En 1771, l'Académie de Besançon proposa comme sujet de concours : « Quel est le meilleur aménagement des forêts pour la Franche-Comté ?» Les treize longs mémoires qui lui furent présentés ont parfois d'estimables qualités littéraires, comme celui de l'historien Perreciot, mais surtout constituent un ensemble de témoignages sincères, vivants et précis, qui nous révèlent l'importance et la complexité de la question du bois à la fin du XVIIIe siècle.

Sous ce titre, on a réuni une série d'exposés, suivis de discussions, qui ont été organisés à Londres, en 1929 et 1930, par le Comité Royal de l'Institut des Affaires Internationales et auxquels celui-ci avait convié tous les principaux économistes et banquiers anglais, et même quelques étrangers notoires, parmi lesquels il convient de citer Mr Charles Rist. Tour à tour, ont été ainsi traités tous les grands thèmes relatifs aux problèmes actuels de l'or : « Comment économiser l'or ? » — « Dans quel dessein les banques d'émission détiennent-elles de l'or ?” — « Les conséquences internationales de la répartition actuelle de l'or », — « Production de l'or », etc. Plus de deux ans se sont écoulés depuis lors, et la marque du temps est déjà visible. Aussi bien, il faut parler franc ; du livre, une impression très nette se dégage : déterminer ce qui pourrait bien être fait pour consolider la situation monétaire de l'Angleterre, tel est, en vérité, l'espoir dont sont nées ces conférences.

I. A la fois précise et vivante dans sa brièveté un peu simplificatrice, l'étude publiée par Mr Georges Boris, dans la collection de la « Bibliothèque Économique Universelle », nous plonge au coeur de la querelle relative au rôle possible de l'or dans la crise mondiale actuelle. L'opinion soutenue, en somme, par l'auteur et qui est partagée d'ailleurs, sous des nuances diverses, par d'autres que par lui, consiste à attribuer à l'action prépondérante des facteurs monétaires, en premier lieu à la position statistique de l'or, l'acuité exceptionnelle de la crise que nous traversons.

Une longue étude des plans cadastraux dans le Puy-de-Dôme et quelques départements voisins nous a révélé leur très grand intérêt documentaire dans un domaine peu exploré jusqu'ici : l'histoire des voies de communications et des courants commerciaux.

Ces plans ont été dressés en général à des dates variant entre 1820 et 1835, c'est-à-dire antérieurement à la prodigieuse transformation des moyens de communication qui marque la seconde moitié du XIXe siècle : ouverture de chemins vicinaux jusque dans les plus petites communes, création des voies ferrées, substitution à peu près générale des ponts aux bacs, etc. Si l'on considère l'importance extrême de cette véritable révolution commerciale, contemporaine de la révolution industrielle, on saisira aussitôt l'intérêt que présente pour nous l'existence d'une carte géométrique et détaillée du réseau routier pour une époque déjà si lointaine, quoique ne datant que d'un siècle.

Les plans parcellaires ont ouvert, dès le premier numéro des Annales, la série de nos enquêtes. Notre choix avait ses raisons. Non seulement il nous paraissait urgent d'attirer l'attention des travailleurs français sur un ordre de documents qui, chez nous, du moins, avait été beaucoup trop négligé ; non seulement, en dressant pays par pays, l'état des sources et celui des recherches, nous savions répondre au désir de divers savants étrangers. Nos ambitions, osons l'avouer, revêtaient aussi un caractère plus immédiatement pratique. Sur la France, où presque tout était à faire, nous ne pouvions présenter que les résultats, résolument provisoires, de quelques sondages. En les soumettant à la méditation des historiens, nous espérions bien provoquer une enquête plus serrée, qu'il fallait attendre des efforts concertés de nombreux érudits, guidés, s'il était possible, par la seule autorité qualifiée : l'administration supérieure des Archives, qui, à tant d'égards, a déjà si bien mérité de nos études. C'est aujourd'hui chose faite.

Les Annales, à plusieurs reprises, ont attiré l'attention sur les collections d'anciens registres commerciaux existant à Anvers, et sur les enseignements qu'ils peuvent fournir à l'histoire économique. Nous venons de terminer l'inventaire du fonds principal de cette immense documentation conservée aux Archives Municipales d'Anvers ; il est connu sous le nom de « Chambre des Fonds insolvables» (Insolvenle Boedelskamer), ou plus simplement, de «Fonds des Faillites».

L'histoire commerciale d'Anvers, au temps de sa splendeur ancienne aux XVIe et XVIIe siècles, appartient trop à l'histoire générale pour que nous ne soyons pas heureux de pouvoir donner dans cette revue spéciale un résumé, un aperçu de ces nouvelles richesses documentaires au point de vue économique et social.

Le superbe album, imprimé sur les presses de Braun à Mulhouse-Dornach, à l'occasion du cinquantenaire des Aciéries de Longwy (1880-1930), constitue une excellente monographie, historique et descriptive, de l'un des plus grands ensembles industriels français. C'est surtout, parfaitement illustré, comme un film des opérations permettant l'élaboration des produits des Aciéries : extraction du minerai et du charbon, fabrication du coke, de la fonte, sa transformation en acier Thomas, en acier Martin, laminage des tôles et des barres de toutes dimensions. Mais c'est aussi un historique de la métallurgie lorraine, heureux complément du livre de Mr A. Sömme, en même temps qu'un commentaire illustré en marge de l'excellent manuel de Mr J. Levainville. Cartes et graphiques sont très bien venus ; ainsi les cartes des anciennes forges du pays de Longwy et du bassin en 1930, celles de la situation des usines et mines en Lorraine, des usines, mines, dépôts et agences en France et Algérie ; ainsi surtout les graphiques : particulièrement suggestifs celui de l'ensemble de l'outillage et surtout celui de l'organisation générale qui permet de mesurer toute l'évolution de l'affaire, depuis la fusion en 1880 des usines de Gorcy, Mont-Saint-Martin, Prieuré et La Moulaine jusqu'à nos jours.

Lorsqu'il y a trois ans, nous dûmes, Marc Bloch et moi, constituer à côté de nos équipes d'historiens, un groupe d'hommes mêlés au maniement des choses contemporaines et susceptibles de les décrire de haut avec compétence — je me tournai aussitôt vers Albert Thomas : ne pourrait-il me mettre en rapport avec quelques-uns des collaborateurs choisis dont je savais qu'à Genève il s'était entouré ? La réponse vint aussitôt. « Viens à Genève, m'écrivait-il toutes affaires cessantes — (et la formule n'est pas de style, s'agissant de ce mois de septembre 1928, où tour à tour l'occupaient, sans parler du reste, un vif débat à la Commission Financière de la S. D. N., la tenue à Varsovie d'une séance du Conseil d'Administration du B. I. T. et les préparatifs d'un voyage en Extrême-Orient) — viens à Genève : tout en étant un peu jaloux de ne pouvoir revenir au travail scientifique, tu peux être sûr que je t'aiderai de toutes mes forces. » Parole qui fut tenue. C'était l'historien qui parlait en Thomas.

Il serait vain d'énumérer ici les érudits sortis de l'École des Chartes qui ont contribué à l'élaboration de l'histoire économique et sociale. De Benjamin Guérard à Mr Ferdinand Lot, en passant par Léopold Delisle ou P. Guilhiermoz, ils sont légion. Actuellement, aux Archives Nationales et dans les dépôts départementaux, un certain nombre de savants, isolément ou en liaison avec des institutions officielles ou privées, françaises ou étrangères, ont entrepris des dépouillements considérables, collaboré à des enquêtes délicates, proposé des conclusions importantes en matière économique. Dans cet effort intéressant, peut-être convient-il de faire une place à la Direction des Archives, qui, ne bornant pas sa fonction à la simple administration d'un service national, se préoccupe d'apporter une aide fructueuse à l'entreprise générale de l'historiographie française. Qu'il s'agisse des actes de Philippe-Auguste, des ordonnances des rois de France, ou des Cahiers des États généraux de 1789, l'action de la Direction des Archives se révèle éminemment utile.

« Peut-on travailler en province ? » Dans une jolie conférence toute pénétrée des réminiscences, du vieux Tréguier, où de bons prêtres, naguère, lui avaient révélé la dignité du travail intellectuel, Renan un jour se posa cette question. Naturellement il répondait : oui ; et il avait bien raison Encore faut-il que l'on veuille bien, par diverses facilités, s'abstenir de rendre la tâche trop rude. L'un de nous, dernièrement, sollicitait d'une grande bibliothèque parisienne, en faveur de la bibliothèque — « nationale » elle aussi — de sa résidence, le prêt d'un manuscrit. Avec une ironie certainement involontaire, l'institution intéressée le remit à « son prochain voyage à Paris ». Le problème que soulève cette petite mésaventure dépasse, en portée, l'horizon proprement provincial. Car il arrive, cela va de soi, que des chercheurs parisiens soient, à leur tour, obligés de faire appel aux dépôts des départements.

Du livre de Mr André Gibert sur la Porte de Bourgogne et d'Alsace — ce qu'au temps de ma jeunesse, nous nommions la «Trouée de Belfort” — je vais essayer de parler sans faveur. J'y aurai quelque peine. C'est qu'il traite d'une contrée que je connais, en historien, et dont les destinées m'intéressent toujours ; il s'appuie du reste volontiers sur telle ou telle de mes études franccomtoises, en rectifie parfois les données, souvent les confirme en les ajustant pour ainsi dire au sol. Il représente le premier livre sérieux, solide et fin, le premier vrai livre de géographe qui se soit proposé de traiter avec ampleur d'une partie de ce complexe qu'est la Franche-Comté. Et il me plaît qu'en la personne de Mr Gibert la géographie, pour début, soit allée droit, et comme d'instinct, à ce seuil historique, à ce couloir vital dont j'ai pu dire, avec quelque excès peut-être — mais précisément, le livre de Mr Gibert fait la mise au point — qu'il était, en définitive, la raison d'être de la « province».

Lorsque Mr André Siegfried, si étroitement associé, dès le début, à notre effort, nous a adressé, sur notre demande, son livre, son beau livre — pourquoi reculer devant l'épithète ? elle est dans toutes les bouches — sur la « crise britannique », un problème, au visage familier, s'est posé à nous : quel collaborateur prier de présenter l'ouvrage ? A vrai dire, nous n'avons guère hésité. Un Français ? Non pas. Mais, bien plutôt, dans une revue comme la nôtre, « de direction nationale, d'esprit international », un économiste qui appartînt au pays même dont le grand drame présent était décrit — et jugé — avec tant de franchise à la fois et de sympathie. Certes, nous le savions bien, le livre, parce qu'il porte le scalpel dans des chairs vivantes, parce qu'il est bien loin, lui-même, d'une indifférence glacée, devait forcément appeler, du côté que nous avons choisi, moins un simple compte rendu qu'une riposte. Nous avons dit : tant mieux. C'est l'honneur des controverses intellectuelles que de ne pas souffrir les réticences. Cette réponse, Mr J.-H. Clapham, de Cambridge, a bien voulu s'en charger. Avec quelle compétence : tant de travaux justement estimés — son étude comparée sur les économies française et anglaise notamment et cette excellente histoire économique de l'Angleterre au XIXe siècle, qu'il édifie pierre à pierre — nous en étaient à l'avance, les sûrs garants. Avec quel talent; il faut laisser aux lecteurs le plaisir de le découvrir. Le débat est grave; donnons la parole à la réplique.

A la fin de l'année 1922, le prix du caoutchouc ayant baissé dans des proportions catastrophiques, le Gouvernement britannique se résolut à intervenir pour réduire l'exportation du caoutchouc des possessions britanniques de l'Asie méridionale. Une commission fut nommée, la Commission Stevenson, qui étudia et proposa un plan de restriction. Une fois appliqué, ce plan connut quelques années de succès ; il amena une hausse des prix qui mécontenta gravement les industriels des États-Unis ; puis, ses effets s'étant vite épuisés, il fut abandonné en 1928. C'est cet essai de contrôle officiel sur la production d'une matière première qu'étudie Mr Charles R. Whittlesey dans un livre bien documenté.

Sujet brûlant que le livre de Mr Ch. Pomaret, L'Amérique à la conquête de l'Europe et où l'on reconnaît un des changements de tendance les plus marqués d'une époque cependant féconde en bouleversements économiques. A J'origine de la modification profonde des rapports d'affaires entre l'Amérique et l'Europe (Amérique dans tout ceci est naturellement synonyme des Étatsl nis), il faut, de toute évidence, dénoncer le grand agent perturbateur que fut la guerre mondiale. Sans doute, les États-Unis ont sur l'Europe, politiquement morcelée, l'immense supériorité d'un marché géographiquement beaucoup plus vaste, champ merveilleux pour l'utilisation maxima des méthodes modernes de production en grand. Sans doute aussi, ils sont remarquablement doués au point de vue des ressources naturelles. Il n'est pas douteux cependant que c'est la guerre qui a amené ce pays à prendre pleine conscience de ces avantages et à en tirer, en peu de temps, un parti extraordinaire.