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La non-participation politique des jeunes : Une étude des barrières temporaires et permanentes de l'engagement

Published online by Cambridge University Press:  30 July 2012

Valérie-Anne Mahéo*
Affiliation:
Université McGill
Yves Dejaeghere*
Affiliation:
Katholieke Universiteit Leuven
Dietlind Stolle*
Affiliation:
Université McGill
*
Valérie-Anne Mahéo, Université McGill – Département de science politique, Édifice Leacock, Bureau 414, 855 rue Sherbrooke ouest, Montréal, Québec H3A 2T7 –Canada, va.maheo@mail.mcgill.ca
Yves Dejaeghere, PhD, Katholieke Universiteit Leuven – Center for Citizenship and Democracy, Parkstraat 45 Box 3602, B-3000 Leuven –Belgique, Yves.Dejaeghere@soc.kuleuven.be
Dietlind Stolle, Université McGill – Département de science politique, Édifice Leacock, Bureau 414, 855 rue Sherbrooke ouest, Montréal, Québec H3A 2T7 –Canada, dietlind.stolle@mcgill.ca
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Abstract

Résumé. Avec une méthodologie double, nous portons notre attention sur un groupe très peu étudié : les jeunes non-engagés. Grâce à des entrevues, nous distinguons quatre types de non-engagés: les critiques, ceux qui manquent de ressources politiques, les occupés, et ceux en attente de mobilisation. Les critiques ne représentent qu'une minorité des non-engagés, alors que les jeunes manquant de ressources sont plus nombreux. Cette étude démontre qu'une grande proportion de jeunes présente un potentiel d'engagement futur et que c'est principalement des barrières temporaires qui réduisent leur niveau d'engagement. L'analyse quantitative dévoile des variations d'attitudes, de profils démographiques et de volontés d'engagement entre types de non-engagés. Les non-engagés ne sont donc pas un groupe homogène.

Abstract. With a two-pronged methodology, this article takes a closer look at an understudied group: the disengaged youth. Using interviews, we discern four different types within this disengaged group: the criticals, those lacking political resources, the busy and those waiting for mobilization. The ‘criticals’ constitute only a minority of the disengaged group, while the young people who lack political resources are more common. Most importantly, a great proportion of young people show a certain potential for engagement. The quantitative analysis reveals that these types resemble distinct attitudinal and demographic profiles, and differ in their future willingness to participate. Thus the non-engaged are not a monolithic group.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association 2012

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Il est généralement entendu que les dernières décennies ont été caractérisées par un rapide déclin structurel de la participation politique, et qu'une apathie politique grandissante ronge de nombreuses démocraties occidentales (Ion, Reference Ion, Corcuff, Ion and de Singly2005). Ce manque de participation n'est cependant pas réparti de manière homogène sur l'ensemble de la population et ce sont particulièrement les jeunes qui sont accusés du désengagement le plus drastique et disproportionné (Blais et coll., Reference Blais, Gidengil and Nevitte2004; Ion, Reference Ion, Corcuff, Ion and de Singly2005; Putnam, Reference Putnam2000). De plus, ces jeunes non-engagés sont souvent présentés comme formant une catégorie résiduelle et homogène (Henn et coll., Reference Henn, Weinstein and Hodgkinson2007), sans qu'il n'y ait pour autant d'étude plus approfondie jugeant de la possible diversité des motivations du non-engagement.

Mis à part quelques exceptions notoires (Bréchon et Cautrès, Reference Bréchon and Cautrès1987; Oegema et Klandermans, Reference Oegema and Klandermans1994; Diplock, Reference Diplock2002; O'Toole et coll., Reference O'Toole, Marsh and Jones2003; Henn et coll., Reference Henn, Weinstein and Forrest2005; Harrison et Munn, Reference Harrison and Munn2007), la non-participation n'a pourtant quasiment pas été étudiée comme phénomène en soi et les quelques études existantes portent presque exclusivement sur la non-participation électorale (Pettersen, Reference Pettersen1989; Marsh, Reference Marsh1991; Franklin et coll., Reference Franklin, Lyons and Marsh2004).

Il est souvent mentionné dans la littérature qu'il est nécessaire d'approfondir les résultats quantitatifs grâce à la recherche qualitative (O'Toole, Reference O'Toole2003; Farthing, Reference Farthing2010). Or, rares sont les études qui combinent effectivement les deux méthodes (Ihl, Reference Ihl2002; Gaxie, Reference Gaxie2002). Cet article est une tentative de combler ce manque dans la littérature en utilisant les deux méthodologies.

Dans la première partie théorique, nous nous pencherons sur des études du non-engagement et de la jeunesse, et reviendrons sur le débat portant sur la définition de l'engagement (et par le fait même du non-engagement), tout en faisant ressortir les facteurs importants de la partie analytique de notre développement. Dans une première section analytique, nous essaierons grâce aux données d'entrevues de comprendre les histoires se cachant derrière le non-engagement des jeunes. Nous tenterons également de voir s'il existe différents types de non-engagement et si ceux-ci ont des perspectives de participation future identiques ou divergentes. Un des avantages majeurs de notre étude, et plutôt rare dans la littérature, est que nous compléterons cette analyse qualitative par une partie quantitative basée sur l'Enquête Canadienne de la Jeunesse 2006 (Stolle, Harell, Mahéo et Nishikawa, Reference Stolle, Harell, Mahéo and Nishikawa2006). Ceci nous permettra de dresser de manière plus précise les profils des non-engagés et aussi de généraliser nos résultats. Nous chercherons également à voir quelles barrières à l'engagement, identifiées dans la littérature, représentent des explications dominantes ou marginales de la non-participation des jeunes, et lesquelles de ces barrières constituent des obstacles temporaires ou durables pour les jeunes. De plus, en nous penchant sur certaines variables politiques importantes, nous tenterons de voir si ce groupe de non-engagés est aussi homogène que certains semblent le croire. Nous examinerons comment les distinctions mises au jour dans les entrevues sont liées à un nombre de variables explicatives, en utilisant les données des sondages. Les types de non-engagés présentent-ils des différences d'attitudes politiques, des trajectoires de participation divergentes, et finalement représentent-ils tous une menace pour la démocratie ?

Les jeunes et le non-engagement

La majorité des recherches sur les jeunes et la participation politique porte sur ceux qui sont engagés dans le but de trouver les éléments positifs pouvant mobiliser les jeunes. On regroupe alors les non-engagés et on assume qu'ils ont des caractéristiques communes. Il est alors entendu qu'en réglant cette ou ces caractéristiques problématiques, le problème du non-engagement peut être réglé. Par exemple, ceci a pris la forme de programmes d'éducation à la citoyenneté homogènes dans différents pays occidentaux. Or comme des rapports officiels anglais (House of Commons, Education and Skills Committee, 2007) et australiens (Print, Reference Print2007) l'ont démontré, cette récente mise en application de l'éducation civique comme « solution miracle » n'engendre pas toujours les effets souhaités. Le non-engagement est donc plus complexe que souvent perçu et nécessite par le fait même des analyses plus détaillées. Dans cette première partie théorique, nous regardons d'abord comment on peut définir la non-participation en tenant compte de deux aspects spécifiques : cerner ce que veut dire ‘participation politique’ dans la société contemporaine, et évaluer la permanence dans le temps des différentes formes de non-engagement. Suivant cette redéfinition du non-engagement, nous regarderons quelles en sont les causes, telles qu'elles sont présentées dans la littérature. En utilisant les différents points de vue théoriques dans la section analytique, nous tenterons de voir s'il existe différents types de non-engagés ayant des profils et comportements distincts.

Changements de frontières de la (non-)participation

Premièrement, à l'instar de O'Toole et ses collègues (O'Toole, Reference O'Toole2003; O'Toole et coll., Reference O'Toole, Marsh and Jones2003), nous estimons que pour étudier la jeunesse contemporaine, il est nécessaire de reconnaître que la participation et le politique ont changé. Ainsi, il faut utiliser une définition élargie de la participation politique et prendre en compte les formes de participation non-électorales, comme le boycott ou signer une pétition. Des études ont effectivement montré que certaines de ces formes d'actions se sont multipliées de manière significative au cours des trois dernières décennies (Stolle et coll., Reference Stolle, Hooghe and Micheletti2005; Zukin et coll., Reference Zukin, Keeter, Andolina, Jenkins and Delli Carpini2006). Or jusqu'à présent, les études de la non-participation (ou du déclin, ou manque de participation) ont presque exclusivement porté sur la politique formelle ou électoraleFootnote 1, et très peu d'auteurs se sont penchés spécifiquement sur la catégorie des jeunes dans le cadre de la (non)-participation politique au sens large (Henn et coll., Reference Henn, Weinstein and Hodgkinson2007). En plus de considérer la participation politique de manière élargie, un deuxième élément permettrait selon nous de mieux cerner le concept de non-participation.

La recherche en science politique raffine continuellement son analyse de la participation afin d'amener la plus grande proportion de la population à être active, et ce non seulement une fois dans l'année, mais de manière régulière et continue. Il paraît donc évident que la non-participation ne peut être considérée comme l'absence de participation dans une courte période de temps. Selon nous, les non-participants « réels » font plutôt référence à la catégorie de la population qui ne participe pas et reste inactive dans le temps. Il est donc impératif d'évaluer l'engagement (ou le non-engagement) dans le temps et non pas à un seul moment.

En résumé, étant donné la combinaison variée des modes d'engagements, qui sont aujourd'hui aussi bien individuels que collectifs, sporadiques que continus, formels qu'informels, il appert que les individus peuvent être à la fois ou alternativement engagés et non-engagés (Farthing, Reference Farthing2010). La différence entre ‘engagé réel’ et ‘engagé d'un jour’, ‘non-engagé réel’ et ‘non-engagé d'un jour’ devient donc floue. C'est pour cette raison que dans la catégorie des non-engagés nous y voyons également les jeunes qui ont fait une action unique et ponctuelle de participation dans la période d'un an (telle signer une pétition ou faire un don).

D'un autre côté, des études longitudinales et des études de la participation électorale nous révèlent qu'il existe des différences entre les non-votants temporaires (ou à court terme) et les non-votants permanents (ou à long terme) : les deux types de non-votants rencontrent des barrières à l'engagement différentesFootnote 2 et seuls les non-votants à long terme ont des profils différents des votants (comparés aux non-votants à court terme) (Marsh, Reference Marsh1991). À la lumière de ces résultats, nous émettons deux hypothèses. Premièrement, les non-participants temporaires (les individus qui participeront à nouveau dans un futur proche) et les non-participants permanents (les individus qui sont peu enclins à participer pas dans l'avenir) rencontrent des barrières à l'engagement différentes. Et deuxièmement, le profil des non-engagés temporaires n'est pas significativement différent du profil des engagés.

La non-participation des jeunes

Les jeunes des sociétés occidentales semblent être aujourd'hui moins engagés dans les activités politiques. Ainsi, quel que soit le type d'engagement examiné, il demeure que les jeunes sont non-engagés de manière disproportionnée (Zukin et coll., Reference Zukin, Keeter, Andolina, Jenkins and Delli Carpini2006). Dans la littérature scientifique, trois explications sont mises de l'avant pour expliquer l'engagement plus faible de la génération actuelle de jeunes.

La première explication soutient que les jeunes ne sont plus intéressés et qu'ils sont cyniques face à la politique. De nombreuses recherches montrent que les jeunes ne sont plus enthousiastes et sont devenus carrément négatifs vis-à-vis de la politique (Diplock, Reference Diplock2002; Henn et coll., Reference Henn, Weinstein and Forrest2005). Une grande partie de ces recherches met l'accent sur le fait que ce désengagement touche uniquement la politique électorale, et non la ‘politique’ dans le sens d'intérêt pour les questions sociétales (Gaxie, Reference Gaxie2002). Le manque réel de choix politique et l'image du politique dans les médias ont contribué à rendre le public plus cynique et en général moins engagé. Ce phénomène peut affecter les jeunes de manière disproportionnée puisqu'ils sont socialisés dans ce contexte, et d'autant plus que les bases de la socialisation primaire sont aujourd'hui moins déterminantes (Ihl, Reference Ihl2002; Muxel, Reference Muxel2010).

La deuxième explication nous est offerte par la lignée de recherches, débutant avec The Civic Culture (Almond et Verba, Reference Almond and Verba1965) et corroborée par des recherches actuelles (Muxel, Reference Muxel2002), qui postulent que certaines ressources, surtout le statut socio-économique (SSE), jouent un rôle primordial dans l'engagement des individus. En plus du SSE, des ressources importantes comme les connaissances politiques (Delli Carpini et Keeter, Reference Delli Carpini and Keeter1996; Favre et Offerlé, Reference Favre and Offerlé2002) et les sentiments d'efficacité politique (Madsen, Reference Madsen1987; O'Toole et coll., Reference O'Toole, Marsh and Jones2003) influencent aussi la participation politique. Or les jeunes manquent de plus en plus de connaissances et d'efficacité politiques (Bréchon et Cautrès, Reference Bréchon and Cautrès1987; Diplock, Reference Diplock2002; Henn et coll., Reference Henn, Weinstein and Forrest2005).

La dernière série d'explications prend en compte les changements structurels qui ont eu lieu dans la société. La jeune génération a en effet un cycle de vie différent des précédentes générations, où l'âge adulte et l'entrée dans la vie participative s'effectuent plus tardivement qu'avant (Bennet, Reference Bennet1998). D'une part, le taux d'emploi a augmenté pour les jeunes au Canada, mais ces emplois s'alternent plus souvent que par le passé avec de courtes périodes de chômage (Simard Reference Simard1990; Vultur, Reference Vultur2003). D'autre part, tandis que la participation à des études supérieures a connu une croissance, un grand groupe d'étudiants combine maintenant études et travail (Usalcas et Bowlby, Reference Usalcas and Bowlby2006). Ces évolutions laissent ainsi moins de temps pour l'engagement dans cette période de la vie.

Chacun de ces facteurs peut s'appliquer plus ou moins à différentes personnes non-engagées. Mais certains de ces facteurs peuvent aussi n'être que temporaires puisque le temps disponible et même les ressources nécessaires à la participation sont sujets à changement. Ainsi, une partie des non-engagés serait en réalité ce qu'on appelle des « non-engagés temporaires » : ils ne sont pas complètement cyniques, ni ignorants ou inefficaces, ce ne serait juste pas encore « le bon moment ». Ceci impliquerait qu'être jeune rend de facto moins engagé à cause d'autres préoccupations de vie ou bien que les jeunes ne se trouvent pas encore dans des situations où la politique est sujette à considération (comme à travers le travail, la paternité, ou la propriété). Ainsi des évènements n'ont pas encore déclenché la participation chez ces jeunes ou bien ils sont trop occupés par leur vie personnelle. Donc, en considérant cette analyse, tous les non-participants ne sont pas nécessairement désenchantés, mais ont seulement besoin d'être mobilisés, ou ils attendent tout bonnement le moment d'être plus disponibles pour s'engager.

Cette revue des principaux facteurs explicatifs de la non-participation, nous laisse ainsi entrevoir que la catégorie des jeunes non-engagés est diversifiée. Ainsi, nous émettons l'hypothèse que la non-participation n'est pas une catégorie homogène : différents types de non-engagés existent, correspondant à différentes barrières de l'engagement des jeunes.

Nous n'envisageons toutefois pas ces explications comme étant des alternatives pour expliquer le non-engagement des jeunes, mais plutôt comme des facteurs complémentaires. Contrairement à ce qui ressort de la littérature, il est plus probable qu'un cynisme, accentué par un manque de ressources, et un manque d'opportunités et de temps dû aux effets des nouveaux cycles de vie seraient des explications conjointes de l'augmentation du non-engagement chez les jeunes.

Données et méthodes

En raison du caractère exploratoire de cette étude, nous utilisons un méthode mixte qui combine des méthodologies qualitative et quantitative (Sale, Lohfeld et Brazil, Reference Sale, Lohfeld and Brazil2002; Bryman, Reference Bryman2008). En utilisant une méthodologie mixte, il est primordial de garder les forces respectives de chaque méthode et de résister à la tentation de dupliquer les résultats d'une méthode avec une autre (Sale et coll., Reference Sale, Lohfeld and Brazil2002). Nous utiliserons donc la méthodologie qualitative pour découvrir comment ce phénomène du non-engagement est vécu par les jeunes, et si ces expériences peuvent être considérées comme différents types de non-engagement, affiliés aux explications théoriques de la non-participation (Creswell, Reference Creswell1998). La partie quantitative, quant à elle, se fondera sur cette information pour examiner la diffusion de ces types parmi un grand échantillon de jeunes et testera un nombre de variables qui seraient en relation avec les types de non-engagés.

Les hypothèses précédentes seront examinées par le biais d'entrevues avec des jeunes et les données de l'Enquête Canadienne de la Jeunesse (ECJ, Reference Stolle, Harell, Mahéo and Nishikawa2006). Une grande partie de l'ECJ a été administrée auprès de 3 334 élèves de 15–16 ans, du Québec et de l'Ontario. Le sondage portait largement sur les attitudes sociales et politiques des jeunes. La participation politique y était abordée de deux manières: d'abord, il était demandé aux répondants d'indiquer s'ils avaient eu recours à une ou plusieurs des quinze actions politiques dans le courant de la dernière annéeFootnote 3, et deuxièmement, ils étaient interrogés sur leurs intentions de participation politique futuresFootnote 4. À défaut d'une étude longitudinale de la (non)-participation, ces intentions nous permettent d'évaluer les trajectoires participatives des jeunes interrogés. Le questionnaire incluait également des questions sur les attitudes reliées à la participation politique, comme la confiance dans les institutions et autres valeurs démocratiques. Des analyses bivariées ainsi que des régressions logistiques binaires nous permettront de discerner les facteurs explicatifs du non-engagement et la variété des types de non-engagés.

L'autre type de données de l'ECJ inclut une série d'entrevues semi-dirigées, réalisées avec des jeunes ayant préalablement participé à l'enquête. Le but de l'entrevue étant de sonder l'engagement des jeunes, nous avons donc sélectionné les participants selon leur niveau de participation politique rapporté dans leur sondage. Afin de comprendre les facteurs sous-jacents de l'engagement politique des jeunes, le questionnaire d'entrevue abordait des thèmes comme la définition du politique, l'engagement, le vote, les intérêts politiques et sociétaux, les sentiments d'efficacité politique, et les expériences de participation.

Analyse qualitative

L'avantage de notre stratégie d'échantillonnage (des différents niveaux de participation des participants de l'ECJ) est que nous avons pu rejoindre et suréchantilloner la jeunesse non-engagée, une population généralement difficile à recruter. Ainsi, nous avons ici une opportunité de contribuer au champ d'étude de l'engagement : tout d'abord en présentant des portraits de non-engagés plus précis et nuancés, deuxièmement en montrant que les facteurs théoriques de la non-participation ne s'appliquent pas à tous les jeunes de manière uniforme et que leur impact dans le temps ne semble pas être identique.

La non-participation et ses explications

En considérant la totalité des entrevues, nous avons trouvé que seule une très petite minorité des interviewés n'était engagée dans aucune action (dans les mois précédents l'interview). En fait, un certain nombre de participants avait au minimum fait des dons, signé des pétitions, ou fait quelques heures de bénévolat, mais sans réellement participer en dehors d'occasions ponctuelles. L'analyse qui suit se base sur les entrevues des jeunes non-engagés qui n'avaient aucun engagement majeur ou continu mis à part une action ponctuelle, ce qui correspond à 27 entrevues (des 48 entrevues faites au total dans le cadre de l'ECJ)Footnote 5.

Tel qu'attendu, plusieurs des explications fournies par la littérature scientifique se sont révélées à travers les entrevues. Les principales explications de la non-participation sont le manque de ressources nécessaires pour participer (dont les connaissances et efficacité politiques), le manque de mobilisation, le manque de temps, et un niveau important de critique et de cynisme envers le système politique. Ces différents critères du non-engagement nous ont guidés dans notre interprétation des entrevues et nous avons ainsi discerné quatre types prédominants de non-engagés. D'un côté, les critiques et les démunis (ceux manquant de ressources) semblent les plus éloignés d'une participation politique dans le futur; comparés aux occupés et aux attentistes, des participants manquant de temps et de mobilisation, qui semblent avoir le potentiel de « se (re)connecter » au politique. Nous allons à présent regarder de plus près ces quatre types afin de voir quels sont les obstacles à l'engagement rencontrés par ces jeunes et si ces barrières sont potentiellement surmontables.

Les critiques

Même si les critiques de la politique ont été dépeints dans la littérature comme une catégorie très problématique, nous avons découvert qu'ils ne sont pas majoritaires au sein du groupe des non-engagés. La majorité de ceux-ci ne fait pas confiance aux politiciens et n'aime pas la manière dont les choses se déroulent en politique, mais elle croit encore à l'utilité de la démocratie. Un des participants l'exprime ainsi: « [la politique me fait penser à] des problèmes pour arriver à une entente. (…) Ça me frustre parce qu'ils ne font pas d'objectifs à long terme parce qu'ils savent que dans quatre ans ils ne seront peut-être plus là… Mais c'est un mal nécessaire pour avancer ». Parmi les critiques se retrouvent également quelques personnes cyniques, critiques de la démocratie représentative et rejetant totalement le régime politique. Comme une interviewée le formule: « les politiciens sont des pourris, ils font des promesses et ne les tiennent pas. (…) [La politique c'est] des gens qui pensent pour nous et je trouve que ce n'est pas nécessaire. (…) Je ne suis vraiment pas politique ».

Ces jeunes critiques sont relativement au courant du processus politique. Ils en sont rebutés et ne pensent pas s'impliquer dans la société, mis à part voter pour certains. Selon eux, les gens peuvent s'engager, mais ils ne ressentent pas le désir de le faire eux-mêmes : « c'est gratifiant de voir qu'il y a des gens qui aident d'autres gens, comme le bénévolat, mais c'est vraiment pas à moi de faire ça ». Ainsi, il semble que leur aliénation politique soit assez forte pour les maintenir à distance de la participation, dans le présent comme dans l'avenir.

Les démunis

La plupart des démunis font preuve d'un niveau assez faible de connaissances politiques: ils confondent un politicien avec un autre, ne savent pas quand étaient les dernières élections ou quel parti est au pouvoir. Les interviewés de cette catégorie ne se montrent également pas désireux d'être informés et déclarent préférer faire autre chose que de regarder les nouvelles. Une interviewée fait notamment le lien entre son manque de connaissances et son manque d'intérêt politique: « [la politique] je n'y comprends rien et quand je ne comprends rien, ça ne m'intéresse pas ». En effet, la plupart des individus de cette catégorie ne démontrent pas d'intérêt réel pour les problématiques sociétales (s'ils parlent d'un problème, ils n'expliquent pas en quoi cela les interpelle ou les concerne). Leur niveau d'efficacité politique varie, mais reste faible en général. « Moi toute seule, non [je ne pense pas avoir un impact avec mes actions], mais si on est plusieurs personnes vraiment décidées, c'est sûr que ça pourrait faire un petit quelque chose », raconte une participante. Un autre participant explique : « ça n'en vaut pas la peine. J'ai seulement 17 ans, personne ne va écouter un gamin ». Ils ne croient pas en leur capacité individuelle à avoir un impact avec leurs actions, mais estiment qu'un groupe de personnes peut potentiellement faire une différence. Certains ont une vision positive de la politique, alors que d'autres en ont une négative. De plus, la plupart des démunis n'ont pratiquement jamais été sollicités pour s'impliquer.

Pour nombre d'entre eux, être impliqué dans la société, dans la politique ou dans la communauté est un choix personnel, et tout le monde n'a pas besoin d'être engagé: « [être impliqué], si ça ne te tente pas, tu ne le fais pas. C'est bien, mais ce n'est pas obligatoire ». Lorsqu'on aborde l'éventualité de s'impliquer dans le futur, les réponses des démunis restent vagues et hypothétiques. Un interviewé l'exprime ainsi : « m'impliquer plus tard? Oui, de différentes manières, dépendamment de la situation. Peut-être que je m'engagerai, peut-être pas. C'est dur de savoir. Je ne sais pas quoi faire ou quel genre d'engagement je voudrai ». De manière générale, les démunis manquent essentiellement de ressources politiques afin d'être capables de s'impliquer, et leur participation future est incertaine.

À l'inverse des deux premiers types, beaucoup de non-engagés démontrent qu'ils tendraient à s'engager dans le futur, malgré les obstacles les empêchant de s'impliquer au moment de l'entrevue. Ces occupés et ces attentistes sont présentés dans les deux sections suivantes.

Les occupés

Il faut tout d'abord noter que ce groupe possède certaines ressources politiques nécessaires pour s'engager, même si ce n'est pas toujours à des niveaux élevés : ils sont un peu informés, quelque peu intéressés par un ou deux enjeux sociétaux, et ils estiment qu'une personne ou un groupe de personnes peuvent faire une différence. Pour beaucoup de participants, l'implication communautaire est extrêmement importante: « oui [c'est très important], tout le monde devrait être engagé; en faisant du bénévolat, en aidant le monde ». Mais le temps est une grande contrainte et ces jeunes expliquent qu'ils ne sont pas impliqués pour le moment parce qu'ils sont trop occupés avec l'école, sont à la recherche d'un travail, et ainsi de suite. Deux facteurs tendent à expliquer pourquoi ils sont pratiquement prêts à « se (re)connecter » : leur réseau de mobilisation est très sollicitant, et ils ont déjà eu des expériences positives d'engagement (généralement au moins du bénévolat). Ainsi, malgré le fait qu'ils ne participent pas au moment même de l'entrevue, à cause de contraintes conjoncturelles, ils projettent clairement s'impliquer dans le futur.

Les attentistes

Cette dernière catégorie de non-engagés est bien informée et valorise les connaissances liées à la participation. Tel qu'exprimé par l'un des participants: « tu ne peux pas vraiment changer quelque chose que tu n'aimes pas si tu n'es pas conscient de ce problème. C'est important d’être au courant, parce qu'on peut toujours faire quelque chose pour améliorer la situation ». Ils font preuve d'un intérêt sociétal, mais n'ont pas tous de hauts niveaux d'efficacité politique. Lorsque questionnés sur l'engagement des citoyens, tous répondent que c'est très important : « je pense que ça ne fonctionne pas si tout le monde pense ‘moi je fais ma vie et ça dérange pas les autres'. Une société, il faut que tout le monde marche ensemble. (…) C'est un peu un devoir de s'impliquer ». Certains se sont déjà impliqués par le passé et aimeraient s'engager à nouveau. Par contre, il leur manque à présent des opportunités de mobilisation qui s'accorderaient avec leurs intérêts sociétaux, comme l'explique l'un des interviewés: « si on me demandait de participer à un événement politique et si je supportais la cause, c'est certain que je serais allé. Je veux dire : j'ai envie qu'on me le demande. (…) Je pense que s'il y avait des opportunités politiques où je pourrais m'impliquer, c'est certain que je sauterais sur l'occasion. [Les opportunités politiques] doivent être là, mais je n'arrive pas à les trouver ». En définitive, il semble que certains attentistes désirent s'engager, mais ils ne savent pas toujours comment faire et où aller pour cela. Ils ont l'intérêt et les ressources politiques pour participer, et ils semblent insinuer que des opportunités de mobilisation répondraient à leurs attentes.

L'analyse qualitative tend à confirmer notre question de recherche en mettant en évidence quatre types de jeunes non-engagés qui rencontrent différentes barrières à l'engagement, à savoir : l'aliénation du politique, le manque de ressources politiques, le manque de temps et le manque d'opportunité. De plus, nous avons pu nous rendre compte que certains non-engagés sont plus proches que d'autres d'une (re)connexion à la participation : les interviewés à qui il manque du temps (les occupés) ou des opportunités de mobilisation (les attentistes) démontrent un réel potentiel à se mobiliser dans l'avenir, alors que les critiques et les démunis semblent loin de vouloir ou pouvoir prendre part à des actions politiques. Ceci semble appuyer notre hypothèse voulant que certains obstacles à l'engagement représentent des freins permanents et gardent les jeunes éloignés de la participation, alors que d'autres obstacles ne sont que temporaires et laissent présager une participation réelle dans l'avenir.

Dans la prochaine section, l'analyse quantitative nous permettra de tester ces conclusions. De plus, nous estimerons la proportion de chacun de ces types de non-engagés au sein de la jeune population et nous mettrons en évidence les profils des non-engagés tout en les comparant à la moyenne des jeunes Canadiens.

Analyse quantitative

Une analyse quantitative nous permet de tester plusieurs facteurs individuels explicatifs du non-engagement. En nous basant sur la littérature, nous incluons donc le genre (Hooghe et Stolle, Reference Hooghe and Stolle2004), le statut socio-économique (Verba et coll., Reference Verba, Schlozman and Brady1995), la citoyenneté et le statut de minorité visible (Janmaat, Reference Janmaat2008; Sherrod, Reference Sherrod2003), l'environnement géographique urbain ou rural, ainsi que l'utilisation de la langue française à la maison (Johnston et Soroka, Reference Johnston, Soroka, Dekker and Uslaner2001), qui sont toutes des variables importantes pour l'étude de l'engagement politique au Canada. Puisque nous travaillons avec un échantillon de jeunes, le statut socio-économique des jeunes doit être basé sur celui de leurs parents. À cette fin, nous estimons le statut socio-économique en nous basant sur le nombre de livres détenus à la maison (entre 0 et 500, divisés en sept catégories). Nous assumons que le nombre de livres mesure indirectement l'éducation et le revenu parental, et qu'un nombre élevé de livres influence positivement l'engagementFootnote 6. Pour le statut de citoyen, nous différencions les personnes qui sont nées au Canada et celles qui sont nées dans un autre paysFootnote 7. Nous évaluons également la différence de participation politique entre ceux qui vivent dans des régions rurales et ceux vivant dans des grands centres urbainsFootnote 8.

De plus, nous tenons compte des attitudes politiques qui pourraient avoir un effet sur la participation politique. Selon la littérature, le non-engagement est en partie le résultat : d'une méfiance envers les institutions politiques, d'une faible confiance envers les gens, d'une faible efficacité politique, d'un faible intérêt pour la politique, ainsi qu'un faible niveau de connaissances politiques. La variable “confiance dans les institutions” est composée de la somme de deux échelles distinctes qui mesurent la confiance envers le Parlement fédéral et le Parlement provincial. L'efficacité fut mesurée en demandant aux jeunes s'ils étaient d'accord ou non avec l'affirmation: “les partis politiques représentent réellement l'opinion de jeunes gens comme moi”. Si les individus sont d'accord, on interprète cela comme un haut niveau d'efficacité politique. Dans la comparaison globale entre engagés et non-engagés, nous avons aussi inclus l'intérêt politique et le niveau de connaissances politiques. L'intérêt politique est une variable catégorielle allant de “pas d'intérêt” (1) à “beaucoup d'intérêt” (4). Le niveau de connaissances a été mesuré à l'aide de trois questions spécifiques relatives au contexte politique canadien. Cette variable a été recodée de zéro (aucune bonne réponse) à un (toutes les réponses sont bonnes). Ces deux variables seront aussi utilisées pour la construction des types de non-engagement (ci-dessous). De plus, nous avons rajouté la croyance ou non en un leadership fort pour les démocraties afin de mieux comprendre la relation entre attitudes démocratiques et non-engagement.

La variable dépendante de la première étape de l'analyse résulte d'une échelle normalisée de la somme de la participation politique, allant d'un minimum de zéro à un maximum de 13 actions. Cette variable a été divisée en deux catégories (suivant la différence entre engagé et non-engagé que nous avons utilisée plus haut), où aucun ou un seul acte de participation dans la dernière année est considéré comme du non-engagement (codé un), et plus qu'une action est codé comme engagé (codé zéro). Avec cette distinction, 80,5 pour cent de l'échantillon des jeunes de l'ECJ sont engagés et 19,5 pour cent sont non-engagés.

Comparaison des engagés et des non-engagés

La première étape de notre analyse quantitative est de comprendre en quoi les non-engagés diffèrent des jeunes Canadiens engagés, dans les variables socio-démographiques et les attitudes politiques. La première colonne du Tableau 1 (qui présente les résultats de l'analyse de la régression logistique; nous présentons les odds ratios) illustre l'existence de différences de taille entre les jeunes Canadiens engagés et les non-engagés. Par exemple, on observe que les femmes sont plus fréquemment engagées ce qui tend à confirmer que l'écart entre les sexes s'est inversé pour certains répertoires de participation employés par la jeunesse. Les ressources socio-économiques (mesurées avec le nombre de livres) exercent également une influence négative sur le désengagement : comme nous nous y attendions, avec une augmentation d'une unité sur l'échelle du nombre de livres, la probabilité d'être non-engagé n'est que de 0,85. Le fait d'être francophone n'a aucun effet sur le fait d'être engagé ou non (mais nous verrons plus bas que ceci importe pour certains types de non-engagés). Les gens vivant en milieu métropolitain sont plus représentés parmi les non-engagés, alors que les citoyens vivant en milieu rural sont pour leur part moins souvent représentés dans les non-engagés. Les minorités visibles se retrouvent moins fréquemment parmi les non-engagés.

Table 1 Tableau 1: Portrait des différents types de non-engagés : résultats de deux régressions logistiques binaires

Note: Les entrées sont les odds ratios de régressions logistiques binaires, avec les écarts types entre parenthèses. La variable dépendante varie pour chaque colonne : dans la première colonne tous les non-engagés (codé 1) sont comparés aux engagés de l'ECJ (codé 0); et dans les colonnes suivantes, chaque type de non-engagé (codé 1) est comparé à tous les autres jeunes de l'ECJ (codé 0). Niveaux de signification :

a=p<,1 ;

b=p<,05 ;

c=p<,01 ;

d=p<,001.

La deuxième série de variables mesure les attitudes politiques et sociales. Comme prévu, comparé aux jeunes Canadiens engagés, les non-engagés font moins confiance aux institutions gouvernementales, ont moins confiance dans les gens, lisent les nouvelles moins souvent et ont un faible intérêt pour la politique. Il est intéressant de remarquer que les différences dans le niveau de connaissances politiques, et dans la croyance que les partis politiques représentent adéquatement les jeunes, ainsi que dans la préférence pour des modèles de leadership fort dans la démocratie, ne distinguent pas significativement les engagés des non-engagés. Ces résultats inattendus sont un indice que le groupe des non-engagés est plus hétérogène que ce que l'on pouvait penser au départ. De plus les valeurs démocratiques ne diffèrent pas entre engagés et non-engagés, nous indiquant que le non-engagement ne reflète aucunement des doutes par rapport à la démocratie.

Différences entre types de non-engagés?

Les conclusions de l'analyse des entrevues pointent en direction de l'existence de différents types de non-engagés qu'il est important de distinguer théoriquement et empiriquement. En nous basant sur les résultats qualitatifs, nous avons d'abord créé quatre types distincts de non-engagés, basés sur leur intérêt et connaissances politiques. Comme nous l'avons suggéré plus tôt, les démunis (les non-engagés sans ressources) n'ont aucun intérêt politique et possèdent des connaissances politiques très limitées, voire même inexistantes. Ils représentent 25 pour cent des 608 non-engagés de l'échantillon de jeunes Canadiens (ECJ Reference Stolle, Harell, Mahéo and Nishikawa2006). Le deuxième groupe que nous avons appelé les critiques a, selon nos résultats qualitatifs, beaucoup de connaissances politiques, mais affirme ne pas s'y intéresser du tout. Ils représentent un très faible pourcentage des non-engagés de notre échantillon (neuf pour cent seulement). En troisième lieu, les attentistes ont peu de connaissances politiques, mais au moins un certain intérêt politique. En définitive, les non-engagés occupés ont d'importantes connaissances politiques et un grand intérêt politique. Les groupes des attentistes et des occupés représentent chacun 33 pour cent des non-engagés, donc la majorité des non-engagés de l'ECJ.

Avec cette première distinction, nous entreprenons une analyse quantitative comparant les jeunes non-engagés à tous les autres jeunes de l'ECJ (sur la base de leur profil socio-démographique, de leurs attitudes politiques, et de leur potentiel futur à participer politiquement), afin de comprendre comment chaque type de non-engagé se distingue du jeune Canadien moyen. Nous nous attendons à ce que les occupés et attentistes aient les attitudes politiques les plus proches de celles des jeunes en général, ce qui supporterait notre hypothèse que les manques de temps et d'opportunités soient les seules barrières qui les empêchent d'être actifs politiquement. De l'autre côté, nous supposons que les démunis et les critiques soient les plus négatifs vis-à-vis du système politique, et même dépourvus de certaines attitudes démocratiques. Nous nous attendons à ce qu'ils soient différents des autres types dans leur perspective de participation future.

L'analyse des quatre types de non-engagés (Tableau 1 – colonnes deux à cinq)Footnote 9 confirme la plupart de nos suppositions. Tout d'abord, les statuts de citoyenneté ou de minorité ne semblent pas être des critères permettant de distinguer les types de non-engagés. Or, même si tous les non-engagés sont moins susceptibles d'être des citoyens, ce résultat n'est pas statistiquement significatif (probablement parce qu'il y a peu de non-citoyens dans l'échantillon)Footnote 10. Alors que les femmes sont moins représentées dans la catégorie des non-engagés en général, nous remarquons qu'il y a moins de femmes parmi tous les non-engagés. Les francophones se retrouvent plus fréquemment dans la catégorie des attentistes, et moins fréquemment dans les occupés et les démunis. Alors que tous les types de non-engagés ont moins de ressources socio-économiques à la maison, ce résultat n'est pas statistiquement significatif pour les critiques (lorsque comparés aux autres jeunes de l'ECJ). Aussi, il y a généralement plus d'attentistes et d'occupés en grands centres urbains, et moins de critiques et de démunis.

En termes d'attitudes politiques, nous trouvons à nouveau confirmation que les attentistes se rapprochent des autres jeunes de l'ECJ: ils lisent significativement plus les nouvelles et ont plus confiance dans les institutions gouvernementales. Les occupés ont aussi plus confiance dans les institutions gouvernementales (que les autres jeunes Canadiens), mais ils ne suivent pas autant les nouvelles (comparé aux autres jeunes Canadiens). D'un autre côté, les critiques et les démunis ont moins confiance dans les institutions que tout le reste de l'échantillon. Avec une augmentation d'une unité sur l'échelle de confiance institutionnelle, la probabilité d'être un non-engagé critique ou démuni est approximativement de 0,7. Par contre, les résultats pour la confiance envers les gens sont surprenants, puisqu'aussi bien les attentistes que les occupés font un peu moins confiance que les autres jeunes de l'ECJ (ce qui n'est pas le cas pour les critiques et les démunis). Encore une fois, la croyance qu'un leader fort est un atout pour la démocratie n'est pas une caractéristique qui différencie les types de non-engagés des autres jeunes Canadiens; ce qui est aussi le cas pour l'efficacité. En somme, il existe des différences entre les types de non-engagés qui nous indiquent que les occupés et surtout les attentistes se rapprochent de la moyenne des jeunes Canadiens en termes de profils sociodémographique et attitudinal.

Finalement, il est intéressant de voir si les quatre types de non-engagés ont des aspirations différentes, comme les résultats qualitatifs et quantitatifs précédents nous poussent à le croire. Pour cette étape de l'analyse, nous avons créé une échelle de participation politique future qui inclut neuf activités. Les jeunes indiquaient s'ils s'imaginaient participer politiquement dans l'avenir (les “peut-être” et les “oui” ont été décomptés en tant que tendance positive); l'échelle va donc de zéro à neuf. Les engagés de notre échantillon déclarent qu'ils s'impliqueraient volontiers à l'avenir dans 5,5 actions (en moyenne), alors que les non-engagés se disent prêts à prendre part à 3,5 activités en moyenne (p<.001). Ce résultat démontre que même les non-engagés projettent de prendre part à quelques actions de plus qu'au moment du sondage. Lorsque nous distinguons les différents types de non-engagés, nous remarquons qu'une fois de plus, les démunis et les critiques sont ceux qui planifient le moins d'activités politiques dans le futur, avec un nombre d'actions significativement plus bas que chez les autres non-engagés (en moyenne 2,7 actions); alors que les occupés, et surtout les attentistes se situent plus haut dans l'échelle d'actions que les autres non-engagés (respectivement 3,7 et quatre actions en moyenne). Ceci confirme notre hypothèse que les occupés et les attentistes font face à des barrières de l'engagement surmontables (le manque de temps et d'opportunités de participation) et ne sont que des non-engagés temporaires (qui veulent s'impliquer plus tard); alors que les critiques et les démunis font face à des barrières à l'engagement difficilement surmontables (le manque de ressources politiques et l'aliénation du politique) et représentent des non-engagés permanents (qui sont peu enclin à s'engager dans l'avenir). La vraie question est cependant de savoir si les occupés et les attentistes tendraient à long terme à s'impliquer autant que le groupe des engagés et dans les mêmes types d'actions. Si c'était le cas, il n'y aurait aucune raison manifeste de s'inquiéter pour ces deux types de non-engagés. Malheureusement, notre hypothèse n'est pas confirmée et il existe une différence significative entre leurs projections futures d'implication politique: alors que les engagés prévoient prendre part à environ 5,5 actions, les non-engagés occupés et attentistes ne prévoient de leur côté prendre part qu'à environ quatre actions politiques (p<.001). Par contre, leurs intentions futures de participer se rapportent à une grande variété d'actions politiques, notamment de prendre un rôle de leadership dans leur communauté, contrairement aux critiques et démunis qui expriment uniquement des intentions de faire des dons ou du bénévolat.

Conclusions

Dans la littérature classique sur la participation politique, il est communément admis que les non-engagés sont cyniques, apathiques, aliénés et ignorent complètement la politique. En examinant un échantillon de jeunes Canadiens non engagés, nous avons tout d'abord cherché à développer une image plus précise et nuancée de la non-participation. À l'instar de plusieurs études théoriques et empiriques qui mettent l'accent sur les obstacles à la participation politique des jeunes, nous avons en premier lieu identifié plusieurs de ces obstacles auprès des jeunes de notre échantillon, tel que le manque de connaissances ou d'efficacité et une tendance à être préoccupé par des problèmes plus personnels. Nos analyses quantitative et qualitative ont de plus rejeté l'idée que les jeunes non-engagés sont tous des individus cyniques. En effet, cette étude soutient qu'il existe plusieurs types de jeunes non-engagés, en lien avec différents facteurs explicatifs de la non-participation. Les distinctions les plus saillantes sont celles qui différencient les démunis (les jeunes manquant de ressources politiques) et les attentistes (qui n'ont pas encore été mobilisés, mais ne resteront pas non-engagés de manière permanente). Il est de plus à noter que ces types de non-participants présentent des profils sociodémographiques différents; les attentistes, et dans une certaine mesure les occupés, se rapprochant beaucoup du profil du jeune Canadien moyen.

En un deuxième temps, nos résultats nous amènent à réévaluer la prétendue menace du non-engagement pour la démocratie. En effet, plus de la moitié des non-engagés de notre échantillon, les occupés et les attentistes, font preuve d'un certain potentiel à s'engager dans le futur; moins que les jeunes Canadiens moyens, mais beaucoup plus que ceux des autres types de non-engagés, et aussi dans une plus grande diversité d'actions. Ainsi, il s'avère que certaines barrières à l'engagement identifiées dans la littérature, comme le manque de confiance envers l'appareil politique et le manque de ressources politiques, peuvent représenter des obstacles permanents pour la participation, puisque les jeunes qui mentionnent ces barrières ne s'imaginent pas vraiment s'engager dans le futur. D'autres barrières, comme un cycle de vie plus long ou un manque de mobilisation, semblent par contre n’être que des obstacles temporaires, puisque les jeunes qui s'y réfèrent parlent de certitudes d'engagement futur. Cette conclusion devrait au moins nous rendre optimiste et minimiser la menace que semble faire peser la non-participation sur la démocratie : un bon nombre des jeunes qui sont présentement considérés comme ‘non-engagés' envisagent s'impliquer dans le futur.

Au final, il est clair que les non-engagés ne forment pas un bloc homogène et que les stratégies de mobilisation ou de réengagement devraient donc prendre en compte la diversité des contextes et des obstacles à la participation. Il n'est pas étonnant que plusieurs programmes d'éducation civique échouent puisqu'ils ne sont pas adaptés aux différents besoins des non-participants. Le groupe des démunis est certainement problématique, puisque si l'on souhaite les inciter à s'impliquer davantage, il faudrait travailler sur un transfert de connaissances et utiliser des manières novatrices pour stimuler leur intérêt politique. Le type des critiques nous apparaît encore plus problématique, car il semble qu'il ne réagirait positivement qu'à un changement d'image de la classe politique et du système gouvernemental. Les groupes des occupés et des attentistes (les non-engagés temporaires), donnent quant à eux une perspective plus optimiste de la non-participation des jeunes, puisque ces jeunes présentent des attitudes similaires à la moyenne des jeunes Canadiens, et sont significativement plus enclins à participer dans le futur (comparés aux autres types de non-engagés). Il semble que pour cette majorité de non-participants, la clé de leur engagement futur soit de continuer à les sensibiliser et leur fournir des opportunités de participation.

Les recherches futures sur l'engagement et le non-engagement devraient dépasser la dichotomie ‘engagé / non-engagé’ qui est communément utilisée. Il est nécessaire de prendre en compte la diversité existante chez les non-engagés, telle que nous l'avons présentée ici, et de reconnaître la similitude de profils et de perspectives entre certains groupes de non-engagés et d'engagés. De plus, il apparaît évident que l'engagement n'est pas un concept statique et que les étiquettes ‘engagé’ ou ‘non-engagé’ doivent être réévaluées dans le temps. Comme nous l'avons vu, certains types de non-engagement perdureront, alors que d'autres sont temporaires. Nous croyons que des études longitudinales, notamment avec les jeunes, permettraient de suivre l'évolution de ces types dans le temps et ainsi de faciliter la mise en place de pistes d'action ciblées et adéquates pour enrayer le non-engagement.

Footnotes

1 Gallego (Reference Gallego2009), Blais et Rubenson (Reference Blais and Rubenson2008) se penchent sur la population en général, alors qu'Edwards (Reference Edwards2007), Kimberlee (Reference Kimberlee2002), et Henn, Weinstein et Forrest (Reference Henn, Weinstein and Forrest2005) travaillent sur la non-participation électorale des jeunes.

2 Pettersen (Reference Pettersen1989) établit que les Norvégiens font plutôt face à des obstacles dûs au cycle de vie et se trouvent dans un état de participation transitoire, alors que les Américains font face à des obstacles dûs au statut socio-économique et se trouvent dans un état permanent de la non-participation.

3 Les 15 actions politiques sont: porter un badge ou t-shirt pour une cause politique ou sociale; signer une pétition; manifester; donner de l'argent pour une cause; boycotter; acheter certains produits pour des raisons politiques, éthiques ou environnementales; participer à des manifestations illégales; faire suivre un courriel à contenu politique; exposer publiquement un message politique; assister à un événement culturel à contenu politique; faire du bénévolat; être membre d'une organisation environnementale, politique ou de paix; être membre d'une organisation de citoyens.

4 Les neuf actions futures sont: être candidat à une fonction officielle; donner de l'argent pour une cause; se joindre à une organisation politique ; boycotter; acheter des produits pour des raisons politiques ou environnementales; faire du bénévolat; suivre activement une campagne électorale; manifester; jouer un rôle de leadership dans sa communauté; et participer à des manifestations illégales.

5 Sur ces 27 jeunes non-engagés, nous retrouvons : six critiques, dix démunis, cinq attentistes et six occupés. Leur profil sociodémographique: tous vivent dans les régions métropolitaines de Montréal ou Toronto; la quasi-totalité sont des étudiants (secondaire, cégep ou université); 16 parlent français et 11 anglais; 10 sont des femmes; et les backgrounds socio-économiques sont variés.

6 La recherche sur la jeunesse a souligné qu'il est difficile d'avoir un estimé fiable du statut socio-économique (SSE) des parents par les enfants et que le nombre de livres à la maison est un bon indicateur indirect du SSE parental (Torney-Purta et coll., Reference Torney-Purta, Lehmann, Oswald and Schulz2001).

7 Définition donnée par Statistique Canada: http://www.statcan.gc.ca/concepts/definitions/minority-minorite1-eng.htm (consulté en septembre 2010).

8 Les deux grandes villes de notre échantillon ont été considérées comme de grands centres urbains, et le reste de l'échantillon provient de régions rurales ou urbaines moyennes ou petites.

9 Dans chaque colonne le type de non-engagé considéré est codé 1, et tous les autres jeunes de l'ECJ sont codés zéro.

10 Les résultats ne changent pas lorsque nous excluons du modèle les variables de citoyenneté et de croyance en un leadership fort.

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Table 1 Tableau 1: Portrait des différents types de non-engagés : résultats de deux régressions logistiques binaires