L’étude des genres permet toutes sortes d’analyses sociales, économiques, psychologiques ou psychanalytiques, culturelles aussi ou éthiques. Cette étude a encore une autre utilité ou une autre fécondité qui semble avoir été jusqu’ici moins remarquée. Elle invite a mieux considérer ce qui constitue sa propre materia prima ou, si on préfere, le primum movens des multivers qu’elle explore sous le nom de “genresˮ. Cette donnée premiere n’est autre que le sexe.

Les genres ne font genre que pour autant qu’ils distribuent, dispersent ou simplement font exister cela qu’ils genrent – s’il est permis de forger ce verbe. Ils n’engendrent pas le sexe ni ne sont générés par lui. Ils ne sont pas les genres – ni des genres – de l’ordre ou de la famille “sexe”. Car il n’y a pas d’ordre ni de famille “sexe”. Le sexe est une propriété du plus grand nombre de vivants mais il n’est pas lui-meme une entité susceptible de spécifications : l’espece se différencie bien, pour les biologistes, par le fait qu’elle délimite une possibilité de reproduction sexuelle (mis a part quelques cas de reproduction entre especes, dont les rejetons sont pour leur part stériles) mais “le sexe” lui-meme (si on peut dire) ne subsiste nulle part en dehors de ses genres.

Il faut dire plus: “le” sexe ne subsiste ou n’existe nulle part ailleurs que dans la différence de ses genres. Un genre sexuel est une façon d’incarner et de mettre en oeuvre ce qu’on appelle le rapport sexuel. Le rapport n’est par définition possible qu’a la condition d’une différence entre deux pôles ou si on veut deux sujets du rapport. A quelques égards le sexe ressemble a l’électricité: il ne fonctionne que dans une différence de pôles. En revanche, il ne se limite pas a deux pôles déterminés, et c’est ici que les genres entrent en jeu.

Leur jeu est a considérer au sens le plus sérieux du mot, sens qui se déplie deux temps : 1) articulation, mobilité due a un intervall – 2) activité qui détient en soi sa finalité. En effet, les genres valent avant tout par leurs intervalles.