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Le temps pour comprendre la violence de guerre: l'exemple de l'Afrique

Published online by Cambridge University Press:  25 February 2011

Abstract

This article examines the violence of war from a temporal point of view, looking at various contemporary conflicts from a long-term perspective involving three kinds of time: “historical” time, “traditional” time and “mythical” time. It thus provides some elements that help explain the length of these conflicts, but also their deeper nature. In particular, it casts douht on the appropriateness of the term “ethnic war”, which has been used to characterize some of them. The hypothetical model presented here focuses on Africa, but it could also he applied to conflict zones in other parts of the world.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © International Committee of the Red Cross 2003

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References

1 Collier, Paul, Hoeffler, Anke & Söderbom, Mans, On the duration of civil war, World Bank, University of Oxford, 2001CrossRefGoogle Scholar. Cette étude porte sur une cinquantaine de guerres civiles entre 1960 et 1999.

2 Fearon, James D., Why do some Civil Wars last so much longer than others?, Department of Political Science, Stanford University, 2001, notamment pp. 1415Google Scholar.

3 Ibid., pp. 13–14. C'est le cas notamment dans les Chittagong Hill Tracts au Bangladesh où la population locale, les Chakma, s'est opposée à l'installation de colons bengalis.

4 Braudel, Fernand, Écrits sur l'histoire, Flammarion, Paris, 1969, pp. 1112Google Scholar.

5 La notion d'ethnie (ou de tribu) reste aujourd'hui encore très débattue et les définitions qui en sont données demeurent souvent tributaires d'une investigation de type colonial; voir Jean-Loup Amselle; «Ethnies et espaces: pour une anthropologie topologique», in Jean-Loup Amselle & Elikia M'Bokolo, Au cœurde l'ethnie. Ethnies, tribalisme et État en Afrique, Éditions La Découverte, Paris, 1985, pp. 11–48. La définition courante, telle qu'elle figure dans le Dictionnaire Robert par exemple, est celle d'un «ensemble d'individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture».

6 Declan Walsh, «Torture, murder and cannibalism: how two UN men died in Congo», The Independent, 2 juin, 2003.

7 Roland Marchal, «Interpréter la guerre en Afrique» in De la guerre. Un objet pour les sciences sociales, Les Cahiers Espaces/Temps, n° 71/72/73, 1999, p. 119.

8 Perugia, Paul del, «Comment le Rwanda construisit l'une des civilisations les plus subtiles d'Afrique. Et comment l'Homme Blanc, par souci de décolonisation radicale, l'assassina», Le Temps stratégique, no 61, décembre 1994, pp. 9, 11, 12 respectivementGoogle Scholar.

9 Claude Wauthier, «Rwanda: le mystère du mat», Le Monde, 10 mars 2000. L'article, en réalité, fait une recension d'un ouvrage paru à cette date et qui dénonce cette vision stéréotypée. Sur la base d'une cinquantaine d'études parues entre l'été 1994 et l'été 1997, Jean-Pierre Chrétien a, pour sa part, analysé en détail les diverses interprétations du génocide de 1994, parmi lesquelles certaines insistent avec force sur l'antagonisme viscéral entre les «ethnies» hutu et tutsi, Jean-Pierre Chrétien, «Interprétations du génocide de 1994 dans l'histoire contemporaine du Rwanda», Clio en Afrique, n° 2, été 1997, <http://www.up.univ.mrs.fr/∼wclio-af/numero/2/index.html>.

10 Pour une analyse de ce terme, voir Isabelle Duyvesteyn, «Contemporary War: ethnic conflict, resource conflict or something else? », Civil Wars, vol. 3, n° 1, printemps 2001, pp. 97 et sq.

11 Luc Reychler s'élève contre cette «image télévisuelle» de l'Afrique, signalant notamment que, dans la première moitié du XXe siècle, l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est ont battu tous les records de violence; «Les conflits en Afrique: comment les gérer et comment les prévenir», Reychler, Luc, Conflits en Afrique. Analyse des crises et pistes pour une prévention, Coédition Grip – Éditions Complexe, Bruxelles, 1997, p. 17Google Scholar.

12 Ce qui ne veut certes pas dire que le continent africain est ahistorique avant la période coloniale. Voir note suivante.

13 Claude-Hélène Perrot (dir.), Les sources orales de l'histoire de l'Afrique, CNRS, Centre régional de publications de Paris, Paris, 1989; ou, toujours sous la direction de Claude-Hélène Perrot, Le passé de l'Afrique par l'oralité, ministère de la Coopération et la Documentation française, Paris, 1993.

14 C'est le cas notamment des Bamiléké, séparés par la frontière entre le Nigéria et le Cameroun.

15 Jean-Pierre Dozon, «Les Bété: une création coloniale», in Jean-Loup Amselle & Elikia M'Bokolo, op. cit. (note 5), pp. 49 et sq.

16 Balencie, Voir Jean-Marc & de La Grange, Arnaud, Mondes rebelles. Guerres civiles et violences politiques, Éditions Michalon, Paris, 3e edition, 2001Google Scholar: chapitre «Grands Lacs. Mythes et réalités ethniques», p. 754 et note 2.

17 Assertion qui fut largement diffusée dans le grand public à la suite de la publication de l'ouvrage d'Henry Rider Haggard, Les mines du roi Salomon, porté à l'écran en 1950.

18 Jean-Pierre Chrétien, «Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi», in Jean-Loup Amselle & Elikia M'Bokolo, op. cit. (note 5), p. 164. Dans le même ouvrage, Claudine Vidal traite aussi de cette problématique: «Situations ethniques au Rwanda», pp. 167–183. aussi, Voir, lignée, dans la même, Lugan, l'ouvrage de Bernard, Histoire du Rwanda. De la préhistoire à nos jours, Bartillat, Paris, 1997Google Scholar.

19 Ces raisons pourraient du reste se rattacher à l'hypothèse de la réaction «frustration-agression», analysée notamment par Uchendu, Victor C., «The cultural roots of aggressive behavior in modern african politics», in Mazrui, Ali A. (ed.), The Warrior Tradition in modern Africa, E.J. Brill, Leiden, 1977, en particulier pp. 100et sq.Google Scholar

20 Pélissier, René, Les guerres grises. Résistance et révotes en Angola (18451941), Pélissier, Orgeval, 1977Google Scholar. Voir aussi, auteur, du même, La colonie du Minotaure. Nationalismes et révoltes en Angola (1926–1961), Pélissier, Orgeval, 1978Google Scholar.

21 René Pélissier, op. cit. (note 20), p. 18. Voir aussi Ajayi, J.F. Ade & Crowder, Michael, Atlas historique de l'Afrique, Les éditions du Jaguar, Paris, 1988, p. 125Google Scholar, qui vient soutenir ce raisonnement, en montrant le (très petit) territoire angolais effectivement contrôlé par les Portugais à la veille du Congrès de Berlin de 1885.

22 Angola est d'ailleurs un nom dérivé de N'Gola, patronyme de l'un des rois noirs du royaume de Kongo, puis terme générique pour désigner les rois de la région. Les différents royaumes angolais ont physiquement disparu à la fin du XIXe siècle. Des rois subsistent cependant aujourd'hui encore, reconnus par l'État angolais mais sans autorité juridique. Sur l'histoire pré-coloniale de l'Angola, voir Thomas Collelo (ed.), Angola, a country story, Department of the Army, Washington D.C., 1989, pp. 5 et sq.

23 René Pélissier, op. cit. (note 20), pp. 61–62.

24 Drucker-Brown, Susan, «Communal Violence in Northern Ghana: unaccepted warfare», in Hinde, Robert A. & Watson, Helene E. (eds), War: a cruel necessity? The bases of institutionalized violence, Tauris Academic Studies, London/New York, 1995, p. 37Google Scholar.

25 Warren Weinstein, «Military continuities in the Rwanda State», in Ali A. Mazrui (ed.), op. cit. (note 19), p. 51.

26 John Hanning Speke, Les Sources du Nil, Journal de voyage du capitaine J. H. Speke, cité in Ricard, Alain, Voyages de découvertes en Afrique. Anthologie, 1790–1890, Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 2000, p. 661Google Scholar.

27 «Autour d'un livre: Vansina (Jan). le Rwanda ancien. Le Royaume nyiginya… Le point de vue de Danielle de Lame », Politique africaine, n° 83 – octobre 2001, p. 158.

28 Comme le relèvera un missionnaire en 1912 encore, voir Warren Weinstein, op. cit. (note 25), p. 51.

29 «The Germans cooperated with Musinga [mwami– roi – du Rwanda] to mount campaigns against recalcitrant chiefs, (…) in peripheral areas where the mwami's authority was not respected », Ibid., p. 52.

30 « Ugandan herders hand in arms», BBC World News, 3 décembre 2001, <http://www.bbcworld.com>.

31 Voir notamment de cet auteur, Blood and bone. The Call of Kinship in Somali Society, The Red Sea Press, Lawrenceville (Nj), 1994, p. 49. Le processus de réconciliation s'effectue notamment par la remise de têtes de bétail à la partie lésée, voire, dans certains cas, par celle d'une jeune fille nubile offerte en mariage.

32 inutile de rappeler que le schéma de violence ici présenté pour l'Afrique a été en vigueur pendant des siècles en Europe. Mème une société aujourd'hui réputée pour sa tranquillité, comme peut l'être la Suisse, a été traversée par de nombreuses guerres civiles jusqu'à la moitié du XIXe siècle, c'est-a-dire l'epoque même où se développait l'exploration du continent africain.

33 Alain Gascon, « La guerre comme rite géographique: l'exemple de la Corne de l'Afrique», Cultures & conflits, n° 1, hiver 1990–1991, pp. 77–78. Souligné par nous.

34 Alain Gascon, op. cit. (note 33), p. 71.

36 Stephen Ellis, «Les guerres en Afrique de l'Ouest: le poids de l'histoire», Afrique contemporaine, n° 198, 2e trimestre 2001, p. 51.

37 Ibid., p. 52.

38 Ibid., p. 53.

39 Ibid., p. 55.

40 Ibid., pp. 55–56. Ces savoirs rituels et ces pratiques magiques se retrouvent dans d'autres conflits que ceux de l'Afrique occidentale. David Lan a montré l'existence de pareils rites lors de la guerre de libération au Zimbabwe, voir David Lan, Guns and Rain: Guerilla and Spirit Mediums in Zimbabwe, James Currey, Oxford, 1985. Un autre exemple connu est celui du Holy Spirit Movement en Ouganda, dont les adeptes montaient au front enduits d'une huile censée repousser les balles adverses; sur ce surprenant mouvement, voir Jean-Marc Balencie & Arnaud de La Grange, op. cit. (note 16), pp. 1015–1016.

41 Voir Mariane Ferme, «La figure du chasseur et les chasseurs-miliciens dans le conflit sierra-léonais», Potitique africaine, n° 82, juin 2001, en particulier pp. 122 et sq.

42 Après que l'une de ses marches de protestation eut été durement réprimée par les forces de l'ordre sénégalaises, le MFDC a décidé, en 1983, de recourir à la violence et «[d]es hommes étaient alors allés dans le bois sacré pour décider de mener la lutte armée», Brigitte Breuillac, «Conflit sans fin en Casamance», Le Monde, 28 mars 2002.

44 Stephen Ellis, The Mask of Anarchy. The destruction of Liberia and the Religious Dimension of an African Civil War, New York University Press, New York, 1999, p. 13.

45 Ibid., p. 201.

46 Du reste, « Many of the main protagonists in the war have claimed, some with obvious sincerity, to have been in direct communication with God at various stages of their bloody careers», Ibid., p. 23; voir aussi pp. 267–269 où l'auteur cite plusieurs cas de personnes «being reborn in Christ».

47 J. Monfouga, J. Broustra, P. Martino & M, Simon, «Réflexions ethnopsychiatriques sur l'organisation temps espace de la personne », La notion de personne en Afrique noire, Colloques internationaux du C.N.R.S, n° 544, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, Paris, 1973, p. 510.

48 Ibid., p. 511.

49 Ibid., p. 517. Souligné par nous.

50 La reprise du conflit au printemps 2003 a permis de vérifier la persistance, chez les combattants, de comportements qui se veulent «surnaturels»; voir notamment la dépêche de presse de Reuter, datée du 11 juin 2003 et intitulée « Mystical warriors terrify Liberians tired of war».

51 Pour reprendre le modèlé élaboré par Arnaud de La Grange et de Jean-Marc Balencie pour la guerre sur le continent sud-américain; Jean-Marc Balencie & Arnaud de La Grange, op. cit. (note 16), p. 19.

52 Pierre Conesa, «Une géographie du ‘monde inutile’ », Le Monde diplomatique, mars 2001.

53 Les premières se déroulent souvent à l'intérieur d'une société donnée ou de sociétés voisines et ne sont pas des guerres d'épuisement; les secondes, dont l'exemple type est la querelle dynastique – appartiennent à un monde dominé par un code d'honneur et des règles strides de comportement guerrier, Gérard Chailland, Anthologie mondiale de la stratégie. Des origines au nucléaire, Robert Laffont, Paris, 1990, p. XV.

54 «Using a concept that was unknown to Africans until the last century, Somalis commonly condemn Ethiopia as a colonialist State. Some ethnic groups in Ethiopia interpret its history as a conspiracy of the Amhara against all the other ethnic groups in the country. Some southern Sudanese see their history as a process of victimization by Muslim northerners aided by Ottomans, Egyptians and Englishmen», Henze, Paul B., The Horn of Africa. From war to peace, Macmillan, London, 1991, p. 10Google Scholar.

55 Kourouma, Ahmadou, Le soleil des indépendances, Éditions du Seuil, collection Points, Paris, 1995, p. 23Google Scholar (souligné par nous).

56 Karl Vick, «Small Arms' Global reach uproots Tribal Traditions», The Washington Post, 8 juillet 2001.