MWG 1:4, 209–19.

7 Weber, « Die ländliche Arbeitsverfassung. Referat und Diskussionsbeiträge auf der Generalversammlung des Vereins für Socialpolitik am 20. und 21. März 1893 »(1893), ci-après « Arbeitsverfassung », dans MWG1:4,176.

8 Ibid., 177; italiques dans letexte.

9 Weber, GAzW. Pour la traduction française partielle par Freund, J., Essais sur la théorie de la science (Paris: Plon, 1965)Google Scholar; sur cette interprétation de la Wissenschaftslehre, voir, entre autres, von Schelting, A., Max Webers Wissenschaftslehre. Das logische Problem der historischen Kulturerkenntnis. Die Grenzen der Soziologie des Wissens (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1934)Google Scholar; Henrich, D., Die Einheit der Wissenschaftslehre Max Webers (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Seibeck], 1952)Google Scholar; Bienfait, W., Max Webers Lehre vom geschichtlichen Erkennen. Ein Beitrag zur Frage der Bedeutung des “Idealtypus” für die Geschichtswissenschaft (Berlin: E. Ebering, 1930)Google Scholar; pour un exemple récent et éclairant d'un tel traitement, Mommsen, voir W. J., The Political and Social Theory of Max Weber (Cambridge: Polity Press, 1989)Google Scholar, chap. 8.

10 L'expression est de Hennis, W., Max Weber: Essays in Reconstruction (Londres: Allen & Unwin, 1988), 244Google Scholar, n. 26; cette conception fut très influencée par les commentaries de Weber, Marianne, Max Weber. Ein Lebensbild (Tübingen: J. C. B. Mohr, 1926), 326327Google Scholar, Baumgarten, de meme que par ceux de E., Max Weber. Werk und Person (Tübingen: J. C. B. Mohr, 1964), 301Google Scholar et suite.

11 Cette position fut développée pour la première fois dans un article tout à fait déterminant de Tenbruck, F. H., « Die Genesis der Methodologie Max Webers », Kölner Zeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie 11 (1959), 573630Google Scholar.

12 Weber, Landarbeiter, 923.

13 Max Weber, Die römische Agrargeschichte in ihrer Bedeutung für das Staats- und Privatrecht (1891), Deininger, dans J., dir., MWG I: 2 (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1986)Google Scholar; ci-après Agrargeschichte.

14 Weber, Landarbeiter, 924.

15 Ibid., 922.

16 Ibid., 928.

17 Mommsen, W. J., Max Weber und die deutsche Politik. 1890–1920 (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1959), 24Google Scholar.

18 Le Comte Kanitz était un député conservateur farouchement opposé aux politiques favorisant les industriels. II avait proposé la nationalisation du marché des céréales, de manière à garantir un prix stable et élevé pour les céiéales produites en Allemagne. Haushofer, Voir H., Die deutsche Landwirtschaft im technischen Zeitalter (Stuttgart: Eugen Ulmer, 1963), 213216Google Scholar.

19 Max Weber, «Die sozialen Gründe des Untergangs der antiken Kultur» (1896), ci-après « Untergang », Weber, dans Marianne, dir., Gesammelte Aufsätze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1924), 290Google Scholar.

20 En latin dans le texte: de te narratur fabula. Cette expression tirée des Satires d'Horace constitue sans doute une flèche décochée à Marx qui utilise la même expression à deux reprises dans le premier livre du Capital (préface à la première édition allemande, et chap. 10, sec. 5).

21 En latin dans le texte: discite moniti!

22 Weber, « Untergang », 291.

23 Weber, « Agrarverhältnisse im Altertum », Conrad, dans J. et al., dir., Handwörterbuch derStaatswissenschaften (Jena: Gustav Fischer, 1897), 2Google Scholar. Supplementband, 2;etdans ibid., 2e éd (1898), vol. 1,59.

24 Weber, Agrargeschichte, 99. Voir également « Privatenquêten », dans MWG 1: 4, 80, et «Entwickelungstendenzen in der Lage der ostelbischen Landarbeiter» (1894), dans MWG 1:4,368–462. Il y a des limites étroites à la poursuite dàexigences purement morales ou théoriques quand il s'agit pour les nations, si elles veulent vivre en paix militairement, de mener sur le plan économique le combat inéluctable et inexorable pour leur existence nationale et la puissance économique. […] Une Bourse forte ne peut pas être un club pour la « culture éthique», et les capitaux des grandes banques sont aussi peu des «institutions de bienfaisance » que ne le

25 La litérature à ce sujet est innombrable. On peut cependant affirmer que deux auteurs ont marqué le débat: Mommsen, Max Weber und die deutsche Politik, et R. Aron, « Max Weber et la politique de puissance », dans, Les itapes de la pensée sociologique. Montesquieu, Comte, Marx, Tocqueville, Durkheim, Pareto, Weber (Paris: Gallimard, 1967), 642656Google Scholar.

26 Max Weber, « Die Börse. II. Der Borsenverkehr » (1896), Weber, dans Marianne, dir., Gesammelte Aufsätze zur Soziologie und Sozialpolitik (Tübingen: J. C. B. Mohr [Paul Siebeck], 1924), 321322Google Scholar.

27 Max Weber, « Börsenwesen. Die Vorschläge der Börsenenquetekommission », dans J. Conrad et al., dir., Handwdrterbuch der Staatswissenschaften, lère éd. (1895), 1. Supplementband, 244.

28 Weber, Der Nationalstaat und die Volkswirtschaftspolitik. Akademische Antrittsrede (1895), dans MWG1:4, 560–61 (ci-après Nationalstaat).

29 Ibid., 561.

30 Ibid., 560.

31 Ibid., 564–65.

32 Citation de Dante en italien dans le texte: lasciate ogni speranza (Ibid., 559).

33 Weber,« Die deutschen Landarbeiter»(1894), dans MWG1:4,339–40.

34 Weber, Nationalstaat, 560.

35 Ibid., 555.

36 Weber,« Untergang », 310; voir aussi Agrargeschichte, 350.

37 Weber, Nationalstaat, 547.

38 Weber,« Nationalsozialer Verein », 621 -22.

39 Weber, Nationalstaat, 553.

40 Ibid., 551.

41 Sur ces questions, voir l'exposé succinct et plutôt défensif de Mommsen, Max Weber und die deutsche Politik, 61–64.