Je suis heureux d'avoir l'occasion de m'exprimer devant une telle assemblée d'éminentes personnalités, préoccupées par les questions humanitaires qui se posent de plus en plus gravement à notre époque.

Le Comité international de la Croix-Rouge (le CICR) est, depuis cent vingt ans, au service de l'humanité déchirée par les conflits.

Lorsqu'on étudie l'origine et le développement de la Croix-Rouge, on ne peut manquer d'être frappé par le contraste qui existe entre les conditions modestes de sa création en 1863, par cinq hommes de bonne volonté membres de la Société genevoise d'utilité publique, et la dimension universelle qu'elle a atteinte depuis lors. La Croix-Rouge est aujourd'hui représentée dans 130 pays du monde, et il n'est pratiquement personne qui n'ait eu un jour à bénéficier de ses services, que ce soit dans les circonstances dramatiques des conflits ou des catastrophes naturelles, ou dans le domaine plus familier de l'assistance sociale ou de la collecte de sang.

Depuis l'origine de la vie, l'être s'oppose à l'être. Dans tous les siècles, des hommes ont gémi sous le glaive et le joug. Les pages de l'histoire sont tachées de sang. L'on n'y voit partout que massacres, tortures, oppression. Pourquoi?

On entend par « droit humanitaire » l'ensemble des règles de droit international visant la protection, en cas de conflit armé, des personnes atteintes par les maux que cause un tel conflit et, par extension, des biens n'ayant pas de rapport direct avec les opérations militaires.

Une distinction se dessine dès lors entre le droit humanitaire et « les droits de l'homme », le champ d'application de ceux-ci ne se limitant pas aux conflits armés.

La Croix-Rouge peut-elle contribuer au maintien de la paix et n'aurait-elle pas, à côté de son rôle humanitaire, à remplir également une mission de paix? Ce n'est pas, loin de là, une préoccupation nouvelle suscitée par les récents développements du mouvement pacifiste et par les manifestations en faveur de la paix.

Dans une littérature riche et abondante sur le sujet du droit international humanitaire, on peut dégager deux tendances sur le sens de ce terme «droit humanitaire»: l'une le prend dans un sens large, l'autre dans un sens étroit. Le droit humanitaire, au sens large — selon la définition de Jean S. Pictet — «est constitué par l'ensemble des dispositions juridiques internationales, écrites ou coutumières, assurant le respect de la personne humaine et son épanouissement». Ce droit humanitaire comprend deux branches: le droit de la guerre et les droits de l'homme. Le droit de la guerre — toujours suivant le système du professeur Pictet — se subdivise en deux rameaux, celui de La Haye, ou droit de la guerre proprement dit, et celui de Genève, ou droit humanitaire pris dans le sens étroit. Il est souvent difficile de faire une distinction nette entre ces différentes branches de droit, et surtout entre le droit de La Haye et le droit de Genève, à cause de l'influence réciproque qu'ils ont exercée sur leur développement respectif, de telle manière que certains experts renommés considèrent leur distinction traditionnelle comme périmée et superflue.

C'est après la deuxième guerre mondiale que la protection juridique de l'enfant a trouvé sa place dans le droit international humanitaire. Les expériences de ce conflit avaient en effet démontré de façon impérieuse la nécessité d'élaborer un instrument de droit international public destiné a protéger, en temps de guerre, la population civile. Les efforts du CICR dans ce domaine aboutirent à l'adoption de la IVe Convention de Genève, de 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Les enfants, en tant que membres de la population civile, étaient dès lors mis au bénéfice de cette Convention. Par ailleurs, la Conférence diplomatique de 1949 donna le jour à la première réglementation de droit international humanitaire des conflits armés non internationaux, contenue dans l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. Là également, les enfants sont protégés, comme toutes « les personnes qui ne participent pas aux hostilités ».

Au moment où tant de drames se jouent en tant de points du globe, je ne pense pas que votre Commission se contenterait d'un exposé technique sur la nature et les conditions de l'assistance humanitaire. Un tel exposé paraîtrait inutile, car il serait hors du contexte d'une réalité tragique. Pensons à ce qui se passe au Liban, aux combats de grande envergure qui pourraient reprendre incessamment sur le Planalto, en Angola, au sort des populations afghanes et khmères, pour ne citer que ces cas-là.

Les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes de la guerre et les deux Protocoles additionnels de 1977 constituent les sources écrites du droit international humanitaire contemporain. Cette œuvre monumentale, de quelque 600 articles, représente une somme impressionnante d'intelligence, de négociations politiques ardues, de ressources financières et de bonne volonté. Le droit international humanitaire d'aujourd'hui est le fruit d'un des plus grands efforts de codification par étapes dont nous ayons connaissance. Bien entendu, le droit coutumier complète les règles écrites d'une manière substantielle.