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L'affrontement entre le Christianisme et le Paganisme dans le Contre Celse d'Origène

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Danièle Letocha
Affiliation:
Collège de Rosemont

Extract

Soixante-dix ans environ séparent le Discours véritable contre les chrétiens (c. 180) du Contre l'écrit de Celse intitulé Discours véritable (248). Origène ne tient pas compte de cette distance historique: il discute au présent. Or, la situation de la culture païenne n'est plus exactement la même qu'au siècle précédent. La dynastie des Sévères s'effondre dans le désordre. La pensée s'appauvrit jusqu'à devenir «un Sahara littéraire» selon l'expression tranchante de Ferdinand Lot. De leur côté, les chrétiens ont gagné du terrain et leur recrutement s'est modifié: désormais ils comptent dans leurs rangs des lettrés capables d'articuler la doctrine. Au siècle des apologètes succède celui des premiers théologiens. Cependant, bien que les interlocuteurs de Celse aient changé, païens et Chrétiens se situent dans la continuité de leur courant respectif. On pourrait résumer la situation en disant que le paganisme continue de s'effriter tandis que le christianisme se définit lentement.

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Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1980

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References

Notes

1 Louis Rougier croit pouvoir préciser: l'été de 178. cf. Celse, le Discours vrai, int. et trad, de L. Rougier, J.-J. Pauvert, Paris 65; pour Paul Petit, c'est aussi 178, sans précision, cf. Histoire générale de l'Empire romain, t. II. La crise de l'Empire, coll. Points, Seuil, Paris 78, p. 97.

2 Lot, Ferdinand, La fin du monde antique et le début du Moyen Age, Albin Michel, Paris 27, p. 161Google Scholar. Le chapitre IX portant sur l'état de la culture aux second et troisième siècles a pour titre : Décadence de la littérature, disparition de la philosophic et de la science antiques. S'il faut convenir qu'un jugement aussi brutal doit étre nuancé, on trouve chez les historiens un consensus sur la pauvreté relative de la vie intellectuelle à cette époque. Pour prendre quelques points de repère, on lit dans Pierron, A., Histoire de la littérapture grecque, 2e éd., Hachette, Paris 1857, p. 549Google Scholar: « La littérature grecque du IIIe siècle est presque tout entière dans les noms de Plotin, de Longin, de Porphyre et d'lamblique. Ce n'est pas que nous ne possédions des ouvrages considérables, composés pard'autres auteurs appartenant à cette période ; mais ces ouvrages, précieux à certains égards, n'ont rien, ou presque rien, qui les recommande à nos yeux. » Plus près de nous, Jean-Rémy Palanque caractérise la période oà se situe la vie d'Origène de la manière suivante: « A vrai dire, le « Haut-Empire » finit après les Antonins, ou peut-être les Sévères, dont les règnes constituent encore un apogée incontesté, et le « Bas-Empire » ne commence qu'avec Dioclétien. Entre les deux se place une crise d'un demi-siècle qui représente une sorte de «trou » dans la trame du temps, comme il y a des déserts dans l'espace qui forment les meilleurs frontières. » Le Bas-Empire, P.U.F. coll. Q. S.-J., Paris 71, p. 7 et p. 60. « C'est done des œuvres traditionnelles par leur facture et souvent aussi par leur inspiration que nous trouverons aux IVe et Ve siècles, après l'interruption quasi-totale de l'époque précédente, le « stérile et mystérieux IIIe siècle » (Henri Marrou). » Enfln, P. Petit, op. cit., t. II, p. 235, présente le IIIe siècle ainsi: « Le déclin de l'esprit scientifique et rationaliste, apparent dés le debut de l'ère chretienne et qui va s'accélérant en même temps que le fourmillement des religions se fait plus intense: il n'y a plus d'athées ni de sceptiques en ce siècle, et les railleries d'un Lucien de Samosate y seraient déplacées. »

3 Avec une exception notoire : Plotin.

4 Rougier, Louis, Celse ou le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif. Ed. du Siècle, . Paris 25, pp. 209 à 213.Google Scholar

5 Witt, R.E., Albinus and the History of Middle Platonism. Cambridge Classical Studies, 1937. PP. 120a 123.Google Scholar

6 Daniélou, Jean, Origène. La table ronde. Paris 48, p. 86.Google Scholar

7 Ibidem pp. 96 sqq.

8 Déjà examinés dans le De Iside et Osiride de Plutarque et dans L'Ane d'or d'Apulée.

9 Introduits par la dynastie des Sévères.

10 Contre Celse, int., texte critique, trad., et notes de Marcel Borret. Ed. du Cerf., coll. Sources chrétiennes, Paris 67–76, cf. 1.15., (ci-dessous désigné par C.C.)

11 Pierre de Labriolle, La réaction païenne. L'artisan du livre, Paris 34, p. 117 ; P. Petit, op. cit., I. II, pp. 89à 102 ; H. St. L. B. Moss,La naissance du Moyen Age, trad. M.R. Mourey, Payot, Paris 37, pp. 19 sqq.

12 Op. cit., p. 24

13 Dodds, E.R., Pagan and Christian in an Age of Anxiety, Cambridge University Press 65, pp. 136 a 138.Google Scholar

14 H.P. L'Orange, dans Art Forms and Civic Life in the Late Roman Empire, trad. K. Berg, Princeton University Press 65, détaille ce passage de l'individualisme municipal au « socialisme d'Etat» dans son premier chapitre.

15 Cf. Crouzel, Henri, Origène et la philosophie, Aubier-Montaigne, Paris 62, pp. 167 sqq.Google Scholar

16 Anna Miura-Stange, Celsus und Origenes, Das Gemeinsame ihrer Weltanschauung nach den acht Büchern des Origenes gegen Celsus, Verlag von Alfred Töpelman, Giessen 1926, 166 p. préface de Harnack. Cet ouvrage, non traduit à notre connaissance, appartient à l'esprit de l'école de Berlin.

17 Op. cit., p. 151:

18 Cf. Crouzel, op. cit., p. 69 et p. 215 où ilparle de « communauté cosmologique » chez tous les platoniciens de l'époque, y compris Origène.

19 Notons au passage que νο ɳróς signifie « spiritual» chez Origène: d'où une ambiguïté examinée plus bas.

20 Cf. Labriolle, op. cit., p. 138.

21 Nous avons contesté cette thèse dans un article du Vol. II. de Dionysius (déc. 78).

22 C.C, VII. 43.

23 C.C, V. 47.

24 Witt, op. cit., pp. 4–5.

25 Daniélou, op. cit., pp. 87 sqq.

26 Bayet, Jean, Histoire politique et psychologique de la religion romaine. Payot, 2ième édition 1969, p. 261Google Scholar; P. Petit, op. cit., t. II, présente la première phase de la pénétration de ces cultes (derniers Antonins et Sévères) pp. 81 à 107 et en montre le résultat à la fin du troisième siècle pp. 235 a 248.

27 Daniélou, op. cit., pp. 27–28; P. Petit, op. cit., t. II: La crise de l'Empire, p. 85 ; H. St. L.B. Moss, op. cit., pp. 22–24.

28 Cf. note de Marcel Borret au texte d'Origene. C.C., VIII. 64, t. V., p. 320, n. 3.

29 C. Tresmontant, La métaphysique du Christianisme et la naissance de la philosophie chrétienne, Seuil, Paris 61.

30 Par exemple, en III. 47 et IV. 12 du C.C.

31 Horn, in Num., XVIII, 23.

32 D.V. trad. Rougier. Ed. J.-J. Pauvert, Paris 65. p. 37.

33 C.C I. 2.

34 Rougier, Louis, Celse ou le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif. Ed. du Siècle, Paris 25, p. 194.Google Scholar

35 Ce que répond Origène en III. 56 a 58.

36 C.C. I. 4.

37 C.C. I. 2.

38 Les méso-platoniciens les excluent également du monde des philosophes. Cf. Albinos, Didaskalikos.

39 Cf. C.C. I.i., le passage sur «les lois païennes relatives aux statues et au polythéïsme athée».

40 C.C. i n. 8et VIII. 14. (où il cite Jean 14.27). Bien que cenesoit pas notreobjet principal, il faut remarquer au passage que, sur la question de l'origine, le problème est plus complexe. Celse a compris que l'lncarnation, scandaleuse pour un esprit grec, était centrale dans le dograe chrétien. Origène, isolé entre les Juifs et les païens, doit élaborerune réplique originale ce qui le conduit à dégager les rudiments du primat de l'ordre psychologique sur l'ordre cosmique. Ses successeurs sauront tirer parti de cette nouveauté. Cf. C.C. I. 14.; III. 45. ;IV. 7., et la conclusion de Borret, t. V., p. 245.

41 C.C. VII. 62.

42 C.C. VIII. 68 et 71.

43 C.C. III. 44. La même idée revient en 52 et 53.

44 C.C. VIII. 72.

45 C.C. III. 12.

46 II faut se rappeler que, sous les derniers Antonins, la personne de l'empereur n'est pas littéralement divinisée de son vivant. Les traditions augustéennes sont conservées, du moins pour les apparences et l'empereur prend juridiquement le pouvoir lorsque le people souverain le lui accorde par le vote du Sénat. (Le pacte du Senatus Populusque avec l'empereur est sacré.) S'il est vrai que Celse défend un ordre cosmopolitique déjà compromise (selon P. Petit, il exprimerait la nostalgie de Marc-Aurèle), a l'époque du C.C., la situation est visiblement détériorée. Les empereurs se passent de l'approbation sénatorial et leur divinité intrinsèque est progressivement affirmée pendant leur règne. C'est au détriment de l'elite traditionnelle, faible et amere, que se consolide ce movement vers l'absolutisme. Mais il profite aux classes moyennes cosmopolites et spontanément ouvertes au syncrétisme religieux: elles trouvent leur profit dans la multiplication des postes de fonctionnaires soumis. Le régime militaro-religieux du dominat stabilise finalement cette évolution en divinisant directement l'empereur et en sacralisant ses collègues. Le point de vue de Celse, par conséquent, a déjà vieilli pour un lecteur du milieu de troisième siècle.

47 En VIII. 35, Celse établit l'indissociabilité « naturelle » des devoirs envers les dieux et les démons d'une part et, d'autre part, des devoirs envers les satrapes et gouverneurs en charge. Origenè dénonce avec véhémence cette liaison, au nom d'un autre concept de loi naturelle.

48 On remarque que Celse n'accuse pas les Chrétiens de sacrifier des enfants ni des autres balivernes colportées par ses prédécesseurs. Et c'est un fait que Rome avait dû légiférer pour interdire les abus sanglants de certains cultes orientaux.

49 C.C. VIII. 60.

50 C.C. III. 63 à 68, grâce a la raison unificatrice.

51 C.C. III. 29. (« assemblée » et « église » traduisent le même terme).

52 C.C. III. 30.

53 C.C. VIII. 75.

54 C.C. VIII. 21.

55 Mt.6.24.

56 C.C. VIII. 5 qui cite Héb. 12. 22–23.

57 Mais la question se repose pour Augustin et est encore aujourd'hui chaudement discutée en Pologne, parexemple.

58 C.C. VIII. 56 s'appuyant sur Mt. 4. 9–10.

59 Louis Rougier, op. cit., p. 194. Confirmé par P. Petit (pour le IIIe s.), op. cit., t. II, pp. 242 et 246.

60 A l'exception d'Aristote qui définit le champ éthique séparément du champ politique.

61 C.C. VIII. 55.

62 Cf. Sophiste 228a.

63 322d.

64 C.C. VIII. 67.

65 Celse a vécu sous Marc-Aurèle et connu Aquilée.

66 C.C. VIII. 17.

67 C.C. VIII. 74.

68 Crouzell, Henri, Origène et la philosophie. Aubier-Montaigne, Paris 62, p. 89.Google Scholar

69 Horn, in Num. I. 2. qu'Origène rattache à I. Cor. XIII. 1.3.

70 Origène paraît avoir eu à rappeler ce principe à l'intérieur de la communauté chrétienne. Daniélou note que, dans le Com. in Matt., en XV. 26, il fait état de l'opposition entre les Chrétiens de tradition et les convertis que les premiers méprisent, entre les Chrétiens de classe sociale élevée et les autres. Cf. Daniélou, op. cit., pp. 52, sqq.

71 C.C. VIII. 49.

72 C.C. V. 33; IV. 82.

73 Op. cit., p. 202.

74 Op. cit., p. 169.

75 Parex., en VIII. II, 26et 72.

76 C.C. VIII, 72.