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Grassmanniennes affines tordues sur les entiers

Published online by Cambridge University Press:  23 February 2023

João Lourenço*
Affiliation:
Westfälische Wilhelms-Universität Münster, Einsteinstrasse 62, Münster, D-48149, Germany; E-mail: j.lourenco@uni-muenster.de Max-Planck-Institut für Mathematik, Vivatsgasse 7, 53111 Bonn, Germany

Abstract

We generalize the works of Pappas–Rapoport–Zhu on twisted affine Grassmannians to the wildly ramified case under mild assumptions. This rests on a construction of certain smooth affine $\mathbb {Z}[t]$ -groups with connected fibers of parahoric type, motivated by previous work of Tits. The resulting $\mathbb {F}_p(t)$ -groups are pseudo-reductive and sometimes non-standard in the sense of Conrad–Gabber–Prasad, and their $\mathbb {F}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -models are parahoric in a generalized sense. We study their affine Grassmannians, proving normality of Schubert varieties and Zhu’s coherence theorem.

Type
Algebra
Creative Commons
Creative Common License - CCCreative Common License - BY
This is an Open Access article, distributed under the terms of the Creative Commons Attribution licence (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted re-use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Copyright
© The Author(s), 2023. Published by Cambridge University Press

1 Introduction

Les grassmanniennes affines $\operatorname {Gr}_G$ de k-groupes réductifs G sont des k-ind-schémas qui ont été introduits dans les années 90 en théorie géométrique des représentations pour étudier le champ des G-fibrés sur une courbe à l’aide de l’uniformisation de Beauville–Laszlo [Reference Beauville and LaszloBL94]. Cependant, leur importance n’a été mise en relief que dans les décennies suivantes, dans fondamentalement deux programmes : d’un côté, l’équivalence de Satake géométrique, et de l’autre, la théorie des modèles entiers de variétés de Shimura ou plutôt de ce qu’on appelle leurs modèles locaux. Pour cette dernière application, il faut comprendre vraiment la structure géométrique de certains sous-schémas fermés de $\operatorname {Gr}_G$ . En fait, la stratégie adoptée à la suite de Faltings [Reference FaltingsFa03] pour parvenir aux résultats désirés consiste à tirer profit du fait que l’on ait une réalisation entière de la grassmannienne affine. Lorsqu’on veut traiter les groupes non constants et tordus, la situation devient plus compliquée et les divers travaux monumentaux [Reference Pappas and RapoportPR08], [Reference ZhuZh14], [Reference Pappas and ZhuPZ13] de Pappas–Rapoport–Zhu consacrés à ce problème ne réussirent pas à éviter des hypothèses de ramification modérée - à savoir la grassmannienne affine tordue n’est réalisée qu’au-dessus de $\mathbb {Z}[1/e]$ , où l’on note e l’indice de ramification.

Dans l’article présent, on se propose d’étendre la théorie existante pour les groupes quasi-déployés aux cas de ramification sauvage et d’obtenir ainsi des réalisations entières des grassmanniennes affines tordues, voir le théorème 1.4. L’étape-clé est la construction d’un certain $\mathbb {Z}[t]$ -groupe $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ affine, lisse et connexe, qu’on regarde comme une famille entière de groupes parahoriques au-dessus de chaque corps premier et dont la grassmannienne affine est celle qu’on cherche, sous des hypothèses légères sur le $\mathbb {Q}(t)$ -groupe G fibre générique de $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir le théorème 1.3. Notre approche diffère de celle de [Reference Pappas and ZhuPZ13] en ce que les auteurs de ce dernier article choisissent relever leurs groupes en caractéristique mixte aux anneaux des polynômes, tandis que nous adoptons le point de vue de la réduction de la caractéristique nulle à la positive. Toutefois, on s’attend à ce que notre article fournisse les outils nécessaires, voir le théorème 1.5, pour faire des avances dans la théorie des modèles locaux p-adiques en des cas de ramification sauvage, telle qu’elle fut exposée dans les travaux de Scholze–Weinstein [Reference Scholze and WeinsteinSW20] et de He–Pappas–Rapoport [Reference He, Pappas and RapoportHPR18], voir notre dissertation [Reference Pereira LourençoPL20] et le dernier paragraphe de cette introduction.

Signalons que, afin d’étudier l’arithmétique de nos groupes en les caractéristiques sauvages, il faut utiliser la théorie générale et classification des groupes pseudo-réductifs sur les corps développée par Conrad–Gabber–Prasad [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15], ainsi que leur théorie schématique de Bruhat–Tits sur les corps discrètement valués, complets et à corps résiduels parfaits, qui fut développée en [Reference LourençoLou21]. Cet outil-là a été développé pour qu’on puisse démontrer certaines propriétés générales concernant les groupes algébriques linéaires sur les corps de fonctions, comme en [Reference ConradCo12] ou [Reference RosengartenRo18]. Néanmoins, le présent article est le seul à mettre au centre de l’attention les groupes pseudo-réductifs non standards, depuis les travaux de Tits consacrés aux groupes de Kac–Moody, [Reference TitsTi84] et [Reference TitsTi89], où les $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupes $\underline {G}$ furent construits, voir la question 1.1. Cependant, ce fut originalement à travers l’article [Reference LevinLev16] de Levin, consacré aux modèles locaux p-adiques pour les restrictions des scalaires de groupes modérés, que nous sommes conduit au cadre pseudo-réductif, car celui-là faisait implicitement usage des extensions purement inséparables.

Pour conclure en ce qui touche aux références historiques, nous aimerions rappeler au lecteur que, dans le cadre de Kac–Moody, la communauté mathématique avait déjà étudié à fond les variétés de drapeaux sur $\mathbb {C}$ typiquement de dimension infinie associées aux algèbres de Kac–Moody $\mathfrak {g}$ , qui admettent un prolongement naturel en des $\mathbb {Z}$ -ind-schémas d’après Mathieu [Reference MathieuMat88]. Comme produit dérivé des résultats qu’on va présenter, se dégage un dictionnaire arithmétique complet entre les grassmanniennes affines tordues et les variétés de drapeaux de Kac–Moody affines, voir le §6, ce qui était attendu en les caractéristiques petites depuis longtemps. Le théorème 1.4 sur la normalité des variétés de Schubert retient néanmoins son importance, parce que leurs définitions ne se ressemblent guère et qu’on y recourt pour établir la comparaison. Il ne doit être alors aucune surprise que Tits soit arrivé au milieu de sa recherche sur les groupes de Kac–Moody aux constructions sur lesquelles on s’appuie, et que cette théorie soit progressivement devenue une grosse source d’inspiration de cet article.

1.1 Groupes tordus sur $\mathbb {Z}[t]$ .

Soient k un corps algébriquement clos, $K=k (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ le corps de séries de Laurent à coefficients dans k et G un K-groupe réductif, connexe, quasi-déployé, simplement connexe et absolument presque simple. Fixons un épinglage $(H, T_H, B_H, X_H)$ au-dessus de $\mathbb {Z}$ de la $\mathbb {Z}$ -forme déployée H de G et un isomorphisme $G \otimes _K K^{\mathrm {s\acute {e}p}} \simeq H \otimes _K K^{\mathrm {s\acute {e}p}}$ de telle sorte que le groupe de Galois $\operatorname {Gal}(K^{\mathrm {s\acute {e}p}}/K)$ opère sur le membre de droite par automorphismes qui préservent l’épinglage donné. Comme le groupe $\operatorname {Aut}(H, T_H, B_H, X_H)$ est isomorphe au groupe d’automorphismes du diagramme de Dynkin de H, il s’identifie au groupe symétrique $\mathfrak {S}_e$ d’indice $e=1$ , $2$ ou $3$ . Si e est différent de la caractéristique p de k, alors la plus petite extension de K déployant G est $L=k (\hspace {-0,7mm}( {t^{1/e}} )\hspace {-0,7mm}) $ et l’on a un isomorphisme $G =(\operatorname {R}_{L/K} H)^{\Gamma }$ , où $\operatorname {R}_{L/K} H$ désigne la restriction des scalaires à la Weil de H sur laquelle $\Gamma :=\operatorname {Gal}(L/K)$ opère de façon galoisienne sur les coefficients et diagrammatique sur H, cf. constr. 2.2.2. Cependant, si $e=p$ , alors le même type d’énoncé reste valide, mais il faut remplacer l’extension $k (\hspace {-0,7mm}( {t^{1/e}} )\hspace {-0,7mm}) $ de $k (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ par des classes d’isomorphisme en nombre infini de clôtures galoisiennes d’extensions séparables de degré e.

Cette différence arithmétique se manifeste aussi dans la mesure où les groupes G à ramification modérée et indice de Tits fixé, voir la classification de [Reference TitsTi66], qu’on vient de décrire peuvent être rassemblés dans un $\mathbb {Z}[1/e][t^{\pm 1}]$ -groupe lisse, affine et connexe $\underline {G}$ , en prenant la même définition comme invariants de la restriction des scalaires du groupe de Chevalley H. La question qui a déclenché ce travail fut la suivante :

Question 1.1. Y a-t-il un prolongement “canonique” de G en un schéma en groupes $\underline {G}$ au-dessus de $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ ? Si oui, quel groupe obtient-on en caractéristique e ?

La réponse est heureusement toujours affirmative et ce schéma en groupes fut originalement construit par Tits [Reference TitsTi84], en faisant usage des techniques de recollement de Bruhat–Tits [Reference Bruhat and TitsBT84a], voir le th. 3.2.5, pour se ramener à construire une “donnée radicielle schématique” $(\underline {T}, \underline {U_a})_{a \in \Phi ^{\operatorname {nd}}}$ constituée de certains $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèles naturels induits par le choix d’un système cohérent d’épinglages, voir la déf. 3.3.3. Il est toujours loisible d’identifier le $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupe $\underline {G}$ à un sous-schéma en groupes fermé de la restriction des scalaires de H le long de $\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{1/e}]/\mathbb {Z}[t]$ , voir la prop. 3.3.9, mais on doit s’attendre au besoin de modifier à la Tits par quelques facteurs de $2$ le choix canonique de quasi-épinglages dû à Steinberg [Reference SteinbergSt59] et [Reference SteinbergSt68], cf. défs. 2.2.6 et 2.3.4. Il s’ensuit que $\underline {G}$ est lisse, affine et à fibres connexes.

Quant au groupe algébrique que l’on obtient en caractéristique e, le lecteur aura peut-être soupçonné qu’il ne s’agit pas non plus d’un groupe réductif, à cause de la présence d’une extension de corps purement inséparable $\mathbb {F}_e(t^{1/e})/\mathbb {F}_e(t)$ , et en fait $\underline {G}\otimes \mathbb {F}_e(t)$ est un groupe pseudo-réductif non standard et pseudo-déployé au sens de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15], comme mentionné plus haut, cf. prop. 3.3.7. Ces groupes pseudo-réductifs non standards forment une classe assez exceptionnelle qui a été découverte par Tits et qui n’existe qu’en caractéristiques petites $p\leq 3$ . La raison d’être de tels groupes, selon les auteurs de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15], est qu’il y ait des phénomènes de p-divisibilité dans le système de racines $\Phi _G$ . Nous préférons les regarder comme le fruit de la volonté de prendre avec insistance des $\Gamma $ -invariants galoisiens-diagrammatiques d’un groupe déployé, lorsque cela cesse d’être naïvement possible.

Venons-en à présent aux constructions de type parahorique. Soit S le plus grand tore déployé de G contenu dans le Cartan T. Admettons pour l’instant l’existence d’identifications canoniques entre les appartements $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ en caractéristiques différentes, voir la prop. 3.4.1, qu’on note plutôt $\mathscr {A}(\underline {G}, \underline {S}, \mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ pour signaler que la combinatoire est indépendante de l’arithmétique. Ceci soulève le même type de questions que plus haut, comparer avec la question 1.1 :

Question 1.2. Si on se donne une partie bornée et non vide $\Omega \subset \mathscr {A}(\underline {G}, \underline {S}, \mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , existe-t-il un $\mathbb {Z}[t]$ -groupe lisse, affine et connexe de type “immobilier” $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ modelant $\underline {G}$ ?

Le mot “immobilier” dans l’énoncé veut dire tout simplement que, au-dessus de $\mathbb {F}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ pour tout $p \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ , on obtient des modèles en groupes canoniquement associés à $\Omega $ au sens de la théorie de Bruhat–Tits généralisée de [Reference LourençoLou21]. Il faut noter que, en dehors de $\{e=0\}$ , soit dans [Reference Pappas and RapoportPR08], soit dans [Reference Pappas and ZhuPZ13], on peut essentiellement trouver une construction de ce schéma en groupes à l’aide des techniques des $\Gamma $ -invariants, mais lorsqu’on insiste pour travailler à coefficients entiers, il n’existe pas à notre connaissance une référence dans la littérature où ce schéma en groupes soit construit. Pour construire cet objet, on se propose de trouver une donnée radicielle valuée et puis d’appliquer le théorème sur l’existence de solutions aux lois birationnelles.

Ceci étant, précisons le cadre un petit peu plus général dans lequel on va travailler. On se donne un $\mathbb {Q}(t)$ -groupe réductif connexe G quasi-déployé, $\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})$ -déployé, $\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ -résiduellement déployé, dont le tore maximal T est induit, ainsi qu’un système cohérent d’épinglages à la Tits des sous-groupes radiciels $U_a$ . Le groupe de Tits $\underline {G}$ , ainsi que ses modèles immobiliers $\underline {\mathscr {G}_\Omega }$ associés à une partie bornée et non vide $\Omega \subseteq \mathscr {A}(\underline {G}, \underline {S}, \mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , se construisent de manière analogue, cf. défs. 3.3.5 et 3.4.6. Les conclusions de la première partie de l’article peuvent être résumées comme suit :

Théorème 1.3 (prop. 3.4.5, th. 3.4.10).

Sous les hypothèses précédentes, il existe un et un seul $\mathbb {Z}[t]$ -modèle en groupes lisse, affine, connexe et immobilier $\underline {\mathscr {G}_\Omega }$ de $\underline {G}$ associé à $\Omega $ .

On dit un mot sur la preuve de l’affinité. Malheureusement, on ne peut pas suivre l’argument de [Reference Pappas and ZhuPZ13] verbatim, car celui utilise la cohomologie de groupes et l’interprétation en tant que $\Gamma $ -invariants. Néanmoins, on réussit encore à démontrer l’affinité de la manière suivante. On observe que l’enveloppe affine, lequel est lisse d’après Raynaud [Reference RaynaudRay70], ne peut pas posséder des composantes connexes supplémentaires dans les fibres, en appliquant le fait que les groupes d’Iwahori–Weyl de $\underline {G}\otimes \mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ ne dépendent pas de la caractéristique.

1.2 La géométrie des grassmanniennes affines tordues

Soient A un anneau et $\mathrm {G}$ un $A [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -groupe affine et lisse. La grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ de $\mathrm {G}$ est le pré-faisceau sur la catégorie des A-algèbres B qui classifie les $\mathrm {G}$ -torseurs sur le disque $B [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ munis d’une trivialisation sur le disque épointé $B (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ , cf. déf. 4.1.1. On dispose aussi des groupes d’arcs $L^+\mathrm {G}$ et de lacets $L\mathrm {G}$ donnés par $R \mapsto \mathrm {G}(R [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] )$ et $R\mapsto \mathrm {G}(R (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , tels que le faisceau quotient $L\mathrm {G}/L^+\mathrm {G}$ pour la topologie étale soit isomorphe à $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ . Sa représentabilité par un A-ind-schéma en est assurée dès que A soit un anneau de Dedekind et $\mathrm {G}$ soit lisse, affine et connexe, cf. prop. 4.1.2.

On s’intéresse surtout au cas où $A=\mathbb {Z}$ et $\mathrm {G}=\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est parahorique associé à une facette $\mathbf {f} \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , en reprenant les notations de la partie précédente concernant les groupes tordus, cf. question 1.2 et théorème 1.3. La parahoricité est condition nécessaire et suffisante pour que la grassmannienne affine soit un ind-schéma projectif, cf. 4.1.3, grâce à un théorème de Richarz [Reference RicharzRi16] que nous avons étendu au cas pseudo-réductif dans [Reference LourençoLou21].

Pour une alcôve fixe $\mathbf {a}$ adhérente à $\mathbf {f}$ et chaque classe $w \in \widetilde {W}/W_{\textbf {f}}$ du groupe d’Iwahori–Weyl, on dispose du schéma de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ , défini comme l’orbite fermée sous $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ d’un représentant convenable $n_w \in L\underline {N}(\mathbb {Z})$ de w, cf. déf. 4.1.4. Pour étudier leur géométrie, on se sert des schémas de Demazure $\operatorname {Dem}_{\mathfrak {w}}$ lisses et projectifs sur $\mathbb {Z}$ , produit tordu de droites de Schubert, tel que le morphisme vers la grassmannienne se factorise en une application birationnelle et surjective $\operatorname {Dem}_{\mathfrak {w}} \rightarrow \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ . Voici le résultat central :

Théorème 1.4 (th. 4.1.5).

Supposons que $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ . Alors les schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ sont géométriquement normaux sur $\mathbb {Z}$ , de Cohen–Macaulay et leurs fibres modulo $p>0$ sont scindées.

La démonstration du théorème ci-dessus ressemble à celles de Faltings [Reference FaltingsFa03] lorsque G est déployé ou de Pappas–Rapoport [Reference Pappas and RapoportPR08] au-dessus de $\mathbb {Z}[1/e]$ , mais il y a des différences importantes que nous allons expliquer dans la suite. Avant de commencer, nous voudrions aussi signaler que l’hypothèse $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ est impérative, si l’on veut éviter des complications dont la découverte fut le sujet de notre collaboration récente avec Haines–Richarz [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20] : en effet, dans ce cas les schémas de Schubert possèdent des fibres spéciales non réduites à réduits non normaux, cf. cors. 4.3.8 et 4.3.7.

La première étape est composée d’un traitement exhaustif de la structure du groupe d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir les props. 4.2.4 et 4.2.6, telle que de son opposé le groupe de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ . Notre approche de celui-ci est en fonction d’une extension convenable du $\mathbb {A}_{\mathbb {Z}}^1$ -groupe $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ à $\mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1$ , qui nous permet de poser $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}(R)=\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}(R[t^{-1}])$ , cf. déf. 4.2.8. La méthode de preuve ici adoptée pour la plupart des propriétés fondamentales concernant le groupe de cordes se distingue ainsi complètement de celle de de Cataldo–Haines–Li dans [Reference de Cataldo, Haines and LidHL18] pour les groupes déployés (reprise dans [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20] pour les groupes tordus modérément ramifiés), en substituant aux calculs interminables une analyse raffinée n’impliquant que l’action de rotation, voir le th. 4.2.9.

Puis on construit les $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -orbites fermées $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w}$ dans la grassmannienne affine à la suite de [Reference FaltingsFa03], cf. th. 4.2.16, dont des quotients locaux pour certains sous-groupes de congruence sont de type fini de codimension $l(w)$ , et même géométriquement normaux et de Cohen–Macaulay, d’après Kashiwara–Shimozono [Reference Kashiwara and ShimozonoKS09]. Ces résultats et constructions devraient être mis en relief, car ils sont incontournables pour qu’on parvienne à obtenir tous les faisceaux inversibles amples de la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , cf. cor. 4.3.10, s’agissant d’une lacune très sérieuse dans la preuve du théorème de normalité dans [Reference Pappas and RapoportPR08] en caractéristique $p=2$ .

Pour la deuxième étape, on fait usage des fibrés en droites amples pour montrer que les variétés de Schubert normalisées en caractéristique p sont scindées, cf. prop. 4.3.1, donc les schémas de Schubert normalisés satisfont aux propriétés du théorème 1.4, formant en outre un ind-schéma $\widetilde {\operatorname {Gr}}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ opéré par les groupes de lacets $L\underline {U_\pm }$ associés aux sous-groupes radiciels, cf. cor. 4.3.2. Alors que la normalité en caractéristique $0$ est due à Kumar [Reference KumarKum87], il ne reste qu’à montrer que l’application d’espaces tangents induite par la normalisation est surjective, dès que $G=G^{\operatorname {sc}}$ . Malheureusement, l’algèbre de Lie de $L\underline {G}$ sur $\mathbb {Z}$ n’est topologiquement pas engendrée par celles associées aux sous-groupes radicielles, dès que $\Phi _G$ soit non réduit, cf. lem. 4.3.5, en vertu de quelques facteurs quadratiques méchants, ce qui n’était jamais le cas sous les hypothèses de [Reference FaltingsFa03] ou de [Reference Pappas and RapoportPR08]. Pour remédier à ce problème, nous devons considérer les espaces de distributions, c’est-à-dire opérateurs différentiels supérieurs, cf. lem. 4.3.6.

Ceci fournit en outre le lien entre nos schémas de Schubert et ceux de Mathieu [Reference MathieuMat88] encadrés dans la théorie de Kac–Moody, cf. §6.1, dont les groupes d’arcs parahoriques sont définis par dualité en fonction de tels opérateurs différentiels supérieurs, cf. lem. 6.2.1. Puis la comparaison des schémas de Schubert s’ensuit en appliquant les théorèmes de normalité, voir le th. 6.2.4. Bien sûr, le lecteur cynique pourrait objecter à ce stade, nonobstant l’énorme travail géométrique que l’on a eu besoin de faire en avance, que les grassmanniennes affines ici construites ne sont alors que des objets bien connus depuis trente ans.

En réponse à cela, nous objecterions que la déformation de Beilinson–Drinfeld [Reference Beilinson and DrinfeldBD96], nous ne l’avions pas ! Par là, on entend le pré-faisceau $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ associé à une courbe lisse affine relative $A \rightarrow B$ sur un anneau A et à un B-groupe affine $\mathrm {G}$ , qui fait correspondre à toute B-algèbre C les classes d’isomorphisme de $\mathrm {G}$ -torseurs sur $B\otimes _A C$ munis d’une trivialisation en dehors du graphe $B \otimes _A C \rightarrow C $ , cf. déf. 5.1.1. On a aussi des groupes de lacets $L \mathrm {G}$ et d’arcs $L^+ \mathrm {G}$ opérant sur $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ et dont le quotient pour la topologie étale $L \mathrm {G}/L^+\mathrm {G}=\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ s’identifie à la grassmannienne affine.

Soient alors $A=\mathbb {Z}$ , $B=\mathbb {Z}[t]$ et $\mathrm {G}=\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ comme ci-dessus. La grassmannienne affine globale $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ est représentable par un ind-schéma projectif, voir la prop. 5.1.2 et le th. 5.1.3. Cet ind-schéma admet certains sous-schémas fermés invariants par le groupe d’arcs pour chaque copoids géométrique dominant $\mu $ de G, voir la déf. 5.1.6, appelés les schémas globaux de Schubert $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ et définis sur $\mathbb {Z}[\zeta _\infty , t^{1/\infty }]$ . Encore mieux, l’on a une description géométrique de ces variétés de Schubert globales.

Théorème 1.5 (th. 5.2.1, th. 5.2.2).

Supposons que $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ . Alors les schémas de Schubert globaux $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ sont normaux, plats, géométriquement réduits et leurs fibres sont égales au lieu admissible de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] }$ .

Le lieu admissible est classiquement défini en termes de l’application de Kottwitz, mais ici, on se sert de la finitude au sens inductif de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {T}}}$ , cf. lem. 5.1.5. Faisons aussi quelques commentaires relativement à la démonstration du théorème, dont l’affirmation reste nouvelle en ce degré de généralité même pour les groupes déployés ou tordus modérément ramifiés. L’empêchement le plus sérieux est qu’on ne sait plus sur une base bidimensionnelle si $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ est plat, contrairement à ce qui se passe sur les anneaux de dimension $1$ , auquel cas l’assertion résulterait du théorème de cohérence de Zhu [Reference ZhuZh14], cf. th. 5.2.1. Toutefois, cette assertion plus faible sur un anneau de dimension $1$ permet d’entendre assez bien le normalisé de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ et de montrer que l’application de normalisation est un isomorphisme, cf. th. 5.2.2.

Enfin, venons-en bref aux applications à la théorie des modèles locaux. Ceux-ci sont étroitement liés à l’arithmétique des variétés de Shimura et plus récemment Scholze–Weinstein [Reference Scholze and WeinsteinSW20] ont conjecturé qu’un certain v-faisceau de Schubert minuscule dans leur grassmannienne affine p-adique soit représentable par un schéma projectif, plat et géométriquement réduit. Dans une première version de cet article, nous avons généralisé les arguments de [Reference Scholze and WeinsteinSW20] et de He–Pappas–Rapoport [Reference He, Pappas and RapoportHPR18], afin de prouver la conjecture en presque tous les cas de type abélien. Vu que l’article présent est devenu trop grand et que l’encadrement perfectoïde p-adique ne ressemble guère aux méthodes employées, on s’est décidé de revenir sur la conjecture générale dans un futur travail. Les gens intéressés trouveront des informations supplémentaires dans [Reference Pereira LourençoPL20, IV].

1.3 Leitfaden

L’article est organisé à peu près comme l’introduction. Le §2 est un rappel de divers concepts fondamentaux autour des épinglages de sous-groupes radiciels et de leurs systèmes cohérents. Au §3 il s’agit de construire les $\mathbb {Z}[t]$ -groupes immobiliers tordus $\underline {\mathscr {G}_\Omega }$ qui sont la base de tout ce travail. Le §4 concerne la géométrie des grassmanniennes affines tordues entières associées aux groupes parahoriques $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , tandis que l’on étudie au §5 la déformation de Beilinson–Drinfeld et démontre notre variante du théorème de la cohérence. Enfin, on décrit dans §6 le lien entre notre théorie et celle de Kac–Moody au sens de Mathieu. Maintenant, on va détailler le contenu de chaque sous-section.

Le §2.1 explique quelques notions préparatoires concernant les automorphismes de groupes épinglés et les systèmes de Chevalley–Steinberg. Le §2.2 concerne la construction de formes tordues quasi-déployées associées à ces données. Au §2.3, nous éclaircissons l’aspect technique qu’on appelle la modification de Tits, et dans §2.4 on aborde une procédure d’élargissement central. Le §3.1 s’agit d’une rétrospective de la théorie de Bruhat–Tits visant le cas pseudo-réductif. Au §3.2, nous donnons une nouvelle approche des données radicielles schématiques de Bruhat–Tits, particulièrement utile sur les bases de dimension supérieure. Dans §3.3 les $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupes de Tits $\underline {G}$ sont construits et puis dans §3.4 il en est de même de leurs $\mathbb {Z}[t]$ -modèles immobiliers $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ . Nous démontrons notamment qu’ils sont lisses, affines et connexes.

Au §4.1, on commence par présenter les définitions et propriétés basiques des grassmanniennes affines. Le §4.2 établit certains résultats structuraux sur les groupes d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ parahoriques, ainsi que leurs opposés, les groupes de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , qui sont exploités pour introduire les cycles de Schubert. Dans §4.3 nous démontrons le théorème de normalité sur les schémas de Schubert. À partir du §5.1 on se penche sur la déformation globale de Beilinson–Drinfeld $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ et l’on montre le théorème de la cohérence sur les schémas de Schubert globaux au §5.2. Le §6.1 sert de briève introduction aux notions de la théorie de Kac–Moody, tandis qu’au §6.2 le lien entre les deux théories des groupes est établi.

1.4 Remerciements

Premièrement, il faut évidemment que je remercie mon directeur de thèse Prof. Dr. P. Scholze, qui m’a suggéré d’étudier les modèles locaux des variétés de Shimura et m’a aidé constamment avec des conseils précieux. Ensuite, je tiens à remercier vivement T. Haines et T. Richarz, qui ont toujours montré un grand intérêt pour mon travail, qui ont partagé très généreusement leurs idées mathématiques avec moi et qui m’ont appris beaucoup, notamment pendant l’écriture de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20]. Je veux remercier aussi le Prof. Dr. G. Faltings en tant que deuxième rapporteur de ma dissertation [Reference Pereira LourençoPL20]. B. Conrad mérite aussi une mention distinguée pour sa façon d’échanger de courriels très énergique et à la vitesse de l’éclair. C’est avec grand plaisir que je remercie J. Anschütz, G. Pappas, M. Santos et X. Zhu pour des discussions fructueuses autour de ce sujet et/ou des commentaires pertinents sur le texte. De plus, je tiens à remercier A.-C. le Bras, qui a corrigé plusieurs fautes de français. Enfin, un remerciement spécial est adressé au rapporteur, qui n’a pas seulement fait des suggestions très pertinentes et attentives, mais qui m’a aussi forcé à renoncer à mes aspirations littéraires et ainsi à faire l’écriture de cet article correctement. Du point de vue historique, je suis immensément redevable à J. Tits, pour la façon parfois inattendue dont son travail a imprégné tout ce que j’ai fait, et sans lequel je n’aurais jamais pu résoudre le cas non réduit.

1.5 Notations et conventions

Tous les anneaux considérés seront unitaires et commutatifs. Le foncteur de restriction des scalaires le long d’une extension plate et finie $A \rightarrow B$ d’anneaux sera noté $\operatorname {R}_{B/A}$ . On dit qu’un A-groupe G est connexe si toutes ses fibres sont connexes. Dans le présent article, on ne s’occupera que des formes tordues quasi-déployées. Sauf mention contraire, les immeubles ici considérés sont les réduits et pas les élargis. Tous les ind-schémas sont stricts.

2 Automorphismes de Dynkin et leurs formes tordues

2.1 Systèmes de Chevalley–Steinberg

Donnons-nous un schéma en groupes de Chevalley H sur $\mathbb {Z}$ muni d’un épinglage, c’est-à-dire de la donnée d’un couple de Killing $T_H \subseteq B_H \subseteq H$ constitué par un tore maximal et un Borel, la base correspondante $\Delta _H$ du système de racines $\Phi _H$ de H suivant $T_H$ et des isomorphismes $y_\alpha :\mathbb {G}_a \rightarrow U_\alpha $ pour toute racine simple $\alpha \in \Delta _H$ . La définition suivante d’une base de Chevalley est tirée directement de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 3.2.1, 3.2.2].

Définition 2.1.1. On dit qu’une famille d’isomorphismes $y_\alpha :\mathbb {G}_a \rightarrow U_\alpha $ pour toute racine $\alpha \in \Phi _H$ forme un système de Chevalley du groupe épinglé H, si

  1. 1. les $y_\alpha $ pour les racines positives simples $\alpha \in \Delta _H$ sont les épinglages donnés,

  2. 2. l’élément $n_\alpha =y_\alpha (1)y_{-\alpha }(1)y_\alpha (1)$ normalise $T_H$ pour toute racine $\alpha \in \Phi _H$ ,

  3. 3. et l’on a $n_\alpha y_\beta (r)n_\alpha ^{-1}=y_{s_\alpha (b)}(\epsilon _{\alpha ,\beta } r)$ , pour un certain signe $\epsilon _{\alpha ,\beta } \in \{\pm 1\}$ , où $\alpha , \beta \in \Phi _H$ et $s_\alpha $ désigne la réflexion dans le groupe de Weyl $W_H$ par rapport à $\alpha $ .

Il faut noter qu’il n’est pas possible en général de se débarrasser de ces signes méchants $\epsilon _{\alpha ,\beta }$ . Par conséquent, le choix du prolongement d’épinglage dans un système de Chevalley n’est pas unique, parce qu’on se permet toujours de remplacer $y_\alpha $ et $y_{-\alpha }$ par leurs inverses, pour $\alpha \in \Phi _H \setminus \pm \Delta _H$ . Notre convention pour le signe de la racine opposée $-\alpha $ diffère de celle de [SGA3, exp. XXIII, 1.2] comme le lecteur le verra dans l’exemple ci-dessous :

Exemple 2.1.2. Soit H le groupe de rang un $\operatorname {SL}_2$ épinglé de la manière habituelle : $T_H$ est le tore diagonal, $B_H$ le groupe des matrices triangulaires supérieures et $y_\alpha : \mathbb {G}_a \rightarrow U_\alpha $ est donné par:

(2.1.1) $$ \begin{align} r \mapsto \begin{pmatrix} 1 & r\\ 0 & 1 \end{pmatrix}.\end{align} $$

Alors, le seul système de Chevalley de ce groupe épinglé satisfait à la formule

(2.1.2) $$ \begin{align} y_{-\alpha}(r)= \begin{pmatrix} 1 & 0\\ -r & 1 \end{pmatrix},\end{align} $$

puisque des calculs fournissent $n_\alpha = n_{-\alpha }= \begin {pmatrix} 0 & 1\\ -1 & 0 \end {pmatrix}$ .

Alors, [SGA3, exp. XXIII, prop. 6.2] affirme qu’il existe toujours un système de Chevalley pour un tel groupe épinglé H :

Proposition 2.1.3 (Chevalley).

Il y a un et un seul système de Chevalley au signe près de H prolongeant l’épinglage donné.

Démonstration. Écrivons une racine arbitraire $\alpha \in \Phi _H$ comme la transformée $w(\beta )$ d’une racine positive simple $\beta \in \Delta _H$ . L’élément w admet une écriture $s_1\dots s_k$ comme produit de réflexions $s_i$ associées aux racines simples. On a ainsi

(2.1.3) $$ \begin{align}y_\alpha(r)=\operatorname{int}(n_{\alpha_1}\dots n_{\alpha_k})(y_\beta( \pm r)),\end{align} $$

ce qui nous permet aussi de définir une famille d’isomorphismes $y_\alpha $ en prenant un signe quelconque. On n’a qu’à vérifier que telle construction, malgré ses choix arbitraires, préserve l’épinglage donné lorsque appliquée à une racine simple. Ceci est le contenu du [SGA3, exp. XXIII, lem. 6.3], lequel repose sur des calculs en rang $2$ .

Considérons maintenant le groupe $\Xi _H$ d’automorphismes de la donnée radicielle épinglée correspondante à $\Delta _H \subseteq \Phi _H \subseteq X^*(T_H)$ et identifions-le au groupe des automorphismes de H fixant l’épinglage donné, d’après le [SGA3, exp. XXIV, th. 1.3]. On peut associer à ces données un nouveau système de racines $\Phi _G $ dans $X^*(T_H)^{\Xi _H}$ formé par les moyennes

(2.1.4) $$ \begin{align} a=\lvert \Xi_H \rvert^{-1}\sum_{\sigma \in \Xi_H} \sigma(\alpha)\end{align} $$

des orbites finies de $\Phi _H$ pour l’action de $\Xi _H$ (ceci conserve son sens même si $\Xi _H$ est infini), cf. [Reference HainesHai15, lem. 4.2]. Ce système de racines vient muni d’une application évidente de restriction $\Phi _H \rightarrow \Phi _G$ . On remarque que la définition suivante d’un système de Chevalley–Steinberg coïncide avec celle de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.3] et de [Reference LandvogtLan96, déf. 4.2], sauf que les auteurs y travaillent avec les formes tordues quasi-déployées qu’on étudiera au §2.2.

Définition 2.1.4. Un système de Chevalley s’appelle de Chevalley–Steinberg si, pour tout automorphisme $\sigma \in \Xi _H$ , l’on a $\sigma (y_\alpha (r))= y_{\sigma (\alpha )}(\epsilon _{\alpha ,\sigma } r)$ $\epsilon _{\alpha ,\sigma } \in \{\pm 1\}$ et est même égal à $1$ si la moyenne $a \in \Phi _{G}^{\operatorname {nd}}$ n’est pas divisible.

En particulier, une condition suffisante pour que le signe $\epsilon _{\alpha ,\sigma }$ soit toujours égal à $1$ est que $\Phi _G$ soit réduit, c’est-à-dire que $H^{\operatorname {sc}}$ ne contienne aucun facteur isomorphe à $\operatorname {SL}_{2n+1}$ . L’exemple suivant montre que cette condition est aussi nécessaire :

Exemple 2.1.5. Soit H le groupe $\operatorname {SL}_3$ épinglé de la façon canonique, c’est-à-dire $T_H$ est le tore diagonal, $B_H$ le sous-groupes des matrices triangulaires unipotentes et les sous-groupes radiciels associés aux racines positives simples $\alpha $ et $\beta $ sont donnés par

(2.1.5) $$ \begin{align}y_\alpha: r\mapsto \begin{pmatrix} 1& r & 0\\ 0 & 1 & 0\\ 0 & 0 & 1 \end{pmatrix}, y_\beta: r\mapsto \begin{pmatrix} 1& 0 & 0\\ 0 & 1 & r\\ 0 & 0 & 1 \end{pmatrix}.\end{align} $$

D’après [Reference ConradCo14, ex. 7.1.5], on sait que le seul automorphisme $\sigma $ du groupe épinglé H est :

(2.1.6) $$ \begin{align} \begin{pmatrix} a& b & c\\ d & e & f\\ g & h & i \end{pmatrix}\mapsto \begin{pmatrix} ei-fh & af-cd & bf-ce\\ ah-bg & ai-cg & bi-ch\\ dh-eg & di-fg & ae-bd \end{pmatrix},\end{align} $$

ce qui entraîne $\epsilon _{\alpha +\beta ,\sigma }=-1$ comme voulu. Par alternative, nous pourrions avoir calculé directement l’effet de $\sigma $ sur $\operatorname {Lie}H$ , utilisant le crochet.

Ce sont justement ces signes méchants, qui nous forceront à traiter de façon spéciale les groupes unitaires de dimension impaire, voir l’ex. 2.2.4 et surtout le §2.3. Finissons-en par énoncer l’existence des systèmes de Chevalley–Steinberg, dont la démonstration remonte essentiellement à l’œuvre [Reference SteinbergSt59] de Steinberg.

Proposition 2.1.6 (Steinberg).

Il existe toujours un système de Chevalley–Steinberg.

Démonstration. Vu que $\sigma $ est un automorphisme et que les $\mathbb {Z}$ -automorphismes de $\mathbb {G}_a$ sont déterminés par les signes $\{\pm 1\}$ , on déduit que $\sigma (y_\alpha (r))= y_{\sigma (\alpha )}(\epsilon _{\alpha ,\sigma } r)$ avec $\epsilon _{\alpha ,\sigma } \in \{\pm 1\}$ . Fixé un système de Chevalley quelconque du groupe épinglé H, on doit montrer que, quitte à faire des changements de signes, on arrive à la condition $\epsilon _{\alpha ,\sigma }=1$ pour toutes les racines $\alpha \in \Phi _H$ telles que leurs moyennes $a\in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ soient non divisibles.

On se ramène aisément au cas où H est adjoint simple. Le cas des involutions fut traité dans [Reference SteinbergSt59, lem. 3.2] et le cas du groupe symétrique $\mathfrak {S}_3$ en trois éléments fut vérifié dans la preuve de [Reference LandvogtLan96, prop. 4.4].

2.2 Formes tordues et quasi-systèmes de Chevalley

Soient k un corps et G un k-groupe réductif et connexe. Rappelons que G s’appelle quasi-déployé si le centralisateur de tout sous-k-tore déployé maximal S est un tore maximal T. En particulier, on peut toujours choisir un sous-groupe de Borel $B\supset T\supset S$ correspondant à une base $\Delta _G$ du système de racines $\Phi _G$ de G relativement à S. Soit $l/k$ une extension galoisienne à groupe $\Gamma $ déployant G. Le lemme suivant est du folklore :

Lemme 2.2.1. Soit H la k-forme déployée de G munie d’un épinglage. Alors, quitte à conjuguer par $H^{\mathrm {ad}}(l)$ , il y a un et un seul prolongement de l’isomorphisme donné $G_l\simeq H_l$ à un isomorphisme de triples $(G,B,T)\otimes _k l \simeq (H,B_H,T_H)\otimes _k l$ tel que l’action de $\Gamma $ transportée au membre de droite préserve l’épinglage.

Il en résulte un certain homomorphisme $\tau : \Gamma \rightarrow \Xi _H$ vers le groupe d’automorphismes épinglés, tel que l’opération de $\Gamma $ sur $G_l$ transportée à $H_l$ devienne égale à $\gamma \mapsto \tau (\gamma )\otimes \gamma $ .

Démonstration. L’unicité est évidente en vertu du [SGA3, exp. XXIV, th. 1.3]. Grâce aux théorèmes de conjugaison pour les tores maximaux et les paraboliques minimaux qui les contiennent, cf. par exemple [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. C.2.3, th. C.2.5], on peut choisir $h \in H(l)$ , tel que $\varphi : G_l \simeq H_l$ envoie $(B,T)$ sur $(B_H,T_H)$ . Pour préserver l’épinglage, il suffit de conjuguer par un élément de $T^{\operatorname {ad}}(l)$ .

Par conséquent, tous les k-formes G quasi-déployées et l-déployées du k-groupe épinglé H s’obtiennent par une procédure très explicite de tordument comme suit :

Construction 2.2.2. Soient $\Gamma $ le groupe de Galois de $l/k$ et $\tau : \Gamma \rightarrow \Xi _H$ un homomorphisme de groupes continu. Comme $\Gamma $ commute aux k-automorphismes de H, l’homomorphisme $\tau :\Gamma \rightarrow \Xi _H$ induit une classe $c_\tau \in H^1(k,\operatorname {Aut}_{l}(H))$ et l’on note G le k-groupe réductif, connexe et quasi-déployé obtenu en tordant H par $c_\tau $ , comp. avec [Reference ConradCo14, lem. 7.1.1, prop. 7.1.6]. Plus explicitement, si $\Gamma $ est fini, considérons la restriction des scalaires $\operatorname {R}_{l/k} H$ munie de l’opération de $\Gamma $ qui fait correspondre à $\gamma $ l’automorphisme $\tau (\gamma ) \otimes \gamma $ . Si l’on pose alors $G=(\operatorname {R}_{l/k} H)^{\Gamma }$ , on obtient la k-forme quasi-déployée cherchée de H.

La définition classique d’un quasi-épinglage d’un groupe quasi-déployé G consiste de la donnée d’un couple de Killing $B\supset T$ et d’un élément $X \in \operatorname {Lie} B$ , tel que son image dans $\operatorname {Lie}B_H$ coïncide avec la somme des vecteurs générateurs $Y_\alpha =y_\alpha (1) \in \operatorname {Lie}U_\alpha $ pour chaque racine simple $\alpha \in \Delta _H$ , cf. [SGA3, exp. XXIV, 3.9]. Bien que cela est raisonnable, nous aurons besoin de recourir plutôt à d’isomorphismes décrivant les sous-groupes radiciels $U_a$ pour les racines relatives $a \in \Phi _G$ , où ce symbole-ci désigne le système de racines relatifFootnote 1 de G par rapport à S.

Ensuite, on étudie la structure des sous-groupes radiciels $U_a$ lorsque $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ n’est pas divisible.

Exemple 2.2.3 (non-multipliable).

Supposons que $H=\prod _{I} \operatorname {SL}_2$ , épinglé comme d’habitude et où I est un ensemble fini sur lequel $\Gamma $ agit de façon transitive. Alors, le groupe $\Gamma $ y opère canoniquement par d’automorphismes de Dynkin qui échangent les différents facteurs simples de rang $1$ , selon l’action naturelle de $\Gamma $ sur l’espace homogène I. On veut calculer le groupe $G=(\operatorname {R}_{l/k} H)^\Gamma $ . Mais si $(h_{\gamma })\in \operatorname {SL}_2(R\otimes _kl)^{I}$ est invariant par $\Gamma $ , alors $\sigma (h_{i})=h_{\sigma i}$ . Par conséquent, on arrive à la conclusion que $G \simeq \operatorname {R}_{m_0/k} \operatorname {SL}_2$ , où $m_0$ désigne le corps fixe du stabilisateurs $ \Gamma _0 \subset \Gamma $ de $i_0 \in I$ , et que l’inclusion dans $\operatorname {R}_{l/k} H$ est donnée par la diagonale tordue $(\gamma )_{\gamma \in \Gamma /\Gamma _0}$ .

Revenons alors au cas général d’une racine relative ni divisible ni multipliable $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ obtenue en moyennant $\alpha \in \Phi _H$ . En termes d’un système de Chevalley–Steinberg de notre groupe épinglé H, on obtient un isomorphisme

(2.2.1) $$ \begin{align}x_a: \operatorname{R}_{l_a/k}\mathbb{G}_a \rightarrow U_a, \end{align} $$
(2.2.2) $$ \begin{align} r\mapsto \prod_{\gamma\alpha} y_{\gamma\alpha}(\gamma(r)), \end{align} $$

où l’on note $l_a$ le corps fixe du stabilisateur de $\alpha $ pour l’action de $\Gamma $ , car $\epsilon _{\alpha ,\gamma }=1$ pour tout $\gamma \in \Gamma $ , comp. aussi avec [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.5]. Si l’on avait choisi soit un autre système de Chevalley, soit une racine conjuguée de $\alpha $ , on n’aurait changé $x_a$ qu’au signe et à la conjugaison près, cf. aussi [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.7]. On va dire que deux tels isomorphismes sont similaires et donc que $x_a$ ne dépend que de a à similitude près.

Exemple 2.2.4 (multipliable).

Considérons maintenant $H=\operatorname {SL}_3$ muni de l’épinglage usuel et supposons que $l/k$ soit une extension quadratique séparable. Dans l’exemple 2.1.5, nous avons déterminé l’involution de Dynkin $\sigma $ de $\operatorname {SL}_3$ . Le groupe échéant $G=(\operatorname {R}_{l/k}H)^\Gamma $ sera toujours noté $\operatorname {SU}_{3,l/k}$ et regardé en tant que fermé de $\operatorname {R}_{l/k}\operatorname {SL}_3$ ; il s’agit même du groupe unitaire attaché à la forme quadratique $xy+yx-z^2$ . Son système de racines est $\Phi _G=\{\pm a, \pm 2a\}$ et on souhaiterait d’avoir une description explicite du groupe $U_a$ . Grâce à l’exemple sus-mentionné, on tire

(2.2.3) $$ \begin{align} U_a =\Bigg\{ \begin{pmatrix} 1& r & s\\ 0 & 1 & \sigma(r)\\ 0 & 0 & 1 \end{pmatrix} : s+\sigma(s)=r\sigma(r) \Bigg\}. \end{align} $$

Notant $x_a(r,s)$ la matrice ci-dessus, on peut regarder $x_a$ comme un isomorphisme entre un certain groupe matriciel et le groupe algébrique abstrait $U_a$ . En termes du système de Chevalley–Steinberg de $\operatorname {SL}_3$ , il s’écrit de la façon suivante :

(2.2.4) $$ \begin{align}x_a(r,s)=y_{\alpha}(r)y_{\alpha+\beta}(-\sigma(s))y_\beta(\sigma(r))=y_\beta(\sigma(r))y_{\alpha+\beta}(s)y_\alpha(r).\end{align} $$

Cet exemple nous amène à introduire de la notation pour ce groupe matriciel unipotent, cf. aussi [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.9].

Définition 2.2.5. Soit $l/k$ une extension quadratique séparable. Le groupe unipotent pluriel $\mathbb {G}_{p,l/k}$ est le sous-groupe des matrices triangulaires supérieures unipotentes de $\operatorname {R}_{l/k}\operatorname {SL}_3$ de la forme de (2.2.3).

Soient $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ une racine relative multipliable et $\alpha ,\beta \in \Phi _H$ deux racines conjuguées dont la somme est une racine et dont les moyennes sont égales à a. En termes d’un système de Chevalley–Steinberg commode de notre groupe épinglé H, on obtient un isomorphisme

(2.2.5) $$ \begin{align} x_a: \operatorname{R}_{l_{2a}/k}\mathbb{G}_{p,l_a/l_{2a}} \rightarrow U_a, \end{align} $$
(2.2.6) $$ \begin{align} (r,s)\mapsto \prod_{\{\gamma\alpha,\gamma\beta\}} y_{\gamma\beta}(\gamma\sigma(r))y_{\gamma(\alpha+\beta)}(\gamma(s))y_{\gamma\alpha}(\gamma(r)), \end{align} $$

où l’on note $l_a$ le corps fixe du stabilisateur de $\alpha $ pour l’action de $\Gamma $ et $l_{2a}$ celui de $\alpha +\beta $ , et $\sigma $ l’involution de $l_a/l_{2a}$ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.9]. Notons que les ensembles $\{\gamma \alpha ,\gamma \beta \}$ doivent être regardés comme étant ordonnés et $\gamma $ doit préserver cet ordre, pour que cette écriture ait du sens, donc on dira que $\gamma \alpha $ resp. $\gamma \beta $ est un relèvement de premier type resp. second type de a. Finalement, l’isomorphisme $x_a$ ne dépend que de a à similitude près, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.13] et voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, A.4] pour les opérations permises dans ce cas.

L’ensemble des isomorphismes $x_a$ pour $a \in \Delta _G$ resp. $a \in \Phi _G$ ainsi obtenus est exactement ce que nous aurions envie d’appeler un quasi-épinglage resp. quasi-système de Chevalley. La seule nuisance est qu’une telle notion nous semble à l’instant extrinsèque et dépendante de la réalisation de G comme $\Gamma $ -invariants d’une restriction des scalaires de H. L’approche idéale pour s’y référer intrinsèquement est celle de [Reference LourençoLou21, 2.4], dont le truc principal est de considérer plutôt les homomorphismes naturels

(2.2.7) $$ \begin{align}\zeta_a:\operatorname{R}_{l_a/k} \operatorname{SL}_2 \rightarrow G, \end{align} $$
(2.2.8) $$ \begin{align} \zeta_a:\operatorname{R}_{l_{2a}/k} \operatorname{SU}_{3,l_a/l_{2a}} \rightarrow G ,\end{align} $$

prolongeant les isomorphismes $x_a$ , selon a appartienne à $\Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ ou à $\Phi _G^{\operatorname {m}}$ . En effet, leur existence découle de la description des groupes quasi-déployés de rang $1$ conformément aux ex. 2.2.3 et 2.2.4. Voici la [Reference LourençoLou21, déf. 2.4] :

Définition 2.2.6. Soit $G \supset B \supset T \supset S$ un groupe quasi-déployé. Un quasi-épinglage de G est une collection d’homomorphismes $\zeta _a$ de $\operatorname {R}_{l_a/k} \operatorname {SL}_2$ vers G si $a \in \Delta _G^{\operatorname {nd,nm}}$ (resp. de $\operatorname {R}_{l_{2a}/k} \operatorname {SU}_{3,l_a/l_{2a}}$ si $a \in \Delta _G^{\operatorname {m}}$ ) tels que leurs restrictions aux tores diagonaux déployés soient égales à $a^{\vee }:\mathbb {G}_m \rightarrow G$ et que les matrices triangulaires supérieures unipotentes s’envoient sur $U_a$ . Un quasi-système de Chevalley de G quasi-épinglé est une extension de la collection $\zeta _a$ aux racines non divisibles $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ de telle sorte que $\operatorname {int}(m_a) \circ \zeta _b$ soit semblable à $\zeta _{s_a(b)}$ .

Les $m_a$ s’écrivent comme $\prod _{\gamma \alpha } n_{\gamma \alpha }$ dans le cas non multipliable (resp. $\prod _{\gamma (\alpha +\beta )} n_{\gamma (\alpha +\beta )}$ dans le cas multipliable), voir la déf. 2.1.1 pour le cas déployé. Ceux-ci se généralisentFootnote 2 en des éléments

(2.2.9) $$ \begin{align} m_a(r)=x_{a}(r^{-1})x_{-a}(r)x_{a}(r^{-1}) \end{align} $$

pour toute racine $a\in \Phi _G^{\operatorname {nd},\operatorname {nm}}$ ni divisible ni multipliable, et

(2.2.10) $$ \begin{align}m_a(r,s)= x_a(rs^{-1},\sigma(s)^{-1})x_{-a}(r,s)x_a(r\sigma(s)^{-1},\sigma(s)^{-1})\end{align} $$

pour toute racine multipliable $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.5, 4.1.11].

Proposition 2.2.7. Les classes de similitude des quasi-systèmes de Chevalley de G forment un torseur trivial sous $T^{\operatorname {ad}}(k)/T^{\operatorname {ad}}[2](k)$ .

Démonstration. On renvoie à [Reference LourençoLou21, prop. 2.5] pour plus de détails. Ce que deux classes de similitude de quasi-systèmes de Chevalley ne diffèrent qu’en conjuguant par $T^{\operatorname {ad}}(k)/T^{\operatorname {ad}}[2](k)$ est presque évidente. La méthode de preuve dans le cas déployé permet d’étendre un quasi-épinglage donné à une famille d’homomorphismes $\zeta _a$ . Pour vérifier qu’ils satisfont à la contrainte de similitude, on utilise les formules explicites pour les $x_a$ , $m_a$ , etc. en termes des $y_\alpha $ , $n_\alpha $ , etc. pour se ramener au cas déployé.

Remarque 2.2.8. Outre les résultats de conjugaison, qui ne marchent qu’au-dessus des corps, le genre de constructions entreprises dans ce numéro, voir par exemple la constr. 2.2.2, s’étendent facilement aux bases générales. On en laisse le soin au lecteur.

2.3 La modification de Tits

Malheureusement, le prolongement naturel du groupe $\mathbb {G}_{p,l/k}$ , voir la déf. 2.2.5, au cas où les coefficients sont entiers (ceci doit être pris au sens du §3) n’est plus lisse en caractéristique résiduelle égale à $2$ . Par conséquent, on va introduire un certain k-groupe unipotent $\mathbb {G}^{\operatorname {T}}_{p,l/k}$ explicite à la suite de [Reference TitsTi84, annexe 2], qui s’identifie encore, lorsque $2$ est inversible dans k, au groupe unipotent pluriel de la déf. 2.2.5 noté $\mathbb {G}^{\operatorname {CS}}_{p,l/k}$ pendant tout ce numéro. L’avantage de la variante $\mathbb {G}^{\operatorname {T}}_{p,l/k}$ de Tits est qu’elle admet une description plus commode en termes du sous-espace vectoriel $l^0 \subset l$ des éléments de trace nulle, qui s’étendra sans peine de manière lisse au cas où les coefficients sont entiers, voir la déf. 3.3.3.

Définition 2.3.1. Soit k un corps de caractéristique différente de $2$ et $l/k$ une extension quadratique. Alors, $\mathbb {G}^{\operatorname {T}}_{p,l/k}$ est la variété $\operatorname {R}_{l/k}\mathbb {A}^1_l \times \mathbb {A}^1_{l_0}$ munie de la loi de groupe

(2.3.1) $$ \begin{align} (u,v)\cdot (u',v')=(u+u',v+v'+\sigma(u)u'-u\sigma(u')) .\end{align} $$

Ici, l’on regarde $\mathbb {A}^1_{l_0}$ comme la droite affine sur k au moyen d’un isomorphisme quelconque de k-espaces vectoriels $k \simeq l_0$ .

Notons que cette définition se ressemble à celle de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.15], sauf en ce qui concerne le choix d’un élément $\lambda $ de trace $1$ , bien que nous avons choisi $\lambda =1$ . Nous en tirons l’isomorphisme

(2.3.2) $$ \begin{align} \mathbb{G}_{p,l/k}^{\operatorname{T}} \rightarrow \mathbb{G}_{p,l/k}^{\operatorname{CS}}, \end{align} $$
(2.3.3) $$ \begin{align} (u,v)\mapsto (u,2v-u\sigma(u)),\end{align} $$
(2.3.4)

lequel profite du fait que $2$ est inversible dans k. Avant de continuer, étudions la situation limite en caractéristique $2$ , qui est implicitement liée avec toutes les modification que nous sommes en train d’introduire :

Remarque 2.3.2. Supposons pour l’instant que $l/k$ est une extension quadratique inséparable de caractéristique $2$ , c’est-à-dire $\sigma $ est trivial. Alors la déf. 2.2.5 préserve son sens et l’on obtient un isomorphisme $\mathbb {G}^{\operatorname {CS}}_{p,l/k}=\operatorname {R}_{l/k}\alpha _2 \times \operatorname {R}_{l/k}\mathbb {G}_a $ , donc le groupe commutatif dont il s’agit n’est pas lisse. Par contre, si l’on remplace $l^0$ dans la déf. 2.3.1 par un choix arbitraire de complément linéaire de k dans l, alors on obtient que $\mathbb {G}^{\operatorname {T}}_{p,l/k}$ s’identifie au groupe commutatif lisse $\operatorname {R}_{l/k}\mathbb {G}_a \times \mathbb {G}_a$ .

Moyennant l’isomorphisme donné $\mathbb {G}^{\operatorname {T}}_{p,l/k} \simeq \mathbb {G}^{\operatorname {CS}}_{p,l/k}$ , on peut donc considérer les isomorphismes du quasi-système de Chevalley de G introduit précédemment, voir la déf. 2.2.6, comme partant du membre de gauche. On obtient alors l’écriture

(2.3.5) $$ \begin{align}x_a(u,v)=y_\beta(\sigma(u))y_{\alpha+\beta}(v/2+N(u)/2)y_\alpha(u) \end{align} $$

dans le cas où $\Phi _H$ est irréductible (en général, il faut considérer un produit à plusieurs termes). Cet état de choses est indésirable en vertu du §3, puisque le morphisme vers H, pour qu’il soit prolongeable aux coefficients entiers, cf. prop. 3.3.9, ne devrait pas impliquer des divisions par $2$ . On souhaiterait donc modifier les isomorphismes du système de Chevalley–Steinberg de H, de manière que $x_a$ s’exprime en fonction de u, v et de leurs conjugués à coefficients entiers. Ceci sera achevé au lem. 2.3.5.

Exemple 2.3.3. Reprenons les exemples 2.1.5 et 2.2.4, alors $H=\operatorname {SL}_3$ et $G=\operatorname {SU}_{3,l/k}$ . D’après la prop. 2.2.7, on se permet de conjuguer le système de Chevalley de H par un élément de $T_H^{\operatorname {ad}}(k)$ . Choisissons d’abord $\varpi _{\alpha }^\vee (2)$ . En notant le quasi-système de Chevalley et le système de Chevalley–Steinberg par $x_{\bullet }^{\operatorname {CS}}$ et $y_{\bullet }^{\operatorname {CS}}$ , posons alors $y_{\bullet }^{\operatorname {T}}=\operatorname {int}(\varpi _{\alpha }^\vee (2)) \circ y_{\bullet }^{\operatorname {CS}}$ . On en tire les relations suivantes :

(2.3.6) $$ \begin{align}x_a^{\operatorname{CS}}(u,v)=y_{\alpha}^{\operatorname{T}}(u/2)y_{\alpha+\beta}^{\operatorname{T}}(-\sigma(v)/4-N(u)/4)y_\beta^{\operatorname{T}}(\sigma(u)) \end{align} $$
(2.3.7) $$ \begin{align} x_{-a}^{\operatorname{CS}}(u,v)=y_{-\alpha}^{\operatorname{T}}(2u)y_{-\alpha-\beta}^{\operatorname{T}}(-\sigma(v)-N(u))y_{-\beta}^{\operatorname{T}}(\sigma(u)). \end{align} $$

En particulier, il suffit de prendre $x_a^{\operatorname {T}}(u,v)=x_a^{\operatorname {CS}}(2u,4v)$ et $x_{-a}^{\operatorname {T}}(u,v)=x_{-a}^{\operatorname {CS}}(u,v)$ , pour que la contrainte d’intégralité soit satisfaite.

Cependant, il faut typiquement modifier aussi les isomorphismes associés aux racines ni divisibles ni multipliables. La définition suivante généralise de façon naturelle la modification de Tits dans le cas où H est simplement connexe et simple, voir [Reference TitsTi84, pp. 216-217] :

Définition 2.3.4 (Tits).

Soient c la somme des racines simples multipliables de G et $\gamma $ la somme de leurs relèvements de premier type. Alors, on pose

(2.3.8) $$ \begin{align} y_\alpha^{\text{T}}(r)=y_a^{\text{CS}}(2^{\langle \varpi_{\gamma}^{\vee}, \alpha\rangle}r), \end{align} $$
(2.3.9) $$ \begin{align} x_a^{\text{T}}(r)=x_a^{\text{CS}}(2^{\langle \varpi_{2c}^{\vee}, a\rangle}r),\end{align} $$
(2.3.10) $$ \begin{align} x_a^{\text{T}}(u,v)=x_a^{\text{CS}}(2^{\chi_{+}(a)}u,4^{\chi_{+}(a)}v), \end{align} $$

et l’on dit que les quasi-systèmes correspondants sont de Tits. Ici, $\chi _{+}$ désigne la fonction caractéristique de $\Phi _G^+$ dans $\Phi _G$ .

Nous sommes amené à définir les

(2.3.11) $$ \begin{align}m_a^{\operatorname{T}}(r)=x^{\operatorname{T}}_{a}(r^{-1})x^{\operatorname{T}}_{-a}(r)x^{\operatorname{T}}_{a}(r^{-1})\end{align} $$

pour toute racine $a\in \Phi _G^{\operatorname {nd},\operatorname {nm}}$ ni divisible ni multipliable, et

(2.3.12) $$ \begin{align} m_a^{\operatorname{T}}(u,v)= x^{\operatorname{T}}_{a}\Big(\frac{u}{s(u,v)},\frac{1}{s(u,\sigma(v))}\Big)x^{\operatorname{T}}_{-a}(u,v)x^{\operatorname{T}}_{a}\Big(\frac{u}{s(u,\sigma(v))},\frac{1}{s(u,\sigma(v))}\Big) \end{align} $$

pour toute racine multipliable $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ , où l’on pose $s(u,v)=v+u\sigma (u)$ . Nous posons aussi $m_a^{\operatorname {T}}=m_a^{\operatorname {T}}(1)$ si a n’est ni divisible ni multipliable, et $m_a^{\operatorname {T}}=m_a^{\operatorname {T}}(1,0)$ si a est multipliable.

Considérons l’action de $\Gamma $ par automorphismes de Dynkin sur le groupe épinglé $(H,y_\alpha ^{\operatorname {CS}})$ selon le système de Chevalley-Steinberg originel et transportons-la au groupe épinglé $(H,y_\alpha ^{\operatorname {T}})$ . Il est important de remarquer que ces automorphismes ne préservent pas le système de Tits non plus, car ils introduisent des facteurs de $2$ supplémentaires. Plus tard, il faudra en faire usage et ces automorphismes seront dénommés désormais de Dynkin–Tits.

Enregistrons la propriété la plus significative de cette modification.

Lemme 2.3.5. Les coordonnées des $x_a^{\operatorname {T}}$ par rapport aux $y_\alpha ^{\operatorname {T}}$ sont des polynômes entiers dans les variables $\gamma (u)$ , $\gamma (v)$ et les $m_b^{\operatorname {T}}$ permutent les $x_a^{\operatorname {T}}$ à similitude près.

Démonstration. On laisse le soin au lecteur de vérifier que les facteurs de $2$ concernés s’annulent, puisqu’il serait fastidieux de reproduire tous les calculs, comp. aussi avec l’ex. 2.3.3.

Sauf mention contraire, on travaillera toujours dans la suite avec de quasi-systèmes de Tits et pas de Chevalley–Steinberg, donc on se permettra d’omettre l’exposant $\operatorname {T}$ , lorsqu’aucune confusion n’est à craindre, cf. §3.3 en particulier.

2.4 Des extensions centrales

Dans cet article, on travaillera souvent en même temps avec une classe de groupes tordus à groupe adjoint donné et l’une des tâches les plus courantes consistera à ramener le cas général au simplement connexe dès que possible, voir les preuves de la prop. 3.3.7 et du th. 4.1.5. Pour cette raison, nous décrivons maintenant une manière très sympathique, à la suite de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, §1.4], de modifier un $\mathbb {Z}$ -groupe déployé et épinglé H en son tore maximal $T_H$ .

Soit $\widetilde {T}_H$ un $\mathbb {Z}$ -tore déployé muni des morphismes $T_H \rightarrow \widetilde {T}_H \rightarrow T_H^{\operatorname {ad}}$ , dont le composé est l’application naturelle. Comme $T_H^{\operatorname {ad}}$ s’identifie canoniquement au groupe des automorphismes de H laissant $T_H$ stable point par point, voir par exemple [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. 1.3.9, th. A.4.6], ceci équivaut à se donner une opération de $\widetilde {T}_H$ sur H ainsi qu’un morphisme équivariant $T_H \rightarrow \widetilde {T}_H$ . En particulier, l’application anti-diagonale

(2.4.1) $$ \begin{align}T_H \rightarrow H \rtimes \widetilde{T}_H, \end{align} $$

donnée par $t \mapsto (t^{-1}, t)$ , identifie $T_H$ à un sous-groupe fermé central de $H \rtimes \widetilde {T}_H$ .

Proposition 2.4.1. Le faisceau en groupes quotient $(H \rtimes \widetilde {T}_H)/T_H$ de l’application (2.4.1) est représentable par un $\mathbb {Z}$ -groupe déployé $\widetilde {H}$ à tore maximal $\widetilde {T}_H$ et à groupe adjoint $H^{\mathrm {ad}}$ .

Démonstration. La représentabilité d’un quotient plat sur une base régulière de dimension $1$ est un résultat d’Anantharaman, cf. [Reference AnantharamanAna73, §4]. Les propriétés restantes se vérifient au-dessus de chaque corps algébriquement clos, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 1.4.3].

En particulier, on en tire une suite exacte courte

(2.4.2) $$ \begin{align}1 \rightarrow T_H^{\operatorname{sc}} \rightarrow H^{\operatorname{sc}}\rtimes T_H \rightarrow H \rightarrow 1, \end{align} $$

car le tore maximal $T_H$ opère sur H en préservant le groupe dérivé, d’où le relèvement de l’opération au revêtement simplement connexe $H^{\operatorname {sc}}$ . Vu que $T_H^{\operatorname {sc}}$ est induit et que le groupe dérivé de $H^{\operatorname {sc}}\rtimes T_H$ est simplement connexe, cette extension centrale de H est habituellement appelée une z-extension, cf. [Reference Milne and ShihMS82, prop. 3.1]. Puisque sa formation ne dépend que du choix du tore maximal $T_H$ , nous parlerons souvent de la z-extension canonique du groupe épinglé H.

Traitons enfin le cas des formes tordues quasi-déployées comme dans §2.2. Soient alors $l/k$ une extension galoisienne à groupe de Galois $\Gamma $ , H un k-groupe épinglé muni d’une action de $\Gamma $ par automorphismes de Dynkin (ou bien de Dynkin–Tits en dehors de la caractéristique $2$ , cf. §2.3) et G le groupe obtenu par torsion comme dans la constr. 2.2.2. En se donnant de nouveau un k-tore déployé $\widetilde {T}_H$ opéré par $\Gamma $ et des k-morphismes $T_H \rightarrow \widetilde {T}_H\rightarrow T_H^{\operatorname {ad}}$ invariants par $\Gamma $ , on arrive aux applications de tores tordus $T \rightarrow \widetilde {T} \rightarrow T^{\operatorname {ad}}$ , ce qu’on utilise pour définir le modifié central

(2.4.3) $$ \begin{align} \widetilde{G}=(G\rtimes \widetilde{T})/T\end{align} $$

de G, lequel est réductif connexe à tore maximal égal à T, cf. prop. 2.4.1. D’autre part, l’action de $\Gamma $ sur H se prolonge naturellement en une action sur la modification centrale $\widetilde {H}$ .

Lemme 2.4.2. Le groupe $\widetilde {G}$ s’identifie canoniquement à la forme tordue quasi-déployée associée à $\widetilde {H}$ muni de l’action naturelle de $\Gamma $ .

Il résulte de même la z-extension canonique, comp. avec (2.4.2) :

(2.4.4) $$ \begin{align} 1\rightarrow T^{\operatorname{sc}}\rightarrow G^{\operatorname{sc}}\rtimes T \rightarrow G \rightarrow 1,\end{align} $$

dont l’avantage principal n’est pas seulement sa naturalité, mais aussi que plusieurs propriétés convenables de G soient préservées, comme nous verrons plus tard, cf. par exemple l’hyp. 3.3.1.

3 Familles entières de groupes parahoriques

Dans cette partie, on construit au §3.4 les $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ -modèles en groupes “immobiliers” $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ des groupes de Tits $\underline {G}$ sur $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ introduits au §3.3 et l’on étudie leurs propriétés, démontrant notamment leur affinité, cf. th. 3.4.10.

3.1 Théorie de Bruhat–Tits pour les groupes pseudo-réductifs

Comme il a été expliqué dans l’introduction, le but principal de cet article nous amène à travailler avec des groupes pseudo-réductifs en tant que spécialisations en caractéristiques petites et/ou mauvaises de certains groupes réductifs, voir la prop. 3.3.7.

Commençons par rappeler cette notion pour ceux qui ne la connaissent pas bien :

Définition 3.1.1. Soient k un corps et G un k-groupe lisse, affine et connexe. On dit que G est pseudo-réductif s’il ne contient aucun sous-k-groupe invariant, unipotent, lisse et connexe (autrement dit, si son k-radical unipotent $R_{u,k}G$ s’annule).

Cette classe des groupes pseudo-réductifs contient nettement celle des groupes réductifs connexes et est stable par extensions des scalaires séparables, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 1.1.9]. Voici l’exemple prototypique, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 1.1.10], d’un groupe pseudo-réductif qui n’est pas réductif :

Exemple 3.1.2. Soient $l/k$ une extension finie non-triviale et purement inséparable de corps et H un l-groupe réductif. Alors, $G=\operatorname {R}_{l/k}H$ est pseudo-réductif, vu que, si l’on note U le k-radical unipotent de G, alors l’image de $U_l \subset G_l$ dans H est lisse, connexe, distinguée et unipotente, donc $U=1$ se réduit à l’unité lui-même. D’autre part, G n’est pas réductif, car la p-torsion du centre de $G(k^{\operatorname {alg}})=H(l\otimes _k k^{\operatorname {alg}})$ est un groupe infini, comp. avec [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, lem. 1.2.1], d’après un calcul élémentaire appliquant que $l\otimes _k k^{\operatorname {alg}}$ est une $k^{\operatorname {alg}}$ -algèbre non réduite.

Malgré cet exemple, on pourrait craindre qu’il ne soit typiquement pas possible d’apprivoiser ces groupes pseudo-réductifs et qu’ils n’admettent aucun théorème raisonnable, soit de structure, soit de classification. Au contraire, Borel–Tits avaient déjà découvert dans [Reference Borel and TitsBoT78] que leur structure générale ressemble beaucoup à celle des groupes réductifs et connexes :

Théorème 3.1.3 (Borel–Tits).

Tous les tores déployés maximaux de G sont conjugués par $G(k)$ . Étant donné un tore déployé maximal S de G, alors l’ensemble des poids $\Phi _G$ de l’action de S sur l’algèbre de Lie $\mathfrak {g}$ de G se prolonge naturellement en une donnée radicielle $(X_*(S),X^*(S),\Phi _G^\vee ,\Phi _G)$ . Les espaces de poids $\mathfrak {g}_a\oplus \mathfrak {g}_{2a}$ sont sous-jacents à l’un et un seul sous-k-groupe lisse, unipotent et connexe $U_a$ de G, tel que l’application produit

(3.1.1) $$ \begin{align}\prod_{a \in \Phi_G^-} U_{-a} \times Z_G(S) \times \prod_{a \in \Phi_G^+} U_a \rightarrow G,\end{align} $$

soit une immersion ouverte, quel que soit le choix de racines positives et quel que soit l’ordre en lequel le produit est mis. Ces données ne dépendent de S qu’à $G(k)$ -conjugaison près.

Démonstration. Toutes les affirmations avaient été annoncées en [Reference Borel and TitsBoT78], dont les preuves n’étaient qu’esquissées. Puis Conrad–Gabber–Prasad ont fourni dans leur œuvre [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15] des arguments complets, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 2.1.8, th. C.2.3, th. C.2.15, prop. C.2.26].

L’autre question qu’on s’est naturellement posée était de savoir s’il est loisible de classifier tous les groupes pseudo-réductifs. Tits avait déjà remarqué dans l’importance de l’application canonique

(3.1.2) $$ \begin{align} i_G: G \rightarrow \operatorname{R}_{k'/k} G', \end{align} $$

$k'$ est le corps de définition du radical unipotent géométrique $R_u G_{k^{\operatorname {alg}}}$ et $G'$ le $k^{\operatorname {alg}}$ -quotient réductif de $G_{k^{\operatorname {alg}}}$ . On ne peut pas s’attendre typiquement à ce que $i_G$ soit injectif, soit surjectif, parce que G peut être modifié centralement par la procédure de modification centrale de (2.4.3), et vu que les groupes pseudo-réductifs commutatifs sont habituellement n’importe quoi, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, ex. 1.6.3, ex. 1.6.4, §11.3]. À ces phénomènes de Cartan près, une classification exhaustive a été trouvée par Conrad–Gabber–Prasad, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. 5.1.1, th. 10.2.1].

Théorème 3.1.4 (Conrad–Gabber–Prasad).

Soit k un corps de caractéristique p satisfaisant à $[k:k^p]\leq p$ dès que p est positif. Alors tous les groupes pseudo-réductifs s’obtiennent naturellement à partir des groupes simplement connexes, des exotiques et des barcelonais en combinant les opérations produit, restriction des scalaires et modification centrale.

Les groupes exotiques, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 7.2.6], et les barcelonais, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 10.1.2], n’existent qu’en caractéristiques petites $p=2$ ou $3$ et sont reliés à certains phénomènes de p-divisibilité du système de racines $\Phi _G$ . Dans la suite, nous allons éclaircir leur aspect dans le cas quasi-déployé.

Remarque 3.1.5. Le th. 3.1.4 vaut plus généralement lorsque $p \neq 2$ ou $p=2$ et $[k:k^2]\leq 2$ . Le cas restant où $p=2$ et $[k:k^2]>2$ fut traité par Conrad–Prasad dans [Reference Conrad and PrasadCP16], en supposant que G est localement de type minimal, voir [Reference Conrad and PrasadCP16, §1.6, th. de str.].

Penchons-nous d’abord sur le cas exotique :

Exemple 3.1.6 (exotique).

Soient k un corps imparfait de caractéristique p satisfaisant à $[k:k^p]= p$ et G un groupe exotique basique et quasi-déployé, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 7.2.6]. Alors, on a $p=2,3$ , $\Phi _G$ est irréductible et possède une p-arête, donc on peut appliquer [Reference Conrad and PrasadCP16, lem. C.2.2] pour déduire que G est pseudo-déployé. D’après [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. 7.2.3], le $k^{1/p}$ -quotient réductif $G'$ de G est déployé et simplement connexe à système de racines $\Phi _G$ , tandis que l’application canonique $ i_G :G \rightarrow \operatorname {R}_{k^{1/p}/k} G'$ de (3.1.2) est une immersion fermée. Soit

(3.1.3) $$ \begin{align}\pi': G' \rightarrow \overline{G}'\end{align} $$

l’isogénie très spéciale, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 7.1.3], définie sur $k^{1/p}$ , où $\overline {G}'$ est un groupe déployé et simplement connexe de type dual. Alors, l’image de G par la restriction des scalaires

(3.1.4) $$ \begin{align} \pi : \operatorname{R}_{k^{1/p}/k} G' \rightarrow\operatorname{R}_{k^{1/p}/k} \overline{G}'\end{align} $$

de l’isogénie très spéciale $\pi '$ est un k-Levi $\overline {G} $ du membre de droite, c’est-à-dire un k-descendu de $\overline {G}'$ , et G s’identifie à l’image réciproque par $\pi $ de ce Levi $\overline {G}$ dans $\operatorname {R}_{k^{1/p}/k} G'$ , voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 7.2.6].

On peut trouver un $k^{1/p}$ -système de Chevalley, cf. déf. 2.1.1, de $G'$ (resp. k-système de Chevalley de $\overline {G}$ ) tels que l’isogénie très spéciale s’identifie à

(3.1.5) $$ \begin{align}\pi: x^{\prime}_a(r) \mapsto \begin{cases} \overline{x}_{\overline{a}}(r^p), a \in \Phi_{G}^<\\ \overline{x}_{\overline{a}}(r), a \in \Phi_G^> \end{cases}\end{align} $$

restreinte aux groupes radiciels relativement à $S'$ (resp. $\overline {S}$ ) et à

(3.1.6) $$ \begin{align}\pi:a^\vee(r) \mapsto \begin{cases} \overline{a}^\vee(r^p), a \in \Phi_G^<\\ \overline{a}^\vee(r), a \in \Phi_G^> \end{cases}\end{align} $$

restreinte aux facteurs multiplicatifs associés aux coracines, comp. avec [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 7.1.5], où les exposantes $<,>$ notent les racines courtes, resp. longues de $\Phi _G$ .

Ainsi, on obtient des isomorphismes

(3.1.7) $$ \begin{align} x_a:\operatorname{R}_{k_a/k}\mathbb{G}_a \rightarrow U_a \end{align} $$
(3.1.8) $$ \begin{align} a^\vee: \operatorname{R}_{k_a/k}\mathbb{G}_a \rightarrow Z^a, \end{align} $$

$k_a=k^{1/p}$ si $a \in \Phi _G^<$ , $k_a=k$ si $a \in \Phi _G^>$ et $Z^a$ désigne l’intersection $Z \cap \langle U_a, U_{-a}\rangle $ , cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, rem. 7.2.8].

Le groupe pseudo-réductif suivant est aussi pseudo-déployé, mais son système de racines absolu n’est pas réduit, c’est-à-dire de type $BC_n$ .Footnote 3

Exemple 3.1.7 (barcelonais).

Soient k un corps imparfait de caractéristique $2$ tel que $[k:k^2]= 2$ et G un groupe pseudo-réductif barcelonais basique, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. 10.1.2]. Alors, on sait déjà que G est pseudo-déployé et que son $k^{1/2}$ -quotient réductif $G'$ est déployé et simplement connexe à système de racines $\Phi _G^{\operatorname {nm}}$ , cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. 2.3.10]. L’application correspondante $i_G: G \rightarrow \operatorname {R}_{k^{1/2}/k}G'$ , voir (3.1.2), induit des isomorphismes

(3.1.9) $$ \begin{align}Z \rightarrow \operatorname{R}_{k^{1/2}/k}Z', \end{align} $$
(3.1.10) $$ \begin{align} U_a \rightarrow \operatorname{R}_{k^{1/2}/k}U^{\prime}_a, a \in \Phi_G^{\operatorname{nd,nm}}\end{align} $$

entre les Cartans et les sous-groupes radiciels associés aux racines ni divisibles ni multipliables, voir [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. 9.4.7]. Cependant, d’après [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 9.5.2, prop. 9.6.8] le morphisme $U_a \rightarrow \operatorname {R}_{k^{1/2}/k} U^{\prime }_{2a}$ pour $a \in \Phi _G^m$ peut être identifié avec

(3.1.11) $$ \begin{align}\mathbb{G}_{p,k^{1/2}/k} \rightarrow \operatorname{R}_{k^{1/2}/k}\mathbb{G}_a\end{align} $$

donné par $(u,v)\mapsto u^2+v$ , où l’on note $\mathbb {G}_{p,k^{1/2}/k}$ le groupe unipotent pluriel modifié selon la définition limite de la rem. 2.3.2 (ceci ne dépend pas à isomorphisme près du choix d’un complément k-linéaire $k_0= k\subset k^{1/2}$ pour $\alpha \in k^{1/2}\setminus k$ ). On signale que la construction de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, §§9.6-9.7] utilise les lois birationnelles strictes par réduction au cas de $\operatorname {R}_{k^{1/2}/k}G'$ , tandis que Tits a réalisé G explicitement comme une sorte de groupe unitaire de dimension impaire dégénéré en caractéristique $2$ , voir [Reference TitsTi84, pp. 218-219]. Par alternative, voir les props. 3.3.7 et 3.3.9.

Motivés par l’étude des groupes algébriques sur les corps valués, Bruhat–Tits ont crée leur théorie des immeubles et des modèles en groupes immobiliers, cf. [Reference Bruhat and TitsBT72] et [Reference Bruhat and TitsBT84a]. Les exemples précédents montrent que les points rationnels des groupes pseudo-réductifs ne s’éloignent beaucoup de ceux des groupes réductifs. Solleveld s’y est appuyé dans [Reference SolleveldSol18] pour parvenir à construire des immeubles et, dans [Reference LourençoLou21, déf. 3.5, th. 4.9], nous avons construit les schémas en groupes.

Théorème 3.1.8 (Solleveld, L.).

La théorie de Bruhat–Tits s’étend aux groupes pseudo-réductifs sur les corps complets et résiduellement parfaits.

Remarque 3.1.9. Cet énoncé devrait être valable sur les corps discrètement valués et henséliens k et pour les k-groupes $\widehat {k}$ -pseudo-réductifs et $k^{\operatorname {nr}}$ -quasi-déployés. Dans [Reference LourençoLou21], on suppose encore que $\widehat {k}/k$ est séparable et que le corps résiduel est parfait. Ce dernier a été éliminé dans [Reference Pereira LourençoPL20, IV, §§3.1-3.2] et Conrad m’a convaincu que le premier devrait être superflue.

Notre construction des immeubles de Bruhat–Tits dans [Reference LourençoLou21] est pareille à celle de [Reference Bruhat and TitsBT84a]. Supposons encore que G soit quasi-déployé. À chaque sous-tore déployé maximal S de G, on associe un appartement $\mathscr {A}(G,S,k)$ , en vérifiant les axiomes de [Reference Bruhat and TitsBT72, déf. 6.1.1, déf. 6.2.1] pour appliquer le [Reference Bruhat and TitsBT72, th. 6.5], cf. aussi [Reference Bruhat and TitsBT72, déf. 7.4.2]. Le seul point compliqué est donc de trouver une valuation $\varphi $ de la donnée radicielle abstraite $(Z(k),U_a(k))$ , pour lequel nous recourons à un quasi-système de Chevalley de G, cf. déf. 2.2.6 et [Reference LourençoLou21, prop. 2.5] pour le cas pseudo-réductif. Alors, on pose

(3.1.12) $$ \begin{align} \varphi_a(x_a^{\operatorname{CS}}(r))=\omega(r) \end{align} $$
(3.1.13) $$ \begin{align} \varphi_a(x_a^{\operatorname{CS}}(r,s))=\omega(s)/2, \end{align} $$
(3.1.14) $$ \begin{align} \varphi_a(x_a^{\operatorname{CS}}(u,v))=\omega(u^2+v)/2 \end{align} $$

selon que $a\in \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ est une racine ni divisible ni multipliable, ou que $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable et $G^a$ réductif, ou que $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable et $G^a$ non standard. Ici, l’on note $\omega $ la valuation additive de k étendue à sa clôture algébrique et satisfaisant à $\omega (k^\times )=\mathbb {Z}$ .

Disons un mot sur les modèles entiers de G associés aux parties non vides et bornées $\Omega $ de l’appartement $\mathscr {A}(G,S,k)\subset \mathscr {I}(G,k)$ , où G est encore supposé quasi-déployé. D’un côté, il faut construire le modèle de Néron connexe $\mathscr {Z}$ d’un groupe pseudo-réductif commutatif Z, ce qui fut achevé par Bosch–Lütkebohmert–Raynaud dans [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, th. 10.2.2]. De l’autre côté, on a besoin de trouver les modèles entiers $\mathscr {U}_{a,\Omega }$ stabilisant $\Omega $ pour toute racine non divisible $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ , ne s’agissant que des calculs simples, voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, §4.3] et [Reference LourençoLou21, lem. 4.4]. Enfin, on recolle ces données en appliquant la théorie des lois birationnelles, voir [Reference LourençoLou21, §4.1, th. 4.2], ce qu’on reprendra d’ailleurs toute de suite au §3.2, cf. ths. 3.2.4 et 3.2.5.

Remarque 3.1.10. Presque tous les résultats que nous avons mentionnés s’étendent aux groupes quasi-réductifs, dont le k-radical unipotent n’est peu-être pas non plus trivial, mais bien ployé, c’est-à-dire sans sous-groupe unipotent additif, voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 1.1.12] et [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. B.2.1]. Ceci a été caché dans cette section afin de ne pas effrayer le lecteur sans raison.

3.2 Données radicielles schématiques

Dans ce paragraphe, on discute le concept des données radicielles schématiques dû à Bruhat–Tits, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, déf. 3.1.1]. Leur but, comme le lecteur bientôt comprendra, est de construire des A-modèles en groupes $\mathscr {G}$ de G avec de bonnes propriétés par “recollement fermé” de A-modèles en groupes correspondants pour chaque terme individuel Z et $U_a$ de la grosse cellule, où $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ décrit l’ensemble des racines non divisibles.

Définition 3.2.1 (Bruhat–Tits, à peu près).

Soient A un anneau noethérien et intègre, K son corps de fractions, G un K-groupe pseudo-réductif et S un sous-tore déployé maximal. Une donnée radicielle dans G par rapport à S au-dessus de A est la donnée de A-modèles en groupes lisses, affines et connexes $\mathscr {Z}$ de $Z=Z_G(S)$ (resp. $\mathscr {U}_a$ du sous-groupe radiciel $U_a$ attaché à la racine non divisible $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ ) tels que :

  1. (DRS 0) l’injection de S dans Z se prolonge en un morphisme $\mathscr {S} \rightarrow \mathscr {Z}$ , où $\mathscr {S}$ désigne le seul groupe diagonalisable à isomorphisme unique près modelant S.

  2. (DRS 1) l’application conjugaison $Z \times U_a \rightarrow U_a$ se prolonge en une application $\mathscr {Z} \times \mathscr {U}_a \rightarrow \mathscr {U}_a$ .

  3. (DRS 2) si $b \neq -a$ , l’application commutateur $U_a \times U_b \rightarrow \prod _{c\in ] a, b[} U_c$ se prolonge en un morphisme $\mathscr {U}_a \times \mathscr {U}_b \rightarrow \prod _{c\in ] a, b[} \mathscr {U}_c$ , où l’on note $] a, b[$ la partie de $\Phi _{G}^{\operatorname {nd}}$ contenue dans $\mathbb {Q}_{> 0}a+\mathbb {Q}_{ >0}b$ .

  4. (DRS 3) si on note $W_a$ l’image réciproque par l’immersion fermée $U_a \times U_{-a} \hookrightarrow G$ du fermé local $ C_a:=U_{-a} \times Z \times U_a\subset G$ , cf. (3.1.1), alors il existe un ouvert $\mathscr {U}_{\pm a} \subset \mathscr {W}_a\subset \mathscr {U}_a \times \mathscr {U}_{-a}$ modelant $W_a$ tel que l’inclusion $W_a \subset C_a$ se prolonge en une application $\mathscr {W}_a \rightarrow \mathscr {C}_a:=\mathscr {U}_{-a} \times \mathscr {Z} \times \mathscr {U}_a$ .

Remarque 3.2.2. Il y a deux différences entre notre définition et celle de Bruhat–Tits, comp. avec [Reference Bruhat and TitsBT84a, déf. 3.1.1]: on ne demande pas que l’application $\mathscr {S} \rightarrow \mathscr {Z}$ soit une immersion fermée, puisque cela est superflue, voir [SGA3, exp. IX, cor. 2.5, th. 6.8]; notre voisinage ouvert $\mathscr {W}_a$ contient les fermés $\mathscr {U}_{\pm a}$ et pas seulement la section unité, pour que la loi birationnelle sur $\mathscr {C}:=\mathscr {U}_-\times \mathscr {Z} \times \mathscr {U}_+$ soit automatiquement stricte, cf. déf. 3.2.3 et th. 3.2.5.

Notre démonstration du théorème concernant l’existence du recollé $\mathscr {G}$ fera usage des lois birationnelles de groupes.

Définition 3.2.3. Soient A un anneau noethérien et X un A-schéma séparé de type fini. Alors, une loi birationnelle de groupe sur X est la donnée d’un morphisme A-rationnel $m: X \times X \rightarrow X$ tel qu’il soit associatif et que les applications de translation universelles à la gauche $(\operatorname {id},m)$ resp. à la droite $(m, \operatorname {id})$ soient A-birationnelles. On dit que la loi birationnelle est stricte si les applications de translation universelles sont X-birationnelles relativement aux deux projections $X\times X \rightarrow X$ .

On suit la terminologie de [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90] en dénommant un morphisme de présentation finie A-rationnel si son lieu ouvert de définition est à A-fibres denses. Étant donnée une loi birationnelle de groupe sur X, la question qui se pose est de la prolonger birationnellement à un schéma en groupes $\overline {X}$ .

Théorème 3.2.4 (Existence de solutions).

Gardons les notations de la déf. 3.2.3. Alors, il existe un et un seul A-groupe séparé de type fini $\overline {X}$ muni d’un morphisme A-birationnel $X \dashrightarrow \overline {X}$ préservant les lois birationnelles de groupe. Si la loi birationnelle de X est stricte ou si A est normal et X lisse, alors l’application rationnelle $X \dashrightarrow \overline {X}$ se prolonge en une immersion ouverte définie partout.

Démonstration. On ne fera que résumer la chronologie du degré de généralité dont le théorème d’existence de solutions de lois birationnelles en groupes a été démontré. Alors, au-dessus des corps ce résultat remonte à Weil. Puis il fut amélioré par Artin, voir [SGA3, exp. XVIII, th. 3.7], sur des bases assez générales, mais la solution n’était donnée qu’en espaces algébriques. Finalement, Bosch–Lütkebohmert–Raynaud, voir [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, th. 6.6.1], montrèrent que la solution $\overline {X}$ est un schéma. Observons qu’on s’est toujours ramené au cas où la loi birationnelle est stricte, d’après [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, prop. 5.2.2]. Enfin, si la base est normale et X lisse, alors on n’a pas besoin de remplacer la grosse cellule par un ouvert A-schématiquement dense grâce au [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, th. 5.1.5].

Théorème 3.2.5 (Bruhat–Tits, à peu près).

Reprenons les notations de la déf. 3.2.1. Alors, il existe un et un seul A-groupe séparé, lisse et connexe $\mathscr {G}$ modelant G tel que :

  1. 1. les inclusions $Z \rightarrow G$ et $U_a \rightarrow G$ pour tout $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ se prolongent en des isomorphismes de $\mathscr {Z}$ et $\mathscr {U}_a$ sur des sous-A-groupes fermés de $\mathscr {G}$ .

  2. 2. pour tout système de racines positives $\Phi _G^+$ et tout ordre mis sur $\Phi _G^+$ , le morphisme $\prod _{a \in \Phi _G^{\operatorname {nd},+}} \mathscr {U}_a \rightarrow \mathscr {G}$ soit un isomorphisme sur un sous-A-groupe fermé $\mathscr {U}_+$ de $\mathscr {G}$ .

  3. 3. l’application produit $\mathscr {U}_-\times \mathscr {Z} \times \mathscr {U}_+ \rightarrow \mathscr {G}$ définisse un ouvert du membre de droite.

Avant de initier la preuve en tant que telle, résumons son histoire complexe.

Remarque 3.2.6. Dans [Reference Bruhat and TitsBT84a, 3.1.3], Bruhat–Tits évoquent leur envie d’appliquer les lois birationnelles pour répondre à la question, mais [SGA3, exp. XVIII, th. 3.7] ne fournissait que des solutions en espaces algébriques et non pas en schémas – le livre [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90] n’avait pas encore été écrit, cf. th. 3.2.4. Par conséquent, ils consacrent 30 pages à son argument alternatif avec la théorie des représentations, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, §3.8, 3.9.4]. Sur un anneau de valuation discrète, Landvogt donnera une démonstration appliquant les lois birationnelles, voir [Reference LandvogtLan96, §§5–6], tout en empruntant des idées superflues de [Reference Bruhat and TitsBT84a, §3].

Démonstration. Lorsqu’on se donne un ordre grignotant sur $\Phi ^+$ , cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, 3.1.2], alors [Reference Bruhat and TitsBT84a, §3.3] fournit une loi de groupe dans le produit $\mathscr {U}_+=\prod _{a \in \Phi ^{+,\operatorname {nd}}}\mathscr {U}_{a}$ , en argumentant par récurrence sur la longueur des parties positivement closes $\Psi $ de $\Phi ^{+,\operatorname {nd}}$ et en appliquant la règle (DRS 2). Comme les groupes trouvés sont toujours lisses et connexes, le fait que $\mathscr {U}_+$ s’écrit comme produit de ses sous-groupes fermés $\mathscr {U}_{a}$ rangés dans un ordre quelconque résulte du théorème principal de Zariski et de la même indépendance de l’ordre au-dessus des corps, ce qui est déjà classique, voir par exemple [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. C.2.26]. Notons également que $\mathscr {Z}$ opère sur $\mathscr {U}_+$ canoniquement d’après la règle (DRS 1), donnant lieu à un A-groupe noté parfois $\mathscr {Z}\mathscr {U}_+:=\mathscr {Z} \ltimes \mathscr {U}_+$ .

Pour construire $\mathscr {G}$ satisfaisant à la troisième propriété, il suffit de construire une loi birationnelle stricte sur $\mathscr {C}_{+}:=\mathscr {U}_-\times \mathscr {Z} \times \mathscr {U}_+$ pour un choix quelconque $\Phi ^+$ de racines positives, d’après le th. 3.2.5. Il reste à définir une application birationnelle $\mathscr {C}_{+} \dashrightarrow \mathscr {C}_{-}$ prolongeant l’identité de G dans la fibre générique et contenant la section unité, car cela permettrait de définir des applications rationnelles de produit et d’inversion dans $\mathscr {C}_{+}$ , en commutant tous les facteurs et en multipliant ou inversant lorsqu’il le faut.

Montrons plus généralement la même assertion pour chaque paire de systèmes de racines positives $\Phi ^+$ et $\Psi ^+$ par récurrence sur le cardinal des rayons de $ \Phi ^+ \cap \Psi ^- $ . Si cette intersection ne contient que le rayon radiciel $\mathbb {Q}_{>0}a \cap \Phi $ engendré par la racine non divisible $a \in \Phi $ , alors l’axiome (DRS 3) en fournit un morphisme rationnel

(3.2.1) $$ \begin{align}\mathscr{C}_{\Phi^+}=\mathscr{V}_-\times \mathscr{U}_{-a} \times \mathscr{Z} \times \mathscr{U}_a \times \mathscr{V}_+ \dashrightarrow \mathscr{V}_-\times \mathscr{U}_{a} \times \mathscr{Z} \times \mathscr{U}_{-a}\times \mathscr{V}_+=\mathscr{C}_{\Psi^+}\end{align} $$

défini dans un voisinage ouvert de la section unité, où $\mathscr {V}^{\pm }:= \mathscr {U}_{\Phi ^{\pm ,\operatorname {nd}}\setminus \{\pm a\}}$ . La construction montre aussi que la loi birationnelle est indépendante du système de racines positives $\Phi ^+$ choisi, donc il en sera de même du groupe $\mathscr {G}$ obtenu à la fin.

Pour que la loi birationnelle esquissée ci-dessus soit stricte, il faut et il suffit que le morphisme multiplication $\mathscr {C}_+ \times \mathscr {C}_+ \dashrightarrow \mathscr {C}_+$ soit un épimorphisme, vu que la grosse cellule $\mathscr {C}_+$ est géométriquement connexe, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, rem. 9.6.3]. Or, considérant le fermé $\mathscr {U}_- \times \mathcal {Z}\mathscr {U}_+ \subset \mathscr {C}_+ \times \mathscr {C}_{+}$ dont les points sont de la forme $(a,1,1,b)$ , on déduit aisément que ceux-ci appartiennent au lieu de définition du morphisme multiplication, compte tenu de ce que les morphismes d’échange (3.2.1) soient définis autour de $\mathscr {Z} \mathscr {U}_{\pm }$ .

Maintenant, on dispose d’un A-groupe lisse, séparé et connexe $\mathscr {G}$ qui modèle G et qui contient les différents $\mathscr {C}_{\Phi ^+}$ en tant qu’ouverts, et il faut encore voir que les sous-groupes localement fermés $\mathscr {Z}$ et $\mathscr {U}_+$ sont effectivement fermés. Or l’image réciproque de $\mathscr {Z}\mathscr {U}_+$ par le revêtement fidèlement plat $\mathscr {C}_{\Phi ^-} \times \mathscr {C}_{\Phi ^+} \rightarrow \mathscr {G}$ est déterminée par la condition fermée $b_1b_2=1$ , où $(a_1,b_1, b_2, a_2) \in \mathscr {Z}\mathscr {U}_+ \times (\mathscr {U}_-)^2 \times \mathscr {Z} \mathscr {U}_+$ , ce qui achève la vérification de l’affirmation par descente fidèlement plate.

En principe, on voudrait que le groupe $\mathscr {G}$ soit affine, mais cela ne découle ni de la construction avec des lois birationnelles ni de celle de [Reference Bruhat and TitsBT84a, §3.8, 3.9.4] : en effet, [Reference RaynaudRay70, §VII.3] fournit un exemple d’un groupe quasi-affine, lisse et connexe qui n’est pas affine; remarquons néanmoins que, par contre, celui de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 3.2.15] s’avère affine. Toutefois, l’on a :

Proposition 3.2.7 (Raynaud, à peu près).

Soient A un anneau noethérien et régulier de dimension inférieure ou égale à $2$ et $\mathscr {G}$ un A-modèle en groupes lisse, connexe et séparé de G. Alors, la A-algèbre $\Gamma (\mathscr {G}, \mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ est munie d’une structure canonique de A-algèbre de Hopf plate de type fini. De plus, le A-groupe résultant $\mathscr {G}^{\mathrm {af}}:=\operatorname {Spec} \Gamma (\mathscr {G}, \mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ est lisse, affine et sa composante neutre s’identifie à $\mathscr {G}$ par l’application naturelle.

Démonstration. Le groupe $\mathscr {G}$ est tout d’abord quasi-affine grâce au [Reference RaynaudRay70, cor. VII.2.2], ce qu’on peut appliquer car A est normal et $\mathscr {G}$ est lisse, séparé et géométriquement connexe. Raynaud avait montré en [Reference RaynaudRay70, prop. VII.3.1], que, lorsqu’on se trouve dans les circonstances énoncées, $\Gamma (\mathscr {G}, \mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ était fidèlement plate sur A et, par suite, que $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ était un A-groupe plat admettant $\mathscr {G}$ comme sous-groupe ouvert par le morphisme canonique $\mathscr {G} \rightarrow \mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ . Pour aider le lecteur, nous allons expliquer brièvement la démonstration de la platitude, comp. avec [Reference RaynaudRay70, lem. VII.3.2].

Soit B un A-module fini contenu dans $\Gamma (\mathscr {G},\mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ . Alors, B induit un fibré vectoriel au-dessus d’un ouvert cofini U de $S=\operatorname {Spec} A$ , qui s’étend donc en un A-module libre et fini $\tilde {B} = \Gamma (U,B\otimes \mathcal {O}_S)$ , d’après [Reference Dieudonné and GrothendieckEGAIV, th. 5.10.5, prop. 5.11.1]. Mais par changement de base plat, on déduit l’égalité $\Gamma (U,\pi _*\mathcal {O}_{\mathscr {G}})=\Gamma (S,\pi _*\mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ du deuxième lemme d’extension de Riemann $\Gamma (U,\mathcal {O}_S)=A$ . Alors, ceci entrâine que $\tilde {B} \subseteq \Gamma (\mathscr {G},\mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ , d’où une écriture de cette dernière A-algèbre comme la colimite filtrée de ses sous-A-modules plats. Ce que $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ soit maintenant un A-groupe affine et (fidèlement) plat est trivial, cf. [SGA3, exp. VIB, lem. 11.1].

Malheureusement, il n’est pas clair que $\Gamma (\mathscr {G}, \mathcal {O}_{\mathscr {G}})$ soit une A-algèbre de type fini. Néanmoins, d’après [Reference AnantharamanAna73, prop. 2.3.1] ou [SGA3, exp. VIB, prop. 12.9], on peut trouver un ouvert cofini U de $\operatorname {Spec} A$ tel que $\mathscr {G}_U$ soit affine sur U, d’où en particulier la présentation finie de $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ au-dessus de U. Par descente fidèlement plate et quasi-compacte, on se ramène au cas où A est un anneau local d’idéal maximal $\mathfrak {m}$ , $\mathfrak {m}$ -adiquement séparé et complet, et à corps résiduel k algébriquement clos.

Nous affirmons d’abord que $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ est de type fini au-dessus de $A/\mathfrak {m}^n$ pour tout entier positif n, ce qui résulte immédiatement du cas $n=1$ grâce au lemme de Nakayama nilpotent. Alors, le monomorphisme $\mathscr {G}_k \rightarrow \mathscr {G}^{\operatorname {af}}_k$ est ouvert par hypothèse et fermé d’après le [SGA3, exp. VIB, lem. 11.18.1], identifiant donc le membre de gauche à la composante neutre de $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}_k$ . Vu que le faisceau quotient $\pi _0(\mathscr {G}_k^{\operatorname {af}}):=\mathscr {G}^{\operatorname {af}}_k/\mathscr {G}_k$ est représentable par un groupe proétale, cf. [Reference Demazure and GabrielDG70, III, §3, 7.7], dont la section unité est ouverte, on en tire que $\pi _0(\mathscr {G}_k^{\operatorname {af}})$ est un groupe étale fini et que le k-groupe $\mathscr {G}_k^{\operatorname {af}}$ est forcément de type fini.

En sachant que le schéma affine $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ est lisse au-dessus de chaque quotient artinien de A, on peut relever par récurrence tout point de $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ à valeurs dans k en un A-point correspondant (de façon non unique évidemment) et par translation de $\mathscr {G}$ dans $\mathscr {G}^{\operatorname {af}}$ par ces points, on dérive la lissité de ce dernier.

3.3 Les groupes de Tits sur $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$

Dans le présent paragraphe, nous allons construire les $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupes de Tits à la suite de [Reference TitsTi84, annexe 2], mission pour laquelle les notations du §2 seront reprises. Néanmoins, il faudra que des hypothèses additionnelles soient faites :

Hypothèse 3.3.1. Sauf mention contraire, G sera un $\mathbb {Q}(t)$ -groupe réductif connexe, quasi-déployé, $\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})$ -déployé pour un certain entier positif e. Étant donné un tore déployé maximal $S \subset G$ , on fixe un couple de Killing $Z_G(S)=T \subset B$ et un quasi-système de Tits $(x_a)_{a \in \Phi _G}$ , voir la déf. 2.3.4. On suppose de plus que T est induit et que $G_{\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) }$ est résiduellement déployé.

Les notions correspondantes pour la forme déployée H de G seront notées $T_H$ , $B_H$ , $(y_\alpha )_{\alpha \in \Phi _H}$ et $\Gamma $ désignera le groupe de Galois de $\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})/\mathbb {Q}(t)$ opérant sur H par automorphismes de Dynkin–Tits, cf. §§2.2-2.3.

Tout d’abord signalons que le déploiement résiduel de $G_{\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) }$ dans l’hyp. 3.3.1 sert à que les extensions de $\mathbb {Q}(t)$ associées aux racines $a \in \Phi _G$ soient conjuguées de $\mathbb {Q}(t_a)$ , où $t_a=t^{1/e_a}$ et le nombre naturel $e_a$ divise e, c’est-à-dire que l’on ait des quasi-épinglages

(3.3.1) $$ \begin{align} x_a: U_a \xrightarrow{\sim} \operatorname{R}_{\mathbb{Q}(t_a)/\mathbb{Q}(t)}\mathbb{G}_a \end{align} $$

si $a \in \Phi ^{\operatorname {nd,nm}}_G$ n’est ni divisible ni multipliable ou

(3.3.2) $$ \begin{align} x_a: U_a \xrightarrow{\sim} \operatorname{R}_{\mathbb{Q}(t_{2a})/\mathbb{Q}(t)}\mathbb{G}_{p,\mathbb{Q}(t_a)/\mathbb{Q}(t_{2a})} \end{align} $$

si $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable. D’autre part, le fait que T soit induit entraîne que le tore maximal s’exprime comme produit de facteurs de la forme

(3.3.3) $$ \begin{align} T\simeq\prod_{j\in J}\operatorname{R}_{\mathbb{Q}(t^{1/d_j})/\mathbb{Q}(t)} \mathbb{G}_m \end{align} $$

avec $d_j$ des diviseurs naturels de e.

Pour conclure, notons que, si G remplit l’hyp. 3.3.1, alors il en est de même de son revêtement simplement connexe $G^{\operatorname {sc}}$ , de son groupe adjoint $G^{\operatorname {ad}}$ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 4.4.16], et de la z-extension canonique associée $\widetilde {G}$ au sens de (2.4.3), d’où la richesse véritable de la classe d’exemples ici considérés.

Remarque 3.3.2. Notons que, dans [Reference TitsTi84, p. 215], le groupe G est supposé simplement connexe et sa forme déployée H simple, ce qui s’approche plus de l’hypothèse régnante de la version précédente de cet article : d’un côté, cela nous permet de supposer $e \leq 3$ et nous ramène à travailler avec un nombre fini de familles de diagrammes de Dynkin irréductibles; de l’autre côté, presque tous les affirmations valables sous l’hyp. 3.3.1 seront typiquement déduites de celles-ci.

Ensuite, on se penche sur la construction d’un certain schéma en groupes $\underline {G}$ sur $\mathbb {G}_{m, \mathbb {Z}}=\operatorname {Spec} \mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ prolongeant G à la suite de Tits, cf. [Reference TitsTi84, p. 217]. Son observation cruciale consiste à remarquer que le tore maximal T et les sous-groupes radiciels $U_a$ pour $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ admettent des $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèles naturels.

Définition 3.3.3 (Tits).

Soit

(3.3.4) $$ \begin{align} \underline{T}:=\prod_{j \in J}\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t^{\pm 1/d_j}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}[t^{\pm 1/d_j}]} \end{align} $$

le $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèle en groupes de T défini par transport de structure le long de l’isomorphisme (3.3.3). Pour les racines $a \in \Phi ^{\operatorname {nd,nm}}$ aux rayons singuliers, soient

(3.3.5) $$ \begin{align} \underline{U_a}:=\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb{G}_{a,\mathbb{Z}[t_a^{\pm 1}]} \end{align} $$

les $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèles en groupes de $U_a$ définis par transport de structure le long de $x_a$ , voir (3.3.1). Pour chaque racine multipliable $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ , soit

(3.3.6) $$ \begin{align} \underline{U_a}:=\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t_{2a}^{\pm 1}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb{G}_{p,\mathbb{Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb{Z}[t_{2a}^{\pm 1}]} \end{align} $$

le $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèle en groupes de $U_a$ définis par transport de structure le long de $x_a$ , voir (3.3.2), où l’on note $\mathbb {G}_{p,\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]}$ le $\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]$ -schéma $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]}\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]} \times t_a\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]}$ muni de la loi de groupe induite par (2.3.1), où l’on note $t_a\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]} \subset \operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t_{2a}^{\pm 1}]}\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]}$ le sous-schéma où la trace s’annule.

Observons que $\underline {T}$ ne dépend pas du choix de l’isomorphisme de (3.3.3), en vertu de son identification au modèle de Néron connexe de T sur $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ , cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.4.8], [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, prop. 10.1.4] et [Reference Pereira LourençoPL20, prop. 3.8]. Nous montrons ci-dessous que la donnée $(\underline {T},\underline {U_a})_{a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}}$ est radicielle schématique, cf. [Reference TitsTi84, p. 217].

Proposition 3.3.4 (Tits).

La donnée $(\underline {T},\underline {U_a})_{a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}}$ satisfait aux axiomes (DRS0-3) de la déf. 3.2.1.

Démonstration. Ceci découle essentiellement du fait que l’application conjugaison

(3.3.7) $$ \begin{align}T \times U_a \rightarrow U_a, \end{align} $$

l’application commutateur

(3.3.8) $$ \begin{align} U_a \times U_b \rightarrow \prod_{c\in ]a,b[} U_c, \end{align} $$

et l’application rationnelle d’échange

(3.3.9) $$ \begin{align} U_a \times U_{-a} \dashrightarrow U_{-a} \times T \times U_a\end{align} $$

préservent leur sens avec $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -coefficients, c’est-à-dire que se prolongent nettement en des morphismes rationnels entre les produits des modèles $\underline {T}$ et $\underline {U_a}$ pour toute racine $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ non divisible. L’effet de la similitude n’est pas à craindre, restant visible dans la fibre générique.

En effet, pour l’action de $\underline {T}$ sur $\underline {U_a}$ , on peut se ramener, par naturalité des modèles de Néron connexes, au cas où G est adjoint de rang relatif $1$ . Alors, on voit par construction que $\underline {T}$ s’identifie à $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb {G}_m$ par un certain morphisme a, choisi de telle sorte que les formules

(3.3.10) $$ \begin{align} a(s)\cdot x_a(r)\sim x_a(sr) \end{align} $$
(3.3.11) $$ \begin{align} a(s) \cdot x_a(u,v) \sim x_a(su,s\sigma(s)v)\end{align} $$

décrivent l’opération de $\underline {T}$ sur $\underline {U_a}$ à similitude près, voir aussi [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 4.4.19].

La règle (DRS 2) concerne les applications commutateur

(3.3.12) $$ \begin{align}\underline{U_a} \times \underline{U_b} \rightarrow \prod_{c\in ]a,b[} \underline{U_c}\end{align} $$

pour des racines non divisibles $a,b$ engendrant des $\mathbb {Q}$ -droites différentes. Leurs fibres génériques s’écrivent à similitude près comme dans [Reference Bruhat and TitsBT84a, A.6] et on voit aisément que les applications y décrites se prolongent aux coefficients entiers. Pour être exhaustif, nous allons écrire les applications commutateur lorsque l’une des racines a, b ou c est multipliable, vu qu’elles ont été affectées par la modification de Tits, voir la déf. 2.3.4 :

(3.3.13) $$ \begin{align} [x_a(r), x_b(r')] \sim x_{a/2+b/2}(0,\sigma(rr')-rr'); \end{align} $$
(3.3.14) $$ \begin{align} [x_a(u,v), x_b(u',v')] \sim x_{a+b}(2uu'); \end{align} $$
(3.3.15) $$ \begin{align} [x_a(u,v), x_b(r)] \sim x_{a+b}(ru,N(r)\sigma(v))x_{2a+b}(s(u,v)r), \end{align} $$

$s(u,v)$ désigne la somme quadratique $N(u)+v$ . En particulier, les sous-groupes radiciels multipliables commutent les uns avec les autres en caractéristique $2$ , ce qui pourrait surprendre le lecteur, mais qui répondre à nos attentes, compte tenu de la classification des groupes pseudo-réductifs, voir l’ex. 3.1.7 et le th. 3.3.7.

Enfin, pour que l’axiome (DRS 3) soit rempli, il faut se donner une certaine section globale

(3.3.16) $$ \begin{align}d_a:\underline{U_a}\times \underline{U_{-a}} \rightarrow \mathbb{A}^1_{\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}.\end{align} $$

Posant $\underline {W_a}$ l’ouvert distingué de $\underline {U_a}\times \underline {U_{-a}}$ $d_a$ ne s’annule pas, qui doit contenir les fermés $\underline {U_{\pm a}}$ , on a besoin encore d’une application

(3.3.17) $$ \begin{align}\beta_a: \underline{W_a} \rightarrow \underline{U_{-a}}\times \underline{T} \times \underline{U_{a}}.\end{align} $$

Dans la fibre générique, on trouve l’écriture de ces applications à similitude près dans [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.1.6, 4.1.12].

Enregistrons toutefois leurs prolongements entiers pour référence future. Si $a \in \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ n’est ni divisible ni multipliable, alors

(3.3.18) $$ \begin{align} d_a(x_a(r),x_{-a}(r'))=\operatorname{Norme}_{\mathbb{Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}(1-rr')\end{align} $$

et, en posant $t(r,r')=1-rr'$ et $\underline {W_a}$ l’ouvert spécial déterminé par $d_a$ , on en tire

(3.3.19) $$ \begin{align} \beta_a(x_a(r),x_{-a}(r'))=(x_{-a}(r'/t(r,r')),a^{\vee}(t(r,r')),x_a(r/t(r,r'))),\end{align} $$

$a^{\vee }$ désigne l’application composée d’un certain isomorphisme $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb {G}_m \simeq \underline {T}^{\operatorname {sc},a} $ unique à conjugaison près avec le morphisme naturel $\underline {T}^{\operatorname {sc},a} \rightarrow \underline {T}$ . Si $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable, il s’avère par des calculs impliquant la modification de Tits que l’on a

(3.3.20) $$ \begin{align} d_a(x_a(u,v),x_{-a}(u',v'))=\operatorname{Norme}_{\mathbb{Z}[t_{a}^{\pm 1}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}t(u,v,u',v'),\end{align} $$

où l’on note $t(u,v,u',v'):=1-2\sigma (u)u'+s(u,v)s(u',v')$ , et on en déduit aussi que la première coordonnée de $\beta _a(x_a(u,v),x_{-a}(u',v'))$ s’écrit comme le monstre suivant

(3.3.21) $$ \begin{align} x_{-a}\Big(\frac{u'-us(u',v')}{t(u,v,u',v')},\frac{s(u',v')}{t(u,v,u',v')}-N\Big(\frac{u'-us(u',v')}{t(u,v,u',v')}\Big)\Big), \end{align} $$

mais sans aucun facteur de $2$ non souhaitable. On voit de même que sa dernière coordonnée est pareille à la première, quitte à échanger quelques primes et à conjuguer, et que la deuxième est égale à $(2a)^{\vee }(t(u,v,u',v'))$ , où l’on note $(2a)^\vee $ l’applicationFootnote 4 composée $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t_a^{\pm 1}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb {G}_m \simeq \underline {T}^{\operatorname {sc},a}\rightarrow \underline {T}$ .

Grâce à cette proposition, nous pouvons appliquer le th. 3.2.5 pour obtenir un $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupe lisse, connexe et séparé $\underline {G}$ .

Définition 3.3.5 (Tits).

Le groupe de Tits $\underline {G}$ est le $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -modèle en groupes séparé, lisse et connexe de G qui découle du th. 3.2.5 appliqué à la donnée radicielle schématique $(\underline {T},\underline {U_a})_{a\in \Phi _G^{\operatorname {nd}}}$ .

Remarquons tout d’abord quelques propriétés importantes :

Remarque 3.3.6. Tous les faits qui suivent sans démonstration ultérieure résultent d’une comparaison des grosses cellules correspondantes, vu l’unicité des solutions aux lois birationnelles :

  1. 1. Si G est la restriction des scalaires d’un groupe déployé $H'$ le long de $\mathbb {Q}(t^{1/d})/\mathbb {Q}(t)$ , alors $\underline {G}$ en est de même la restriction des scalaires $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t^{\pm 1/d}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}H'$ .

  2. 2. Si l’on inverse le degré de ramification e, on obtient un $\mathbb {Z}[1/e, t^{\pm 1}]$ -groupe réductif $\underline {G}[1/e]$ donné par les $\Gamma $ -invariants de $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[1/e, t^{\pm 1/d}]/\mathbb {Z}[1/e, t^{\pm 1}]}\underline {H}$ , voir [Reference Pappas and ZhuPZ13, 3.c.1].

  3. 3. On verra ci-dessous, cf. prop. 3.3.7, que la fibre générique $G_{\eta _p}:=\underline {G}\otimes \mathbb {F}_p(t)$ de la réduction modulo p est toujours pseudo-réductive et quasi-déployée à système de racines $\Phi _G$ . Si $\Phi _H$ est irréductible et $\Gamma $ n’y opère pas trivialement (donc on peut choisir $e=2,3$ ), alors le th. 3.1.4 entraîne que $G_{\eta _e}^{\operatorname {sc}}$ est soit exotique basique, soit barcelonais basique.

  4. 4. Nous verrons plus tard que $\underline {G}$ est même affine et non pas seulement quasi-affine, voir la prop. 3.2.7 et la prop. 3.3.9.

Notons $G_{\eta _p}$ la fibre générique $\underline {G}\otimes \mathbb {F}_p(t)$ de la réduction $G_p:=\underline {G}\otimes \mathbb {F}_p[t^{\pm 1}]$ modulo p de $\underline {G}$ .

Proposition 3.3.7. Le $\mathbb {F}_p(t)$ -groupe lisse, affine et connexe $G_{\eta _p}$ est pseudo-réductif, quasi-déployé et son système de racines relatif s’identifie à $\Phi _G$ . De plus, les $\eta _p$ -fibres des isomorphismes $x_a$ définissent un quasi-système de Tits.

La notion de quasi-système de Tits n’a été pas définie pour les groupes pseudo-réductifs exotiques ou barcelonais, la raison étant que pour ces groupes il n’a aucun sens a priori de distinguer entre quasi-systèmes de Tits et de Chevalley, voir [Reference LourençoLou21, déf. 2.4]. On pourrait alors prendre l’énoncé en petites caractéristiques comme définition même.

Démonstration. Par construction avec les lois birationnelles, l’on a une suite de sous-groupes fermés $\underline {S} \subset \underline {T} \subset \underline {B} \subset \underline {G}$ lisses et connexes. On voit que les fibrés vectoriels $\operatorname {Lie}\underline {T}$ resp. $\operatorname {Lie}\underline {U_a}$ ne sont que les espaces propres à poids nul resp. non nul pour l’action de $\underline {S}$ sur $\operatorname {Lie}\,\underline {G}$ . En particulier, cela caractérise uniquement leurs fibres $S_{\eta _p} \subset T_{\eta _p} \subset B_{\eta _p} \subset G_{\eta _p}$ comme sous-groupes fermés de $G_{\eta _p}$ par le th. 3.1.3 - l’assertion cruciale reste valable plus généralement pour les groupes lisses, affines et connexes.

Il suffit donc de montrer, en vertu de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 1.1.11] et de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, th. C.2.29], que $T_{\eta _p}$ est pseudo-réductif (ce qui est manifestement le cas) et que les sous-groupes $G_{a,\eta _p}$ engendrés par $C_{a,\eta _p}$ sont pseudo-réductifs. Autrement dit, on peut supposer G de rang relatif $1$ , et même simplement connexe, en faisant usage des z-extensions. En effet, comme G résulte de $G^{\operatorname {sc}}$ par modification centrale, cf. (2.4.4), alors les lois birationnelles fournissent un isomorphisme de $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupes :

(3.3.22) $$ \begin{align}\underline{G}:=(\underline{T}\ltimes \underline{G}^{\operatorname{sc}})/\underline{T}^{\operatorname{sc}},\end{align} $$

d’où le fait que $G_{\eta _p}$ soit un modifié central de $G^{\operatorname {sc}}_{\eta _p}$ par le groupe commutatif pseudo-réductif $T_{\eta _p}$ , ramenant l’assertion au cas où G est simplement connexe.

Supposons que $G=\operatorname {R}_{\mathbb {Q}(t_a)/\mathbb {Q}(t)}\operatorname {SL}_2$ ou que $p \neq 2$ et $G=\operatorname {R}_{\mathbb {Q}(t_{2a})/\mathbb {Q}(t)}\operatorname {SU}_{3,\mathbb {Q}(t_a)/\mathbb {Q}(t_{2a})}$ . Alors, on sait déjà que $G_{\eta _p}=\operatorname {R}_{\mathbb {F}_p(t_a)/\mathbb {F}_p(t)}\operatorname {SL}_2$ ou que $G_{\eta _p}=\operatorname {R}_{\mathbb {F}_p(t_{2a})/\mathbb {F}_p(t)}\operatorname {SU}_{3,\mathbb {F}_p(t_{2a})/\mathbb {F}_p(t_a)}$ sont pseudo-réductifs, voir la rem. 3.3.6. Si $p=2$ et $G=\operatorname {R}_{\mathbb {Q}(t_{2a})/\mathbb {Q}(t)}\operatorname {SU}_{3,\mathbb {Q}(t_a)/\mathbb {Q}(t_{2a})}$ , alors (3.3.20) et (3.3.21) se simplifient en caractéristique $2$ comme suit :

(3.3.23) $$ \begin{align}1+s(u,v)s(u',v')\end{align} $$

et

(3.3.24) $$ \begin{align}\frac{s(u',v')}{1+s(u,v)s(u',v')},\end{align} $$

ce qui coïncide avec (3.3.18) et (3.3.19) pour le couple $(s(u,v),s(u',v'))$ . Par suite, notre loi birationnelle dans la grosse cellule $C_{\eta _2} \subset G_{\eta _2}$ coïncide avec celle du groupe barcelonais de rang relatif $1$ et de dimension $\dim G$ , voir ex. 3.1.7.

Enfin, pour que les isomorphismes donnés $x_a$ constituent un quasi-système de Tits, il faut essentiellement remarquer que les $m_b$ permutent les classes de similitude des $x_a$ pour toutes racines non divisibles $a,b \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}$ . Cela résulte par densité de l’assertion correspondante dans la fibre générique, c’est-à-dire pour G, donc remplie grâce au lem. 2.3.5.

Remarque 3.3.8. Être pseudo-réductif n’est pas une condition géométrique et donc n’admet aucune formulation relative en familles qui soit pratique. En particulier, on peut montrer facilement que, si e est un choix minimal d’entier tel que l’extension $\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})/\mathbb {Q}(t)$ déploie G, alors $G_{\eta _p}$ n’est pas réductif pour tout p divisant e, et tous les autres fibres du $\mathbb {F}_p[t^{\pm 1}]$ -groupe $G_p$ ont un radical unipotent non trivial sur $\mathbb {F}_p$ . Cependant, nous verrons dans la suite, cf. prop. 5.1.4, que $G_p$ possède une structure arithmétique assez remarquable, étant un modèle parahorique spécial de sa fibre générique.

Parfois il sera plus commode d’avoir une description plus concise et explicite du groupe de Tits $\underline {G}$ en fonction de $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1/e}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]} H$ , où H est vu comme $\mathbb {Z}$ -groupe épinglé au moyen des épinglages $y_\alpha $ du système de Tits associé.

Proposition 3.3.9. On a une immersion fermée naturelle $\underline {G}\rightarrow \operatorname {R}_{\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1/e}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]} H$ prolongeant l’application générique. En particulier, $\underline {G}$ est affine sur $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ .

Commentons également un truc qui s’avère très utile dans certaines situations. Si on se contente de construire le schéma en groupes $\underline {G}$ au-dessus de $\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1}]$ , alors l’extension de déploiement (générique) $\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1}] \rightarrow \mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1/e}]$ devient cyclique, et on peut substituer le groupe cyclique $\Gamma _0$ à son sur-groupe $\Gamma $ . Par la même argumentation ci-dessous, on arrive à réaliser $\underline {G}\otimes \mathbb {Z}[\zeta _e]$ comme sous-groupe fermé de $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[\zeta _e, t^{\pm 1/e}]/\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{\pm 1}]} H$ contenu dans les $\Gamma _0$ -invariants.

Démonstration. Montrons tout d’abord que les applications restreintes aux tores

(3.3.25) $$ \begin{align}\underline{T} \rightarrow \operatorname{R}_{\mathbb{Z}[\zeta_e,t^{\pm 1/e}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]} T_H,\end{align} $$

resp. aux sous-groupes radiciels

(3.3.26) $$ \begin{align}\underline{U_a} \rightarrow \prod_{\gamma\alpha}\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[\zeta_e,t^{\pm 1/e}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]} U_{H,\gamma\alpha}\end{align} $$

si $a\in \Phi _G$ n’est ni divisible ni multipliable, et

(3.3.27) $$ \begin{align}\underline{U_a} \rightarrow \prod_{\{\gamma\alpha,\gamma\beta\}} \operatorname{R}_{\mathbb{Z}[\zeta_e,t^{\pm 1/e}]/\mathbb{Z}[t^{\pm 1}]}U_{H,\gamma\alpha} U_{H,\gamma(\alpha+\beta)}U_{H,\gamma\beta}\end{align} $$

si $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable, sont des immersions fermées. Le cas du centralisateur résulte de ce que les modèles de Néron connexes des tores induits sont leurs modèles canoniques, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.4.6, 4.4.8]. À son tour, le cas des sous-groupes radiciels est une conséquence des calculs supprimés du lem. 2.3.5.

Par suite, la [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 2.2.10] entraîne que l’application naturelle

(3.3.28) $$ \begin{align}\underline{G}\rightarrow \operatorname{R}_{\mathbb{Z}[\zeta_e,t^{1/e}]/\mathbb{Z}[t]} H\end{align} $$

est une immersion localement fermée. Soit $\widehat {\mathbb {Z}[t]}_{(p)}$ le séparé complété du localisé de $\mathbb {Z}[t]$ dans l’idéal premier $(p)$ : il s’agit d’un anneau de valuation discrète à uniformisante p et à corps résiduel $\mathbb {F}_p(t)$ . L’image schématique du groupe parahorique spécial $\underline {G} \otimes \widehat {\mathbb {Z}[t]}_{(p)}$ dans la restriction des scalaires correspondante de $ H$ est un sous-groupe fermé, affine et lisse, dont la composante neutre reste égale, d’où l’égalité par [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 4.6.21].

En particulier, la propriété d’être une immersion fermée se propage à un ouvert cofini U de $\operatorname {Spec} \mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ . Pour conclure, il ne reste qu’à appliquer le lemme ci-dessous concernant l’existence d’une opération tordue fonctorielle de $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}$ sur $\underline {G}$ et sur $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[\zeta _et^{1/e}]/\mathbb {Z}[t]} H$ . En effet, cette action relève celle de la e-ième puissance sur $\operatorname {Spec} \mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ , dont les translatés de U recouvrent tout le spectre.

Ce lemme a joué un rôle important dans la fin de la démonstration précédente.

Lemme 3.3.10. L’action e-ième puissance de $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ sur soi-même se relève en une action tordue sur le $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupe $\underline {G}$ .

Démonstration. Voyons que la e-puissance définit une opération $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}} \times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}} \rightarrow \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ donnée par $(r,t)\mapsto r^et$ . Considérons maintenant le $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupe $\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t^{\pm 1/d}]/\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]}\mathbb {G}_{a}$ classifiant des éléments $a \in R[t^{1/d}]$ . Alors, la correspondance $(r,t,a) \mapsto (r^et,a)$ en détermine un relèvement de l’opération puissance. La même écriture marche aussi pour les restrictions des scalaires du groupe multiplicatif $\mathbb {G}_m$ et du groupe unipotent pluriel $\mathbb {G}_p$ . Finalement, nous laissons au lecteur le soin de vérifier que cette action préserve les morphismes des axiomes des données radicielles schématiques – voir la déf. 3.2.1 et les formules de la preuve de la prop. 3.3.4 – d’où son prolongement à $\underline {G}$ par fonctorialité du th. 3.2.4.

Dans la version précédente de l’article, nous avons démontré par un calcul presque direct que, au cas où G est absolument simple et simplement connexe à système de racines $\Phi _G$ réduit, la fibre générique $G_{\eta _e}$ était pseudo-réductive exotique basique. Voici le raisonnement :

Exemple 3.3.11. Supposons que G est absolument simple, simplement connexe et non déployé à système de racines $\Phi _G$ réduit et que $e\leq 3$ . Grâce à la prop. 3.3.9, on a une immersion fermée

(3.3.29) $$ \begin{align} G_{\eta_e}\hookrightarrow(\operatorname{R}_{\mathbb{F}_e(t^{1/e})/\mathbb{F}_e(t)} H)^{\Gamma_0}. \end{align} $$

Vu que la partie galoisienne de l’opération de $\Gamma _0$ sur cette restriction des scalaires s’évapore tout simplement en caractéristique e, le membre de droite s’écrit comme $\operatorname {R}_{\mathbb {F}_e(t^{1/e})/\mathbb {F}_e(t)} H^{\Gamma _0}$ , où $\Gamma _0$ opère par $\mathbb {F}_e$ -automorphismes de Dynkin sur le $\mathbb {F}_e$ -groupe épinglé H.

D’après Steinberg, cf. [Reference SteinbergSt68, th. 8.2] et [Reference HainesHai18, prop. 5.1], le groupe algébrique $H^{\Gamma _0}$ est lisse, connexe, semi-simple, absolument presque simple et simplement connexe déployé à système de racines $\Phi _G$ ayant $T^{\Gamma _0}$ comme $\mathbb {F}_e$ -tore maximal. Ce tore se décompose en produit de groupes multiplicatifs $\mathbb {G}_m$ numérotés par les racines simples $a \in \Delta _G$ et donnés par les formules

(3.3.30) $$ \begin{align}a^{\vee}:\mathbb{G}_m \rightarrow T^{\Gamma_0}, \end{align} $$
(3.3.31) $$ \begin{align}r \mapsto \prod_{\gamma\alpha} (\gamma\alpha)^{\vee}(r).\end{align} $$

Ses groupes radiciels numérotés par $a \in \Phi _G$ sont égaux à $(\prod _{\gamma \alpha } U_{\gamma \alpha })^{\Gamma _0}$ et donnés par les épinglages

(3.3.32) $$ \begin{align}z_a: \mathbb{G}_a \rightarrow H^{\Gamma_0},\end{align} $$
(3.3.33) $$ \begin{align}r \mapsto \prod_{\gamma\alpha} y_{\gamma\alpha}(r),\end{align} $$

qui forment un $\mathbb {F}_e$ -système de Chevalley, comme on vérifie aisément. Alors, il suffit de remarquer que ces applications sont naturellement compatibles avec celles du quasi-système de Tits de G, donc le $\mathbb {F}_e(t)$ -groupe $G_{\eta _e}$ s’identifie au seul $\mathbb {F}_e(t)$ -groupe pseudo-réductif exotique basique à système de racines $\Phi _G$ de l’ex. 3.1.6, compte tenu de l’unicité des solutions aux lois birationnelles, cf. th. 3.2.4.

3.4 Modèles en groupes immobiliers sur $\mathbb {A}_{\mathbb {Z}}^1$

Dans ce numéro, nous allons introduire les $\mathbb {A}_{\mathbb {Z}}^1$ -modèles en groupes immobiliers $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ , voir la déf. 3.4.6, des groupes de Tits $\underline {G}$ , voir la déf. 3.3.5. Au-dessus de $\mathbb {Z}[1/e]$ , ces groupes avaient été découverts par Pappas–Rapoport dans le cas simplement connexe, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, 7.a, (7.2)], puis définis plus généralement par Pappas–Zhu, voir [Reference Pappas and ZhuPZ13, th. 4.1]. Notre gros résultat est celui de l’affinité du modèle immobilier $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ , voir le th. 3.4.10, lequel résulte d’une approche radicalement différente de celle de Pappas–Rapoport–Zhu, en faisant justement usage des propriétés combinatoires élémentaires, cf. prop. 3.4.1, et de la lissité de l’enveloppe affine, cf. prop. 3.2.7.

Avant de définir les données radicielles schématiques, on a besoin du lemme suivant sur la combinatoire des $\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ -groupes déduits de $\underline {G}$ par changement de base, en variant la caractéristique p.

Proposition 3.4.1. Il existent des bijections canoniques entre les différents appartements $\mathscr {A}(G_{\eta _p},S_{\eta _p},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , pour toute caractéristique $p \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ , invariantes par l’action des groupes d’Iwahori–Weyl.

Démonstration. Identifions d’abord les groupes d’Iwahori–Weyl $\widetilde {W}_p$ de $G_{\eta _p}$ par rapport à $S_{\eta _p}$ en caractéristiques différentes. Soit $\underline {N}$ le normalisateur de $\underline {S}$ dans $\underline {G}$ , qui en est un $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -sous-groupe fermé affine et lisse, comme l’affirme [SGA3, exp. XI, cor. 5.3 bis]. Posons

(3.4.1) $$ \begin{align}\underline{\mathscr{T}}:=\prod_{j\in J}\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t^{1/d_j}]/\mathbb{Z}[t]}\mathbb{G}_{m} \end{align} $$

le modèle de Néron connexe de T sur $\mathbb {Z}[t]$ . On montre que l’homomorphisme de groupes naturel

(3.4.2) $$ \begin{align}\underline{N}(\mathbb{Z}[t^{\pm 1}])/\underline{\mathscr{T}}(\mathbb{Z}[t]) \rightarrow \widetilde{W}_p:=N_{\eta_p}(\mathbb{F}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\mathscr{T}_p(\mathbb{F}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )\end{align} $$

est toujours bijectif, ce qui fournira par zig-zag l’isomorphisme cherché. Le lemme de la serpente nous permet de traiter distinctement les sous-groupes des translations

(3.4.3) $$ \begin{align}\underline{T}(\mathbb{Z}[t^{\pm 1}])/\underline{\mathscr{T}}(\mathbb{Z}[t]) \rightarrow T_{\eta_p}(\mathbb{F}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\mathscr{T}_p(\mathbb{F}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )\end{align} $$

et les quotients des transformations vectorielles

(3.4.4) $$ \begin{align}\underline{N}(\mathbb{Z}[t^{\pm 1}])/\underline{T}(\mathbb{Z}[t^{\pm 1}])\rightarrow W(G_{\eta_p},S_{\eta_p}).\end{align} $$

On voit que le cas des translations est trivial, en calculant explicitement avec la décomposition (3.4.1), ce qui revient au même de dire que la valuation t-adique est indépendante des coefficients.

Maintenant, on se penche sur la partie des transformations vectorielles. Vu que $\underline {T} \rightarrow \underline {N}$ est une immersion fermée, l’application (3.4.4) est injective en caractéristique nulle $p=0$ . D’autre part, les éléments $m_a$ du normalisateur qu’on avait évoqués à (2.3.11) et (2.3.12) sont définis sur $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ , voir la preuve de la prop. 3.3.4, et y induisent les réflexions $s_a$ du groupe de Weyl de $\Phi _G$ . Par suite, les applications de (3.4.4) sont même bijectives pour tout premier p, comme il suit d’une comparaison d’ordres.

Maintenant, on peut définir une valuation $\varphi _p \in \mathscr {A}(G_{\eta _p}, S_{\eta _p}, \mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , pour chaque caractéristique $p \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ , en termes du quasi-système de Tits naturel de $G_{\eta _p}$ , cf. prop. 3.3.7, de la manière suivante :

(3.4.5) $$ \begin{align} \varphi_{p,a}(x_a(r))=\omega_p(r), \end{align} $$
(3.4.6) $$ \begin{align} \varphi_{p,a}(x_a(u,v))=\omega_p(u^2+v)/2, \end{align} $$

où la valuation additive t-adique $\omega _p: \mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) ^{\operatorname {alg}}\rightarrow \mathbb {R}$ est déterminée uniquement par la contrainte $\omega _p(t)=1$ , comp. avec la valuation de [Reference LourençoLou21, déf. 3.1] donnée par (3.1.12), (3.1.13) et (3.1.14).

La prochaine étape consiste à identifier les appartements $\mathscr {A}(G_{\eta _p},S_{\eta _p},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ de façon équivariante. En choisissant $\varphi _p$ pour origine de cet appartement, il ne devient autre que le sous- $\mathbb {R}$ -espace vectoriel de $X_*(S_{\eta _p}) \otimes _{\mathbb {Z}}{\mathbb {R}}$ engendré par les coracines $\Phi _G^\vee $ , d’où en particulier des isomorphismes

(3.4.7) $$ \begin{align}\mathscr{A}(G_{\eta_p},S_{\eta_p},\mathbb{F}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) ) \simeq \mathscr{A}(G_{\eta_q},S_{\eta_q},\mathbb{F}_q (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )\end{align} $$

pour toute paire de caractéristiques $p,q \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ . Il est aisé de voir que cette identification fait correspondre les racines affines de chaque appartement ainsi que leurs échelonnages, voir [Reference LourençoLou21, déf. 3.3].

Démontrons enfin l’équivariance de l’isomorphisme donné par (3.4.7), qu’il suffit de la vérifier pour une partie génératrice. Pour les translations l’assertion devient évidente, vu que $z \in T_{\eta _p}(\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ opère par la translation par le vecteur $\nu (z)$ tel que $a(\nu (z))=-\omega _p(a(z)) $ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.2.7], et que la valuation t-adique est indépendante de la caractéristique, voir (3.4.3). Les classes des $m_a \in \underline {N}(\mathbb {Z}[t^{\pm 1}])$ à leur tour opèrent par des réflexions correspondantes $s_a$ du groupe de Weyl fixant l’origine.

Remarque 3.4.2. Il y a d’autres changements de base intéressants qu’on avait étudiés plus soigneusement dans la version précédente de cet article.

  1. 1. Soient $e=2,3$ , $G=G^{\operatorname {sc}}$ absolument simple et simplement connexe à système de racines $\Phi _G$ réduit. Pour tout $a \in \overline {\mathbb {F}}_e^{\times }$ , on obtient d’isomorphismes naturels

    (3.4.8) $$ \begin{align}\mathscr{A}(G_{\eta_e}, S_{\eta_e}, \overline{\mathbb{F}}_e (\hspace{-0,7mm}( {t-a} )\hspace{-0,7mm}) ) \simeq \mathscr{A}(G_{\eta_e}, S_{\eta_e}, \mathbb{F}_e (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )\end{align} $$
    d’appartements, bien que d’autres structures combinatoires comme les groupes d’Iwahori–Weyl. Cela découle du fait que $G_{\eta _e}$ vienne muni d’un quasi-système de Tits global et que la ramification de $\mathbb {A}^{1/e}_{\mathbb {F}_e}\rightarrow \mathbb {A}^1_{\mathbb {F}_e}$ soit constante. Toutefois, si l’on essayait de faire le même jeu avec les groupes barcelonais, on se serait heurt à ce que la valuation de $t^{1/2}$ ne soit pas constante parmi les diverses places de $\mathbb {A}^1_{\mathbb {F}_e}$ , d’où le besoin de remplacer l’origine de $\mathscr {A}(G_{\eta _e}, S_{\eta _e}, \mathbb {F}_e (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ à système de racines résiduel $\Phi _G^{\operatorname {nd}}$ par un point spécial avec $\Phi _G^{\operatorname {nm}}$ pour système de racines résiduel.
  2. 2. Soient $\mathcal {O}$ un anneau de valuation discrète de caractéristique mixte $(0,p)$ , $\varpi $ une uniformisante de $\mathcal {O}$ et K son corps de fraction. Alors, l’on tire aussi un isomorphisme équivariant

    (3.4.9) $$ \begin{align}\mathscr{A}(\underline{G}\otimes_{\mathbb{Z}[t]} K, \underline{S}\otimes_{\mathbb{Z}[t]} K,K) \simeq \mathscr{A}(G_{\eta_p}, S_{\eta_p}, \mathbb{F}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )\end{align} $$
    d’appartements, où $\mathbb {Z}[t]\rightarrow \mathcal {O}$ est le seul homomorphisme qui applique t sur $\varpi $ ; en particulier, l’hypothèse de ramification modérée dans [Reference Pappas and ZhuPZ13, 4.a.2] est inutile. Ce changement de base de type diagonal prend un rôle proéminent dans la théorie des modèles locaux des variétés de Shimura, voir [Reference Pappas and ZhuPZ13, §§8-9] et [Reference Pereira LourençoPL20, IV, §4.1].

Dorénavant, on fera plusieurs fois l’abus de langage d’écrire $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ lorsqu’on parle de tous les appartements $\mathscr {A}(G_{\eta _p},S_{\eta _p},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ pour $p \in \mathbb {P}\cup \{0\}$ en même temps, identifiés selon (3.4.7). L’information combinatoire qu’on vient de rassembler dans la prop. 3.4.1 nous permettra ainsi d’introduire les $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ -modèles immobiliers $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ , voir la déf. 3.4.6, des $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupes de Tits $\underline {G}$ , où $\Omega $ désigne une partie bornée et non vide de $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ .

On commence par rappeler la structure de certains modèles entiers lisses et connexes du groupe additif, à la suite de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 1.4.1].

Exemple 3.4.3. Soit A un anneau noethérien intègre à corps de fraction K. À chaque idéal fraccionaire $\mathfrak {a} \subset K$ , on lui associe le modèle en groupes $\mathfrak {a} \otimes \mathbb {G}_a$ dont les points à valeurs dans R sont donnés par $\mathfrak {a} \otimes _A R$ . Autrement dit, quitte à localiser pour que $\mathfrak {a}=(a)$ soit principal, ceci n’est autre que le A-groupe $\mathbb {G}_a$ regardé en tant que modèle de $\mathbb {G}_{a,K}$ au moyen de $\mathbb {G}_{a,K}\xrightarrow {\cdot a}\mathbb {G}_{a,K}$ .

L’étape suivante consiste à définir les données radicielles schématiques, pour lequel il faut introduire un outil combinatoire additionnel. Soient $\Omega \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ une partie non vide et bornée et

(3.4.10) $$ \begin{align} f_{\Omega}: \Phi_G \rightarrow \mathbb{R},\end{align} $$
(3.4.11) $$ \begin{align} a \mapsto \operatorname{min} \{ k \in \Gamma_a': a(\Omega)+k\geq 0\} \end{align} $$

la fonction quasi-concave et optimale attachée à $\Omega $ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.6.26]. Notons que $f_\Omega $ dépend aussi du choix de l’origine $\varphi $ de l’appartement $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ que nous avons introduite à la prop. 3.4.1, cf. (3.4.7).

Définition 3.4.4. Soient G un $\mathbb {Q}(t)$ -groupe remplissant l’hyp. 3.3.1, $\Omega $ une partie non vide et bornée de l’appartement $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ et $f_\Omega $ la fonction (3.4.10) définie par (3.4.11). Définissons le modèle $\underline {\mathscr {T}}$ de $\underline {T}$ par (3.4.1). Quant aux sous-groupes radiciels, définissons-le par transport de structure le long des quasi-épinglage comme suit :

(3.4.12) $$ \begin{align} \underline{\mathscr{U}_{a, \Omega}}:=\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t_a]/\mathbb{Z}[t]} t^{f_\Omega(a)} \mathbb{G}_{a,\mathbb{Z}[t_a]}, \end{align} $$

lorsque $a\in \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ n’est ni divisible ni multipliable, ou

(3.4.13) $$ \begin{align} \underline{\mathscr{U}_{a, \Omega}}:=\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t_{2a}]/\mathbb{Z}[t]} t^{f_{\Omega}(a),f_{\Omega}(2a)} \mathbb{G}_{p,\mathbb{Z}[t_a]/\mathbb{Z}[t_{2a}]}, \end{align} $$

$t^{f_{\Omega }(a),f_{\Omega }(2a)} \mathbb {G}_{p,\mathbb {Z}[t_a]/\mathbb {Z}[t_{2a}]}$ signifie le produit $t^{f_\Omega (a)} \mathbb {G}_{a,\mathbb {Z}[t_{a}]} \times t^{f_\Omega (2a)}\mathbb {G}_{a,\mathbb {Z}[t_{2a}]}$ .

Signalons que le $\mathbb {Z}[t]$ -modèle en groupes $\underline {\mathscr {U}_{a, \Omega }}$ est bien défini, car $t^{f_\Omega (a)}$ est une puissance entière de $t_a$ . On a fait un abus de langage pareil dans l’écriture de $\underline {\mathscr {U}_{a, \Omega }}$ , lorsque $a\in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable, vu que $t^{f_\Omega (2a)}$ n’appartient jamais à $\mathbb {Z}[t_{2a}]$ , mais bien à son complément $t_a\mathbb {Z}[t_{2a}]$ dans $\mathbb {Z}[t_a]$ . Il faudrait d’ailleurs montrer que la loi de groupe de $\mathbb {G}_{p,\mathbb {Q}(t_{a})/\mathbb {Q}(t_{2a})}$ se prolonge à son modèle entier, ce qui sera vérifié implicitement pendant la preuve de la proposition suivante.

Proposition 3.4.5. Les schémas en groupes $(\underline {\mathscr {T}}, \underline {\mathscr {U}_{a, \Omega }})_{a \in \Phi _G^{\operatorname {nd}}}$ forment une donnée radicielle schématique au-dessus de $\mathbb {Z}[t]$ prolongeant celle de la prop. 3.3.4.

Démonstration. On peut certes démontrer que nos modèles entiers satisfont aux règles de la déf. 3.2.1 par la même procédure de la prop. 3.3.4. Toutefois, il est plus vite d’observer le truc suivant à la Beauville–Laszlo [Reference Beauville and LaszloBL95, th.] : on a l’égalité

(3.4.14) $$ \begin{align}A=A[t^{-1}] \cap A\otimes \mathbb{Q} [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] \subset A\otimes \mathbb{Q} (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) \end{align} $$

pour toute $\mathbb {Z}[t]$ -algèbre plate A. Cela implique qu’on peut toujours construire des homomorphismes entre de tels anneaux par recollement au-dessus de $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ et puis $\mathbb {Q} [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ . Par conséquent, on s’est ramené, d’un côté, au cas où t est inversible, ce qui a été déjà réalisé dans la prop. 3.3.4, et d’autre côté, au cas des modèles immobiliers du $\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ -groupe réductif et connexe $G_{\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) }$ , grâce au cor. 3.4.7. Mais ce dernier cas est dû à Bruhat–Tits, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, th. 4.5.4].

On peut finalement définir les $\mathbb {Z}[t]$ -modèles immobiliers $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ du groupe de Tits $\underline {G}$ .

Définition 3.4.6. Soit $\underline {G}$ un $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupe de Tits, voir la déf. 3.3.5, et $\Omega \subset \mathscr {A}( \underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ une partie non vide et bornée. On leur associe son $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ -modèle immobilier $\underline {\mathscr {G}_\Omega }$ déduit du th. 3.2.5 appliqué à la donnée radicielle schématique de la prop. 3.4.5.

Particularisant les schémas en groupes ci-dessus, on obtient à l’évidence ceux de la théorie de Bruhat–Tits pseudo-réductive qu’on avait mentionnée au th. 3.1.8.

Corollaire 3.4.7. Le $\mathbb {F}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -modèle de $G_{\eta _p}$ déduit du $\mathbb {A}_{\mathbb {Z}}^1$ -modèle immobilier $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ de la déf. 3.4.6 par le changement de base $\mathbb {Z}[t]\rightarrow \mathbb {F}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ s’identifie au $\mathbb {F}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -modèle immobilier $\mathscr {G}_{\Omega ,p}$ de $G_{\eta _p}$ associé à $\Omega \subset \mathscr {A}(G_{\eta _p},S_{\eta _p},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ .

Démonstration. Il ne suffit que de considérer les termes de la donnée radicielle schématique, cf. déf.3.4.4. Mais si l’on tue p dans les coefficients entiers et complète pour la topologie t-adique, alors on obtient encore le modèle de Néron connexe du centralisateur, voir [Reference Pereira LourençoPL20, prop. 3.3.8], et les stabilisateurs radiciels de $\Omega $ , voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 4.3.2, 4.3.4] et [Reference LourençoLou21, lem. 4.4], en identifiant celui à une partie convenable de $\mathscr {A}(G_{\eta _p},S_{\eta _p},\mathbb {F}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ selon la prop. 3.4.1.

Enfin, on va relier les $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ -modèles immobiliers $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ de G avec ceux de H, tel que l’on avait fait pour leurs groupes de Tits, cf. prop. 3.3.9. On remarque que l’isomorphisme $G_{\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})} \simeq H$ induit un plongement

(3.4.15) $$ \begin{align}\mathscr{A}(G,S,\mathbb{Q} (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) ) \hookrightarrow \mathscr{A}(H,T_H,\mathbb{Q}(\zeta_e) (\hspace{-0,7mm}( {t^{1/e}} )\hspace{-0,7mm}) )\end{align} $$

d’appartements, donc $\Omega $ peut être regardé comme partie du membre de droite. Le résultat ci-dessous ne sera jamais appliqué dans le reste de l’article.

Proposition 3.4.8. Le morphisme naturel $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }} \rightarrow \operatorname {R}_{\mathbb {Z}[\zeta _e,t^{1/e}]/\mathbb {Z}[t]} \underline {\mathscr {H}_{\Omega }}$ induit par l’inclusion (3.4.15) est un plongement localement fermé.

Démonstration. On reprendre la preuve de la prop. 3.3.9 pour voir que l’adhérence schématique de T et des $U_a$ dans le membre de droite s’identifie aux modèles immobiliers souhaités de la déf. 3.4.4. D’après [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 2.2.10], ceci termine la preuve de la propriété énoncée. On s’attend à ce que l’image fermée du membre de gauche soit un sous- $\mathbb {Z}[t]$ -groupe plat et fermé du membre de droite (dont la composante neutre s’identifierait à $\underline {\mathscr {G}_{ \Omega }}$ ), mais cela pourrait éventuellement n’être pas le cas, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, 3.2.15], et il semble que nos méthodes soient insuffisantes pour y parvenir.

Remarque 3.4.9. Dans une autre direction, lorsque G est un groupe classique, il serait aussi très intéressant d’interpréter les groupes parahoriques comme classifiant les automorphismes de certains chaînes périodiques de réseaux munis de formes quadratiques comme en [Reference Pappas and ZhuPZ13, §5], ou [Reference TitsTi84, pp. 218-219], ce qui peut être regardé comme une généralisation aux bases bidimensionnelles de [Reference Rapoport and ZinkRZ96, §3, annexe]. Voir aussi [Reference Bruhat and TitsBT84b], [Reference Bruhat and TitsBT87] et [Reference KirchKir17] pour des cas classiques non modérément ramifiés sur un anneau de valuation discrète.

Enfin, on mettre un terme à nos enquêtes sur la théorie des groupes, en démontrant que les $\mathbb {Z}[t]$ -groupes lisses, séparés et connexes $\underline {\mathscr {G}_\Omega }$ sont même affines, duquel on profitera plus tard pour faire la géométrie des grassmanniennes affines, voir les §§4-5 et en particulier les props. 4.1.2 et 5.1.2.

Théorème 3.4.10. Le schéma en groupes $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ est affine sur $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ .

On va démontrer ce résultat fondamental de manière complètement différente à celle de [Reference Pappas and ZhuPZ13, th. 4.1] dans le cas modérément ramifié. En effet, ce dernier article procède par deux étapes : dans le cas déployé, des techniques de dilatation sont appliquées, voir [Reference Waterhouse and WeisfeilerWW80, §1] et [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, §3.2] pour le cas de la dimension $1$ et [Reference MayeuxMRR20, §3] en dimension supérieure; dans le cas tordu, un calcul cohomologique en termes de $\Gamma $ -invariants est évoqué.

Dans notre cadre généralisé, même si l’on sait déjà que $\underline {G}$ est affine sur $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ d’après la prop. 3.3.9, nous ne disposons pas d’une interprétation galoisienne pure, pour qu’on puisse calculer des groupes de cohomologie. Nos arguments sont donc beaucoup plus abstraits, mais aussi élémentaires en ce qui concerne les outils techniques.

Démonstration. On doit prouver que l’enveloppe affine $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }^{\operatorname {af}}}$ est connexe, voir la prop. 3.2.7, et on s’est ramené à traiter les fibres géométriques en les idéaux maximaux $(p,t)$ de $\mathbb {Z}[t]$ , pour $p>0$ un nombre premier. Soient $\underline {\mathscr {N}_{\Omega }}$ (resp. $\underline {\mathscr {N}_{\Omega }^{\operatorname {af}}}$ ) le normalisateur de $\underline {\mathscr {S}}$ dans $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ (resp. dans l’enveloppe affine $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }^{\operatorname {af}}}$ ), qui sont sous- $\mathbb {Z}[t]$ -groupes fermés et lisses, cf. [SGA3, exp. XI, cor. 2.4 bis, cor. 6.11]. Chaque composante connexe de cette fibre géométrique peut être représentée par un point de $\underline {\mathscr {N}_{\Omega }^{\operatorname {af}}}$ à valeurs dans $\breve {\mathbb {Z}}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ , grâce au lemme d’Hensel joint au cor. 3.4.7 et au fait correspondant en théorie de Bruhat–Tits, voir [Reference LourençoLou21, prop. 2.12] et [Reference Bruhat and TitsBT84a, cor. 4.6.21]. Alors, la non connexité de $\underline {\mathscr {G}_{\Omega }^{\operatorname {af}}}$ au-dessus de $\breve {\mathbb {Z}}_p [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ contredit à l’évidence l’affirmation selon laquelle les flèches

(3.4.16) $$ \begin{align}\underline{N}(\breve{\mathbb{Z}}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \rightarrow \underline{N}(\overline{\mathbb{F}}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\overline{\mathbb{F}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \end{align} $$
(3.4.17) $$ \begin{align} \underline{N}(\breve{\mathbb{Z}}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \rightarrow \underline{N}(\breve{\mathbb{Q}}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )/\underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\breve{\mathbb{Q}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \end{align} $$

sont bijectives, puisque la descente de Beauville–Laszlo, voir [Reference Beauville and LaszloBL95, th.], en fournit l’égalité

(3.4.18) $$ \begin{align}\underline{\mathscr{N}_{\Omega}^{\operatorname{af}}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )=\underline{N}(\breve{\mathbb{Z}}_p (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) ) \cap \underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\breve{\mathbb{Q}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \end{align} $$

comme sous-groupes de $\underline {N}(\breve {\mathbb {Q}}_p (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ .

Maintenant, nous montrons cette assertion, c’est-à-dire que les applications (3.4.16) et (3.4.17) sont bijectives. En effet, nous avons déjà vu pendant la preuve de la prop. 3.4.1 que les diverses variantes des groupes d’Iwahori-Weyl sont toutes canoniquement isomorphes, quels que soient les coefficients utilisés, cf. (3.4.2). Par suite, il reste à avérer que les applications d’ensembles finis

(3.4.19) $$ \begin{align}\underline{\mathscr{N}_{\Omega}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )/\underline{\mathscr{T}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \rightarrow \underline{\mathscr{N}_\Omega}(\overline{\mathbb{F}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )/\underline{\mathscr{T}}(\overline{\mathbb{F}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ), \end{align} $$
(3.4.20) $$ \begin{align} \underline{\mathscr{N}_\Omega}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )/\underline{\mathscr{T}}(\breve{\mathbb{Z}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \rightarrow \underline{\mathscr{N}_\Omega}(\breve{\mathbb{Q}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] )/\underline{\mathscr{T}}(\breve{\mathbb{Q}}_p [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \end{align} $$

sont bijectives. D’une part, le cardinal du membre de droite de ces applications ne dépend pas de la caractéristique des coefficients, puisqu’il s’identifie en tout cas au groupe de Weyl résiduel $W(\Phi _{\Omega })$ du sous-système de racines $\Omega $ -résiduel

(3.4.21) $$ \begin{align} \Phi_\Omega:= \{ a \in \Phi_G : f_\Omega(a)+f_\Omega(-a)=0\}, \end{align} $$

voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, cor. 4.6.12] et [Reference LourençoLou21, lem. 4.6] pour une preuve de cette affirmation. D’autre part, la première flèche (3.4.19) est surjective par le lemme d’Hensel et la deuxième (3.4.20) est injective, parce que $\underline {\mathscr {T}}$ est fermé dans $\underline {\mathscr {N}_{\Omega }}$ .

Remarque 3.4.11. Rappelons succinctement la stratégie de preuve de la version précédente du texte dans le cas parahorique : la première étape consistait à exploiter que les stabilisateurs soient automatiquement connexes si $G=G^{\operatorname {sc}}$ pour montrer la connexité de l’enveloppe affine; la deuxième étape ramenait le problème par modification centrale aux modèles de Néron des tores pas forcément induits, dès que $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ ; la troisième étape explicitait ceux-ci grâce à la classification des tores cycliques lorsque $e \leq 3$ . À la fin, cette preuve était encore plus longue que l’actuelle et ne fonctionnait que dans un cadre limitant.

4 La géométrie des grassmanniennes affines tordues entières

Cette partie est consacrée à l’étude géométrique des grassmanniennes affines $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ attachées aux $\mathbb {A}_{\mathbb {Z}}^1$ -modèles parahoriques $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ des groupes de Tits $\underline {G}$ déjà introduits à la déf. 3.4.6. On démontre notamment que les schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ , cf. déf. 4.1.4, sont géométriquement normaux et scindés en caractéristique $p>0$ , cf. th. 4.1.5.

4.1 Rappels et préparatifs

Nous allons rappeler au lecteur les notions et résultats principales concernant les grassmanniennes affines, lesquelles seront les objets géométriques centraux de nos investigations. Voici la définition :

Définition 4.1.1. Soient A un anneau et $\mathrm {G}$ un schéma en groupes lisse sur $A [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ . La grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ est le pré-faisceau en ensembles de la catégorie des A-algèbres, tel que $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}(R)$ soit l’ensemble des classes d’isomorphisme de $\mathrm {G}$ -fibrés $\mathcal {E}$ sur $R [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ munis d’une trivialisation au-dessus de $R (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ .

Il s’agit d’un faisceau en ensembles pour la topologie plate. Le groupe de lacets $L\mathrm {G}:R \mapsto \mathrm {G}(R (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ de G, qui est représentable par un ind-schéma affine de type fini, cf. [Reference Pappas and RapoportPR08, 1.a], y opère par changement de trivialisation. Notant $L^+\mathrm {G}:R \mapsto \mathrm {G}(R [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] )$ le groupe d’arcs de $\mathrm {G}$ , qui est naturellement contenu dans $L\mathrm {G}$ et représentable par un schéma pro-lisse, cf. [Reference ZhuZh17, prop. 1.3.2], on peut réaliser la grassmannienne affine comme le faisceau quotient $L\mathrm {G}/L^+\mathrm {G}$ pour la topologie étale, cf. [Reference ZhuZh17, prop. 1.3.6], de manière compatible à l’action à la gauche de $L\mathrm {G}$ .

La question de savoir quand la grassmannienne affine d’un groupe est représentable est encore subtile, mais nous avons le résultat suivant :

Proposition 4.1.2 (Pappas–Zhu).

Soient A un anneau de Dedekind et $\mathrm {G}$ un $A [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -groupe lisse, affine et connexe. Alors, $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ est représentable par un ind-schéma quasi-projectif de type fini.

Esquisse de la preuve. Lorsque $\mathrm {G}=\operatorname {GL}_n$ , la grassmannienne affine admet une interprétation comme espace classifiant de $R [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -réseaux dans $R (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ , d’où son écriture comme colimite de fermés de grassmanniennes finies, cf. [Reference ZhuZh17, th. 1.1.3]. Sous les contraintes énoncées, alors [Reference Pappas and ZhuPZ13, cor. 11.8] affirme l’existence d’une immersion fermée $\mathrm {G} \rightarrow \operatorname {GL}_n$ à quotient représentable et quasi-affine pour la topologie plate - cela repose essentiellement sur les travaux de Thomason, voir [Reference ThomasonTho87]. Mais dans ce cas, on parvient à prouver que le morphisme induit $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}} \rightarrow \operatorname {Gr}_{\operatorname {GL}_n}$ est représentable par une immersion quasi-compacte, cf. [Reference ZhuZh17, prop. 1.2.6].

L’autre question qui se pose concerne la projectivité de $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ . Pour obtenir une classification complète, on se borne au cas où A est un corps parfait.

Proposition 4.1.3 (Pappas–Rapoport, Richarz, L.).

Soient k un corps parfait, $\mathrm {G}$ un $k [\hspace {-0,5mm}[ {t} ]\hspace {-0,5mm}] $ -schéma en groupes lisse, affine et connexe. Pour que $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}}$ soit un ind-schéma projectif, il faut et il suffit que $\mathrm {G}$ soit parahorique au sens de [Reference LourençoLou21].

Esquisse de la preuve. On reprend les arguments de [Reference LourençoLou21, th. 5.2]. Pour la suffisance, on peut supposer sans perte de généralité que $\mathrm {G}=\mathrm {I}$ est d’Iwahori et que $\operatorname {Gr}_{\mathrm {I}}$ est connexe. En particulier, les $\mathrm {I}$ -orbites fermées de $\operatorname {Gr}_{\mathrm {I}}$ sont numérotées par $w \in W^{\operatorname {af}}$ , où ce dernier symbole désigne le groupe de Weyl affine, d’après la décomposition de Bruhat de [Reference LourençoLou21, prop. 3.7]. Cela veut dire que w peut s’exprimer dans la forme d’un produit de réflexions fondamentales; soit $\mathfrak {w}=[s_1: \dots :s_n]$ le mot réduit correspondant. Considérons la variété de Demazure

(4.1.1) $$ \begin{align}\operatorname{Dem}_{\mathfrak{w}} =L^+\mathrm{P}_{s_1} \times^{L^+\mathrm{I}}\dots \times^{L^+\mathrm{I}} L^+\mathrm{P}_{s_n}/L^+\mathrm{I},\end{align} $$

où l’on note $\mathrm {P}_s$ le groupe parahorique minimal associé à s. On peut montrer que ceci est une fibration en droites projectives localement triviale pour la topologie ouverte, donc représentable par une variété projective lisse, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, prop. 8.7, prop. 8.8] et aussi cor. 4.2.5. Son image dans $\operatorname {Gr}_{\mathrm {I}}$ par le morphisme multiplication est la variété de Schubert $\operatorname {Gr}_{\mathrm {I},\leq w}$ , qui est donc projective.

Quant à la nécessité, on voit facilement que la fibre générique de $\mathrm {G}$ est sans $\mathbb {G}_a$ central, en appliquant ce que $\operatorname {Gr}_{\mathbb {G}_a}$ est l’ind-droite affine $\mathbb {A}_k^\infty $ infinie, cf. [Reference LourençoLou21, th. 5.2]. Enfin, le fait que $\mathrm {G}$ soit parahorique résulte d’après la preuve de [Reference RicharzRi16, th. 1.19] d’un théorème sur les sous-groupes bornés maximaux de $\mathrm {G}(k (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , cf. [Reference Bruhat and TitsBT72, th. 3.3.1], et du lien avec les sous-groupes paraboliques de la fibre spéciale, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, th. 4.6.33] et [Reference LourençoLou21, th. 4.7], couplés au fait que les sous-groupes de congruence de $L^+\mathrm {G}$ sont toujours pro-unipotents, voir le début de §4.2, particulièrement (4.2.1).

Reprenons maintenant les notations des §§3.3-3.4, c’est-à-dire : G est un $\mathbb {Q}(t)$ -groupe quasi-déployé, $\mathbb {Q}(\zeta _e,t^{1/e})$ -déployé, $\mathbb {Q} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ -résiduellement déployé et à tore maximal induit, muni d’un couple de Killing relatif $S \subset T \subset B \subset G$ et d’un quasi-système de Tits, voir l’hyp. 3.3.1; $\underline {G}$ est le $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ -groupe de Tits sur $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ qui lui est associé par la déf. 3.3.5; et les $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , où $\mathbf {f}\subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ est une facette, sont les $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ -modèles parahoriques que nous avons construits à la déf. 3.4.6 et qui sont lisses, affines et connexes sur $\mathbb {Z}[t]$ , grâce au th. 3.4.10.

Alors, la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ sur $\operatorname {Spec} \mathbb {Z}$ est, en quelque sorteFootnote 5 , une variété de drapeaux affine entière du groupe tordu $\underline {G}$ . On s’intéresse aux sous-schémas intègres et invariants par $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , où $\mathbf {a}$ est une alcôve dont l’adhérence contient $\mathbf {a}$ , qu’on appelle les schémas de Schubert :

Définition 4.1.4. Soient $w \in \widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ et $n_w \in \underline {N}(\mathbb {Z}[t^{\pm 1}])$ un représentant de w. Alors, le schéma de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ est l’image schématique de l’application orbite $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}} \rightarrow \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ donnée par $g \mapsto g\cdot n_w$ .

Ces schémas sont automatiquement intègres, plats et projectifs et indépendantes du choix d’un représentant $n_w$ de w. Les relations d’inclusion entre eux sont induites par l’ordre de Bruhat dans le double quotient $\widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ , voir [Reference RicharzRi13, prop. 2.8]. Notre théorème principal concerne leur géométrie :

Théorème 4.1.5 (Faltings, Pappas–Rapoport, L.).

Supposons que $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ . Alors, les schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ sont géométriquement normaux sur $\mathbb {Z}$ , de Cohen–Macaulay et leurs fibres modulo $p>0$ sont scindées.

Faisons quelques remarques sur l’énoncé :

Remarque 4.1.6.

  1. 1. Au-dessus de $\mathbb {Z}[1/e]$ , le théorème est dû à Pappas–Rapoport, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, th. 8.4, 9.g], dont la preuve remonte à Faltings, voir [Reference FaltingsFa03, th. 8], pour les groupes déployés.

  2. 2. L’hypothèse que le groupe dérivé soit simplement connexe ne peut être pas soulevée, comme nous l’avons démontré très récemment avec Haines–Richarz, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, th. 1.1] et cor. 4.3.7. En effet, les schémas $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ ne seront typiquement pas à fibres réduites sans cette hypothèse, cf. [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, th. 1.5, prop. 3.4].

La démonstration du th. 4.1.5 sera faite en diverses étapes pendant tous les numéros restants du §4. Outre le traitement complet de la théorie de la grosse cellule et des diviseurs/cycles de Schubert au §4.2, notre preuve au §4.3 contient une petite sophistication technique (ou devrait-on dire complication ?), en ce que le lem. 4.3.5 de Faltings–Pappas–Rapoport est faux en caractéristique résiduelle $2$ si $\Phi _G$ n’est pas réduit et doit être remplacé par son analogue différentiel supérieur, cf. lem. 4.3.6.

4.2 Groupes de cordes et cycles de Schubert

Ce numéro est consacré à mieux comprendre la structure du groupe de lacets $L\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , de son sous-groupe d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et de ce qu’on appellera son sous-groupe de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir la déf. 4.2.8. On s’en sert pour définir quelques cycles de codimension finie dans la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , voir le th. 4.2.16, dont les diviseurs parmi eux engendrent le groupe de Picard, cf. cor. 4.3.10, et jouent un rôle essentiel dans la preuve du th. 4.1.5, voir en particulier la prop. 4.3.1 et le lem. 4.3.4.

Le groupe d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ possède une filtration canonique exhaustive et séparée

(4.2.1) $$ \begin{align} 1 \subset \dots \subset L^{(n+1)}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\subset L^{(n)}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\subset L^{(n-1)}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \subset \dots \subset L^{(0)}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}=L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \end{align} $$

donnée par les n-ièmes sous-groupes de congruence, c’est-à-dire les noyaux des applications $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} \rightarrow L^n\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}:=\operatorname {R}_{\mathbb {Z}[t]/(t^n)/\mathbb {Z}}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ de réduction modulo $t^n$ . Notons que les sous-quotients successifs $L^{(n)}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/ L^{(n+1)}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ de la filtration de congruence sont isomorphes à la fibre spéciale $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f},s}}:=\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes _{\mathbb {Z}[t], t\mapsto 0} \mathbb {Z}$ si $n=0$ , et au fibré vectoriel de Lie de $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f},s}}$ comme groupe additif sinon, voir soit [Reference Demazure and GabrielDG70, tome I, ch. II, §4, nº3, prop. 3.2], soit [Reference Richarz and ScholbachRS20, prop. A.9]. Par suite, $L^{(1)} \underline {\mathscr {G}_{\textbf {f}}}$ est un schéma en groupes pro-lisse, pro-unipotent et connexe. Il ne reste qu’à entendre la fibre spéciale entière $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f},s}}$ comme extension d’un certain quotient réductif (qui n’existe pas forcément sur les entiers a priori) et d’un radical unipotent; on s’en occupera dans la suite, voir la prop. 4.2.4.

Avant de se concentrer sur cette décomposition de Levi, il faut discuter le rôle de l’action de rotation de $\mathbb {G}_m$ sur le groupe de lacets $L\underline {G}$ déduite de l’action tordue du lem. 3.3.10. Cela fournit par linéarisation une opération $\mathbb {Z}$ -linéaire de $\mathbb {G}_m$ sur $L\underline {G}$ et on vérifie facilement que l’opération induite sur son algèbre de Lie est donnée par $t^{1/e} \mapsto at^{1/e}$ . Il est facile de voir que les groupes d’arcs parahoriques $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ sont stables par cette opération, soit en généralisant la preuve du lem. 3.3.10 à l’anneau de polynômes $\mathbb {Z}[t]$ , soit en utilisant l’espace d’arcs de la grosse cellule. Tout cela nos permet d’introduire la terminologie suivante :

Définition 4.2.1. Les racines affines de $\underline {G}$ sont l’ensemble $\Phi ^{\operatorname {af}}_G$ des poids non nuls de $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ dans $L\underline {G}$ , où le facteur multiplicatif y opère par rotation.

Bien qu’il y ait un lien entre cette notion de racines affines et celle utilisée dans [Reference Bruhat and TitsBT72, 1.3.3, 6.2.6], on avertit le lecteur qu’il y a des nouvelles racines “imaginaires”, ainsi appelées dans la théorie des algèbres de Kac–Moody, cf. [Reference KacKac90, §5.2], provenant de l’algèbre de Lie de $L\underline {T}$ et qui restent invisibles pour le groupe d’Iwahori–Weyl $\widetilde {W}$ .

Lemme 4.2.2. Le système des racines affines $\Phi ^{\operatorname {af}}_G$ se décompose en une $W^{\operatorname {af}}$ -orbite simplement transitive $\Phi ^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}_G$ formées des $a +n$ pour $a \in \Phi _G$ et $n \in \Gamma _a'$ et une partie dénombrable $\Phi ^{\operatorname {im}}_G$ de $\widetilde {W}$ -points fixes $n \in \mathbb {Z}_{\neq 0}$ . Pour chaque racine réelle $\alpha \in \Phi ^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}_G$ , il y a un et un seul sous-groupe fermé additif $\underline {V_\alpha }$ de $L\underline {G}$ tel que son sous-algèbre de Lie soit l’espace de poids de dimension associé à $\alpha $ .

On ne tentera pas de parler d’une donnée radicielle infinie et on renvoie aux sources de la théorie de Kac–Moody pour ce genre de notions, voir [Reference KacKac90] pour plus de références. Puisque les racines imaginaires forment deux rayons radiciels de cardinal infini, on a du mal à entendre leurs sous-groupes radiciels.

Démonstration. La détermination du système de racines affines est élémentaire, en appliquant ce que $L\underline {C}\rightarrow L\underline {G}$ est formellement étale, où $\underline {C}=\underline {U_-}\times \underline {T}\times \underline {U_+}$ désigne la grosse cellule, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 7.5] pour un énoncé du même genre, donc les poids non nuls peuvent être calculés au moyen des quasi-épinglages des sous-groupes radiciels et du tore maximal.

Quant à l’existence des sous-groupes radiciels réels, il suffit de poser $x_a(t^n\mathbb {G}_{a,\mathbb {Z}}) \subset L\underline {G}$ pour voir que cela remplit les contraintes énoncées. Notons que quand a engendre un rayon radiciel pluriel, on entend par cela $x_a(t^n\mathbb {G}_{a,\mathbb {Z}},0)$ , si $a \in \Phi _G^{\operatorname {m}}$ est multipliable, et $x_{a/2}(0,t^n\mathbb {G}_{a,\mathbb {Z}})$ si $a\in \Phi _G^{\operatorname {d}}$ est divisible. Pour l’unicité, on prend l’intersection affine et unipotente de deux choix possibles. Vu que l’algèbre de Lie de cette intersection est non triviale, la fibre générique n’est autre que $V_{\alpha ,0}$ , voir [Reference Demazure and GabrielDG70, IV, §2, cor. 4.5], d’où l’égalité par considération de l’adhérence.

On dit enfin un mot sur l’opération du groupe d’Iwahori–Weyl $\widetilde {W}$ sur $\Phi ^{\operatorname {af}}_G$ . Vu que $L\underline {N}$ opère sur $L\underline {G}$ par conjugaison en préservant $\underline {S} \subset L\underline {S}$ de façon compatible à l’action de rotation, ces automorphismes préservent les espaces propres de $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ . Elle est évidemment triviale dès que $\alpha \in \Phi _{G}^{\operatorname {im}}$ est imaginaire, et coïncide avec l’action habituelle de $\widetilde {W}$ sur les racines réelles au-sens de Bruhat–Tits, en les identifiant aux racines affines de $\mathscr {A}(\underline {G},\underline {S}, \mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ .

Les parties parahoriques de $\Phi _G^{\operatorname {af}}$ au sens de [Reference Bruhat and TitsBT72, 1.5.1] sont aussi bien entendues :

Proposition 4.2.3. Les parties parahoriques de $\Phi _G^{\operatorname {af}}$ sont mis en bijection au signe près avec les facettes $\mathbf {f} \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , au moyen de l’application qui fait correspondre à $\mathbf {f}$ l’ensemble $\Phi ^{\operatorname {af}}_{\mathbf {f},\geq 0}$ des poids non nuls de $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ dans $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ .

La partie parahorique opposée de $\Phi ^{\operatorname {af}}_{\mathbf {f},\geq 0}$ sera notée $\Phi ^{\operatorname {af}}_{\mathbf {f},\leq 0}$ et l’on voit que leur intersection $\Phi ^{\operatorname {af}}_{\mathbf {f},0}$ s’identifie naturellement, par restriction au sous-tore $\underline {S}$ , au sous-système de racines résiduel $\Phi _{\mathbf {f}} \subset \Phi _G$ associé à $\mathbf {f}$ par (3.4.21).

Démonstration. On peut considérer la partition symétrique de $\Phi _G^{\operatorname {af}}$ dont les racines positives sont celles de la forme $n \in \mathbb {Z}_{>0}$ , ou bien $a+n$ avec $a \in \Phi _G^+$ et $n \in \Gamma ^{\prime }_{a}\cap \mathbb {R}_{\geq 0}$ ou $a \in \Phi _G^-$ et $n \in \Gamma ^{\prime }_{a}\cap \mathbb {R}_{>0}$ , voir (3.4.11). Mais cela n’est autre que l’ensemble des poids non nuls de $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ , où $\mathbf {a}$ désigne l’alcôve dominante adhérente à l’origine. Ceci étant, on s’en sert aussi pour récupérer les racines négatives simples de $\Phi _G^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}$ : pour chaque cloison $\mathbf {f}_i$ dans l’adhérence de $\mathbf {a}$ , on considère la racine réelle qui est poids de $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}_i}}$ mais pas de $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ , ce qui montre l’assertion dans le cas parahorique minimal. En général, les sous-groupes ainsi que les parties parahoriques sont engendrées à un sens convenable par les minimaux qui y sont contenus et la proposition est achevée.

Nos sous-groupes radiciels affines nous permettent de choisir canoniquement les facteurs de Levi promis au début de ce numéro.

Proposition 4.2.4. Le groupe d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ admet un et un seul sous- $\mathbb {Z}$ -groupe fermé et distingué, pro-unipotent, pro-lisse et connexe maximal $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , ainsi qu’un unique sous- $\mathbb {Z}$ -groupe réductif $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ contenant $\underline {S}$ et invariant par l’action de rotation tel que $\underline {M_{\mathbf {f}}} \ltimes L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} \rightarrow L^{+}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ soit un isomorphisme.

Par suite, nous dénommons $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ le radical pro-unipotent, $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ le facteur de Levi et l’écriture suivant

(4.2.2) $$ \begin{align}\underline{M_{\mathbf{f}}} \ltimes L^{++}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \rightarrow L^{+}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\end{align} $$

la décomposition de Levi de $L^{+}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ .

Démonstration. Si l’on géométrise [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 4.6.10] et/ou [Reference LourençoLou21, lem. 4.6], on arrive à la conclusion qu’il y a une partie non vide et bornée $\Omega :=\operatorname {tour}(\mathbf {f})$ , appelée l’entourage de $\mathbf {f}$ , voir aussi [Reference Pereira LourençoPL20, IV, lem. 3.5], telle que le sous-groupe $L^+\underline {\mathscr {G}_{\Omega }} \subset L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est pro-soluble et dont les sous-groupes radiciels sont ceux de ce qui s’avérera le radical pro-unipotent $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ ; autrement dit, la seule différence entre $L^+\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ et le groupe $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est le sous-tore déployé maximal du premier. Notons que la pro-solubilité de ce groupe entraîne qu’on ait un isomorphisme de schémas $L^+\underline {\mathscr {C}_{\Omega }}\simeq L^+\underline {\mathscr {G}_{\Omega }}$ , où $\underline {\mathscr {C}_{\Omega }}$ désigne le produit $\underline {\mathscr {U}_{-,\Omega }}\times \underline {\mathscr {T}} \times \underline {\mathscr {U}_{+,\Omega }}$ .

En particulier, on s’est presque ramené a construire le radical pro-unipotent $L^{++}\underline {\mathscr {T}}$ au cas où $G=T$ est un tore. Dans cet endroit, on utilise la décomposition (3.4.1) comme produit de restrictions des scalaires de groupes multiplicatifs et l’on observe que

(4.2.3) $$ \begin{align}L^+_t\operatorname{R}_{\mathbb{Z}[t^{1/d}]/\mathbb{Z}[t]} \mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}[t^{1/d}]} =L^+_{t^{1/d}}\mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}[t^{1/d}]} ;\end{align} $$

il s’ensuit que le premier groupe de congruence par rapport à la variable $t^{1/d}$ en fournit le radical pro-unipotent cherché.

En général, on pose

(4.2.4) $$ \begin{align}L^{++}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}:= L^+\underline{\mathscr{U}_{-,\Omega}}\times L^{++}\underline{\mathscr{T}} \times L^+\underline{\mathscr{U}_{+,\Omega}} \end{align} $$

et l’on vérifie que ce sous-schéma fermé de $L^+\underline {\mathscr {G}_{ \mathbf {f}}}$ possède une structure naturelle de groupe en vérifiant que les applications conjugaison, commutateur et échange des axiomes de la déf. 3.2.1 y sont bien définies. Son unicité est claire, vu que les spécialisés $L^{++}\mathscr {G}_{\mathbf {f},p}$ en caractéristique $p \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ de ce sous-schéma en groupes redonnent le radical pro-unipotent habituel selon [Reference Bruhat and TitsBT84a, prop. 4.6.10] et [Reference LourençoLou21, lem. 4.6].

Enfin, on veut construire le facteur de Levi $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ . Son unicité découle de ce que son algèbre de Lie est le seul complément $\mathbb {Z}$ -linéaire invariant par $\operatorname {Lie}(\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}})$ du radical pro-nilpotent de $\operatorname {Lie}L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , donc ses sous-groupes radiciels $\underline {V_\alpha }$ relativement à S sont forcément de la forme $x_a(t^{f_{\mathbf {f}}(a)}\mathbb {G}_a)$ pour toute racine résiduelle $a \in \Phi _{\mathbf {f}}$ , cf. (3.4.21) et prop. 4.2.3. Montrons d’abord que la grosse cellule du sous-groupe $\underline {M_{\mathbf {f}}} \subset L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ que nous voulons construire, constituée par le produit des sous-groupes radiciels $\underline {V_\alpha }$ et de $\underline {S}$ , en hérite une loi birationnelle. En effet, il s’avérera par les calculs explicites des applications des axiomes (DRS 1-3) que cette loi birationelle coïncide avec celle du groupe épinglé à tore maximal $\underline {S}$ et système de racines $\Phi _{\mathbf {f}}$ au moyen d’un système de Chevalley convenable.

Étudions d’abord les morphismes d’échange des facteurs. On peut voir d’après (3.3.18) et (3.3.20) que le lieu ouvert distingué de définition de l’application échange est donné par $1-rs$ . Puis (3.3.19) et (3.3.21) entraînent que $\beta _a$ s’écrive comme

(4.2.5) $$ \begin{align}\beta_a(x_a(t^{f_{\mathbf{f}}(a)}r),x_{-a}(t^{-f_{\mathbf{f}}(a)}s))=(x_{-a}\Big(\frac{t^{-f_{\mathbf{f}}(a)}s}{1-rs}\Big),a^{\vee}(1-rs),x_a\Big(\frac{t^{f_{\mathbf{f}}(a)}r}{1-rs}\Big)),\end{align} $$

ce qui coïncide avec l’application voulue. Cela est légèrement plus compliqué lorsque $a \in \Phi _{\mathbf {f}}$ est une racine multipliable ou divisible dans $\Phi _G$ , mais les écritures se simplifient nettement et il faut juste observer que $(2a)^\vee =a^\vee /2$ .

Finalement, nous traitons l’application commutateur, voir la règle (DR2) de la déf. 3.2.1. Pour cela on peut supposer $G^{\operatorname {ad}}$ absolument simple et non déployé, les morphismes les plus intéressants parmi ceux écrits dans [Reference Bruhat and TitsBT84a, A.6] étant ceux dont la longueur des racines impliquées n’est pas constante. On suppose premièrement que le système de racines $\Phi _G$ est réduit et qu’il possède une arête double. L’éventualité la plus intéressante est lorsque $a,b \in \Phi _{\mathbf {f}}\cap \Phi _G^<$ sont racines courtes dont la somme est longue, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, A.6 b)]. Alors, on obtient

(4.2.6) $$ \begin{align}[x_a(t^{f_{\mathbf{f}}(a)}r),x_b(t^{f_{\mathbf{f}}(b)}s)]\sim\begin{cases} x_{a+b}(2t^{f_{\mathbf{f}}(a+b)}rs) \text{, si } a+b\in\Phi_{\mathbf{f}}\\ 0 \text{, sinon,}\end{cases} \end{align} $$

car l’ensemble des valeurs de la valuation $\varphi _{a+b}$ est égal à $\mathbb {Z}$ et la trace de $t^{1/2}\mathbb {Z}[t]$ s’annule. Alors, l’application commutateur est vraiment la cherchée (au signe près), d’après la règle de Chevalley, voir [SGA3, exp. XXIII, cor. 6.5]. Si nous supposons ensuite que $\Phi _G$ est réduit et qu’il possède une arête triple, alors nous nous concentrons sur le cas où $a,b \in \Phi _{\mathbf {f}}\cap \Phi _G^<$ sont courtes, $a+b \in \Phi _G^<$ est courte (automatiquement dans $\Phi _{\mathbf {f}}$ ) et $2a+b, a+2b \in \Phi _G^>$ sont longues, cf. [Reference Bruhat and TitsBT84a, A.6 d) et e)]. On en déduit les formules :

(4.2.7) $$ \begin{align}[x_a(t^{f_{\mathbf{f}}(a)}r),x_b(t^{f_{\mathbf{f}}(b)}s)]\sim\begin{cases} \prod_{p,q} x_{c}( (p+q)t^{f_{\mathbf{f}}(c)}rs)\text{, si } 2a+b\in\Phi_{\mathbf{f}}\\x_{a+b}( t^{f_{\mathbf{f}}(a+b)}rs) \text{, sinon,}\end{cases} \end{align} $$

$c=pa+qb$ décrit l’ensemble $]a,b[$ . Le premier cas correspond à l’un sous-système de racines résiduel $\Phi _{\mathbf {f}}$ de type $G_2$ et le deuxième à l’un de type $A_2$ .

Finalement, si $\Phi _G$ est non réduit, on peut procéder de la même manière. Par exemple, si $a,b\in \Phi _{\mathbf {f}} \cap \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ et $a+b \in \Phi _G^{\operatorname {d}}$ est divisible, alors le commutateur s’écrit, cf. (3.3.13), comme l’anti-trace de $rs$ , ce qui s’annule si et seulement si $a+b \notin \Phi _{\mathbf {f}}$ , et sinon a constante de Chevalley égale à $2$ , comme prédit par la règle de Chevalley, cf. [SGA3, exp. XXIII, cor. 6.5]; si $a,b\in \Phi _{\mathbf {f}} \cap \Phi _G^{\operatorname {m}}$ et $a+b \in \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}}$ , alors la constante $2$ qui est parue dans l’écriture due à Tits, cf. (3.3.14), est aussi correcte, grâce à la règle de Chevalley. En ce qui concerne le cas où $a \in \Phi _{\mathbf {f}}\cap \Phi _G^{\operatorname {m}}$ , $b \in \Phi _{\mathbf {f}} \cap \Phi _G^{\operatorname {nd,nm}} $ et $a+b,2a+2b, 2a+b \in \Phi _G$ , cf. (3.3.15), on en laisse le soin au lecteur, vu que les écritures sont assez simples.

Les paragraphes ci-dessus fournissent par fonctorialité des lois birationnelles une application $\underline {M_{\mathbf {f}}} \rightarrow L^{+}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et ils montrent aussi que le faisceau quotient $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ pour la topologie plate, lequel est représentable par un $\mathbb {Z}$ -groupe lisse, affine et connexe d’après un théorème d’Anantharaman, cf. [Reference AnantharamanAna73, th. 4.A], s’identifie à $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ au moyen du morphisme composé. Ceci n’est plus que la décomposition de Levi (4.2.2) qu’on avait cherchée.

Voici une conséquence pertinente de la prop. précédente :

Corollaire 4.2.5. Soit $\mathbf {a}$ une alcôve adhérente à $\mathbf {f}$ . Alors, $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ est représentable par un schéma projectif lisse et la projection $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\rightarrow L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ est un $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -torseur localement trivial pour la topologie ouverte.

Démonstration. La première assertion résulte de [Reference Bruhat and TitsBT84a, th. 4.6.33] et [Reference LourençoLou21, th. 4.7], lequel fournit un sous-groupe borélien $\underline {B_{\mathbf {a},\mathbf {f}}}$ de $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ contenant le tore maximal fixé $\underline {S}$ tel que l’image réciproque de $\underline {B_{\mathbf {a},\mathbf {f}}}$ dans $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ coïncide avec $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ . En particulier, le faisceau quotient $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ pour la topologie étale est représentable par le $\mathbb {Z}$ -schéma projectif et lisse $\underline {M_{\mathbf {f}}}/\underline {B_{\mathbf {a},\mathbf {f}}}$ (égal à $\mathbb {P}^1_{\mathbb {Z}}$ si $\mathbf {f}$ est un cloison) et le morphisme quotient $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} \rightarrow L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ possède des sections localement pour la topologie ouverte, car il en est de même de la projection vers $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ et de l’application $\underline {M_{\mathbf {f}}}\rightarrow \underline {M_{\mathbf {f}}}/\underline {B_{\mathbf {a},\mathbf {f}}}$ , cf. [SGA3, exp. XXVI, cor. 5.9].

Dans la prop. 4.2.4, on a montré l’existence du radical pro-unipotent $ L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et maintenant on va voir qu’il s’identifie au produit direct de ses sous-groupes radiciels $\underline {V_{\alpha }}$ , cf. lem. 4.2.2, pris correctement dans la catégorie des pro-groupes.

Proposition 4.2.6. Soit I une partie finie de racines réelles dans $\Phi _{\mathbf {f},>0}^{\operatorname {af}}$ à complément saturé au sens de [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, déf. C.2.25]. Alors, le radical pro-unipotent $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ admet un unique sous-groupe fermé et pro-lisse $L^{++}_I\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ stable sous $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ tel que les applications produit

(4.2.8) $$ \begin{align}\prod_{\alpha \in I} \underline{V_\alpha} \times L^{++}_I\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \rightarrow L^{++}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\end{align} $$

soient des isomorphismes, quel que soit l’ordre mis sur I. En particulier, si l’on pose $I_w=\Phi _{\mathbf {a},>0}^{\mathrm{r}\acute{\rm e}} \cap w\Phi _{\mathbf {f},\leq 0}^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}$ et $L^{++}_w=L^{++}_{I_w}$ pour alléger la notation, alors $L^{++}_{w}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} =L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}} \cap n_wL^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}n_w^{-1}$ pour tout représentant $n_w\in LN(\mathbb {Z})$ de w.

Démonstration. Montrons d’abord que le morphisme suivant

(4.2.9) $$ \begin{align} \left[\prod_{\alpha\in J}\underline{V_\alpha} \right] \times L^{++}\underline{\mathscr{T}}/L^{(n)}\underline{\mathscr{T}} \rightarrow L^{++}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}/L^{(n)}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \end{align} $$

est un isomorphisme, où $\alpha $ décrit l’ensemble J des racines du membre de droite par rapport à $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m, \mathbb {Z}}$ et les sous-groupes radiciels $\underline {V_\alpha }$ sont mis dans un ordre quelconque. Après les changements de base $\mathbb {Z} \rightarrow \mathbb {F}_p$ à tout corps premier, ceci n’est plus que la décomposition habituelle d’un groupe unipotent lisse opéré par un tore de [Reference Bruhat and TitsBT84a, 1.1.7] et/ou [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. C.2.26]. En particulier, le $\mathbb {Z}$ -morphisme donné par (4.2.9) de $\mathbb {Z}$ -schémas lisses est bijectif et birationnel, donc un isomorphisme d’après le théorème principal de Zariski.

Choisissons n assez grand tel que $\underline {V_\alpha } \cap L^{(n)}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}=1$ pour toute racine réelle $\alpha \in I$ . Si l’on note $L^{++}_I \underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ l’image réciproque dans $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ du sous-groupe de $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/L^{(n)}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ complémentaire de $\prod _{\alpha \in I}\underline {V_\alpha }$ , cf. (4.2.9), on obtient ce qu’on avait souhaité. L’unicité est une conséquence de la détermination de l’algèbre de Lie et l’équivalence du foncteur Lie pour les groupes pro-unipotents en caractéristique nulle, voir [Reference KumarKum02, th. 4.4.19], ce qui caractérise le modèle entier en prenant l’adhérence.

Tournons-nous vers le cas qui s’avérera fondamental dans la suite, celui de la partie $I_w= \Phi _{\mathbf {a},>0}^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}\cap w\Phi _{\mathbf {f},\leq 0}^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}$ de cardinal $l(w)$ et de la décomposition (4.2.8) pour $I=I_w$ . L’inclusion $L^{++}_w\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} \subset L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}} \cap n_wL^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}n_w^{-1}$ est presque évidente et se démontre aisément, dont le soin est laissé au lecteur. Il reste à observer que l’intersection de $\prod _{\beta \in w^{-1}I_w} \underline {V_{\beta }}$ avec $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est triviale, où l’on peut ordonner les racines réelles à goût. En effet, les racines peuvent être supposées avoir été ordonnées de telle façon que le produit soit contenu dans l’espace de lacets $L\underline {C}$ de la grosse cellule de $\underline {G}$ , ainsi que le radical pro-unipotent $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir la prop. 4.2.4. L’affirmation cherchée en résulte par des calculs élémentaires et grâce à ce que $\beta =w^{-1}\alpha \in \Phi _{\mathbf {f},\leq 0}^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}$ pour tout $\alpha \in I_w$ .

Ensuite, on va mettre en valeur le fait qu’il y ait une certaine symétrie entre les parties parahoriques $\Phi _{\mathbf {f},\geq 0}^{\operatorname {af}}$ et leurs opposées $\Phi _{\mathbf {f},\leq 0}^{\operatorname {af}}$ .

Lemme 4.2.7. Il existe un et un seul isomorphisme de complexes simpliciaux

(4.2.10) $$ \begin{align}\operatorname{op}:\mathscr{A}(\underline{G},\underline{S},\mathbb{Z} (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) ) \simeq \mathscr{A}(\underline{G},\underline{S},\mathbb{Z} (\hspace{-0,7mm}( {t^{-1}} )\hspace{-0,7mm}) ),\end{align} $$

qui fait correspondre à une facette $\mathbf {f} $ du membre de gauche la seule facette $\operatorname {op}(\mathbf {f})$ du membre de droite telle que $\Phi _{\operatorname {op}(\mathbf {f}),\geq 0}^{\operatorname {af}}=\Phi _{\mathbf {f},\leq 0}^{\operatorname {af}}$ comme parties du groupe de caractères de $\underline {S}\times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ . En particulier, $\operatorname {op}$ est équivariant sous l’action de $\widetilde {W}=\underline {N}(\mathbb {Z}[t^{\pm 1}])/\underline {S}(\mathbb {Z})$ .

Démonstration. On remarque que cela est raisonnable, puisque la $\mathbb {G}_m$ -opération fut définie en termes de la variable t, d’où l’inversion de signe lorsqu’on veut la remplacer par $t^{-1}$ . L’existence et unicité d’une application $\operatorname {op}$ telle que dans (4.2.10) avec les propriétés énoncées est un exercice élémentaire en ensembles simpliciaux et leurs réalisations géométriques, d’après la prop. 4.2.3, ce qui donne aussi l’équivariance par le groupe d’Iwahori–Weyl. Signalons toutefois que (4.2.10) ne coïncide pas avec l’application d’oubli des uniformisantes, car les alcôves dominantes du membre de gauche sont appliquées sur les alcôves anti-dominantes du membre de droite.

La méthode du numéro §3.4 peut donc être appliquée pour construire le $\mathbb {Z}[t^{-1}]$ -modèle parahorique $\underline {\mathscr {G}_{\operatorname {op}(\mathbf {f})}}$ associé à la facette $\operatorname {op}(\mathbf {f})$ , cf. déf. 3.4.6. Ceci donne par recollement au-dessus de $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ le long du groupe de Tits $\underline {G}$ un $\mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1$ -schéma en groupes affine, lisse et connexe $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}, \operatorname {op}(\mathbf {f})}}$ , voir th. 3.4.10. Désormais, on note ce schéma en groupes $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ tout simplement.

Définition 4.2.8. Le groupe de cordesFootnote 6 de $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est le faisceau en ensembles $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ sur les $\mathbb {Z}$ -algèbres donné par la correspondance

(4.2.11) $$ \begin{align}R \mapsto \underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}(R[t^{-1}]).\end{align} $$

Le faisceau en ensembles $L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ qui fait correspondre

(4.2.12) $$ \begin{align} R \mapsto \underline{G}(R[t^{\pm1}])\end{align} $$

est ce qu’on appelle le groupe d’élastiques de $\underline {G}$ .

Par le lemme de descente de Beauville–Laszlo, voir [Reference Beauville and LaszloBL95, th.], on a une égalité de faisceaux $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}=L_{t^{-1}}^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}} \cap L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ , où l’intersection est prise dedans $L_{t^{-1}}\underline {G}$ . On pose aussi

(4.2.13) $$ \begin{align}L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}=L_{t^{-1}}^{++}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \cap L^{\operatorname{gr}}\underline{G},\end{align} $$

qu’on regarde comme le radical ind-unipotent du groupe de cordes, dénomination laquelle n’a aucun sens précis pour l’instant, mais voir cependant (4.2.15). On note aussi $L^{--}_I\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et $L^{--}_w\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ les sous-groupes évidentes de $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir la prop. 4.2.6, déduits du recollement à la Beauville–Laszlo. Cela nous permet ainsi de déduire sans peine plusieurs propriétés concernant $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ :

Théorème 4.2.9. On a une égalité de sous-faisceaux

(4.2.14) $$ \begin{align}\underline{M_{\mathbf{f}}}=L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\cap L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\end{align} $$

du groupe de lacets $L\underline {G}$ , ainsi qu’une décomposition de Levi opposée

(4.2.15) $$ \begin{align}L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}=\underline{M_{\mathbf{f}}}\ltimes L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\end{align} $$

et une décomposition radicielle pour toute partie finie $I\subset \Phi ^{\operatorname {af}}_{\mathbf {f},< 0}$ à complément saturé

(4.2.16) $$ \begin{align}L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}=\prod_{\alpha \in I} \underline{V_\alpha} \times L^{--}_I\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}. \end{align} $$

En particulier, il en résulte, pour tout $w \in \widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ et tout représentant $n_w \in L^{\operatorname {gr}}N(\mathbb {Z})$ , la décomposition suivante :

(4.2.17) $$ \begin{align}L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}=(L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}} \cap n_wL^{+}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}n_w^{-1})\times L_w^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}.\end{align} $$

Démonstration. Évidemment l’application $\underline {M_{\mathbf {f}}} \rightarrow L\underline {G}$ se factorise à travers du fermé $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ du but, puisque cela est valable au-dessus d’un ouvert schématiquement dense de la source. La décomposition de Levi (4.2.15), telle que la radicielle (4.2.16), découlent alors facilement de ce qu’on avait prouvé pour les groupes d’arcs (par rapport à la variable $t^{-1}$ ), cf. (4.2.2). On en tire au moins l’inclusion

(4.2.18) $$ \begin{align} \underline{M_{\mathbf{f}}} \subset L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\cap L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\end{align} $$

la plus facile de l’égalité (4.2.14).

D’autre part, l’intersection contemplée dans le membre de droite de (4.2.14) coïncide avec le foncteur

(4.2.19) $$ \begin{align}R \mapsto \underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}(\mathbb{P}^1_R),\end{align} $$

lequel est représentable par un $\mathbb {Z}$ -schéma en groupes affine et lisse. En effet, l’affinité et la présentation finie se ramènent au cas du même foncteur associé aux espaces affines. D’ailleurs, pour montrer que le critère de lissité formelle soit remplit, il faut vérifier l’annulation de certaines classes d’obstruction

(4.2.20) $$ \begin{align} H^{1}(R,\operatorname{Lie}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}})=1 \end{align} $$

dans le premier groupe de cohomologie de l’algèbre de Lie de $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , cf. [SGA1, exp. III, cor. 5.4]. Mais celle-ci admet une écriture en tant que somme d’images directes de $\mathcal {O}_{\mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1}$ ou $\mathcal {O}_{\mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1}(-1)$ le long de morphismes finis $\mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1\rightarrow \mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1$ .

Il suffit de montrer que le $\mathbb {Z}$ -groupe affine et lisse $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\cap L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est trivial. Mais il est aussi unipotent, puisque contenu dans le radical pro-unipotent, et étale, grâce à l’annulation de son fibré vectoriel de Lie. En caractéristique $0$ , les groupes unipotents et étales ne sont autres que les triviaux, cf. [Reference Demazure and GabrielDG70, IV, §2, cor. 4.5], donc par adhérence plate $L^{++}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\cap L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est trivial aussi.

Quant à la dernière assertion, cf. (4.2.17), nous l’avons déjà vu à (4.2.8), quitte à faire la descente de Beauville–Laszlo et à constater que $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}} \cap n_wL^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}n_w^{-1}$ est égal au produit des sous-groupes radiciels qu’il contienne. Néanmoins, si ce n’était pas le cas, alors son intersection avec le sous-groupe $L^{--}_w\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ ne serait pas triviale, ce qui est un absurde.

Remarque 4.2.10. La définition du groupe de cordes n’est jamais parue dans la littérature que dans des cas particuliers. de Cataldo–Haines–Li ont introduit en [Reference de Cataldo, Haines and LidHL18, §3] le radical ind-unipotent pour les groupes déployés, en prenant l’intersection de ceux associés aux alcôves entourantes. Par là, on ne retrouve autre que nos groupes, en vertu de [Reference de Cataldo, Haines and LidHL18, prop. 3.6.4]. En [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20], nous avons étendu avec Haines–Richarz ce même radical ind-unipotent au cas tordu et modérément ramifié en prenant des $\Gamma $ -invariants, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, éq. (3.12)], ce qui est évidemment encore compatible avec la définition actuelle.

Corollaire 4.2.11. L’application multiplication

(4.2.21) $$ \begin{align} L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\times L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\rightarrow L\underline{G}\end{align} $$

est une immersion ouverte et affine.

Démonstration. On prouve ce corollaire à la suite de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 3.6], observant que le morphisme (4.2.21) satisfait aux propriétés énoncées si et seulement s’il en est de même du morphisme quotient

(4.2.22) $$ \begin{align} L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \rightarrow \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}, \end{align} $$

d’après la descente plate. La première application, cf. (4.2.21), est représentable en schémas affines, parce que $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\rightarrow L\underline {G}$ est une immersion fermée et que $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est représentable par un schéma affine. La deuxième, cf. (4.2.22), est aussi de présentation finie, car ses deux membres admettent des présentations inductives par de $\mathbb {Z}$ -schémas de type fini.

Mais on a déjà vu au th. 4.2.9 que (4.2.21) détermine un monomorphisme, cf. (4.2.14) et (4.2.15), donc on n’a besoin que de vérifier le critère de lissité formelle. Comme tous les foncteurs en groupes sont formellement lisses, cela se ramène à un calcul de fibrés vectoriels de Lie, lequel donne un isomorphisme.

Le lemme de descente de Beauville–Laszlo, cf. [Reference Beauville and LaszloBL95, th.], fournit un morphisme de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ vers le champ algébrique $\operatorname {Fib}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1}$ lisse et localement de type fini qui paramètre les $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ -fibrés sur la droite projective.

Corollaire 4.2.12. La cellule ouverte $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ coïncide avec l’image réciproque du sous-champ ouvert de $\operatorname {Fib}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1}$ formé des fibrés triviaux.

Démonstration. L’affirmation se démontre à la suite de [Reference Haines and RicharzHR21, lem. 3.1], dont le point plus délicat était de constater la $H^1$ -trivialité de $\operatorname {Lie}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , voir (4.2.20), ce qu’on a fait pendant la démonstration du th. 4.2.9.

Voici une description dynamique des groupes d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ à composantes connexes près.

Proposition 4.2.13. Soit $\mu : \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}} \rightarrow \underline {S} \times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ un copoids tel que l’ensemble des racines affines $\alpha \in \Phi _{G}^{\operatorname {af}}$ appliquées sur la demi droite non négative soit égal à $\Phi _{\mathbf {f},\geq 0}$ . Alors, le groupe d’arcs $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ resp. le groupe de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ s’identifie à la composante neutre de l’attracteur resp. du répulseur de $L\underline {G}$ pour l’action de $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ induite par $\mu $ .

Démonstration. On remarque qu’un tel copoids $\mu $ avec les propriétés désirées existe toujours, grâce à la prop. 4.2.3. Pour plus de détails sur les $\mathbb {G}_m$ -opérations et leurs généralités, le lecteur est renvoyé à [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, §2.1] et [Reference RicharzRi19a, §1]. Ce dernier montre au [Reference RicharzRi19a, th. 1.8] que les actions qui stabilisent un recouvrement ouvert (ou plus généralement étale) par des affines admettent des attracteurs et des répulseurs représentables et ceci s’étend facilement au cadre des ind-schémas.

On montre tout d’abord que l’attracteur de l’espace de lacets de la grosse cellule $L\underline {C}$ est le bon. Supposons que a est une racine ni multipliable ni divisible. Alors, l’action de $\mathbb {G}_m$ sur $L\underline {U_a}$ induite par $\mu $ est donnée par

(4.2.23) $$ \begin{align}r \cdot \sum_{i\in \Gamma^{\prime}_a} a_i t^i= \sum_{i\in \Gamma^{\prime}_a} r^{n+im}a_i t^i\end{align} $$

en termes du quasi-système de Tits choisi. Alors, les points à valeurs dans R de l’attracteur s’écrivent comme le sous-groupe additif des séries formelles dans $R (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) $ tronquées par $i=-n/m$ . On voit ainsi que cela coïncide avec $L^+\underline {\mathscr {U}_a}$ , comme on le voulait. Quant au cas des racines multipliables et du tore, on en laisse le soin au lecteur.

Maintenant, on démontre que le groupe de cordes $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , qui est stable par $\mu $ et ind-affine, est son propre répulseur. En fait, le répulseur est représentable par un sous- $\mathbb {Z}$ -ind-groupe fermé, et l’on sait qu’il contient l’espace de cordes de la grosse cellule $L^-\underline {\mathscr {C}_{\mathbf {f}}}$ . Par suite, l’immersion fermée du répulseur vers $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est formellement étale et de présentation finie, donc un isomorphisme sur un ouvert. Néanmoins, le groupe de cordes est connexe, grâce au cor. 4.2.11 et au lem. 4.2.14, donc l’inclusion voulue est achevée.

Considérons maintenant l’attracteur de l’ouvert translaté, voir le cor. 4.2.11,

(4.2.24) $$ \begin{align}n_wL^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\cdot e=L^{--}_w\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \times \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, w}, \end{align} $$

pour chaque $w\in \widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ , où cette égalité suit d’appliquer la décomposition (4.2.17). Son attracteur peut être calculé sans grande peine, s’avérant égal à la cellule de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},w}$ . En particulier, l’attracteur de $L\underline {G}$ est un sous-groupe fermé réunion disjointe de certaines cellules de Schubert $L^+\mathscr {G}_{\mathbf {a}} \cdot n_w \cdot L^+\mathscr {G}_{\mathbf {f}}$ fermées pour une partie $W_\mu \subset \widetilde {W}/ W_{\mathbf {f}}$ constitué de quelques éléments de longueur $0$ , ce qui termine la démonstration.

Le cas du groupes de cordes est traité de façon similaire, mais on a besoin de substituer la grassmannienne épaisse $L\underline {G}/L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ à la grassmannienne affine, laquelle est représentable par un schéma de type infini. Comme la détermination précise du répulseur ne sera jamais utilisée dans la suite, mais juste le fait que nos groupes d’arcs/de cordes soient attractifs/répulsifs, voir la démonstration du th. 4.2.16, on omettre les détails qui seront laissés au lecteur.

Avant de initier l’étude géométrique des $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ -orbites fermées de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , voir le th. 4.2.16, il va falloir déterminer quelques doubles quotients pour les numéroter.

Lemme 4.2.14. On a une bijection naturelle de type Birkhoff

(4.2.25) $$ \begin{align}\widetilde{W}/W_{\mathbf{f}} \simeq L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}(k)\backslash L\underline{G}(k)/L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}(k) \end{align} $$

pour un corps quelconque k.

Démonstration. L’orbite

(4.2.26) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^w:=L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}} \cdot n_w= L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}/(L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}} \cap n_wL^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}n_w^{-1})\end{align} $$

est un fermé local bien défini de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ et isomorphe à $L_w^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ en tant que ind-schéma, d’après (4.2.17) et (4.2.24). L’assertion (4.2.25) revient alors au même que dire que ces orbites soient disjointes et recouvrent l’espace topologique sous-jacent à $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ .

Par suite, le corps k peut être supposé algébriquement clos, sans perte de généralité. Afin d’établer la bijection (4.2.25) dans ce cas, on peut procéder verbatim comme dans la preuve de la [Reference Heinloth, Ngô and YunHNY13, prop. 1.1], ce qui nous ramène au cas où G est simplement connexe et absolument presque simple. Évidemment on ne doit pas oublier les bizarres groupes exotiques et barcelonais, auquel cas on applique les [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 7.3.3, prop. 9.9.2] et [Reference LourençoLou21, prop. 3.6] pour ramener la question dont il s’agit à la décomposition de Birkhoff d’un groupe déployé.

Remarque 4.2.15. Cette décomposition de Birkhoff est très bien connue aussi en théorie des groupes de Kac–Moody, voir les articles et exposés suivants [Reference TitsTi87], [Reference TitsTi89] et [Reference TitsTi92] de Tits, ainsi que le survol [Reference MarquisMar18] de Marquis. Dans son interprétation, les points à valeurs dans k de nos groupes d’arcs et de cordes sont devenus des sous-groupes paraboliques opposés d’un groupe de Kac–Moody, voir §6, et forment partie d’une BN-paire raffinée, cf. [Reference RousseauRou16, prop. 3.16].

Comme nous avons mentionné au lemme précédent, cf. (4.2.26), l’orbite $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^w$ associée à $w \in \widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ admet une immersion affine dans $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ . Ci-dessous, on parvient à saisir leurs adhérences schématiques $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w}$ qu’on appelle les cycles de Schubert. Ce sont les plus grands sous-ind-schémas ind-fermés de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ qui contiennent $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^w$ et ils se définissent en termes d’une présentation de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ par schémas.

Théorème 4.2.16 (Faltings, Kashiwara–Shimozono, L.).

Le cycle de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w}$ est un fermé plat de codimension $l(w)$ , stratifié dans la réunion des $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v}$ , pour $v\geq w$ , et à quotients locaux $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v\geq w}$ géométriquement normaux de Cohen–Macaulay, pour n assez grand et qui dépend de v.

Démonstration. Le jeu à la fois combinatoire et géométrique de Faltings, cf. [Reference FaltingsFa03, p. 48], permet de déduire que

(4.2.27) $$ \begin{align}\lvert \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{\geq w} \rvert=\bigcup_{v \geq w} \lvert \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{v}\rvert\end{align} $$

est fermé et que la réunion

(4.2.28) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{u\geq}:=\bigcup_{u \geq w \in \widetilde{W}/W_{\mathbf{f}}} n_wL^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\end{align} $$

est un ouvert stable par $L^{-}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ . Décrivons ces raisonnements en passant pour aider le lecteur. Considérant le schéma de Richardson

(4.2.29) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq v}^{\geq w}:=\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{\geq w} \cap \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq v}\end{align} $$

donné par l’intersection d’un cycle avec un schéma de Schubert, et dont la géométrie sera étudiée plus tard au cor. 4.3.9, on affirme que ceci est non vide si et seulement si $w \leq v$ ; ce critère implique d’immédiat les affirmations précédentes, voir (4.2.27) et (4.2.24).

La suffisance de ce critère n’est plus qu’une simple application de la résolution de Demazure, qui permet de produire une droite projective dont la droite affine est contenue dans $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{w}$ et dont la section infinie est égale à $n_u \cdot e$ , où $w < u \leq v$ , d’où la conclusion par récurrence. Pour la nécessité, on peut remplacer le schéma de Richardson par une demi-cellule

(4.2.30) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, v}^{\geq w}:= \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{\geq w} \cap \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, v}\end{align} $$

non vide sans perte de généralité. Mais nous avons vu, cf. (4.2.24), que la cellule de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, v}$ se plonge dans l’ouvert $n_vL^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ . Par conséquent, celui-ci doit couper l’orbite schématiquement dense $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{w}$ . Multipliant par un élément convenable de $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ à la gauche, on revient à ce que la cellule de Richardson

(4.2.31) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, v}^{w}:= \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{w} \cap \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, v}\end{align} $$

est non vide, voir (4.2.24). Mais on a toujours une $\mathbb {G}_m$ -opération pour un certain choix convenable d’un copoids dans $\underline {S} \times \mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ qui fait contracter les $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -orbites en $n_w \cdot e$ , voir prop. 4.2.13, et qui préserve les schémas de Schubert, d’où l’inégalité cherchée.

Soit $L^{-}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)$ le sous-groupe fermé de $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ engendré par le n-ième sous-groupe de congruence (par rapport à $t^{-1}$ ) et par $L^{--}\underline {\mathscr {T}}$ . Si l’on choisit l’entier n assez grand, alors on peut supposer que $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)$ soit contenu dans $L^{--}_w\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ pour tout $w \leq v$ . Ceci entraîne que le faisceau quotient $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v\geq }$ pour la topologie plate est représentable par un schéma lisse, appliquant la décomposition radicielle (4.2.16) joint à (4.2.24) comme d’habitude, comp. aussi avec [Reference FaltingsFa03, lem. 6], et que la projection

(4.2.32) $$ \begin{align} \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{v\geq} \rightarrow L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}(n)\backslash \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{v\geq} \end{align} $$

a des sections localement pour la topologie ouverte. Puis, vu que le cycle de Schubert restreint $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v\geq w}$ est $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -invariant, il se descend en un fermé représentable

(4.2.33) $$ \begin{align} L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}(n)\backslash \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{v\geq w}\subset L^{--}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}(n)\backslash \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}^{v\geq},\end{align} $$

compte tenu de la platitude de $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)$ , cf. lem. 4.3.3, cor. 4.2.11 et (4.2.16). En grandissant v arbitrairement pour recouvrir la grassmannienne toute entière, on obtient une immersion fermée $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w}\hookrightarrow \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , comp. avec [Reference FaltingsFa03, th. 7].

Ceci nous permet d’introduire des propriétés géométriques locales pour la topologie lisse pour ces quotients $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v\geq w}$ des cycles de Schubert. On démontre leur normalité par récurrence sur la longueur de w à la suite de Kashiwara–Shimozono, cf. [Reference Kashiwara and ShimozonoKS09, prop. 3.2]. Pour cela, on peut supposer $\mathbf {f}=\mathbf {a}$ et $w \in W^{\operatorname {af}}$ . On va faire l’abus de langage de travailler avec les cycles de Schubert en lieu de leurs quotients locaux $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}(n)\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{v\geq w}$ .

On commence par leurs fibres réduites sur les corps premiers $\mathbb {F}_p$ , $p \in \mathbb {P}\cup \{0\}$ . On note que le cas fondamental $w=1$ découle de ce que $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}$ est lisse. Par équivariance sous $L^-\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}$ , on voit que le lieu normal de $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}^{\geq w}$ , c’est-à-dire le support du faisceau $\widetilde {\mathcal {O}}/\mathcal {O}$ , est une réunion ouverte et non vide d’orbites et on choisit $v> w$ minimal tel que la restriction de $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}^{v}$ n’y appartienne. Soit aussi $s \in W^{\operatorname {af}}$ une réflexion simple telle que $vs<v$ et considérons la $\mathbb {P}^1_{\mathbb {Z}}$ -fibration

(4.2.34) $$ \begin{align}\pi:\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{a},p}}\rightarrow \operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p}},\end{align} $$

$\mathbf {f}$ désigne le cloison de $\mathbf {a}$ associé à s. Le cas $ws>w$ s’exclut aisément grâce à la minimalité de v, donc on tire $ws<w$ et l’on sait que $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}^{\geq ws} $ et $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p}}^{\geq w} $ sont normaux par récurrence. Tirant en arrière la normalisation du faisceau structural le long de $\pi $ , on en déduit que $\pi _*\mathcal {O}=\pi _*\widetilde {\mathcal {O}}$ , donc leur conoyau est trivial sur $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}^{v} $ , compte tenu de l’annulation de $R^1\pi _*\mathcal {O}$ , voir [Reference Kashiwara and ShimozonoKS09, lem. 3.1], et de ce que $\pi $ restreinte à l’orbite $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {a},p}}^{v}$ devient un isomorphisme.

Pour finir la preuve, il faut noter que le normalisé de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}}^{\geq w}$ sur $\mathbb {Z}$ admet un ouvert lisse et à fibres denses, donc leurs fibres sont géométriquement réduites par le critère de Serre. Par suite, une application du lemme de Nakayama fournit l’affirmation cherchée. Pour montrer que ces cycles sont de Cohen–Macaulay, on renvoie le lecteur à [Reference Kashiwara and ShimozonoKS09, prop. 3.4].

Remarque 4.2.17. La clé de cette preuve de normalité quotiente est l’étude de l’ouverte induit par le groupe de cordes et des décompositions du th. 4.2.9. Ces trucs ne fonctionnent pas pour les schémas de Schubert, parce qu’on ne dispose d’aucun élément maximal, pour qu’on puisse raisonner par récurrence descendante sur la longueur. En effet, d’après les découvertes que nous avons faites avec Haines–Richarz dans [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20], sans l’hypothèse “le groupe dérivé est simplement connexe”, alors les variétés de Schubert en caractéristique mauvaises ne sont typiquement pas normales, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, th. 2.5] et le cor. 4.3.7, et la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ n’est en général pas géométriquement réduite, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, prop. 7.10] et le cor. 4.3.8.

En guise d’application, on obtient le théorème d’uniformisation des $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ -fibrés sur la droite projective, dû à Beuaville–Laszlo pour $\operatorname {SL}_n$ , cf. [Reference Beauville and LaszloBL94, prop. 3.4], à Drinfeld–Simpson pour les groupes déployés, cf. [Reference Drinfeld and SimpsonDS95, th. 3], et à Heinloth pour les groupes tordus modérément ramifiés, voir [Reference HeinlothHei10, th. 4, th. 5].

Corollaire 4.2.18. Le champ classifiant $\operatorname {Fib}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \mathbb {P}^1}$ des $\mathscr {G}_{\mathbf {f}}$ -fibrés sur la droite projective s’identifie au champ quotient $[L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}]$ pour la topologie ouverte.

Démonstration. La détermination dans la preuve du th. 4.2.16 des quotients de type fini des ouverts $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}}}^{v\geq }$ , cf. (4.2.32) et (4.2.33), montre que le champ quotient $[L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\backslash \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}]$ possède des sections localement pour la topologie ouverte et qu’il est un champ d’Artin lisse. Vu que $\operatorname {Fib}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \mathbb {P}_{\mathbb {Z}}^1}$ est aussi un champ d’Artin lisse d’après [Reference HeinlothHei10, prop. 1] et que l’uniformisation

(4.2.35) $$ \begin{align} [L^-\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\backslash \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}]\rightarrow\operatorname{Fib}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \mathbb{P}_{\mathbb{Z}}^1} \end{align} $$

est un monomorphisme formellement lisse, il suffit de montrer sa surjectivité essentielle. Mais cela résulte d’une application soigneuse du théorème de Steinberg, voir [Reference HeinlothHei10, th. 4], qui reste valable pour les groupes pseudo-réductifs, cf. [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15, prop. 7.3.3., prop. 9.9.2] et [Reference LourençoLou21, prop. 2.2, cor. 2.3].

Remarque 4.2.19. Signalons que nous avons eu besoin d’éviter le calcul d’espaces tangents à la manière de [Reference HeinlothHei10, lem. 6, lem. 7], parce que le lem. 4.3.5 est insuffisant lorsque $\Phi _G$ est non réduit et la caractéristique résiduelle égale à $2$ . Cependant, nous ne savons pas démontrer le théorème de réduction au Borel, cf. [Reference Drinfeld and SimpsonDS95, th. 2] et [Reference HeinlothHei10, prop. 25], car le quotient $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}/\underline {\mathscr {B}_{\mathbf {f}}}$ cesse d’être projectif même sur $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ .

4.3 Normalité des schémas de Schubert

Le but de ce numéro est de finalement démontrer le théorème de normalité concernant les schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , cf. th. 4.1.5. Signalons que le résultat dual de normalité pour les quotients locaux des cycles de Schubert du th. 4.2.16 ne nous aidera pas, vu que les schémas de Schubert ne sont pas invariants sous $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ . En lieu de cette notion, il va falloir travailler avec la colimite filtrée des normalisations, dont la première étape consiste à montrer que cela est raisonnable, voir prop. 4.3.1 et cor. 4.3.2. Puis on aura besoin de relever au sens formel la cellule ouverte $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ de la grassmannienne affine à sa normalisée, voir lem. 4.3.6 et (4.3.23). Désormais, on fixe une alcôve $\mathbf {a}$ contenant $\mathbf {f}$ dans son adhérence.

Proposition 4.3.1. Les morphismes de normalisation

(4.3.1) $$ \begin{align} \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w}\rightarrow\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w} \end{align} $$

sont des homéomorphismes universels, les applications de transition

(4.3.2) $$ \begin{align} \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq v}\hookrightarrow\widetilde{\operatorname{Gr}}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w} \end{align} $$

entre les normalisées sont des immersions fermées et la désingularisation de Demazure se factorise à travers les normalisées

(4.3.3) $$ \begin{align} \operatorname{Dem}_{\mathfrak{w}} \rightarrow \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w}\rightarrow\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w}, \end{align} $$

de sorte que la première flèche soit une désingularisation rationnelle.

En caractéristique positive $p>0$ , les normalisées $\widetilde {\operatorname {Gr}}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p},\leq w}$ sont compatiblement scindées les unes avec les autres.

Rappelons qu’un schéma X de caractéristique positive $p>0$ est scindé si l’homomorphisme de $\mathcal {O}_X$ -modules $\mathcal {O}_X \rightarrow F_*\mathcal {O}_X$ correspondant au frobenius absolu possède une section. On renvoie à [Reference Brion and KumarBK05, §1] pour toutes les propriétés basiques de cette notion fondamental pendant la démonstration ci-dessous.

Démonstration. On peut suivre exactement les démonstrations de [Reference FaltingsFa03, lem. 9] et/ou de [Reference Pappas and RapoportPR08, prop. 9.7]. La résolution de Demazure

(4.3.4) $$ \begin{align}\operatorname{Dem}_{\mathfrak{w}} \rightarrow \operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p}, \leq w}, \end{align} $$

pour $w\in W^{\operatorname {af}}/W_{\mathbf {f}} $ et $\mathfrak {w}$ une décomposition en réflexions simples $s_i$ d’un relèvement de w à $W^{\operatorname {af}}$ de la même longueur, étant birationnelle et projective, les fibres géométriques réduites s’écrivent comme fibrations itérées en droites projectives, d’où leur connexité. Autrement dit, la variété de Schubert normalisée $\widetilde {\operatorname {Gr}}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p},\leq w}$ est le membre du milieu de la factorisation de Stein de la résolution de Demazure, cf. (4.3.3), et les applications de normalisation (4.3.1) sont des homéomorphismes universels. Il s’ensuit du même raisonnement que les images directes supérieures du faisceau structural de $\operatorname {Dem}_{\mathfrak {w}}$ sont triviales.

Ensuite, un scindage du frobenius $\mathcal {O} \rightarrow F_*\mathcal {O}$ de $\operatorname {Dem}_{\mathfrak {w}}$ est construit, en appliquant le critère de Mehta–Ramanathan, voir [Reference Brion and KumarBK05, prop. 1.3.11]. Sous-jacent à tout cela, se trouve le point le plus délicat, à savoir, l’existence d’un faisceau inversible ample $\mathcal {L}$ sur la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p}}$ à degré $1$ sur tous les droites de Schubert, comp. avec [Reference GörtzGo01, prop. 3.3.11] et [Reference Brion and KumarBK05, prop. 2.2.2], pour qu’on puisse calculer le fibré canonique de $\operatorname {Dem}_{\mathfrak {w}}$ . Mais cela découle manifestement de notre construction des cycles de Schubert, voir th. 4.2.16 ainsi que le cor. 4.3.10. Ceci comble une lacune de [Reference Pappas and RapoportPR08, prop. 9.6], dont les auteurs ont négligé que les arguments de Görtz avec des réseaux, voir [Reference GörtzGo01, §3.3.6] sont insuffisantes au cas général. Voir aussi l’erreur de [Reference Pappas and RapoportPR08, 10.a.1] signalée par [Reference ZhuZh14, rem. 2.1].

Ce scindage est par construction évidemment compatible aux sous-variétés de Demazure

(4.3.5) $$ \begin{align}\operatorname{Dem}_{\mathfrak{u}} \subset \operatorname{Dem}_{\mathfrak{w}}\end{align} $$

et se descend donc en un scindage des variétés de Schubert normalisées. Par suite, les applications de transition (4.3.2) déduites des factorisations de Stein (4.3.3) sont des immersion fermées, compte tenu de ce que les schémas scindés sont toujours faiblement normaux, cf. [Reference Brion and KumarBK05, prop. 1.2.5]. Le cas de la caractéristique nulle découle de la semi-continuité supérieure, cf. [Reference Brion and KumarBK05, §1.6].

Revenons aux coefficients entiers et considérons les schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq w}$ définis sur $\mathbb {Z}$ . Le premier obstacle qu’on rencontre consiste à que les fibres $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq w}\otimes \mathbb {F}_p$ ne soient pas réduites en caractéristique positive, ce qui sera typiquement le cas quand p divise le cardinal de $\pi _1(G^{\mathrm {d\acute {e}r}})$ , voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, th. 2.5, prop. 3.4] et le cor. 4.3.7. Cependant, pour les normalisés on n’a rien à craindre :

Corollaire 4.3.2. Considérons la factorisation de Stein sur les entiers

(4.3.6) $$ \begin{align} \operatorname{Dem}_{\mathfrak{w}} \rightarrow \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq w} \rightarrow \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq w} \end{align} $$

des schémas de Schubert. Alors la deuxième flèche est le morphisme de normalisation, le membre du milieu est géométriquement normal et les morphismes de transition

(4.3.7) $$ \begin{align} \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq v} \rightarrow \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq w} \end{align} $$

sont des immersions fermées. En particulier, leur colimite

(4.3.8) $$ \begin{align} \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}:=\operatorname{colim}_{w \in \widetilde{W}/W_{\mathbf{f}}}\widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq w} \end{align} $$

forme un ind-schéma plat opéré par $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ .

Démonstration. On doit observer que l’image directe des sections globales le long de la résolution de Demazure commute aux changements de base quelconques, ce que l’on déduit de l’annulation des images directes supérieures en caractéristique positive, voir la prop. 4.3.1, [Reference FaltingsFa03, p. 52] et [Reference GörtzGo03, prop. 3.13]. Les morphismes de transition

(4.3.9) $$ \begin{align}\widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq v}\rightarrow \widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq w}\end{align} $$

entre les schémas de Schubert normalisés sont des immersions fermées, car on le sait déjà pour les fibres spéciales. Le mot plat est appliqué pour les ind-schémas au sens de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, déf. 8.1].

Enfin, pour voir que l’opération du groupe d’arcs se relève en la colimite $\widetilde {\operatorname {Gr}}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , il suffit de remarquer que $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ est pro-lisse et que la normalisation faible absolue est fonctorielle, cf. [StaProj, 0EUS], et commute aux produits géométriquement réduits, cf. [Reference ManaresiMan80, th. III.1, th. V.2].

Le lemme suivant est aussi fondamental et provient de notre collaboration [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20] avec Haines–Richarz :

Lemme 4.3.3 (Haines–L.–Richarz).

La grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ est plate sur $\mathbb {Z}$ .

Démonstration. La preuve du lemme à la suite de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, prop. 8.8] se fait en deux étapes. On voit d’abord que le voisinage formel $\operatorname {Spf} \mathcal {O}$ de la section identité est plate, ce qui peut être ramené à un calcul n’impliquant que la grosse cellule $\underline {\mathscr {C}_{\mathbf {f}}}$ , cf. [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 8.4].

À ce stade, on pourrait imaginer que tout serait fini, cf. la preuve du cor. 4.2.11. Néanmoins, l’adhérence plate n’est pas forcément représentable, donc il faut évoquer une technique légèrement plus sophistiquée due à Faltings, cf. [Reference FaltingsFa03, preuve du cor. 11] et [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 8.6]. Celle-ci affirme que, pour que notre plongement ind-fermé soit un isomorphisme, il suffit d’étudier les points à valeurs dans les anneaux artiniens locaux. Comme ceux-ci peuvent être translatés vers le voisinage formel de l’unité, grâce à la décomposition de Bruhat sur les corps, voir [Reference Bruhat and TitsBT72, th. 6.5.1] et [Reference LourençoLou21, prop. 3.7], on en obtient la platitude de la grassmannienne affine.

Il sera essentiel pour nous de savoir en avance que les variétés de Schubert sont normales en caractéristique nulle, voir la démonstration ci-dessous du th. 4.1.5. L’argument suivant est dû à Kumar, voir [Reference KumarKum87, th. 2.16], dans le cadre de Kac–Moody et a été adapté par Faltings, voir [Reference FaltingsFa03, p. 52], aux grassmanniennes affines de groupes déployés et puis répété dans le cas tordu par Pappas–Rapoport, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, 9.f].

Lemme 4.3.4 (Kumar, Faltings, Pappas–Rapoport).

Les variétés de Schubert $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},0},\leq w}$ sont normales en caractéristique nulle.

Démonstration. Soit G simplement connexe sans perte de généralité, d’où le fait que la grassmannienne affine soit réduite, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, prop. 9.9] ainsi que le cor. 4.3.8. Soit $\mathcal {L}$ un faisceau inversible effectif sur $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},0}}$ induit par le th. 4.2.16, cf. aussi cor. 4.3.10. Alors, $\mathcal {L}$ est par construction sans points de base en un ouvert non vide et même partout par translation, cf. [Reference FaltingsFa03, th. 7]. En passant à la normalisée $\widetilde {\operatorname {Gr}}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},0}}$ , alors le groupe de Picard devient engendré par ces faisceaux effectifs, voir le cor. 4.3.10, ce qui permet de déduire l’ampleur de ces derniers sur la grassmannienne $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},0}}$ elle-même. Finalement, on remarque que l’opération naturelle de $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ sur $\mathcal {L}$ se prolonge et se relève en une action de l’extension centrale universelle

(4.3.10) $$ \begin{align}1 \rightarrow \mathbb{G}_{m,\mathbb{Q}} \rightarrow \widehat{LG} \rightarrow LG \rightarrow 1,\end{align} $$

par des raisonnements généraux, voir aussi le cor. 4.3.11.

Considérons maintenant l’application

(4.3.11) $$ \begin{align}\Gamma(\widetilde{\operatorname{Gr}}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},0}},\mathcal{L})^\vee \rightarrow \Gamma(\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},0}},\mathcal{L})^\vee \end{align} $$

de $\mathbb {Q}$ -espaces vectoriels non nuls déduite de la colimite des mêmes morphismes pour les variétés de Schubert. On en déduit une action de l’algèbre de Lie de l’extension centrale $\widehat {LG}$ de (4.3.10) sur les $\mathbb {Q}$ -espaces vectoriels non nuls de (4.3.11). On peut même montrer que les deux $\operatorname {Lie}\widehat {LG}$ -modules sont irréductibles au même plus grand poids au sens de la théorie de Kac–Moody, donc isomorphes, cf. [Reference Pappas and RapoportPR08, 9.f]. Comme $\mathcal {L}$ était arbitraire, on achève facilement la conclusion voulue que les variétés de Schubert sont normales, cf. [Reference FaltingsFa03, p. 52]. Pour une preuve plus élémentaire mais moins éclairante, voir aussi [Reference KumarKum97, annexe].

Récapitulons les faits qui ont été établis ci-dessus : on a un morphisme $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ -équivariant de normalisation

(4.3.12) $$ \begin{align}\widetilde{\operatorname{Gr}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}} \rightarrow \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}\end{align} $$

entre ind-schémas plats, voir le cor. 4.3.2 et le lem. 4.3.3, qui est un isomorphisme sur le réduit du membre de droite en caractéristique nulle, voir le lem. 4.3.4. Typiquement, la grassmannienne n’est pas réduite, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, th. 6.1, prop. 6.5] ainsi que le cor. 4.3.8, si G n’est pas semi-simple, et il y a aussi des problèmes de non normalité en caractéristiques mauvaises selon notre collaboration avec Haines–Richarz, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, th. 2.5] et le cor. 4.3.7. Ainsi, on suppose dorénavant que

(4.3.13) $$ \begin{align}G =G^{\operatorname{sc}}\end{align} $$

est simplement connexe, ce qui est évidemment suffisant afin de montrer le th. 4.1.5.

Comme nous avons dit auparavant, notre but est de construire l’application réciproque du morphisme naturel

(4.3.14) $$ \begin{align}\operatorname{Spf} \widetilde{\mathcal{O}} \rightarrow \operatorname{Spf} \mathcal{O} \end{align} $$

entre les voisinages formels de l’originel, voir la démonstration ci-dessous du th. 4.1.5. Tous les deux membres sont des schéma en groupes formels affines de type infini, voir le cor. 4.2.11 et appliquer le foncteur de normalisation faible absolue, cf. [Reference ManaresiMan80, th. III.1, th. V.2]. Ce raisonnement entraîne, de plus, que le morphisme (4.3.14) soit aussi opéré par tout groupe d’arcs parahorique $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {g}}}$ associé aux facettes $\mathbf {g} \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ , et en particulier, par les groupes de lacets radiciels $L\underline {U_a}$ . Ce fait sera exploité décisivement pour déduire que les algèbres de Lie à coefficients dans $\mathbb {Z}$ de ces deux groupes infinis sont isomorphes, voir les lems. 4.3.5, 4.3.6 et (4.3.23).

Afin de motiver la discussion à venir, voici une adaptation du lemme-clef de Pappas–Rapoport, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, prop. 9.3], que nous avons déjà mentionné ailleurs.

Lemme 4.3.5. Supposons que $G=G^{\operatorname {sc}}$ est simplement connexe et soit R n’importe quel anneau. Alors, la R-algèbre de Lie de $L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ est engendrée par celles de $L^{\operatorname {gr}}\underline {U_\pm }$ , si et seulement si $\Phi _G$ est réduit ou si $2 \in R^\times $ est inversible.

Démonstration. On s’est ramené au cas où G est de rang relatif $1$ et absolument simple, c’est-à-dire soit $\operatorname {SL}_2$ , soit $\operatorname {SU}_{3}$ . Dans le cas non pluriel, on a $[t^ne_a,t^me_{-a}]=\pm t^{n+m}h_a$ , où les $e_a$ engendrent l’algèbre de Lie de $\underline {U_a}$ et les $h_a$ de $\underline {T}$ , comme d’habitude. Dans le cas pluriel, on peut choisir les générateurs $e_{\pm a}$ et $e_{\pm 2a}$ des espaces de poids de $\operatorname {Lie}\underline {G}$ , de telle manière que $[t^ne_a,t^me_{-a}]=\pm 2t^{n+m}h_a$ et $[t^ne_{2a},t^me_{-2a}]=\pm t^{n+m}h_a$ , cf. (3.3.20) et (3.3.21). En particulier, si $2 \notin R^\times $ , on voit que la sous-algèbre de Lie engendré par les espaces de poids non nuls ne contient pas les éléments de la forme $t^{n}h_a$ , où $n\in \frac {1}{2}\mathbb {Z} \setminus \mathbb {Z}$ décrit l’ensemble des demi entiers non entiers.

En conclusion, le crochet de Lie ne suffit pas pour qu’on retrouve l’algèbre de Lie de $\operatorname {Spf} \mathcal {O}$ toute entière, en n’opérant qu’avec les sous-groupes radiciels, ne soit qu’on exclut les systèmes de racines non réduits (c’était le choix de la version préliminaire de cet article) ou que la caractéristique paire soit à éviter (moins souhaitable pour nous). La solution consiste à substituer des opérateurs différentiels supérieurs aux linéaires.

Autrement dit, on fera usage de l’algèbre des distributions $\operatorname {Dist}\mathcal {O}$ constituée des opérateurs linéaires continus $\delta :\mathcal {O} \rightarrow \mathbb {Z}$ qui s’annulent sur une puissance de l’idéal $\mathcal {I}$ définissant la section origine. Pour la notion habituelle en géométrie algébrique et ses propriétés, on renvoie le lecteur à [Reference Bruhat and TitsBT84a, §1.3] et à [Reference JantzenJa07, I, §7]; pour les ind-schémas au-dessus des corps, la discussion du concept au début de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, §7.1] est aussi recommandée.

Lemme 4.3.6. Gardons les notations du lem. 4.3.5. Alors, la R-algèbre de distributions de $L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ est engendrée par celles de $L^{\operatorname {gr}}\underline {U_\pm }$ .

Démonstration. Alors, l’algèbre de distributions $\operatorname {Dist}L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ ne dépend que de l’espace d’élastiques $L^{\operatorname {gr}}\underline {C}$ de la grosse cellule $\underline {C} \subset \underline {G}$ . Comme les distributions transforment les produits directs en tensoriels, dès que les voisinages infinitésimaux de l’origine soient des R-modules projectifs, voir [Reference Bruhat and TitsBT84a, 1.3.5], on en tire que l’algèbre $\operatorname {Dist}L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ est engendrée par celles de $L^{\operatorname {gr}}\underline {T}$ et de $L^{\operatorname {gr}}\underline {U_a}$ , où a décrit la partie $\Phi _G^{\operatorname {nd}}$ des racines non divisibles.

Comme d’habitude, l’affirmation se réduit aux cas absolument simples de rang relatif $1$ et on commence par déduire du morphisme échange de l’axiome (DRS 3), voir les formules explicites 3.3.19 et 3.3.21, l’existence d’un morphisme rationnel :

(4.3.15) $$ \begin{align}\underline{U_a}\times \underline{U_{-a}}\dashrightarrow \underline{U_{-a}}\times \underline{U_a}\times \underline{U_{-a}}\times \underline{U_a} \rightarrow \underline{G},\end{align} $$

où la deuxième flèche est la multiplication et la composée se factorise à travers $\underline {T}$ . Ensuite, nous prenons $L^{\operatorname {gr}}$ et complétons autour de la section unité pour obtenir une application définie partout au sens formel; nous allons montrer que le morphisme induit des distributions est surjectif.

Les équations qui décrivent l’échange pour le groupe $\operatorname {SL}_2$ son si simples que le soin des calculs pertinents sera laissé au lecteur. Dans le cas de $\operatorname {SU}_3$ , on pose soit

(4.3.16) $$ \begin{align}u=v'=0, u'=at^n,v=bt^m,\end{align} $$

soit

(4.3.17) $$ \begin{align}u=u'=0, v=at^n,v'=bt^m.\end{align} $$

Si l’on identifie le sous-groupe des éléments $1-rt^n$ dans le complété de $L^{\operatorname {gr}}\underline {T}$ à la droite affine formelle, alors on obtient un morphisme plat

(4.3.18) $$ \begin{align}\widehat{\mathbb{A}^2_{\mathbb{Z}}} \rightarrow \widehat{\mathbb{A}^1_{\mathbb{Z}}}\end{align} $$

donné lorsqu’on se trouve dans le cas (4.3.16) par

(4.3.19) $$ \begin{align}(a,b)\mapsto a^2b,\end{align} $$

soit par

(4.3.20) $$ \begin{align}(a,b)\mapsto ab\end{align} $$

lorsqu’on se trouve dans le cas (4.3.17). Les applications des modules de distributions qui en résultent sont en tout cas surjectives.

Ce lemme combiné avec l’équivariance de la normalisation entraîne que

(4.3.21) $$ \begin{align}\operatorname{Dist}\operatorname{Spf}\widetilde{\mathcal{O}}\twoheadrightarrow \operatorname{Dist}\operatorname{Spf}\mathcal{O}\end{align} $$

est même surjectif. D’autre part, les algèbres de distributions sont toujours sans torsion et on sait déjà que le $\mathbb {Q}$ -localisé de l’homomorphisme (4.3.21) est bijectif, cf. lem. 4.3.4, lem. 4.3.3 et cor. 4.3.8, d’où la bijectivité à coefficients entiers de (4.3.21).

Puis on observe sans peine que l’algèbre de Lie

(4.3.22) $$ \begin{align} \operatorname{Lie}\operatorname{Spf}\mathcal{O} \subset \operatorname{Dist}\operatorname{Spf}\mathcal{O} \end{align} $$

est un sous-module saturé de l’algèbre de distributions, c’est-à-dire le conoyau est sans torsion : en effet, si $n\delta $ s’annule sur $\mathcal {I}^2$ , alors la distribution $\delta $ s’annule aussi sur $\mathcal {I}^2$ . Par suite, l’homomorphisme

(4.3.23) $$ \begin{align} \operatorname{Lie}\operatorname{Spf}\widetilde{\mathcal{O}}\xrightarrow{\sim} \operatorname{Lie}\operatorname{Spf}\mathcal{O} \end{align} $$

est bijectif. Maintenant, on est prêt à prouver le théorème de normalité des schémas de Schubert, cf. th. 4.1.5.

Démonstration du th. 4.1.5. On affirme qu’il suffit de construire une section de l’homomorphisme de normalisation

(4.3.24) $$ \begin{align}\mathcal{O}_{w} \rightarrow \widetilde{\mathcal{O}}_{w} \end{align} $$

entre les anneaux locaux séparés complétés du schéma de Schubert associé à w et de son normalisé le long de leurs sections origines. En effet, le support du conoyau des faisceaux structuraux serait ainsi trivial, car stable par $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ et fermé.

On procède par un argument inductif de déformation, comp. avec [Reference FaltingsFa03, p. 53] et [Reference Pappas and RapoportPR08, 9.g]. Grâce à la résolution de Demazure, l’anneau $\mathcal {O}_w$ peut être filtré par une suite d’idéaux décroissante et exhaustive

(4.3.25) $$ \begin{align} 0 \subset \dots \subset I_{n+1} \subset I_n \subset I_{n-1} \subset \dots \subset \mathcal{O}_w, \end{align} $$

telle que leurs conoyaux $A_n$ soient plats sur $\mathbb {Z}$ ayant $I_{n-1}$ pour idéal de carré nul. Alors, le point canonique $s_n$ de $\operatorname {Spf} \mathcal {O}_w$ à valeurs dans $A_n$ peut être relevé uniquement en un point $\widetilde {s}_n$ de $\operatorname {Spf} \widetilde {\mathcal {O}}_w$ .

En effet, comme les espaces tangents commutent aux changements de base plats, on peut appliquer le critère de lissité formelle, ainsi que l’isomorphisme (4.3.23), pour relever uniquement $s_{n+1}$ à $\operatorname {Spf} \widetilde {\mathcal {O}}$ . Vu que ce relèvement n’est autre que l’identité en caractéristique nulle, voir le lem. 4.3.4, la section $\widetilde {s}_n \in \operatorname {Spf} \widetilde {\mathcal {O}}(A_n)$ doit se factoriser à travers $\operatorname {Spf} \widetilde {\mathcal {O}}_w$ . En particulier, les $\widetilde {s}_n$ s’assemblent les unes avec les autres pour donner un morphisme $\operatorname {Spec} \mathcal {O}_w \rightarrow \operatorname {Spec} \widetilde {\mathcal {O}}_w$ , par le lemme de Chevalley.

En collaboration avec Haines–Richarz, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20], nous avons déterminé tous les groupes G dont les variétés de Schubert en caractéristique positive sont toutes normales, sous des hypothèses de ramification modérée, cf. [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, prop. 2.1, th. 2.5]. Ceci s’étend aussi au présent cadre.

Corollaire 4.3.7 (Haines–L.–Richarz).

Pour que les variétés de Schubert $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p},\leq w}$ soient toutes normales, il faut et il suffit que p ne divise pas l’ordre du groupe fondamental $\pi _1(G^{\mathrm {d\acute {e}r}})$ du groupe dérivé.

Démonstration. L’affirmation cruciale qu’on va prouver est que le noyau de

(4.3.26) $$ \begin{align}G^{\operatorname{sc}}_{\eta_p}\rightarrow G_{\eta_p}\end{align} $$

est étale si et seulement si p ne divise pas l’ordre n du groupe fondamental du dérivé de G. En effet, on voit par réduction au cas déployé, cf. prop. 3.3.9, que le noyau générique modulo p est contenu dans $T^{\operatorname {sc}}_{\eta _p}[n]$ . Si $(p,n)=1$ , ce sous-groupe de n-torsion est fini étale. Sinon, on peut déduire grâce à [Reference HeinlothHei10, ass. 12] que le noyau contient toutefois un sous-groupe fini et multiplicatif d’ordre n, donc non étale. Armés de telle information, on peut appliquer l’argument principal de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, prop. 2.1] pour déduire l’existence d’une obstruction dans les cas souhaités.

Le corollaire suivant est dû à plusieurs mathématiciens qui l’ont démontré à des degrés divers de généralité.

Corollaire 4.3.8 (Faltings, Pappas–Rapoport, Haines–L.–Richarz).

La grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ est réduite si et seulement si G est semi-simple. Pour que ses fibres soient aussi réduites, il faut et il suffit que G soit simplement connexe.

Démonstration. On prend l’opportunité pour reprouver que la grassmannienne affine est géométriquement réduite au cas où G est simplement connexe, sans recourir ni à [Reference FaltingsFa03, cor. 11] en caractéristique nulle ni au lem. 4.3.3. Le voisinage formel $\operatorname {Spf} \mathcal {O}_p$ de la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p}}$ modulo p est contenu dans la colimite des schémas de Schubert, parce que tous les deux sont opérés par les groupes de lacets radiciels, donc les algèbres de distributions coïncident, voir le lem. 4.3.6. Les points à valeurs dans les anneaux artiniens locaux se translatent sans peine vers ce voisinage formel, d’où notre affirmation.

En caractéristique nulle, on peut montrer aisément que $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},0}}$ est réduite si et seulement si G est semi-simple, voir [Reference Pappas and RapoportPR08, th. 6.1, prop. 6.5], d’où l’assertion à coefficients entiers grâce au lem. 4.3.3. Lorsque G est semi-simple à groupe fondamental $\pi _1(G)$ non trivial, un nombre premier p divisant le cardinal en est choisi et nous observons que le noyau de $G^{\operatorname {sc}}_{\eta _p}\rightarrow G_{\eta _p}$ n’est pas étale, à cause de [Reference HeinlothHei10, ass. 12]. Par conséquent, il s’avère par une application soigneuse des arguments de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, §7] que $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f},p}}$ n’est pas réduite. Il semble que ceci pourrait aussi découler de l’étude du morphisme d’algèbre de distributions entières, mais nous n’avons pas pu montrer que le conoyau est sans torsion divisible, comme par exemple $\mathbb {Q}/\mathbb {Z}$ .

Cette section se conclut par donner une application à la géométrie des schémas de Richardson $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq v}^{\geq w}$ sur les entiers, cf. (4.2.29), qui n’est parue dans la littérature des groupes de Kac–Moody affines, tant que nous le savons, cf. aussi [Reference Kumar and SchwedeKS14, rem. 5.10], mais qui est probablement connue parmi les experts, voir [Reference Brion and LakshmibaiBL01, lem. 1] pour les variétés de drapeaux finies et [Reference Kumar and SchwedeKS14, th. 3.1] en caractéristique nulle.

Corollaire 4.3.9 (Brion–Lakshimibai, Mathieu–Kumar–Schwede, L.).

Sous l’hypothèse $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ , alors les schémas de Richardson sont plats, intègres de dimension relative $l(v)-l(w)$ , de Cohen–Macaulay et géométriquement normaux à fibres compatiblement scindées en caractéristique positive.

Démonstration. La preuve qui va suivre est reprise de [Reference Brion and LakshmibaiBL01, lem. 1]. On considère la fibration

(4.3.27) $$ \begin{align}L\underline{G}\times^{L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}}\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq v} \rightarrow \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}\end{align} $$

localement triviale pour la topologie ouverte, voir cor. 4.2.11, dont les fibres sont isomorphes à certaines variétés de Schubert. Puis on prend l’ind-schéma Z déduit par changement de base le long de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w} $ et qui est opéré par $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ par multiplication à la gauche, vu que le même vaut pour $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\geq w} $ . D’autre part, l’on a une application projection canonique de Z vers $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}}$ , dont le produit fibré avec la section origine s’identifie sans peine au schéma de Richardson $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq v}^{\geq w}$ . Évoquant la $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -équivariance de ce morphisme, nous arrivons à ce que l’image réciproque dans Z de la cellule ouverte $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}}$ est isomorphe à son produit avec $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq v}^{\geq w}$ . En particulier, les propriétés géométriques qui ont été énoncées sauf le scindage découlent très vite de leurs analogues pour les schémas de Schubert, cf. th. 4.1.5, ainsi que pour les quotients locaux des cycles de Schubert, cf. th. 4.2.16.

Le part sur le scindage est un théorème non publié de Mathieu, qui fut rédigé par Kumar–Schwede en [Reference Kumar and SchwedeKS14, prop. 5.3]. L’outil principal est une notion de scindage $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ -canonique au sens de [Reference Brion and KumarBK05, déf. 4.1.1], en termes du sous-tore maximal $\underline {S}$ et des sous-groupes radiciels $\underline {V_\alpha }$ associés aux racines réelles simples positives $\alpha \in \Delta _G^{\mathrm{r}\acute{\rm e}}$ . On s’en sert pour montrer que les cycles de Schubert en caractéristique p sont compatiblement scindés, en appliquant l’opération du Borel opposé $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ , donc il en est de même des schémas de Richardson.

On obtient la description ci-dessous du groupe de Picard des schémas de Schubert $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq w}$ .

Corollaire 4.3.10. Si $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ , alors le foncteur de Picard rigidifié

(4.3.28) $$ \begin{align} \operatorname{Pic}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq w}) \simeq \prod_{s \leq w, l(s)=1}\mathbb{Z} \cdot\mathcal{L}_s \end{align} $$

est localement libre en les faisceaux inversibles induits par les diviseurs de Richardson $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq w}^{\geq s}$ , où la longueur de $s \leq w$ est égale à $1$ .

Démonstration. Remarquant que les quotients locaux de (4.2.33) avec n assez grand définissent des $1$ -cycles intègres dans des schémas lisses, on arrive aux fibrés en droites $\mathcal {L}_s$ sur $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ munis d’une section globale invariante par $L^-\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ . D’après le cor. 4.3.9, nous savons que le degré de $\mathcal {L}_s$ restreint à la droite projective $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq t}$ est égal à $1$ ou $0$ selon que s et t sont égaux ou différents.

Il reste à vérifier que les degrés d’un fibré $\mathcal {L}$ sur les droites projectives stables sous $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ le caractérisent à isomorphisme près. Ceci n’est qu’un exercice en utilisant les résolutions de Demazure, en vertu du th. 4.1.5, cf. [Reference FaltingsFa03, cor. 12] et [Reference MathieuMat88, XII, prop. 6].

Typiquement l’opération de $L^{--}\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {a}}}$ sur les fibrés en droites ne s’étend pas au groupe de lacets $L\underline {G}$ , voir le cor. 4.3.11 ci-dessous, mais juste à une extension centrale de ceci par le groupe multiplicatif. En effet, à chaque faisceau inversible $\mathcal {L}$ sur la grassmannienne affine $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ , on lui associe le foncteur

(4.3.29) $$ \begin{align} \widehat{L\underline{G}}\{\mathcal{L}\}: R \mapsto (g, \alpha), \end{align} $$

qui paramétrise les éléments $g \in L\underline {G}(R)$ joints aux isomorphismes $g^*\mathcal {L}\xrightarrow {\alpha }\mathcal {L}$ . Il s’ensuit aisément du th. 4.1.5 que, si $G=G^{\operatorname {sc}}$ est simplement connexe, alors le foncteur $\widehat {L\underline {G}}\{\mathcal {L}\}$ est un $\mathbb {Z}$ -ind-groupe extension centrale de $L\underline {G}$ par $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ .

Corollaire 4.3.11. Si $G=G^{\operatorname {sc}}$ est presque simple, alors la correspondance

(4.3.30) $$ \begin{align}\mathcal{L} \mapsto \widehat{L\underline{G}}\{\mathcal{L}\}\end{align} $$

induite par (4.3.29) définit un homomorphisme

(4.3.31) $$ \begin{align}c_{\mathbf{f}} :\operatorname{Pic}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}) \rightarrow \operatorname{Ext}_{\operatorname{cent}}(\mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}},L\underline{G}),\end{align} $$

dont l’image est libre de rang $1$ .

Démonstration. Que l’extension centrale (4.3.29) soit scindée revient au même que dire que le faisceau inversible $\mathcal {L}$ admette une structure $L\underline {G}$ -équivariante. Compte tenu de ce que le groupe des caractères de $L\underline {G}$ est trivial, puisque ce dernier est schématiquement engendré par $L\underline {U_\pm }$ , comp. avec la preuve de prop. 4.2.13, on voit que la structure équivariante est uniquement déterminée, lorsqu’elle existe, c’est-à-dire l’application

(4.3.32) $$ \begin{align}\operatorname{Pic}^{L\underline{G}}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}})\hookrightarrow \operatorname{Pic}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}})\end{align} $$

est injective dont l’image s’identifie au noyau de l’homomorphisme (4.3.31). Le raisonnement ci-dessus montre aussi que $c_{\mathbf {f}}$ commute aux changements de facettes.

Comme l’origine est stable par $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , une telle structure équivariante donne un caractère entier

(4.3.33) $$ \begin{align}\chi: L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \rightarrow \underline{M_{\mathbf{f}}} \rightarrow \mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}}\end{align} $$

du groupe d’arcs par restriction à la fibre de $\mathcal {L}$ . Réciproquement, un $\mathbb {Z}$ -caractère $\chi $ de $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ fournit par inflation à $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et puis par induction à $L\underline {G}$ un faisceau inversible

(4.3.34) $$ \begin{align}\mathcal{L}_\chi:=L\underline{G}\times^{L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}\mathcal{O}_\chi\end{align} $$

sur la grassmannienne affine muni d’une opération compatible par le groupe de lacets $L\underline {G}$ , cf. [Reference IversenIv76, prop. 1.5]. En particulier, il en résulte que le groupe de Picard équivariant

(4.3.35) $$ \begin{align} \operatorname{Pic}^{L\underline{G}}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}) \simeq X^*(\underline{M_{\mathbf{f}}}) \end{align} $$

s’identifie au groupe de caractères du groupe épinglé $\underline {M_{\mathbf {f}}}$ , dont le rang coïncide avec la dimension de $\mathbf {f}$ , tandis que le rang de $\operatorname {Pic}(\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}})$ est strictement supérieur par une unité, cf. cor. 4.3.10.

Pour voir que l’image de $c_{\mathbf {f}}$ est libre, on peut supposer que $\mathbf {f}=\mathbf {a}$ est une alcôve. Appliquant encore la même identification (4.3.35) pour calculer le groupe de Picard des droites de Schubert, on remarque alors sans peine que (4.3.32) s’écrit au signe près comme

(4.3.36) $$ \begin{align} \bigoplus_s\pm a_s^{\vee} : X^*(\underline{S}) \rightarrow{} \mathbb{Z}\mathcal{L}_s, \end{align} $$

$a_s \in \Phi _{\mathbf {f}_s}$ en est la seule racine positive. On laisse le soin au lecteur de montrer que le membre de gauche se projette isomorphiquement sur le quotient du membre de droite obtenu en oubliant le faisceau inversible $\mathcal {L}_s$ correspondant à la réflexion simple s ne fixant pas un point spécial x adhérente à $\mathbf {a}$ , dont le système de racines résiduel $\Phi _x=\Phi _G^{\operatorname {nm}}$ ne contienne que les racines non multipliables.

Désormais, pour abréger, on note c le seul épimorphisme

(4.3.37) $$ \begin{align}\operatorname{Pic}(\operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{a}}}}) \rightarrow \mathbb{Z}\end{align} $$

pour l’alcôve donnée $\mathbf {a}$ , dont le noyau coïncide avec le sous-groupe des faisceaux inversibles qui admettent une structure $L\underline {G}$ -équivariante, cf. (4.3.32) et tel que les faisceaux en droites semi-amples soient appliqués sur $\mathbb {Z}_{\geq 0}$ . L’entier $c(\mathcal {L})$ s’appelle la charge centrale de $\mathcal {L}$ et l’extension centrale $\widehat {L\underline {G}}$ de 4.3.29 obtenu en prenant $\mathcal {L}$ tel que $c(\mathcal {L})=1$ s’appelle l’extension centrale universelle de $L\underline {G}$ .

5 Déformation globale sur la droite affine cyclotomique

La partie présente est consacrée à l’étude des déformations à la Beilinson–Drinfeld des grassmanniennes affines associées aux groupes parahoriques $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ sur la droite affine à coefficients cyclotomiques entiers, cf. prop. 3.4.5. On démontre notamment leur projectivité et aussi un théorème de cohérence à la Zhu, cf. [Reference ZhuZh14, ths. 2, 3] à coefficients cyclotomiques entiers. Ceci sera appliqué dans un travail futur pour répondre à la conjecture de Scholze–Weinstein sur les modèles locaux, cf. [Reference Scholze and WeinsteinSW20, conj. 21.4.1], dans des cas non modérément ramifiés, voir aussi [Reference Pereira LourençoPL20, IV, §4.2].

5.1 Projectivité et le lieu admissible

La grassmannienne affine qui fut étudiée au §4 était de nature locale, en ce qui concerne sa dépendance de la donnée d’une uniformisante, cf. déf. 4.1.1. Si nous voulons la déformer en un équivalent global, il faut faire varier l’uniformisante, et l’on arrive à la définition suivante due à Beilinson–Drinfeld, cf. [Reference Beilinson and DrinfeldBD96, 4.3.14] :

Définition 5.1.1. Soient A un anneau, X une courbe lisse au-dessus de A et $\mathrm {G}$ un schéma en groupes sur X. La grassmannienne affine globale $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ associée à cette donnée est le pré-faisceau sur X qui, à chaque application $Y\rightarrow X$ quasi-compacte de A-schémas, lui associe les classes d’isomorphisme de $\mathrm {G}$ -torseurs au-dessus de $X\otimes _A Y$ munis d’une trivialisation en dehors du graphe $\Gamma _{Y/X}$ de $Y\rightarrow X$ .

On dispose aussi pour ces objets globaux des groupes d’arcs et de lacets

(5.1.1) $$ \begin{align} L^+\mathrm{G}: R \mapsto \mathrm{G}(D_{R/X} ),\end{align} $$
(5.1.2) $$ \begin{align} L \mathrm{G}: R \mapsto \mathrm{G}(D_{R/X}\setminus \Gamma_{R/X}), \end{align} $$

$D_{R/X}$ désigne le séparé complété de la R-courbe $R\otimes _A X$ le long du graphe $\Gamma _{R/X}$ , dont le quotient pour la topologie étale s’identifie à $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ , cf. [Reference RicharzRi16, lem. 1.12]. Le produit fibré de $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ avec une section $x:\operatorname {Spec} A \rightarrow X$ devient ainsi isomorphe, d’après la descente de Beauville–Laszlo, à la grassmannienne affine locale $\operatorname {Gr}_{\mathrm {G}_{X,x}}$ associée au $A [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] $ -groupe $\mathrm {G}_{X,x}$ déduit de $\mathrm {G}$ par changement de base, où $A [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] $ est le voisinage formel de X en la section x. Nous avertissons le lecteur que, si l’on applique cette identification pour étudier les fibres géométriques de $\operatorname {GR}_{\mathrm {G}}$ sur les points génériques d’une fibre $X_k$ de $X\rightarrow \operatorname {Spec} A$ , alors il pourrait être compliqué de saisir correctement le séparé complété l’uniformisante $z_x$ résultante et que ceci a déjà provoqué d’ailleurs quelques maladresses dans la littérature, cf. [Reference RicharzRi19b].

Proposition 5.1.2 (Pappas–Zhu).

Soient A un anneau de Dedekind, X une A-courbe lisse et géométriquement connexe et $\operatorname {G}$ un X-groupe lisse, affine et connexe. Alors, la grassmannienne affine globale $\operatorname {GR}_{\operatorname {G}}$ est représentable par un ind-schéma séparé de type fini.

Démonstration. L’assertion se démontre par la même procédure de la prop. 4.1.2.

On veut analyser les grassmanniennes affine globales de nos modèles parahoriques $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ des groupes de Tits $\underline {G}$ sur la droite affine $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ .

Théorème 5.1.3 (Pappas–Zhu, L.).

La grassmannienne affine globale $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ est projective.

Vérifions tout d’abord que les fibres se comportent comme envisagéFootnote 7.

Lemme 5.1.4. Les fibres géométriques de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ sont projectives.

Démonstration. On n’a besoin que de comprendre les fibres géométriques sur les points fermés du schéma de Jacobson $\mathbb {A}^1_{\mathbb {Z}}$ , parce que la partie des fibres propres est constructible. Mais alors le lemme résulte de ce que $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes \mathbb {F}^{\operatorname {alg}}_p [\hspace {-0,5mm}[ {u} ]\hspace {-0,5mm}] $ soit parahorique, où $u=t-a$ et $a \in \mathbb {F}^{\operatorname {alg}}_p$ , cf. prop. 3.4.5 et rem. 3.4.2. Voir aussi [Reference Pappas and ZhuPZ13, prop. 6.4].

L’étape suivante tourne autour des tores induits.

Lemme 5.1.5. $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {T}}}$ est une réunion disjointe dénombrable de schémas finis.

Démonstration. Cela résulte presque directement de [Reference Haines and RicharzHR20, lem. 3.8, §4.4.2]. Dans une première version de l’article, nous avons suivi plutôt les démonstrations de [Reference ZhuZh14, prop. 3.4] et [Reference LevinLev16, prop. 4.2.8], en construisant des sections explicites.

La fibre géométrique générique de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {T}}}$ en caractéristique nulle est isomorphe à la grassmannienne affine locale constante $\operatorname {Gr}_{T_H}$ , donc numérotée par le groupe des cocaractères géométriques $X_*(T_H)$ du tore T, comp. avec [Reference Pappas and ZhuPZ13, prop. 6.5]. Le point associé au copoids $\mu \in X_*(T_H)$ s’étend uniquement par le lemme précédent en un point

(5.1.3) $$ \begin{align}z^{\mu} : \mathbb{A}^{1/\infty}\rightarrow \operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{T}}}\end{align} $$

de la grassmannienne affine globale à valeurs dans le spectre de $\mathbb {Z}[\zeta _\infty ,t^{1/\infty }]$ . Les spécialisés de $z^\mu $ aux corps k le long de $x: \operatorname {Spec} k \rightarrow \mathbb {A}^{1/\infty }$ sont des translations dans le groupe d’Iwahori–Weyl de $\underline {\mathscr {T}}\otimes k (\hspace {-0,7mm}( {z_{x}} )\hspace {-0,7mm}) $ , où $z_{x}$ désigne une uniformisante associée à ce point géométrique. Habituellement, ceux-ci sont interprétés en termes de l’application de Kottwitz, mais celle-ci n’est malheureusement pas disponible dans notre cadre.

Définition 5.1.6. Soit $\mu \in X_*(T_H)_+$ un cocaractère géométrique dominant de T. Le schéma de Schubert global, noté $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq \mu }$ , est l’image schématique du morphisme orbite

(5.1.4) $$ \begin{align}L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}} \rightarrow \operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}} , \end{align} $$
(5.1.5) $$ \begin{align} g \mapsto gz^\mu \end{align} $$

défini au-dessus de $\mathbb {A}^{1/\infty }$ .

Disons un mot sur quelques fait élémentaires concernant ce schéma de Schubert global. Il est sans torsion, stable sous $L^+\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ et projectif, grâce à la preuve de [Reference Pappas and ZhuPZ13, prop. 6.5]. Néanmoins, on ne sait pas pour l’instant s’il est plat, voir cependant le th. 5.2.2.

Quoiqu’il en soit, les réduits des fibres géométriques de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}, \leq \{\mu \}}$ sont isomorphes à la réunion de certaines variétés de Schubert de la grassmannienne affine locale $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] }$ correspondante. Ceci nous amène à la définition du lieu admissible :

(5.1.6) $$ \begin{align}\operatorname{Adm}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\otimes k [\hspace{-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace{-0,5mm}] ,\leq \mu}:= \bigcup_{\lambda\in W_G\cdot \mu} \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\otimes k [\hspace{-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace{-0,5mm}] , \leq z^{\lambda}},\end{align} $$

où l’on note $W_G$ le groupe de Weyl du système de racines relatif $\Phi _G$ , lequel est évidemment contenu dans la fibre

(5.1.7) $$ \begin{align}\operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}, \leq \mu}\otimes_{\mathbb{Z}[\zeta_\infty,t^{1/\infty}],x} k \subset \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\otimes k [\hspace{-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace{-0,5mm}] }.\end{align} $$

On verra ci-dessous que ces deux sous-schémas fermés coïncident dès que le dérivé de G est simplement connexe.

Démonstration du th. 5.1.3. La représentabilité par un ind-schéma quasi-projectif fut déjà remarquée dans la prop. 5.1.2 et il suffit de montrer l’ind-propreté de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ . Leurs fibres géométriques sont projectives d’après le lem. 5.1.4. Nous avons déjà remarqué que les schémas de Schubert globales sont projectifs, en répétant la preuve de [Reference Pappas and ZhuPZ13, prop. 6.5].

Par suite, il reste à prouver que tout point de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ en est contenu dans la colimite de ses sous-schémas de Schubert. Mais la fibre géométrique de celle-ci sur $\overline {x}$ contienne dedans toutes les variétés de Schubert de $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_{\overline {x}}} ]\hspace {-0,5mm}] }$ associées aux translations du groupe d’Iwahori–Weyl, recouvrant totalement l’espace topologique de cette grassmannienne affine locale.

5.2 Le théorème de la cohérence

Enfin, on étudie la géométrie du schéma de Schubert global $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ dans le cas où le dérivé $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ est simplement connexe. Pour formuler le th. 5.2.2 ci-dessous, on a besoin de montrer d’abord sa variante cohomologique due à Pappas–Rapoport, cf. [Reference Pappas and RapoportPR08, conj. 10.5], et améliorée par Zhu, cf. [Reference ZhuZh14, th. 2].

Théorème 5.2.1 (Zhu).

Soit $\mathcal {L}$ un faisceau inversible ample sur $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}^{\mathrm {r\acute {e}d}}$ et supposons que $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ . Étant donné $\mu \in X_*(T_H)$ , alors l’entier positif

(5.2.1) $$ \begin{align}\dim_kH^0(\operatorname{Adm}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\otimes k [\hspace{-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace{-0,5mm}] ,\leq \mu},\mathcal{L})\end{align} $$

ne dépend pas du choix de x.

Démonstration. Le premier truc que nous devons établir est que, pour un faisceau ample inversible sur la grassmannienne globale $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ , alors la charge centrale de la restriction de $\mathcal {L}$ à $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] }$ définie à (4.3.37) est un invariant de $\mathcal {L}$ qui ne dépend pas du point x. On remarque que, lorsque le groupe d’Iwahori-Weyl $\widetilde {W}$ de $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k (\hspace {-0,7mm}( {z_x} )\hspace {-0,7mm}) $ n’est pas irréductible, la charge centrale doit plutôt s’entendre comme un n-uplet d’entiers, chacun d’eux associé à une composante irréductible du groupe d’Iwahori-Weyl; que la charge centrale soit constante doit être entendu au sens des morphismes de spécialisation de la grassmannienne affine globale.

Ceci se trouve dans [Reference ZhuZh14, prop. 4.1] à coefficients dans k pour les groupes modérément ramifiés, mais nous allons donner une preuve explicite dans le cas où la grassmannienne affine est associée à un groupe pseudo-réductif exotique et barcelonais. Autrement dit, nous supposons que $\Phi _G$ est irréductible et que $p=e=2,3$ . Or, selon les ex. 3.1.6 et 3.1.7, nous disposons d’une application canonique

(5.2.2) $$ \begin{align}G_{\eta_e} \rightarrow \overline{G},\end{align} $$

$\overline {G}$ est la restriction des scalaires purement inséparable d’un $\mathbb {F}_e$ -groupe déployé simplement connexe, tel que l’on ait des bijections d’immeubles

(5.2.3) $$ \begin{align}\mathscr{I}(G_{\eta_e}, \mathbb{F}_e (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) )\simeq \mathscr{I}(\overline{G}, \mathbb{F}_e (\hspace{-0,7mm}( {t} )\hspace{-0,7mm}) ),\end{align} $$

de points entiers et rationnels

(5.2.4) $$ \begin{align}G_{\eta_e}(\mathbb{F}_e^{\operatorname{alg}} [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) \simeq \overline{G}(\mathbb{F}_e^{\operatorname{alg}} [\hspace{-0,5mm}[ {t} ]\hspace{-0,5mm}] ) ,\end{align} $$

induisant un homéomorphisme universel

(5.2.5) $$ \begin{align}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},e}}\rightarrow \operatorname{Gr}_{\overline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}},\end{align} $$

cf. [Reference LourençoLou21, prop. 3.6]. Les morphismes induits $\mathbb {P}^1_s \rightarrow \mathbb {P}^1_s$ entre les droites de Schubert ont degrés soit $1$ , soit e, bien déterminés par la combinatoire. Pour que la charge centrale soit constante, il faut alors balancer cet effet de sorte que les raisons $a_s^{\vee }/\overline {a}^\vee _s$ des coefficients de Kac–Moody, c’est-à-dire la valeur $c(\mathcal {L}_s)$ de la charge centrale c dans $\mathcal {L}_s$ , cf. cor. 4.3.11, associés à l’un et l’autre groupe soient égaux à e ou à $1$ , selon les degrés ci-dessus soient égaux à $1$ ou e. La relation prévue entre les coefficients peut être facilement vérifiée aux tableaux de [Reference CarterCa05, annexe]. Ici on utilise alors la comparaison du §6, cf. (6.2.6).

Finalement, nous voulons montrer des égalités

(5.2.6) $$ \begin{align}\dim_{\mathbb{F}_p}H^0\left(\bigcup_{i=1}^{n}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w_i},\mathcal{L}\right)=\dim_{\mathbb{F}_l}H^0\left(\bigcup_{i=1}^{n}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},l},\leq w_i},\mathcal{L}\right),\end{align} $$

$w_i \in \widetilde {W}/W_{\mathbf {f}}$ sont des éléments quelconques, $p,l \in \mathbb {P} \cup \{0\}$ sont des caractéristiques des corps premiers et $\mathcal {L}$ est un faisceau inversible très ample sur $\operatorname {Gr}_{\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ , cf. [Reference ZhuZh14, cor. 4.4]. Cela revient au même que savoir que la formation des réunions des schémas de Schubert commute aux changements de base quelconques. Nous observons d’abord que, grâce à un argument avec une suite exacte du type Mayer–Vietoris, on a une formule

(5.2.7) $$ \begin{align}\dim_{\mathbb{F}_p}H^0\left(\bigcup_{i=1}^{n}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w_i},\mathcal{L}\right)= \sum_{J \subseteq I} (-1)^{j-1} \dim_{\mathbb{F}_p} H^0\left(\bigcap_{j\in J}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f},p},\leq w_j},\mathcal{L}\right)\end{align} $$

de type inclusion-exclusion, puisque les groupes de cohomologie supérieurs s’annulent. Comme les intersections des variétés de Schubert sont réduites sont réduites, puisque scindées dès que $p>0$ , cf. prop. 4.3.1, elles coïncident avec la réunion

(5.2.8) $$ \begin{align} \bigcap_{j\in J}\operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f}},p,\leq w_j}= \bigcup_{k \in K} \operatorname{Gr}_{\mathscr{G}_{\mathbf{f}},p,\leq v_k}\end{align} $$

des variétés de Schubert contenues là, où l’ensemble des $v_k$ ne dépend pas de la caractéristique p, voir [Reference RicharzRi13, prop. 2.8]. En particulier, on se ramène par récurrence décroissante au cas où $\lvert I \rvert =1$ , lequel résulte de notre résultat sur les schémas de Schubert, voir th. 4.1.5.

Sur une base unidimensionnelle, le théorème précédent suffit pour démontrer que les schémas de Schubert globaux ont de fibres géométriques réduites, données par les lieux admissibles, cf. [Reference ZhuZh14, th. 3, §4.2] ainsi que [Reference Pappas and ZhuPZ13, th. 9.1]. Dans la présente situation, il va falloir être plus soigneux avec l’argumentation géométrique.

Théorème 5.2.2 (L.).

Si le groupe dérivé $G^{\mathrm {d\acute {e}r}}=G^{\operatorname {sc}}$ est simplement connexe, alors le schéma de Schubert global $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ est normal, plat, géométriquement réduit et connexe, à fibres égales à $\operatorname {Adm}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] ,\leq \mu }$ .

Démonstration. Nous avons déjà vu à (5.1.6) et (5.1.7) que le lieu admissible

(5.2.9) $$ \begin{align} \operatorname{Adm}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}\otimes k [\hspace{-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace{-0,5mm}] ,\leq \mu}\subset \operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \otimes_{\mathbb{A}^{1/\infty},x} k\end{align} $$

se trouve dedans la fibre spéciale du schéma de Schubert en tant que sous-schémas fermés de grassmannienne affine locale $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}\otimes k [\hspace {-0,5mm}[ {z_x} ]\hspace {-0,5mm}] }$ . Afin d’obtenir l’égalité désirée, il faudra calculer les sections globales de fibrés en droites très amples, dont l’outil principal est le th. 5.2.1.

Cependant, cette utilisation aura lieu seulement quand le schéma en question est plat sur la base, pour que la caractéristique d’Euler des fibres soit localement constante. Par suite, le th. 5.2.1 entraîne que l’affirmation du présent énoncé est vraie au-dessus d’un ouvert $U \subset \mathbb {A}^{1/\infty }$ à complément pro-fini. De plus, en prenant des changements de base aux anneaux de valuation V de rang $1$ sur le schéma de Schubert global dont le point fermé s’envoie sur un point générique de la fibre sur x, on en déduit que l’espace topologique de $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ est le bon, c’est-à-dire notre assertion sur ses fibres est valable à structures non réduites près. En particulier, le schéma de Schubert global est régulier en codimension $1$ par comparaison de cardinaux.

Considérons ainsi le schéma de Schubert global normalisé $\widetilde {\operatorname {GR}}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ dans son corps des fractions. Celui-ci est plat sur la base grâce au [Reference RaynaudRay70, lem. VII.3.2], voir aussi la prop. 3.2.7, vu que la codimension du lieu plat du schéma de Schubert global est au moins $2$ et que celui-ci est régulier en codimension $1$ . Puis, on affirme que l’application

(5.2.10) $$ \begin{align}\widetilde{\operatorname{GR}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \otimes_{x} k \rightarrow \operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \otimes_{x} k\end{align} $$

est une immersion fermée pour tout point x à valeurs dans k. En effet, le $\mathbb {A}^{1/\infty }_k$ -schéma plat

(5.2.11) $$ \begin{align}\widetilde{\operatorname{GR}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \otimes_{\mathbb{A}^{1/\infty}_{\mathbb{Z}[\zeta_\infty]}}\mathbb{A}^{1/\infty}_k\end{align} $$

déduit par changement de base s’applique isomorphiquement d’après le théorème principal de Zariski sur l’adhérence plate de

(5.2.12) $$ \begin{align}\operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \otimes_{\mathbb{A}^{1/\infty}_{\mathbb{Z}[\zeta_\infty]}}\mathbb{A}^{1/\infty}_k,\end{align} $$

car cette dernière est normale, géométriquement réduite et à fibres données par les lieux admissibles, cf. th. 5.2.1. Enfin, le fait que l’application de normalisation

(5.2.13) $$ \begin{align} \widetilde{\operatorname{GR}}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \rightarrow \operatorname{GR}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq \mu} \end{align} $$

soit un isomorphisme devient une conséquence du lemme de Nakayama, comp. avec la fin de la preuve de [Reference Pappas and ZhuPZ13, prop. 8.1].

Remarque 5.2.3. Pour finir cette section, étendrons-nous un peu sur les schémas déduits du schéma de Schubert global $\operatorname {GR}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}},\leq \mu }$ par quelques changements de base particuliers. En caractéristiques égales, les objets échéants généralisent à un certain sens les modèles locaux en caractéristiques égales au sens de Zhu, voir [Reference ZhuZh14, déf. 3.1, th. 3], et au sens de Richarz, voir [Reference RicharzRi16, déf. 2.5]. En caractéristique mixte, alors on obtient en même temps les modèles locaux au sens de Pappas–Zhu, voir [Reference Pappas and ZhuPZ13, déf. 7.1, th. 9.1] et de Levin, voir [Reference LevinLev16, déf. 4.2.1, th. 4.3.2], mais aussi quelques-uns nouveaux en des cas sauvagement ramifiés. En guise d’application, nous avons étendu [Reference He, Pappas and RapoportHPR18, th. 2.14, cor. 2.16] concernant la conjecture de Scholze–Weinstein sur les modèles locaux à presque tous les cas de type abélien dans [Reference Pereira LourençoPL20, IV, prop. 4.22, cor. 4.24]. Récemment, on a fait des avances non négligeables sur le cas général de la conjecture, dont on rapportera dans un article futur.

6 Le lien avec le cadre de Kac–Moody

Nous arrivons maintenant au paragraphe concernant le lien entre les $\mathbb {Z}[t^{\pm 1}]$ -groupes de Tits $\underline {G}$ de la déf. 3.3.5, ainsi que leurs $\mathbb {Z}[t]$ -modèles parahoriques $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ associés aux facettes $\mathbf {f} \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ par la déf. 3.4.6, et les $\mathbb {Z}$ -groupes $\mathcal {G}_{\mathbb {Z}}$ de (6.1.24), ainsi que leurs sous-groupes paraboliques $\mathcal {P}^{\pm }_{\mathbb {Z}}$ à (6.1.17) et (6.1.26), construits par Mathieu dans le cadre de Kac–Moody affine, voir les cors. 6.2.3 et 6.2.5. Cela résulte également d’un théorème de comparaison entre nos grassmanniennes affines $\operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ et les variétés de drapeaux affines $\mathcal {F}_{\mathfrak {g}/\mathfrak {p},\mathbb {Z}}$ de Kac-Moody, cf. th. 6.2.4. À la fin, on pourra regarder les $\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}$ comme des sortes de “délacés” des groupes de Kac–Moody affines à coefficients entiers.

6.1 Les $\mathbb {Z}$ -groupes de Kac–Moody et leurs variétés de drapeaux

Rappelons les notions basiques sur les algèbres de Kac–Moody et les groupes qui leur sont associés.

On dit qu’une matrice $A \in M_n(\mathbb {Z})$ carrée d’ordre n à entrées entières est de Cartan généralisée, cf. [Reference MarquisMar18, déf. 3.7], si les conditions suivantes sont remplies : $a_{ii}=2$ , $a_{ij} \in \mathbb {Z}_{\leq 0}$ et $a_{ij} \neq 0$ si et seulement si $a_{ji} \neq 0$ . On fixe désormais une matrice de Cartan généralisée A de rang r, supposée d’ailleurs symétrisable.

La définition suivante est une synthèse de [Reference MarquisMar18, déf. 3.10, déf. 7.9] :

Définition 6.1.1. Une réalisation entière de A est la donnée d’un $5$ -tuplet

(6.1.1) $$ \begin{align}(\mathfrak{t}, P, P^{\vee}, \Pi, \Pi^{\vee})\end{align} $$

qui se compose d’un $\mathbb {Q}$ -espace vectoriel $\mathfrak {t}$ de dimension $2n-r$ , des $\mathbb {Z}$ -réseaux duaux

(6.1.2) $$ \begin{align} P \subset \mathfrak{t}^\vee\text{ et }P^{\vee} \subset \mathfrak{t}\end{align} $$

et des parties libres

(6.1.3) $$ \begin{align}\Pi^\vee=\{ \alpha_i^\vee: i=1, \dots, n\} \subset \mathfrak{t}\text{ et } \Pi=\{ \alpha_i: i=1, \dots, n \} \subset \mathfrak{t}^\vee\end{align} $$

à matrice d’accouplement A, c’est-à-dire $\langle \alpha _i^{\vee }, \alpha _j\rangle =a_{ij}$ , de sorte que, lorsqu’on pose

(6.1.4) $$ \begin{align}Q=\bigoplus_{i=1}^n\mathbb{Z} \alpha_i \text{ et }Q^{\vee}=\bigoplus_{i=1}^n \mathbb{Z} \alpha_i^\vee,\end{align} $$

alors $Q \subset P$ , $Q^{\vee } \subset P^\vee $ et $P^{\vee }/Q^{\vee }$ est sans torsion.

Ces données sont uniquement déterminées par la matrice A à isomorphisme unique près, cf. [Reference MarquisMar18, ex. 3.11, ex. 7.10]. Les algèbres de Kac-Moody sont définies en termes des présentations comme suit, comp. avec [Reference MathieuMat88, ch. I, (I)-(VII)] et [Reference MarquisMar18, déf. 3.17].

Définition 6.1.2. L’algèbre de Kac–Moody $\mathfrak {g}$ attachée à A est la $\mathbb {Q}$ -algèbre de Lie engendrée par $\mathfrak {t}$ et par des $\mathfrak {t}$ -vecteurs propres $e_i$ et $f_i$ à valeurs propres $\pm \alpha _i$ , où $i=1, \dots , n$ , tels que

(6.1.5) $$ \begin{align} [e_i,f_j]=-\delta_{ij}\alpha_i^\vee\end{align} $$

et soumis aux relations de Serre

(6.1.6) $$ \begin{align} (\operatorname{ad}e_i)^{1-a_{ij}}e_j=0, \end{align} $$
(6.1.7) $$ \begin{align} (\operatorname{ad}f_i)^{1-a_{ij}}f_j=0 \end{align} $$

pour tout $1\leq i \neq j \leq n$ .

Ainsi que pour les algèbres de Lie semi-simples, il faut regarder $\mathfrak {t}$ comme sous-algèbre de Cartan de $\mathfrak {g}$ et les $e_i$ et $f_i$ comme vecteurs radiciels associés aux racines simples $\pm \alpha _i$ du système de racines $\Phi $ de $\mathfrak {g}$ suivant $\mathfrak {t}$ .

Expliquons la construction des $\mathbb {Q}$ -sous-groupes paraboliques de Kac–Moody à la suite de Kumar, voir [Reference KumarKum02, ch. VI]. Étant donnée une sous-algébre parabolique positive

(6.1.8) $$ \begin{align} \mathfrak{t} \subset \mathfrak{p}^+ \subset \mathfrak{g}\end{align} $$

invariante sous $\mathfrak {t}$ , alors on a un choix unique de décomposition $\mathfrak {t}$ -équivariante de Levi

(6.1.9) $$ \begin{align}\mathfrak{p}^+=\mathfrak{m} \oplus \mathfrak{n}^+.\end{align} $$

Ceci nous amène à considérer, d’un côté, le seul $\mathbb {Z}$ -groupe épinglé $\mathcal {M}_{\mathbb {Z}}$ associé à la donnée radicielle de $\mathfrak {m}$ induite par la réalisation entière (6.1.1) ci-dessus, et de l’autre côté, le seul $\mathbb {Q}$ -groupe pro-unipotent

(6.1.10) $$ \begin{align} \mathcal{U}^+_{\mathbb{Q}} := \operatorname{exp}(\widehat{\mathfrak{n}}^+)\end{align} $$

associé au séparé complété de $\mathfrak {n}^+$ pour sa topologie naturelle, d’après [Reference KumarKum02, th. 4.4.19]. Puis, on voit que l’exponentielle relève l’action de l’algèbre de Lie en une opération

(6.1.11) $$ \begin{align}\mathcal{M}_{\mathbb{Q}} \times \mathcal{U}^+_{\mathbb{Q}} \rightarrow \mathcal{U}_{\mathbb{Q}}^+,\end{align} $$

de sorte qu’on puisse prendre le produit semi-direct

(6.1.12) $$ \begin{align} \mathcal{P}_{\mathbb{Q}}^+:=\mathcal{M}_{\mathbb{Q}}\ltimes \mathcal{U}_{\mathbb{Q}}^+.\end{align} $$

En ce qui concerne les modèles entiers des groupes de Kac–Moody, la stratégie adoptée remonte à Kostant [Reference KostantKos66]. L’idée est que leur géométrie devrait être codifiée dans la famille de leurs opérateurs différentiels supérieurs, cf. preuve du th. 4.1.5 en §4.3. Par suite, on a besoin de trouver un $\mathbb {Z}$ -réseau convenable

(6.1.13) $$ \begin{align} U_{\mathbb{Z}}(\mathfrak{g}) \subset U(\mathfrak{g}) \end{align} $$

dedans l’algèbre enveloppante de l’algèbre de Kac–Moody $\mathfrak {g}$ . Ceci fut mené dans le présent cadre par Tits, voir [Reference TitsTi13], [Reference TitsTi87, §4] et [Reference MarquisMar18, déf. 7.3].

Définition 6.1.3. La $\mathbb {Z}$ -forme de Kostant–Tits notée $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {g})$ de l’algèbre enveloppante de $\mathfrak {g}$ est la sous- $\mathbb {Z}$ -algèbre associative

(6.1.14) $$ \begin{align} U_{\mathbb{Z}}(\mathfrak{g}):=\mathbb{Z}\left[\frac{e_i^n}{n!},\frac{f_i^n}{n!},\binom{h}{n} \right] \end{align} $$

engendrée par des puissances divisées tordues, où $h \in P^\vee $ .

Alors, on peut prolonger le $\mathbb {Q}$ -groupe pro-algébrique $\mathcal {U}^+_{\mathbb {Q}}$ en un $\mathbb {Z}$ -schéma en groupes affine et plat

(6.1.15) $$ \begin{align} \mathcal{U}^+_{\mathbb{Z}}:=\operatorname{Spec} \Gamma(\mathcal{U}^+_{\mathbb{Z}}, \mathcal{O}), \end{align} $$

en prenant pour sections globales le dual gradué de $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {n}^+)$ , cf. [Reference MarquisMar18, déf. 8.41]; celui-ci coïncide avec la partie de $\Gamma (\mathcal {U}^+_{\mathbb {Q}}, \mathcal {O})$ duale au réseau de (6.1.13) par rapport à l’accouplement

(6.1.16) $$ \begin{align} \Gamma(\mathcal{U}^+_{\mathbb{Q}}, \mathcal{O}) \times U(\mathfrak{n}^+) \rightarrow \mathbb{Q} \end{align} $$

provenant du lien entre les distributions et l’algèbre enveloppante de Lie, cf. [Reference MathieuMat88, lem. 8] et [Reference TitsTi89, 6.2]. On remarque que le $\mathbb {Z}$ -groupe épinglé $\mathcal {M}_{\mathbb {Z}}$ opère encore sur $\mathcal {U}_{\mathbb {Z}}^+$ d’où le modèle entier

(6.1.17) $$ \begin{align} \mathcal{P}_{\mathbb{Z}}^+:=\mathcal{M}_{\mathbb{Z}} \ltimes \mathcal{U}_{\mathbb{Z}}^+,\end{align} $$

voir [Reference RousseauRou16, cor. 3.10].

Il y a une théorie des $\mathfrak {g}$ -modules irréductibles intégrables $V(\lambda )$ de plus grand poids $\lambda $ , où ce dernier est un caractère régulier dominant de $\mathcal {M}_{\mathbb {Z}}$ , cf. [Reference KacKac90, §9] et [Reference MarquisMar18, §4.1], déterminés en tant que quotients du module de Verma

(6.1.18) $$ \begin{align} U(\mathfrak{g})\otimes_{U(\mathfrak{p})}\mathbb{Q}_\lambda \twoheadrightarrow V(\lambda). \end{align} $$

La $\mathbb {Z}$ -forme $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {g})$ nous permet d’introduire le réseau

(6.1.19) $$ \begin{align} V_{\mathbb{Z}}(\lambda)\subset V(\lambda)\end{align} $$

donné par l’image de $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {g})\otimes _{U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {p}^+)} \mathbb {Z}_\lambda $ suivant (6.1.18), voir [Reference MarquisMar18, ex. 7.23]. Ceci étant, on se tourne vers les schémas de Schubert sur les entiers, cf. [Reference MathieuMat89, p. 37].

Définition 6.1.4. Soit $\lambda $ un poids régulier dominant de $\mathcal {M}_{\mathbb {Z}}$ . Alors, à chaque $w \in W/W_{\mathfrak {p}}$ , on lui associe le schéma de Schubert

(6.1.20) $$ \begin{align} \mathcal{S}_{w,\lambda,\mathbb{Z}}:= \overline{\mathcal{B}_{\mathbb{Z}}^+\cdot v_{w\lambda}} \subset \mathbb{P}(V_{\mathbb{Z}}(\lambda)) \end{align} $$

donné par l’orbite fermée d’un générateur $v_{w\lambda }$ de l’espace de poids $w\lambda $ de $V_{\mathbb {Z}}(\lambda )$ dedans l’ind-espace projectif qui lui est associé.

Heureusement, les schémas de Schubert normalisés ne dépendent que du niveau parabolique $\mathfrak {p}$ et pas du choix de poids $\lambda $ , grâce à un argument topologique, cf. [Reference MathieuMat88, lem. 55], avec les schémas de Demazure

(6.1.21) $$ \begin{align}\mathcal{D}_{\mathfrak{w},\mathbb{Z}}:=\mathcal{P}_{s_{i_1},\mathbb{Z}}^+\times^{\mathcal{B}^+_{\mathbb{Z}}} \dots \times^{\mathcal{B}^+_{\mathbb{Z}}} \mathcal{P}_{s_{i_n},\mathbb{Z}}^+/\mathcal{B}^+_{\mathbb{Z}}.\end{align} $$

Puis on dispose de même du théorème de normalité dans le cadre de Kac–Moody :

Théorème 6.1.5 (Mathieu, Littelmann).

Les schémas de Schubert $\mathcal {S}_{w,\mathbb {Z}}$ associés à $w \in W/W_{\mathfrak {p}}$ sont géométriquement normaux.

Esquisse de la preuve. Ceci repose sur la formule de caractère de Demazure pour les $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {g})$ -modules irréductibles $V_{\mathbb {Z}}(\lambda )$ de plus grand poids. Mathieu recourt dans [Reference MathieuMat89, cor. 1] aux techniques de scindage pour les variétés de Schubert normalisées en caractéristique $p>0$ , tandis que Littelmann applique sa méthodes des chemins pour y parvenir, cf. [Reference LittelmannLit98, §8].

La variété de drapeaux de Kac–Moody à niveau parabolique $\mathfrak {p}$ introduite par Mathieu est donc la limite inductive filtrée

(6.1.22) $$ \begin{align}\mathcal{F}_{\mathfrak{g}/\mathfrak{p},\mathbb{Z}} :=\operatorname{colim}_{w\in W/W_{\mathfrak{p}}}\mathcal{S}_{w,\mathbb{Z}}\end{align} $$

des schémas de Schubert. Il ne reste qu’à ériger le groupe complet $\mathcal {G}_{\mathbb {Z}}$ de Kac–Moody.

Supposons pour l’instant que $\mathfrak {p}^+=\mathfrak {b}^+$ est une sous-algèbre borélienne. On remarque d’abord que le schéma de Demazure $D_{\mathfrak {w},\mathbb {Z}}$ de (6.1.21) possède un $\mathcal {B}_{\mathbb {Z}}^+$ -torseur naturel

(6.1.23) $$ \begin{align}\mathcal{E}_{\mathfrak{w},\mathbb{Z}}:=\mathcal{P}_{s_{i_1},\mathbb{Z}}^+\times^{\mathcal{B}^+_{\mathbb{Z}}} \dots \times^{\mathcal{B}^+_{\mathbb{Z}}} \mathcal{P}_{s_{i_n},\mathbb{Z}}^+. \end{align} $$

Il en résulte alors un $\mathcal {B}_{\mathbb {Z}}^+$ -torseur canonique sur $\mathcal {S}_{w,\mathbb {Z}}$ noté $\mathcal {G}_{w,\mathbb {Z}}$ et déterminé en tant que l’enveloppe affine de $\mathcal {E}_{\mathfrak {w},\mathbb {Z}}$ , voir [Reference MathieuMat88, prop. 26]. Ainsi, l’on note

(6.1.24) $$ \begin{align}\mathcal{G}_{\mathbb{Z}}:=\operatorname{colim}_{w\in W} \mathcal{G}_{w,\mathbb{Z}} \end{align} $$

l’ind-schéma en groupes affine sur $\mathbb {Z}$ qui est la limite directe des torseurs précédents, comp. avec [Reference MathieuMat89, p. 45] et [Reference RousseauRou16, §3.6].

Plus généralement, les sous-groupes paraboliques positifs $\mathcal {P}_{\mathbb {Z}}^+$ se plongent dans $\mathcal {G}_{\mathbb {Z}}$ en tant que sous- $\mathbb {Z}$ -groupes fermés, tels que le quotient pour la topologie plate

(6.1.25) $$ \begin{align}\mathcal{G}_{\mathbb{Z}}/\mathcal{P}_{\mathbb{Z}}^+ \simeq \mathcal{F}_{\mathfrak{g}/\mathfrak{p},\mathbb{Z}} \end{align} $$

s’identifie canoniquement à la variété de drapeaux partielle.

En outre, le groupe de Kac–Moody possède également des sous-groupes paraboliques négatifs ou opposés

(6.1.26) $$ \begin{align} \mathcal{P}^-_{\mathbb{Z}} \subset \mathcal{G}_{\mathbb{Z}},\end{align} $$

définis comme répulseurs dans $\mathcal {G}_{\mathbb {Z}}$ d’un copoids dominant régulier de $\mathcal {M}_{\mathbb {Z}}$ , tels que l’on ait une décomposition de Levi

(6.1.27) $$ \begin{align} \mathcal{P}^-_{\mathbb{Z}}=\mathcal{M}_{\mathbb{Z}}\ltimes \mathcal{U}_{\mathbb{Z}}^-, \end{align} $$

où l’on note $\mathcal {U}_{\mathbb {Z}}^-$ le répulseur strict, et que l’application

(6.1.28) $$ \begin{align} \mathcal{U}_{\mathbb{Z}}^- \times \mathcal{P}_{\mathbb{Z}}^+ \rightarrow \mathcal{G}_{\mathbb{Z}} \end{align} $$

définisse une immersion ouverte et affine, voir [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 4.1] pour toutes ces affirmations et comparer avec la prop. 4.2.13.

6.2 La comparaison avec les grassmanniennes affines

Maintenant, on va considérer toutes les constructions du paragraphe précédent dans le cas particulier où $\mathfrak {g}$ est de type affine, c’est-à-dire $r=n-1$ .

Or, la classification des algèbres de Kac–Moody est faite en termes de diagrammes de Dynkin affines, cf. [Reference KacKac90, §4.8] et [Reference MarquisMar18, p. 77] : on a la partie des diagrammes non tordus

(6.2.1) $$ \begin{align}A_n^{(1)}, B_n^{(1)}, C_n^{(1)}, D_n^{(1)}, E_6^{(1)}, E_7^{(1)}, E_8^{(1)}, F_4^{(1)}, G_2^{(1)} ;\end{align} $$

celle des diagrammes tordus réduits

(6.2.2) $$ \begin{align}A_{2n-1}^{(2)}, D_n^{(2)}, E_6^{(2)}, D_4^{(3)} ;\end{align} $$

et enfin le seul diagramme tordu non réduit

(6.2.3) $$ \begin{align} A_{2n}^{(2)}.\end{align} $$

Quoiqu’il en soit, nous disposons em même temps d’un et d’un seul $\mathbb {Q}(t)$ -groupe G simplement connexe et absolument presque simple à isomorphisme près, satisfaisant à l’hyp. 3.3.1, et dont le diagramme de Dynkin affine est celui donné, qu’on fixera désormais. L’objet du présent paragraphe est de comparer les données géométriques de Kac–Moody affines décrites ci-dessus à celles du §4.

Traitons d’abord les opérateurs différentiels. On note ci-dessous $\widetilde {L\underline {G}}$ le produit semi-direct

(6.2.4) $$ \begin{align} \widetilde{L\underline{G}}:=\widehat{L\underline{G}} \rtimes \mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}} \end{align} $$

de l’extension centrale universelle $ \widehat {L\underline {G}}$ de (4.3.37) par l’action de rotation du groupe multiplicatif $\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ , voir le lem. 3.3.10. Ces définitions s’appliquent également aux groupes d’élastiques $L^{\operatorname {gr}}\underline {G}$ , donc on fera usage des mêmes notations.

Lemme 6.2.1. Il y a un isomorphisme $W^{\operatorname {af}}$ -équivariant

(6.2.5) $$ \begin{align}U_{\mathbb{Z}}(\mathfrak{g})\simeq \operatorname{Dist}\big(\widetilde{L^{\operatorname{gr}}\underline{G}}\big)\end{align} $$

de $\mathbb {Z}$ -algèbres associatives.

Démonstration. La première étape consiste à construire l’isomorphisme rationnel, ce qui ramène le problème à trouver un isomorphisme

(6.2.6) $$ \begin{align}\mathfrak{g} \simeq \operatorname{Lie}\big(\widetilde{L^{\operatorname{gr}}G}\big),\end{align} $$

compte tenu de ce que le membre de droite de (6.2.5) n’est autre que l’algèbre enveloppante de celui de (6.2.6). Cette dernière identification est toutefois une conséquence des descriptions explicites des algèbres de Kac–Moody affines $\mathfrak {g}$ dans [Reference KacKac90, ths. 7.4, 8.3], jointes à la détermination de la charge centrale dans (4.3.36).

Penchons-nous sur l’égalité

(6.2.7) $$ \begin{align}\mathfrak{g}_{\mathbb{Z}} =\operatorname{Lie}\big(\widetilde{L^{\operatorname{gr}}\underline{G}}\big)\end{align} $$

de réseaux entiers des algèbres de Lie. Il s’avère que la base évidente du membre de droite induite par le quasi-système de Tits est une base de Chevalley du membre de gauche au sens de [Reference MitzmanMit85, §§2-3]; on attire l’attention particulière du lecteur à la modification de [Reference MitzmanMit85, (3.5.33)] pour le cas non réduit, qui correspond exactement à celle de la déf. 2.3.4.

Or, comme

(6.2.8) $$ \begin{align}\operatorname{Dist}(\mathbb{G}_{a,\mathbb{Z}})=\mathbb{Z}\Big[\frac{X^n}{n!}\Big] \text{ et } \operatorname{Dist}(\mathbb{G}_{m,\mathbb{Z}})=\mathbb{Z}\Big[\binom{X}{n}\Big],\end{align} $$

cf. [Reference JantzenJa07, I, ex. 7.8], on en tire l’inclusion $U_{\mathbb {Z}}(\mathfrak {g})\subset \operatorname {Dist}(\widetilde {L^{\operatorname {gr}}\underline {G}})$ énoncée par (6.2.5). D’autre part, le lem. 4.3.6 entraîne que cette dernière algèbre est engendrée par $\operatorname {Dist}(L^{\operatorname {gr}}\underline {U}^{\pm })$ et $\operatorname {Dist}(\widetilde {S})$ . Par conséquent, on achève le lemme voulu.

Remarque 6.2.2. L’algèbre de distributions de $L^{\operatorname {gr}}\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}}$ peut être calculée explicitement. Celle-ci est donnée en fonction de certains polynômes en un nombre dénombrable de variables qui correspondent à une base de $\operatorname {Lie}(L^{\operatorname {gr}}\mathbb {G}_{m,\mathbb {Z}})$ , la difficulté résidant en les déterminer. Raisonnant par récurrence, on récupère les polynômes de Garland–Mitzman, voir [Reference GarlandGa78, (5.7), th. 5.8], [Reference MitzmanMit85, §4.1] et [Reference MarquisMar18, ex. 8.60].

Grâce à la prop. 4.2.3, on dispose d’une correspondance bijective entre les facettes $\mathbf {f} \subset \mathscr {A}(\underline {G},\underline {S},\mathbb {Z} (\hspace {-0,7mm}( {t} )\hspace {-0,7mm}) )$ et les sous-algèbres paraboliques positives $\mathfrak {p}^+ \subset \mathfrak {g}$ . Ceci se géométrise comme suit :

Corollaire 6.2.3. Il y a un et un seul isomorphisme

(6.2.9) $$ \begin{align}\mathcal{P}_{\mathbb{Z}}^+ \simeq \widetilde{L^+\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}\end{align} $$

relevant celui des algèbres de distributions graduées.

Démonstration. L’identification (6.2.6) concernant les algèbres de Lie fournit déjà un isomorphisme

(6.2.10) $$ \begin{align} \mathcal{U}_{\mathbb{Q}}^+ \simeq L^{++}\mathscr{G}_{\mathbf{f},0}\end{align} $$

entre les radicaux pro-unipotents sur les rationnels, d’après [Reference KumarKum02, th. 4.4.19]. D’autre part, les données entières définissant les facteurs de Levi de (6.1.17) et (4.2.2) coïncident aux extensions près, d’où une identification

(6.2.11) $$ \begin{align} \mathcal{M}_{\mathbb{Z}} \simeq \widetilde{\underline{M_{\mathbf{f}}}}. \end{align} $$

Ceci entraîne qu’on puisse identifier

(6.2.12) $$ \begin{align} \mathcal{P}_{\mathbb{Q}}^+ \simeq \widetilde{L^{+}\mathscr{G}_{\mathbf{f},0}} \end{align} $$

les schémas en groupes sur les rationnels comme envisagé.

Maintenant, nous voulons améliorer ce résultat en étendant les isomorphismes aux modèles entiers. On s’est ramené à construire un isomorphisme entre les radicaux unipotents. En vertu de [Reference Bruhat and TitsBT84a, rem. 3.5.1(1)], démontré dans [Reference JantzenJa07, I, prop. 10.12], on peut retrouver les $\mathbb {Z}$ -groupes lisses unipotents et connexes en connaissant leur algèbres de distributions. En particulier, l’affirmation en résulte du lem. 6.2.1, passant à la limite projective.

Théorème 6.2.4 (Faltings, Pappas–Rapoport, L.).

Il y a des isomorphismes équivariants naturels

(6.2.13) $$ \begin{align}\mathcal{S}_{w,\mathbb{Z}} \simeq \operatorname{Gr}_{\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}},\leq w}\end{align} $$

entre les schémas de Schubert associés à $w \in W^{\operatorname {af}}/W_{\mathbf {f}}$ en chacun des cadres, induisant un isomorphisme global $\mathcal {F}_{\mathfrak {g}/\mathfrak {p},\mathbb {Z}} \simeq \operatorname {Gr}_{\underline {\mathscr {G}_{\mathbf {f}}}}$ .

Démonstration. On reprend les arguments de [Reference Pappas and RapoportPR08, 8.d, 9.h]. Le cor. 6.2.3 fournit un isomorphisme équivariant des résolutions de Demazure, d’où l’identification des schémas de Schubert d’après [Reference MathieuMat88, lem. 33], appliquant simultanément les théorèmes de normalité en chacun des cadres étudies, cf. th. 4.1.5 et th. 6.1.5.

À son tour, la démonstration implicite de [Reference FaltingsFa03, p. 54] tire profit de ce que les sections globales duales des faisceaux amples s’identifient

(6.2.14) $$ \begin{align} \Gamma(\mathcal{F}_{\mathfrak{g}/\mathfrak{p},\mathbb{Z}}, \mathcal{L}_{-\lambda})^\vee \simeq V_{\mathbb{Z}}(\lambda) \end{align} $$

aux modules irréductibles intégrables de l’algèbre de distributions. Identifiant les mêmes objets dans le cadre des grassmanniennes affines, on voit que tous les deux schémas de Schubert se plongent dans les mêmes espaces projectifs.

Le théorème ci-dessus permet ainsi de comparer également les groupes complets, complétant le dictionnaire entre la théorie de Kac–Moody affine et les grassmanniennes affines.

Corollaire 6.2.5 (Haines–L.–Richarz).

Il y a un isomorphisme canonique

(6.2.15) $$ \begin{align}\mathcal{G}_{\mathbb{Z}} \simeq \widetilde{LG}\end{align} $$

induisant des identifications

(6.2.16) $$ \begin{align}\mathcal{P}_{\mathbb{Z}}^{\pm} \simeq \widetilde{L^{\pm}\underline{\mathscr{G}_{\mathbf{f}}}}\end{align} $$

entre les sous-groupes paraboliques et les sous-groupes d’arcs et/ou de cordes.

Démonstration. On renvoie à [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, prop. 4.3] pour plus de détails. Notons que l’identification des sous-groupes paraboliques opposés aux sous-groupes de cordes résultent plus aisément de la prop. 4.2.13 et de [Reference Haines, Lourenço and RicharzHLR20, lem. 4.1].

Conflict of Interest

The authors have no conflict of interest to declare.

Funding statement

The first version of this work was written during my doctoral studies at the Universität Bonn and was funded by the SFB/TR 45 of the DFG and the Leibniz prize of Prof. Dr. P. Scholze. The final version of this work was written while at Imperial College London and supported by the ERC Starting Grant 804176 of Prof. A. Caraiani within the Horizon 2020 program of the EU.

Footnotes

Article last updated on 29th March 2023.

1 Il n’y a aucun conflit entre cette notation et celle utilisée dans §2.1, grâce au résultat de Haines qu’on avait déjà cité, cf. [Reference HainesHai15, lem. 4.2].

2 En fait, lorsque a est multipliable, l’élément $m_a$ ne s’écrit comme $m_a(r,s)$ pour un certain couple $(r,s)$ que si $1$ est une norme de l. Mais cela ne change presque rien.

3 Cela justifie que ces groupes soient appelés barcelonais ci-après. La raison pour laquelle nous avons préféré cette terminologie au mot “non réduit” utilisé dans [Reference Conrad, Gabber and PrasadCGP15] est que ce dernier entre en conflit avec son sens en géométrie algébrique, ce qui fut très importante afin de motiver la modification de Tits, voir la rem. 2.3.2 et la prop. 3.3.7.

4 L’apparition de ce facteur de $2$ est liée au fait que cela induit le copoids $(2a)^\vee $ sur $\underline {S}$ et non pas $a^\vee $ .

5 Ce genre d’affirmation sera précisée au §6, voir le th. 6.2.4.

6 Cela n’a aucun rapport avec la théorie des cordes en physique et ne vise qu’éclaircir le fait que la droite affine soit beaucoup plus fine que son voisinage formel.

7 Mentionnons que le lemme ci-dessous a pris la plupart des experts par surpris : en effet, le [Reference RicharzRi16, th. 1.19] affirme que $G_{\eta _p}$ devrait être toujours réductif pour que cela se vérifie, et dont la preuve suppose erronément que cette grassmannienne est constante. On renvoie le lecteur à l’errata [Reference RicharzRi19b] qui fut originalement motivée par notre découverte et au [Reference LourençoLou21, cor. 5.3], lequel est étroitement lié à la [Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR90, conj. 10.3.I] sur les modèles de Néron globaux.

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