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Poursuivre le génocide, les crimes contrel’humanité et les crimes de guerre au Canada: Uneanalyse des éléments des crimes à la lumière del’affaire Munyaneza

Published online by Cambridge University Press:  09 March 2016

Fannie Lafontaine*
Affiliation:
Faculté de droit, Université Laval
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Sommaire

La décision Munyaneza constitue la première analysejudiciaire de la Loi sur les crimes contrel’humanité et les crimes de guerre et desdéfinitions qu’elle propose des infractions de droitinternational maintenant criminalisées dans lesystème juridique canadien. Il s’agit d’un régimejuridique nouveau, original et complexe, qui faits’entrecroiser le droit international et le droitcanadien, et qui constitue un pilier important del’entreprise globale de lutte contre l’impunité pourles crimes internationaux les plus graves. L’auteurepropose une analyse critique du jugement Munyanezaen ce qui concerne les éléments constitutifs ducrime de génocide, des crimes contre l’humanité etdes crimes de guerre. Elle offre me discussion decertains des aspects les plus difficiles desdéfinitions de ces crimes et vise à contribuer à ceque la jurisprudence future soit cohérente avecl’esprit et la lettre de la loi et avec le droitinternational. Le régime des peines applicables envertu de la Loi est aussi brièvement analysé.

Summary

Summary

The Munyaneza decision represents the first judicialanalysis of the Crimes against Humanity and WarCrimes Act and of the international offences nowcriminalized in Canadian law. The new legal regime —which intertwines international and Canadian law invarious respects — is original and complex andconstitutes an important pillar in the global fightagainst impunity for the most serious internationalcrimes. This article offers a critical analysis ofthe Munyaneza judgment as it relates to theconstitutive elements of genocide, crimes againsthumanity, and war crimes. It offers a discussion ofsome of the most challenging aspects of thosecrimes’ definitions and aims to contribute to thedevelopment of future jurisprudence regarding thesecrimes that is coherent with the act’s letter andpurpose in international law. The sentencing schemeprovided by the act is also briefly analyzed.

Type
Notes and Comments / Notes etcommentaires
Copyright
Copyright © The Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 2009 

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References

1 R. c. Munyaneza (2009), Q.C.C.S. 2201 [Munyaneza]. L’accusé a choisi, avec le consentement du Procureur général, d’être jugé sans jury par un juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle conformément à l’art. 473(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 [Code criminel].

2 R. c. Munyaneza (2009), Q.C.C.S. 4865 [Jugement sur la peine Munyaneza].

3 Au sujet de la décision de la Cour d’appel d’accorder la permission d’en appeler sur des questions mixtes de fait et de droit, voir Munyaneza c. R (2009), Q.C.C.A. 1279. La requête de la défense pour permission d’en appeler de la peine infligée le 29 octobre 2009 a été déférée à la formation de la Cour d’appel qui entendra l’appel de la condamnation: voir Munyaneza c. R. (2009), Q.C.C.A. 2326. Voir également Requête pour permission d’en appeler de la sentence imposée, C.A.Q. 500-10-004416-093, 23 novembre 2009.

4 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, c. 24 [Loi sur les crimes de guerre]. La Loi est entrée en vigueur le 23 octobre 2000.

5 Quelques jours après le jugement sur la peine dans l’affaire Munyaneza, des poursuites pénales ont été lancées contre M. Jacques Mungwarere pour des crimes qui auraient été commis pendant le génocide au Rwanda. Après l’acquittement de Irme Finta, confirmé par la Cour suprême du Canada en 1994, le Canada avait à toutes fins pratiques abandonné les poursuites pénales de criminels de guerre pour les remplacer par des mesures administratives et d’immigration. R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701 [Finta]. La plus connue des affaires d’immigration liée aux crimes de guerre — qui se comptent par dizaines — est celle concernant Léon Mugesera, dont l’expulsion du pays a été confirmée par la Cour suprême en 2005 : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2005] 2 R.C.S. 100 [Mugesera]. L’arrêt de la Cour suprême dans cette affaire constitue un jugement phare en matière de crimes internationaux au Canada.

6 Avis d’appel de la condamnation amendé et mis àjour, C.A.Q. 500-10-004416-093, 1g novembre 2009, au para. 2g, motif d’appel 12A [Avis d’appel].

7 Les deux parties avaient présenté des arguments à ce sujet. Pour une discussion au sujet des modes de participation aux infractions en vertu de la Loi, voir Fannie Lafontaine, “Parties to Offences under the Canadian Crimes against Humanity and War Crimes Act: An Analysis of Principal Liability and Complicity” (2009) 50 Les Cahiers de Droit 967.

8 Voir par exemple les para. 2059 (véhicules prêtés afin de faciliter la commission des exactions), 2060 (distribution d’armes aux Interahamwe), etc.

9 Avis d’appel, supra note 6 au para. 29. Cet aspect a été soulevé en tant que motif d’appel.

10 Ibid. Les arguments de la défense en appel se concentrent surtout sur des questions de fait ou sur des questions mixtes de fait et de droit.

11 Finta, supra note 5, au para. 182 [souligné dans la version originale].

12 La question de savoir si l’ancien art. 7(3.71) du Code criminel constituait un titre de compétence en soi ou créait les nouvelles infractions de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre a été longuement discutée dans l’arrêt Finta. Essentiellement, la majorité était en accord avec l’opinion de la majorité de l’instance inférieure qui a estimé que cet article créait de nouvelles infractions, leur existence au regard des faits devant être décidée par le jury (aux para. 170 et s.). La minorité, quant à elle, était plutôt d’avis que cet article était purement attributif de compétence et devait donc être décidé par le juge du procès (aux para. 31 et s.).

13 Statut de Rome de la Cour pénale internationale (17 juillet 1998), 2187 R.T.N.U. 15g [Statut de Rome].

14 Pour un aperçu intéressant des conséquences de chacune de ces approches, voir Julio Bacio Terracino, “National Implementation of ICC Crimes: Impact on National Jurisdictions and the ICC” (2007) 5 Journal of International Criminal Justice 421.

15 Loi sur les crimes de guerre, supra note 4, art. 6( 4). Voir aussi art. 4( 4) concernant les crimes commis au Canada. Ces articles du Statut de Rome sont reproduits en annexe de la Loi.

16 Statut de Rome, supra note 13, préambule, au para. 1o, art. 1 et 17.

17 Dans l’affaire Finta, supra note 5, au lieu de conclure que le principe de non-rétroactivité n’avait pas été violé parce que ces crimes existaient en droit international coutumier, le juge Cory, au nom de la majorité, s’est appuyé sur l’opinion de Kelsen en précisant que la gravité des crimes permettait des poursuites rétroactives. L’art. 6(5) de la Loi vise à corriger cette affirmation juridique que nous pouvons qualifier d’inexacte relativement à l’état du droit tel qu’il existait avant la Seconde Guerre mondiale.

18 Eléments des crimes, ICC-ASP/1/3 (part II-B), g septembre 2oo2 [Eléments des crimes]. Ce document, adopté par l’Assemblée des États parties de la CPI, énu-mère les éléments essentiels du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au regard de chaque infraction sousjacente les composant. L’art. g du Statut de Rome prévoit que: “Les éléments des crimes aident la Cour à interpréter et appliquer les art. 6, 7 et 8.” Tel que mentionné ci-dessous, il existe une controverse au sein de la CPI concernant leur valeur obligatoire.

19 La législation de la Nouvelle-Zélande, par exemple, prévoit que les crimes doivent être interprétés à la lumière des Eléments: International Crimes and International Criminal Court Act (2000), Public Act No 26, art. 12 (4). La législation du Royaume-Uni prévoit essentiellement la même chose: International Criminal Court Act 2001 (R.-U.), 2001, c. 17, art. 50(2); International Criminal Court Act 2001 (Elements of Crimes) (No. 2) Regulations 2004.

20 Munyaneza, supra note 1, au para. 86.

21 Il y a un désaccord au sujet du statut juridique qu’il convient d’accorder aux Eléments des crimes. Voir par exemple The Prosecutor v. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC-02/05-01/ 09-3, Decision on the Prosecution’s Application for a Warrant of Arrest against Omar Hassan Ahmad Al Bashir (4 mars 2009), aux para. 126–28 et dissidence de la Usacka, au para. 17 (Cour pénale internationale (CPI), Ch. préliminaire I) [Al Bashir].

22 Mugesera, supra note 5, aux para. 82 et 126. Voir aussi Munyaneza, supra note 1, par exemple aux para. 82, 87, 93, 95, 105, 114 et 146.

23 Voir Schabas, William A., “CanadaBrandon, dans Ben et Plessis, Max du, dir., The Prosecution of International Crimes: A Practical Guide to Prosecuting ICC Crimes in Commonwealth States (Londres: Commonwealth Secretariat, 2005) à la p. 158.Google Scholar

24 Le Procureur c. Radislav Krstic, IT-98-33-A, Arrêt (19 avril 2004), au para. 224 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Ch. d’appel). Voir généralement Cryer, RobertElements of Crimes,” Cassese, dans Antonio et al., dir., The Oxford Companion to International Criminal Justice (Oxford: Oxford University Press, 2009), aux pp. 308–9.Google Scholar

25 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, NU Doc. A/61/488 (pas encore entrée en vigueur), préambule et article 5.

26 Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, art. 43 d).

27 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 78 R.T.N.U 277, 1948.

28 Statut de Rome, supra note 13, art. 6.

29 Ibid., art. 7.

30 Ibid., art. 8.

31 Code criminel, supra note 1, art. 212(1). Plus particulièrement le sous-alinéa (h) pourrait être un équivalent imparfait de la “prostitution forcée.”

32 Munyaneza, supra note 1 au para. 81.

33 Ibid. au para. 82.

34 Code criminel, supra note 1, art. 229.

35 Statut de Rome, supra note 13, art. 6(a), 8(2)(a)(i) et 8(2)(c)(i).

36 Voir Mugesera, supra note 5 au para. 130.

37 Ibid. au para. 139.

38 Voir aussi Code criminel, supra note 1, art. 745. L’art. 26 de la Loi réfère aussi expressément au meurtre en vertu du Code criminel pour les crimes commis à l’étranger à l’égard d’un témoin de la CPI.

39 Par exemple Le Procureur c. Milorad Krnojelac, IT-97-25-T, Jugement (15 mars 2002), aux para. 323–24 (TPIY, Ch. pr. inst.); Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2-T, Jugement (26 février 2oo1), au para. 236 (TPIY, Ch. pr. inst.) [Kordic et Cerkez].

40 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1o décembre 1984, (1987) 1465 R.T.N.U. 85, art. 4 à 7 [Convention contre la torture].

41 Le Procureur c. Dragoljub Kunarac et al., IT-96-23-T & IT-96-23/ 1-T, Jugement (22 février 2001), au para. 496 (TPIY, Ch. pr. inst.), confirmé dans Le Procureur c. Dragoljub Kunarac et al., IT-98-23 & IT-96-23/ 1-A, Arrêt (12 juin 2002), aux para. 145–48 (TPIY, Ch. d’app.) [Kunarac]; voir aussi Le Procureur c. Miroslav Kvocka et al., IT-98-30/ 1-A, Arrêt (28 février 2oo5), au para. 284 (TPIY, Ch. d’app.); Le Procureur c. Laurent Semanza, ICTR-97-20-T, Jugement et sentence (15 mai 2003), aux para. 342–43 (Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Ch. pr. inst.) [ Semanza].

42 Eléments des crimes, supra note 18, art. 7(1)(f), 8(2)(a)(ii)-1 et 8(2)(c)(i)-4.

43 Ibid., art. 7(1 )(f). Par ailleurs, en vertu des Éléments, le crime de torture en tant que crime de guerre exige la preuve d’un but spécifique: art. 8(2)(a)(ii)-1 et 8(2)(c)(i)-4. Pour un aperçu intéressant des différents régimes juridiques applicables au crime de torture, voir Paola Gaeta, “When is the Involvement of State Officials a Requirement for the Crime of Torture?” (2008) 6 Journal of International Criminal Justice 183.

44 Convention contre la torture, supra note 4o, art. 1: “aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.” Voir également Code criminel, supra note 1, art. 269.1(2)a) et b).

45 Convention contre la torture, supra note 4o, art. 1. L’art. 269.1 du Code criminel prévoit la même exigence.

46 Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, c. 31, art. 13.

47 La définition française se lit ainsi: “‘génocide’ Fait — acte ou omission — commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe identifiable de personnes et constituant, au moment et au lieu de la perpétration” alors que la version anglaise se lit comme suit: “‘genocide’ means an act or omission committed with intent to destroy, in whole or in part, an identifiable group of persons, as such, that, at the time and in the place of its commission” [nous soulignons].

48 Dans l’affaire Munyaneza, supra note 1, au para. 107, le juge Denis fait fi de cette omission et discute du sens de l’expression “comme tel.”

49 Le Procureur c. Eliézer Niyitegeka, ICTR-96-14-T, Jugement portant condamnation (16 mai 2003), au para. 41o (TPIR, Ch. pr. inst.). Voir aussi Le Procureur c. Georges Rutaganda, ICTR-96-3-T, Jugement et sentence (6 décembre 2009), au para. 60 (TPIR, Ch. pr. inst.); Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Jugement (2 septembre 1998), au para. 521 (TPIR, Ch. pr. inst.) [Akayesu]; Le Procureur c. Alfred Musema, ICTR-96-13, Jugement et sentence (27 janvier 2ooo), au para. 165 (TPIR, Ch. pr. inst.); Prosecutor v. Radislav Krstic, IT-98-33-T, Judgement (2 août 2001), au para. 561 (TPIY, Ch. pr. inst.) [Krstic]: “[T]he victims of genocide must be targeted by reason of their membership in a group … The intent to destroy a group as such, in whole or in part, presupposes that the victims were chosen by reason of their membership in the group whose destruction was sought. Mere knowledge of the victims’ membership in a distinct group on the part of the perpetrators is not sufficient to establish an intention to destroy the group as such.” [italiques dans la version originale]; Le Procureur c. Goran Jelisic IT-95-10-T, Jugement (14 décembre 1999), aux para. 67 et 79 (TPIY, Ch. pr. inst.); Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Arrêt, [2007] C.I.J. rec. 1, aux para. 187 et 1g3 [Application de la Convention sur le génocide].

50 Mugesera, supra note 5, aux para. 82 et s.

51 Code criminel, supra note 1, alinéas 318(2) a) et b).

52 Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), L.C. 2004, ch. 14, art. 1. L’élément distinctif de l’orientation sexuelle a été ajouté en 2004.

53 Code criminel, supra note 1, art. 2, sous “procureur général.” Les alinéas b.1) à g) prévoient des exceptions pour les crimes principalement liés aux biens culturels, au terrorisme et à la fraude.

54 Loi sur les crimes de guerre, supra note 4, art. 9(3).

55 Ibid., art. 4(1.1) et 6(1.1).

56 Munyaneza, supra note 1, au para. 99.

57 Le Procureur c. Goran Jelisic IT-95-10-A, Arrêt (5 juillet 2001), au para. 48 (TPIY, Ch. d’app.); Le Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana, ICTR-95-1-T, Jugement (21 mai 1999), au para. 94 (TPIR, Ch. pr. inst.); Application de la Convention sur le génocide, supra note 4g, au para 373.

58 Voir par exemple Schabas, William A., Genocide in International Law, 2ème édition (Cambridge: Cambridge University Press, 2009) à la p. 244.CrossRefGoogle Scholar Voir l’analyse et les propositions Cassese, dans Antonio, “Is Genocidal Policy a Requirement for the Crime of Genocide?” Gaeta, dans Paola, dir., The UN Genocide Convention: A Commentary (Oxford: Oxford University Press, 2009) à la p. 128.Google Scholar

59 Eléments des crimes, supra note 18, art. 6(a)( 4).

60 Al Bashir, supra note 21, aux para. 149–52; Claus Kreß, “The Crime of Genocide and Contextual Elements: A Comment on the ICC Pre-Trial Chamber’s Decision in the Al Bashir Case” (2009) 7 Journal of International Criminal Justice 297. Cette conclusion n’a pas été revisitée dans la seconde décision de la Chambre préliminaire dans cette affaire: The Prosecutor v. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC-02/05-01 /og, Second Decision on the Prosecution’s Application for a Warrant of Arrest (12 juillet 2010), aux para. 13–17 (CPI, Ch. préliminaire I).

61 Munyaneza, supra note 1, aux para. 118, 121, 14o et 142.

62 Ibid. aux para. 82 et 83, citant Mugesera, supra note 5, au para. 130 ainsi que Le Procureur c. Brdanin, IT-99-36-T, Jugement (1er septembre 2004) (Ch. pr. inst.) [Brdanin].

63 Smithers c. The Queen, [1978] 1 R.C.S. 5o6. Dans l’arrêt R. c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488, au para. 71 [Nette], la Cour suprême n’a pas changé cette exigence mais a reformulé le critère de causalité dans les termes suivants: “une cause ayant contribué de façon appréciable,” préférant cette formule à celle énoncée ci-dessus, qui avait aussi été exprimée de manière négative dans Smithers, soit une “cause ayant contribué d’une façon qui n’est pas négligeable ou insignifiante.”

64 Nette, ibid. aux para. 61, 64 et 66. L’exigence de causalité “substantielle” est pertinente pour les poursuites intentées en vertu de l’art. 231 (5) et (6) du Code criminel permettant de condamner une personne pour meurtre au premier degré en l’absence de toute préméditation (R. c. Harbottle, [1993] 3 R.C.S. 306, confirmé dans Nette).

65 Munyaneza, supra note 1, notamment aux para. 1949, 1951, 1955, 1958, 1963, 1964, 2065, 2067, 2069, 2074 et 2082.

66 Krstic, supra note 49, au para. 485. Notons que dans quelques affaires, le critère appliqué se lit comme suit: “intention to kill or to cause serious bodily harm which he/she should reasonably have known might lead to death” [nous soulignons]. Cette description objective de la mens rea serait clairement en violation avec la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11, qui est entrée en vigueur le 17 avril 1982: R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636; R c. Martineau, [1990] 2 R.C.S. 633.

67 R. c. Cooper, [1993] 1 R.C.S. 146 aux pp. 154–55.

68 Voir discussion et autorités dans Lafontaine, “Parties to Offences,” supra note 7.

69 Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08-424, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61–67 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo (15 juin 2009), aux para. 357–69 (CPI, Ch. préliminaire II) [Bemba]. Pour exclure l’insouciance, la Chambre traite de “recklessness” mais, dans la version française de sa décision, elle utilise le terme “négligence” alors que le Code criminel canadien utilise le terme “insouciance” pour désigner la notion connue sous le nom de “recklessness” en anglais. Sa description du concept fait toutefois référence à l’insouciance telle qu’elle est comprise en droit canadien. Cette décision confirme en outre l’applicabilité de l’art. 30 au meurtre constitutif de crimes contre l’humanité, au para. 138; contra au sujet du degré de risque: Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-803, Décision sur la confirmation des charges (29 janvier 2007), aux para. 352–55 (ICC, Ch. préliminaire I). Voir discussion et autorités dans Lafontaine, “Parties to Offences,” supra note 7.

70 Malgré quelques hésitations initiales, l’opinion qui a prévalu exclut la préméditation en tant qu’élément constitutif du meurtre: voir par exemple Le Procureur c. Tihomir Blaskic IT-95-14-T, Jugement (3 mars 2000), au para. 216 (TPIY, Ch. pr. inst.) [Blaskic]; Kordic et Cerkez, supra note 39, au para. 235; Akayesu, supra note 49, aux para. 588–89; Krstic, supra note 49, à la note de bas de page 1119; Brdanin, supra note 62, au para. 386. Aucune dérogation à l’art. 3o du Statut de Rome n’est possible en ce qui concerne le meurtre; ce crime doit être commis avec intention et connaissance, excluant toute exigence de préméditation.

71 La préméditation a été considérée comme un facteur aggravant lors de la détermination de la peine: voir par exemple Le Procureur c. Jean Kambanda, ICTR-97-23-S, Jugement portant condamnation (4 septembre 1998), aux para. 6162 (TPIR, Ch. pr. inst.); Le Procureur c. Omar Serushago, ICTR-98-39-S, Sentence (5 février 1999), aux para. 27–30 (TPIR, Ch. pr. inst.); Krstic, supra note 49, au para. 711; Blaskic, supra note 70, au para. 793.

72 Voir Loi sur les crimes de guerre, supra note 4, art. 15.

73 Munyaneza, supra note 1, au para. 84.

74 Ibid., au para. 95, citant Akayesu, supra note 49.

75 Ibid., au para. 96.

76 Voir Statut de Rome, supra note 13, art. 7(1)(9), 8(2)(b)(xxii) et 8(2)(e)(vi).

77 Cryer, Robert et al., An Introduction to International Criminal Law and Procedure, (Cambridge: Cambridge University Press, 2007) à la p. 210.CrossRefGoogle Scholar Kunarac, supra note 41.

78 Desrosiers, Julie, L’agression sexuelle en droit canadien, (Cowansville: Yvon Blais, 2009).Google Scholar

79 Eléments des Crimes, supra note 18, art. 7(1)(9)–1 et 7 (1) (9)–6.

80 Nous notons que le test deviendra peut-être, en fin de compte, celui de l’absence de consentement: Règle 7o du Règlement de procédure et de preuve de la CPI, ICC-ASP/1 /3; Plessis, Max du, “ICC Crimes,” Brandon, dans Ben et Plessis, Max du, dir., The Prosecution of International Crimes: A Practical Guide to Prosecuting ICC Crimes in Commonwealth States (Londres: Commonwealth Secretariat, 2005) 35 à la p. 50.Google Scholar

81 The Prosecutor v. Sylvestre Gacumbitsi, ICTR-2001-64-A, Judgment (7 juillet 2006), au para. 155 (TPIR, Ch. d’app.).

82 Loi sur les crimes de guerre, supra note 4, art. 4(3) et 6(3).

83 Code criminel, supra note 1, art. 271. Pour une analyse des éléments constitutifs, voir R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293; R c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330. Voir généralement, Desrosiers, supra note 78.

84 Il semble toutefois que rien n’empêcherait une poursuite au Canada pour ces crimes, du moins s’ils ont été commis après le 17 juillet 1998. En effet, la Loi indique que l’art. 7 du Statut de Rome constitue le droit international coutumier après cette date (art. 4(4) et 6(4)). De plus, la définition de crimes contre l’humanité dans la Loi contient une énumération non-exhaustive des infractions sous-jacentes constitutives de crimes contre l’humanité, en ce qu’elle y inclut tout “autre fait — acte ou omission — inhumain.” Ainsi, il serait à notre avis fort possible de conclure qu’une disparition forcée commise, par exemple, en Colombie ou au Sri Lanka en 2009, constituerait un “autre acte inhumain” “qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l’humanité selon le droit international coutumier,” ce dernier étant défini ici en référence à l’art. 7 du Statut de Rome.

85 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, supra note 25 et Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, (1976) 1015 R.T.N.U. 243. Certains auteurs ont prudemment avancé que la position intriguante du Canada relativement au crime d’apartheid peut être expliquée par son “unease with the grievances of the country’s Aboriginal population” : Schabas, William A. et Beaulac, Stéphane, International Human Rights and Canadian Law — Legal Commitment, Implementation and the Charter, 3e éd. (Toronto: Thomson Carswell, 2007) à la p. 248.Google Scholar Il serait possible d’avancer, tout aussi prudemment, que la même chose pourrait être vraie en ce qui concerne le crime de disparition forcée. En juin 2009, le Canada a réitéré son intention de ne pas ratifier ce traité ainsi que d’autres traités: voir la réponse du Canada aux recommandations suivant l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, en ligne: Ministère du Patrimoine canadien <http://www.pch.gc.ca/pgm/pdp-hrp/inter/101-fra.cfm>.

86 Pour une analyse de la question avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les crimes de guerre, voir Alain Joffe, “Les crimes contre l’humanité dans le Code criminel: Une contribution canadienne au droit international” (1995) g R.Q.D.I. 521; pour une analyse post-Finta mais pré-Mugesera, voir Madeleine J. Schwartz, “Prosecuting Crimes against Humanity in Canada: What Must Be Proved” (2002) 46 Crim. L.Q. 40.

87 Mugesera, supra note 5 aux para. 157–58 [nous soulignons].

88 Ibid. au para. 118.

89 Munyaneza, supra note 1 au para. 114.

90 Mugesera, supra note 5 aux para. 173, 174 et 176 [nous soulignons].

91 Munyaneza, supra note 1 au para. 113.

92 Bemba, supra note 69 au para. 87.

93 Voir notamment Eléments des crimes, supra note 18, art. 7, 2ème paragraphe intro-ductif.

94 Ibid., art. 7, 5ème élément de chaque paragraphe.

95 Loi sur les Conventions de Genève, L.R.C. 1985, c. G-3. Voir également la Loi sur les crimes de guerre, L.C. 1946, c.73, qui a principalement servie de fondement législatif aux poursuites par le Canada de responsables de crimes de guerre en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Pour un résumé des procès d’après-guerre, voir notamment William J. Fenrick, “The Prosecution of War Criminals in Canada” (1990) 12 Dal. L.J. 256 à la p. 286.

96 Ibid, art. 3.

97 Munyaneza, supra note 1 aux para. 132–35.

98 Art. 8(2)(e)(v), Voir Avis d’appel, supra note 6, motifs d’appel 1o et 1-G [nous soulignons].

99 Eléments des crimes, supra note 18, art. 8 (2)(e)(v). Il a été dit que “the reference to town, place and assault within the definition [in the Rome Statute] are highly confusing, legally redundant, and historically passé” : voir James G. Stewart, “The Future of the Grave Breaches Regime: Segregate, Assimilate or Abandon?” (2009) 7 Journal of International Criminal Justice à la p. 871, note 66.

100 Voir les para. 1943, 1944, 1945, 1948, 2061 et 2062.

101 Jugement sur la peine Munyaneza, supra note 2 au para. 63. Le juge Denis ne prend pas en considération la coutume de doubler le temps passé en détention préventive au moment de fixer l’admissibilité à une libération conditionnelle pour les crimes impliquant le meurtre et la violence sexuelle.

102 Arguments juridiques de la poursuivante, No: 500-73-002500-052, au para. 38. Dans l’affaire Munyaneza, la Couronne s’est appuyée sur le droit international pour définir la notion de meurtre et sur le droit interne pour déterminer si celui-ci avait été commis “avec préméditation et de propos délibéré.” Dans le Jugement sur la peine Munyaneza, supra note 2, le juge Denis n’élabore pas sur le droit qui devrait régir l’interprétation de l’expression “avec préméditation et de propos délibéré.” Diverses dispositions dans la Loi sur les crimes de guerre indiquent que le “meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré” devrait être considéré comme un “meurtre au premier degré” : par exemple, art. 15(2)(a).

103 Voir Statut de Rome, supra note 13, art. 80.

104 Jugement sur la peine Munyaneza, supra note 2 au para. 27.

105 Voir par exemple, Loi sur les crimes de guerre, supra note 4, art. 15(1)(a) [nous soulignons].

106 Par exemple Semanza, supra note 41 au para. 339.

107 Voir Fannie Lafontaine, “‘Think Globally, Act Locally’: Using Canada’s Crimes Against Humanity and War Crimes Act for the ‘Sustainable Development’ of International Criminal Law,” à paraître dans les Travaux du 36e Congrès annuel du Conseil canadien de droit international portant sur La contribution du Canada au droit international, Ottawa; Fannie Lafontaine et Edith-Farah Elassal, “La prison à vie pour Désiré Munyaneza — Vers un ’développement durable’ de la justice pénale internationale” Le Devoir (2 novembre 2009).