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Comparaison, dialogue, récit. Romanciers malayalam sur la parenté matrilinéaire

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Francis Zimmermann*
Affiliation:
EHESS-LASS

Résumé

On pourrait croire que tout a été dit sur les Nayar du Kerala qui présentent, dans les études comparatives sur les systèmes de parenté, l’exemple canonique d’une société dont la vie économique, sociale et politique était fondée sur la filiation matrilinéaire. Les règles de mariage et d’héritage qui les gouvernaient, à l’issue d’une longue période de décadence, furent abolies il y a trente ans. Mais les romanciers d’aujourd’hui cultivent la mémoire des Maisons nayar de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Intrigues et dialogues développent les dimensions subjectives et passionnelles de cette institution sociale. Nous tirons parti de cette ubiquité du thème de la parenté matrilinéaire dans la fiction contemporaine en malayalam pour proposer dans cet article une comparaison décentrée par rapport à nous et calculée au plus proche sur la scène locale entre une nouvelle de Basheer (le musulman) et quelques pages d’un roman de Thakazhi (l’hindou).

Summary

Summary

Nairs of Kerala have long been acknowledged as the canonical example of a community whose economic, social, and politic life was based upon matrilineal kinship. At the close of a long period of decline, rules of mother right were abolished in the 1970s, and one might think that nothing more could be learnt nowadays of the traditional Nair institution of taravads – matrilineal joint families and their domains. Taravads, however, are revived in contemporary Malayalam fiction. Plots and dialogues have exposed the subjective and emotional dimensions of this institution. The prevalence of that theme in modern fiction is turned to account, here, in an attempt to move off the conventional centre of anthropological comparison and to focus on the local drama. Basheer, a celebrated Muslim writer whose one short story (The Golden Ring) revolves around matrilineal kinship, and Thakazhi, a Nayar novelist and the celebrated author of Coir, are invoked in so far as they represent different voices in a dialogic comparison.

Type
L’exercice de la comparaison
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2002

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References

1 - Adoor Gopalakrishnan, né en 1941, est lui-même un Nayar et plusieurs de ses films ont pour thème la ruine des Nayar pris au piège comme des rats dans leurs Grandes Maisons vermoulues.

2 - Zimmermann, Francis, Le discours des remèdes au pays des épices, Paris, Payot, 1989 Google Scholar.

3 - Guha, Ranajit (dir.), A Subaltern Studies Reader 1986-1995, Delhi, Oxford Unive Press, 1998, p. XI Google Scholar: « That decade – or, to be more precise, the years between the N bari uprising [insurrection paysanne déclenchée par les maoistes à Naxalbari, Be occidental, en 1967] and the end of Emergency [l’état d’urgence en vigueur du 26 1976 au 21 mars 1977] – has often been described as a period of disillusionment Subaltern Studies as one of its outcomes. »

4 - Kayar est un roman-fleuve retraçant tous les événements qui ont forgé l’État com niste du Kerala de 1885 à 1971, et le récit s’achève précisément à cette date significative.

5 - Ces maisons, dont il reste peu d’exemples aujourd’hui, sont en soi, du point de vue architectural, un objet de comparaison passionnant: Noble, William A., « Houses with Centered Courtyards in Kerala and Elsewhere in India», in Hockings, P. (dir.), Dimensions of Social Life. Essays in Honor of David G. Mandelbaum, Berlin-New York-Amsterdam, Mouton de Gruyter, 1987, pp. 215262 Google Scholar. Aux voyageurs, on donne pour exemple de nalukettu le palais de Padmanabhapuram dans le sud du Travancore. Aux cinéphiles, la mise en scène de la vie quotidienne dans ces maisons traditionnelles est très parlante dans les films d’Adoor Gopalakrishnan: Elippattayam [Le piège à rats] (1981) et Kathapurusan (1995).

6 - Détails chez Zimmermann, Francis, Enquête sur la parenté, Paris, PUF, 1993, pp. 149152 Google Scholar, qui renvoie aux classiques sur les mariages et la Maison nayar (Louis Dumont, Kathleen Gough et Gilles Tarabout).

7 - Prononcer Takali; nous respectons la graphie anglo-indienne localement admise, dans laquelle zh est la translittération d’un L rétroflexe. Thakazhi est un village du Kuttanad (sur la rive sud du lac Vembanad), rendu célèbre par la publication de Kayar.

8 - Thakazhi rencontre en 1931 A. Balakrishna Pillai, le fondateur de Kesari (l’un des grands journaux de Trivandrum), qui lui fait découvrir Hugo et les naturalistes.

9 - Basheer, Vaikom Muhammad, Poovan Banana and Other Stories, Madras, Orient Longman, [1967] 1994 Google Scholar. Cette nouvelle occupe douze pages imprimées, tant en malayalam qu’en anglais. Le résumé qui suit ne rend évidemment pas justice à ce chef d’œuvre de subtile ironie, dans un genre littéraire où la maîtrise de Basheer est universellement reconnue.

10 - Leurs neveux et nièces du côté maternel sont leurs vrais enfants dans la filiation matrilinéaire. « Enfants de marché noir »: adressée par notre musulman aux hindous, la moqueriele venge decelle«du roi ton cousin [le Nizam, roi musulman de Hyderabad] qui a trois cents épouses dans son harem ».

11 - Miller, Roland E., Mappila Muslims of Kerala. A Study in Islamic Trends, Mad Orient Longman, [1976] 1992, p. 252 Google Scholar.

12 - Dumont, Louis, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Paris, Gallimard, 1966, § 101, p. 254 Google Scholar.

13 - Ibid.

14 - L’hindouisme est la religion dominante, et le religieux englobe le politique.

15 - Comme il l’écrit en 1961, prévoyant d’achever son roman l’année suivante; il lui faudra dix-sept ans de plus. Cité dans Paniker, K. Ayyappa, Thakazhi Sivasankara Pillai, Trivandrum, University of Kerala, 1989, p. 25 Google Scholar.

16 - Pillai, Thakazhi Sivasankara, Kayar, Kottayam, DC Books, [1978] 1998 Google Scholar, chap. X et XI; (trad. angl. sous le titre Kayar. Coir, New Delhi, Sahitya Akademi, 1997). Comment faut-il comprendre ce titre? Le coir est la fibre de noix de coco; mais kayar, en malayalam, désigne aussi un « nœud coulant ». Les Nayar ont été piégés et littéralement étranglés au nœud coulant de l’histoire.

17 - Des « petits faits vrais, sur une passion, sur une situation de la vie, etc. »: Réponse de Stendhal à Balzac, Dernier brouillon (28-29 octobre 1840), dans De Balzac, Honore, Études sur Stendhal et la Chartreuse de Parme, Genève, Slatkine Reprints, 1997, p. 139 Google Scholar.

18 - Jeffrey, Robin, Politics, Women and Well-Being. How Kerala became « a Model », Londres, Macmillan, 1992, pp. 4344 CrossRefGoogle Scholar (chronologie des réformes législatives) et passim. Le tournant historique est pris en 1925; la Travancore Nair (Amendment) Regulation de 1925 autorise tout membre adulte d’un taravad à réclamer sa part d’héritage, ce qui conduit beaucoup de familles indivises à la partition et à la ruine.

19 - Jeffrey, Robin, The Decline of Nair Dominance. Society and Politics in Travancore 1847-1908, Delhi, Manohar, 1994, 2e éd., p. 166 Google Scholar. La première édition fut publiée par Robin Jeffrey en 1976, deux ans avant que Thakazhi ne publie Kayar. Il se pourrait qu’ils se soient connus et que l’un ait influencé l’autre sur cette question de la partition d’un taravad, ce qui n’affaiblit pas la pertinence de leur récit, bien au contraire.

20 - Kettukalyanam: on noue un tali au cou de la petite fille; rite de passage avant la puberté.

21 - Variété de paddy à germination rapide.

22 - R. Jeffrey, The Decline of Nair Dominance..., op. cit., p. 167.

23 - Thakazhi Sivasankara Pillai, Kayar, op. cit., p. 99 (derniers mots du chap. XI, non traduits dans la version anglaise).