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Notes sur la notion de théorie dans les sciences sociales

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

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La notion de « théorie » a probablement une signification plus incertaine dans les sciences sociales et particulièrement en sociologie que dans d'autres disciplines. Dans un passage de Social Theory and Social Structure, R.K. Merton (1) soulignait, dès le début des années 1950, que le mot théorie était employé par les sociologues dans sept acceptions différentes dont une seulement est recevable. Ce sont: (I) Méthodologie; (2) Idées directrices; (3) Analyse des concepts; (4) Interprétations sociologiques post factum; (5) Généralisations empiriques; (6) Théorie; (7) Dérivation et codification.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1970

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References

(1) (Glencoe, The Free Press, 1949). Les références sont données à la traduction française partielle de Henri Mendras, Éléments de théorie et de méthode sociologique (Paris, Plon, 1965). Ici, pp. 2829Google Scholar.

(2) Ibid. p. 39.

(3) Becker, Howard and Boskoff, Albin, Modern Sociological Theory (New York, The Dryden Press, 1957)Google Scholar; Gross, Llewelyn (ed.), Symposium on Sociological Theory (Evanston, Row, Peterson and Co, 1959)Google Scholar; Parsons, Talcott and Shils, Edward (eds), Theories of Society (Glencoe, The Free Press, 1961)Google Scholar.

(4) Zipf, George, The P1 P2/D Hypotheses: on the intercity movement of persons, American Sociological Review, XI (1946), 677686CrossRefGoogle Scholar; Hägerstrand, Thorsten, A Monte-Carlo Approach to Diffusion, Archives européennes de sociologie, VI (1965), 4357CrossRefGoogle Scholar; Stouffer, Samuel, Intervening Opportunities: a theory relating mobility and distance, American Sociological Review, V (1940), 845867CrossRefGoogle Scholar.

(5) Peut-être est-ce là une loi générale du développement scientifique. La biologie mathématique emprunte beaucoup, à ses débuts du moins, à la physique, tout comme l'économie. Parfois les analogies sont malheureuses (les animaux-machines de Descartes).

(6) Op. cit.

(7) Voir par exemple, Bailey, N. T., The Mathematical Theory of Epidemics (London, Griffin, 1957)Google Scholar.

(8) Homans n'est pas isolé sur ce point. On trouve chez Parsons un essai largement controversé pour ramener certains concepts sociologiques (pouvoir, influence, etc.) à des concepts économiques (échange, monnaie, etc.). Voir par exemple sur ce point Chazel, F., Réflexions sur la conception du pouvoir et de l'influence, Revue française de sociologie, V (1964), 387401CrossRefGoogle Scholar.

(9) Voir par exemple, Shubik, Martin, Game Theory and Related Approaches to Social Behavior (New York, Wiley, 1964)Google Scholar.

(10) Cf. Auger, Pierre, Les modèles dans la science, science, Diogène, LII (1965), 315Google Scholar.

(11) On donne quelquefois le nom de « modeles » à certains paradigmes théoriques concernant une réalité artificielle, Sur cette notion de « modele » une recherche systématique serait également à entreprendre dont nous ne pouvons ici que signaler l'intérêt.

(12) Merton, , op. cit. pp. 65 et sq.Google Scholar

(13) Ibid. pp. 72 sq.

(14) Radcliffe-Brown, A. R., The Andaman Slanders2 (Glencoe, The Free Press, 1948)Google Scholar.

(15) Nous verrons plus loin comment on peut tenter de donner une définition précise de l'opposition validité/vérité.

(16) Lazarsfeld, Paul F. and Barton, Allen H., Some Functions of Qualitative Analysis in Social Research, Frank-furter Beiträge zur Soziologie, I (1955), 321361Google Scholar.

(17) Parsons, Talcott, General Theory in Sociology, in Merton, Robert et al. , Sociology To-day (New York, Harper, 1959), pp. 338Google Scholar.

(18) Traduction française par Bourricaud, F. dans Éléments pour une sociologie de l'action (Paris, Plon, 1955)Google Scholar.

(19) Éléments…, ibid. pp. 282–283.

(20) Dans le texte de Sociology To-day auquel nous nous sommes reféré, Parsons tente d'expliquer que la sociologie pas plus que les autres sciences ne saurait se contenter d'enregistrer des faits et qu'elle doit au contraire les insérer dans un langage général. Pour le physicien, ce langage est constitué par la mathématique. C'est un langage ayant une fonction analogue à celle de la mathématique pour la physique que Parsons voudrait créer dans le cas de la sociologie. La discussion présentée permet peutêtre de clarifier l'épineuse question de l'existence, de la possibilité ou de la nécessité d'une théorie générale en sociologie. Elle fait apparaître en effet l'importance de la théorie pour, le développement de la sociologie. Mais, en même temps, on ne voit paspourquoi la recherche théorique devrait prendre nécessairement la forme d'un para-digme conceptuel, aussi général soit-il. Les travaux ultérieurs de Parsons, son attirance pour la théorie économique et pour la cyber-nétique font apparaître un glissement de sa part des paradigmes de type conceptuel vers des paradigmes de type formel et théorique. Le développement de la « théorie générale » que Parsons a en vue ne peut sans doute résulter que de celui de ces diverses classes de paradigmes.

(21) Cf. à ce sujet, Lazarsfeld, Paul, Concept Formation and Measurement in the Behavioral Sciences: some historical observations, in Direnzo, Gordon, Concepts, Theory and Explanation in the Behavioral Sciences (New York, Random House, 1966)Google Scholar. Traduction française dans Lazarsfeld, P., Philosophie des sciences sociales (Paris, Gallimard, 1970)Google Scholar.

(22) Voir par exemple sur ce sujet Hubert, and Blalock, Ann (eds), Methodology in Survey Research (New York, McGraw Hill 1968)Google Scholar.

(23) Cf. par exemple les chapitres concernant la linguistique dans Luce, Duncan et al. , Handbook of Mathematical Psychology (New York, Wiley, 1963)Google Scholar et sur les grammaires génératives, Ruwet, Nicolas, Introduction à la grammaire générative (Paris, Plon, 1968)Google Scholar.

(24) La notion de « phénomène singulier » pose, il faut le reconnaître, certains problèmes logiques délicats. Dans la mesureoù il est expliqé par subsomption sous des propositions universelles, un tel phénomène suppose toujours une analyse comparative plus ou moins implicite. Ainsi, les singulrités de la société française sont expliquées par Tocqueville par une référence constante à d'autres sociétés et notamment aux sociétés anglo-saxonnes.

(25) Cf. Rapoport, Anatol, Mathematical Aspects of General System Analysis, in Les sciences sociales, problèmes et orientations (Paris/La Haye, Mouton/Unesco, 1968)Google Scholar.

(26) Nous avons tenté, à une échelle très réduite, une analyse de ce genre dans nos remarques sur la notion de fonction, Revue française de sociologie, VIII (1967), 198206Google Scholar.

(27) (Vienne, Springer, 1935). Version Lonanglaise augmentée: The Logic of Scientific Discovery (New York, Hutchinson, 1959)Google Scholar. Voir aussi Conjectures and Refutations (London, Routledge and Kegan Paul, 1963)Google Scholar.

(28) Cette remarque a toutefois ses propres limites. Il n'est pas sûr que, même en histoire, il existe des propositions singulières. En effet, il faut plutôt concevoir ces propositions singulières comme des moments prod'une dèmarche par laquelle l'historien d'établir des propositions plus générales.

(29) Cette remarque n'est également valable qu'en première approximation. Sion adopte à propos des mathématiques un point de vue non logique, mais historique, on peut en effet mettre en évidence des processus de confrontation de théories existantes à des contre-exemples qui entraînent un élargissement du cadre théorique.

(30) Éléments…, op. cit. p. 307. Certaines des applications de la théorie parsonienne de la stratification sont, non de Parsons, mais de nous-mêmes.

(31) Ibid. p. 295.

(32) Cf. Dahrendorf, R., Demokratie und Gesellschaft in Deutschland (Munich, Piper, 1967)Google Scholar; Inkeles, A. et Rossi, P., National Comparisons of Occupational Prestige, Amer. Journ. Soc., LXVI (1956), 329339CrossRefGoogle Scholar.

(33) de Tocqueville, Alexis, L'Ancien Régime et la Révolution2 (Paris, Gallimard, 1952), pp. 229232Google Scholar.

(34) Cf. à ce sujet Homans, G., The Nature of Social Science (New York, Harcourt, Brace and World, 1967)Google Scholar.

(35) On retrouve ici la trop célèbre opposition entre erklären et verstehen (expliquer et comprendre). Il est à noter d'ailleurs que les relations « psychologiques » peuvent être vérifiées e mpiriquement. Si nous renonçons ici à employer le langage habituel, c'est qu'il a surtout été employé pour marquer l'opposition là où nous désirons marquer la complémentarité, qui nous semble correspondre au développement réel des sciences sociales.

(36) Voir par exemple Cherry, Colin, On Human Communication (New York, Wiley, 1957)Google Scholar, et Jakobson, Roman, Essais de linguistique générale (Paris, Minuit, 1963)Google Scholar.

(37) Voir par exemple, Selvin, Hanan, Aspects méthodologiques du suicide, in Boudon, R. et Lazarsfeld, P., L'analyse empirique de la causalité (Paris, Mouton, 1966), pp. 276291Google Scholar.

(38) Difficile, mais non impossible. Enprincipe, les techniques de mesure élaborées par les sciences sociales s'appliquent aussi bien aux jugements subjectifs de valeurs qu'on peut porter à l'égard d'une théorie scientifique qu'à propos d'autres types d'attitudes. Dans une anticipation de génie, G. Tarde rêvait déjà d'une épistémologie expérimentale où on pourrait mesurer le degré de conviction s'attachant aux théories scientifiques (cf. croyance, La et désir, le, in Essais et mélanges sociologiques (Paris, Masson, 1895)Google Scholar. Pareto, Voir aussi V., Traité de sociologie générale, (Genève, Droz, 1968), p. 64 § 60Google Scholar: « Quand untrès grand nombre de conséquences d'une hypothèse ont été vérifiées par l'expérience, il devient extrêmement probable qu'une nouvelle conséquence le sera aussi ». [C'est nousqui soulignons].

(39) Le suicide (Paris, Presses Universitaires de France, 1960), pp. 174 et sq.Google Scholar

(40) Les structures élémentaires de la parenté (Paris, Presses Universitaires de France, 1948)Google Scholar.

(41) Cet exemple est intéressant à plus d'un titre. Cette théorie ad hoc, qui nous paraît aujourd'hui d'une impardonnable naïveté fut populaire en son temps. Rétro-spectivement, elle permet de prendre la mesure du risque qu'on encourt en acceptant une théorie de ce type et montre que, épistémologiquement, le critère de réfutabilité ne prend en fait de sens qu'en liaison avec la notion de complexité structurelle associée à {q}.

(42) Il est clair que par épistémologie positive, nous n'entendons pas épistémologie positiviste. Ce que nous avons en vue en parlant d'une épistémologie positive, c'est une épistémoiogie fondée sur l'analyse positive et systématique des produits de la science plutôt que sur des a priori, une discipline en d'autres termes dont les démarches rappellent plutôt celle de la science que celle de la philosophie.

(43) Nous reprenons ici en l'approfon dissant et en le systématisant un thème esquissé à propos d'une analyse du structuralisme dans A quoi sert la notion de structure? (Paris, Gallimard, 1968)Google Scholar.

(44) Cette remarque suggère une distinction précise entre les deux termes de validité et de niveau de vérification appliqués à une théorie.

(45) Voir références aux notes (23) et (47).

(46) Nous résumons très succinctement ici un ensemble de développements dus à Chomsky et Miller. Cf. Duncan Luce, op. cit. tome II, chapitre II, Introduction to the formal analysis of natural languages.

(47) Cf. Chomsky, Noam, Explanation models in linguistics, in Nagel, E. et al. , Logic, Methodology and Philosophy of Science (Stanford, University Press, 1962), pp. 528550Google Scholar.

(48) En tout cas, cette classe de faits requiert une élaboration scientifique, tandis que celle de Chomsky et Miller est une donnée de la nature. Ce processus d'élaboration pourrait en lui-même être l'objet de recherches épistémologiques intéressantes.

(49) Lazarsfeld est injustement sévère à l'égard de Durkheim dans Concept formation…, op. cit. Il est vrai que Durkheim se fait une idée très traditionnelle du concept de définition et qu'il ne conçoit pas à ce propos, contrairement à Max Weber, d'autre instrument logique que la logique des classes. Mais sur un autre plan, il a compris l'importance considérable pour la théorisation d'une définition précise de la classe des faits à expliquer.

(50) La littérature sur ce sujet est si abondante que nous nous contentons sur ce point d'une référence moderne de qualité: cf. Blalock and Blalock, op. cit.

(51) Selvin, op. cit.

(52) Les causes du suicide (Paris, Alcan, 1930)Google Scholar.

(53) The Social Structure2 (Glencoe, The Free Press, 1965)Google Scholar.

(54) Lipset, Seymour M., Agrarian Socialism (Berkeley 1950)Google Scholar. Cité par Lazarsfeld and Barton, op. cit.

(55) Boudon, R., Les méthodes en sociologie (Paris, Presses Universitaires de France, 1969)Google Scholar.

(56) Le cas de la notion de système est significatif à cet égard. Elle est utilisée par les sciences de la nature et par les sciences sociales. Elle apparut d'abord sous la forme d'un paradigme conceptuel, pour se transformer ensuite en paradigmes plus complexes (cybernétique, théorie des systèmes, par exemple). Pour les sciences de la nature, la phase conceptuelle de ce paradigme appartient au domaine de l'histoire. Pour les sciences humaines, cette phase conceptuelle est encore partie intégrante de leur texture, comme le montrent les discussions sur le structuralisme.