Hostname: page-component-78c5997874-mlc7c Total loading time: 0 Render date: 2024-11-12T12:25:49.198Z Has data issue: false hasContentIssue false

De l’antijudaïsme à l’antisémitisme, et à rebours

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Steven Englund*
Affiliation:
Zentrum für Antisemitismusforschung, Technische Universität BerlinTraduction de Robin Trémol

Résumé

Le paradigme actuellement dominant dans les recherches sur l’antisémitisme correspond à la vision proposée dans l’Encyclopaedia Britannica (1910) : « L’antisémitisme est une question exclusivement politique et européenne. » Si cette conception a donné lieu à des études empiriques majeures, elle recèle des problèmes conceptuels, dont le moindre n’est pas qu’elle se contente de recycler l’idée que les antisémites se font d’eux-mêmes, à savoir que leur préoccupation n’est pas religieuse mais liée à des considérations objectives. Le présent article démontre en quoi les discours déployés et l’attrait politique de l’antisémitisme doivent être distingués de sa réception et de sa compréhension sociale ; il suggère que le « nouvel » Antisemitismus, tel qu’il a été compris dans les faits, est d’une nature différente de ce qui avait été l’intention de ses partisans. Ce soi-disant « nouvel antisémitisme » implique l’influence omniprésente, forte et néanmoins subtile d’une ancienne trinité d’éléments « spirituels » sous-jacents : la religion institutionnalisée (Olaf Blaschke) ; le religieux dans un sens diffus, ou « métabolisé » (Marcel Gauchet) ; la religiosité comme posture personnelle, qui guide les antisémites en tant qu’individus (Gavin Langmuir). Ces dimensions ont imprégné les positions et les désaccords d’un antisémitisme ordinaire agissant sur le plan politique, social, économique, culturel et « racial ». Elles véhiculent son message, jusque dans les strates intellectuelles et émotionnelles les plus profondes, auprès de populations qui ont baigné dans l’antijudaïsme pendant des siècles (David Nirenberg). D. Nirenberg ayant analysé l’imaginaire social de l’antijudaïsme, il reste à voir où et comment il rejoint et sous-tend discrètement l’antisémitisme politique.

Abstract

Abstract

The current paradigm prevailing in the study of antisemitism is the view proposed in The Encyclopaedia Britannica (1910): “Antisemitism is exclusively a question of European politics.” This approach has afforded important empirical studies, but it contains conceptual problems, not least that it recycles the antisemites’ view of themselves: that is, that they were not concerned with religion but objective issues. This article argues that discursive deployment and political appeal are not the same as social reception and understanding; it proposes that the ways in which the “new” Antisemitismus was actually heard constituted a different matter from what its proponents intended. In the so-called “new antisemitism,” we encounter the omnipresent, strong, but subtle influence of an old trinity of unstated “spiritual” elements: institutional religion (Olaf Blaschke); le religieux in the diffuse, or “metabolized,” sense (Marcel Gauchet); rogue religiosity, in the motives of individual antisemites (Gavin Langmuir). These dimensions may be shown to have suffused the statements and conflicts of “ordinary” political, social, economic, cultural, and “racial” antisemitism. They carried its message to the intellectual and emotional levels in populations that had been bathed in antijudaism for centuries (David Nirenberg). As Nirenberg has analyzed the social imaginary of antijudaism, the question of where and how it joins and quietly underlies political antisemitism must now be posed.

Type
Antisémitisme et histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2014

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

Je remercie David Bell, Daniel Boyarin, John Boyer, Howard Brown, Vincent Duclert, Damien Guillaume, John Miles, David Nirenberg, Philip Nord, Peter Schäfer, James Sheehan et Ulrich Wyrwa, mais aussi le Zentrum für Antisemitismusforschung de Berlin qui m’a invité en tant que professeur visitant en 2012-2013 ; le Shelby Cullom Davis Center de l’université de Princeton et les programmes de Jewish Studies des universités de Cornell et de Binghamton m’ont énormément aidé dans le développement de mes idées. L’EHESS m’a permis de présenter ma thèse dans une série de séminaires de 2012 à 2014.

References

1 Langmuir, Gavin I., Toward a Definition of Antisemitism, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 341.Google Scholar

2 Confino, Alon, A World Without Jews: The Nazi Imagination from Persecution to Genocide, New Haven, Yale University Press, 2014, p. 23.Google Scholar

3 Wolf, Lucien, « Antisemitism », The Encyclopaedia Britannica, Cambridge, The University Press, 1910, p. 134.Google Scholar

4 Engel, David, « Away from a Definition of Antisemitism: An Essay in the Semantics of Historical Description », in Cohen, J. et Rosman, M. (éd.), Rethinking European Jewish History, Oxford, Littman Library of Jewish Civilization, 2009, p. 3253.Google Scholar Dans son essai, tout aussi brillant que provoquant, D. Engel dénonce la légèreté avec laquelle les historiens emploient le terme d’« antisémitisme ». Il y affirme que, lorsque ce néologisme fut élaboré au début des années 1880 en Allemagne, il n’était pas vraiment chargé d’une signification spécifique ni incontestée, et qu’il continua à se vider de son sens pour se transformer en une expression généralisatrice, libre de toute définition, très employée en politique. Selon lui, les historiens auraient adopté sans sourciller l’usage courant qui est aujourd’hui fait du mot : ils se serviraient de l’« antisémitisme » comme d’un anachronisme permettant de qualifier quasiment n’importe quelle forme de racisme. C’est pour cette raison qu’ils ne devraient pas, selon lui, l’utiliser. S’il est vrai que D. Engel marque quelques points importants, le même genre de réflexion pourrait être fait quant à notre emploi du terme « nationalisme », sans parler de celui que nous faisons du « racisme ». Pourtant, tous ces mots ont joué des rôles très importants et ont fait l’objet, comme l’« antisémitisme », de nombreuses analyses, parfois d’excellente facture. L’historien ne peut pas les abandonner sous le prétexte qu’ils sont vagues et difficiles à cerner. Car explorer avec attention les différents termes qu’il découvre, expliquer leurs origines, leurs limites, leurs différents sens, fait aussi partie de son devoir de chercheur, qui ne peut pas ignorer les expressions qu’employaient les contemporains.

5 Batnitzky, Leora, How Judaism Became a Religion: An Introduction to Modern Jewish Thought, Princeton, Princeton University Press, 2011, p. 147.Google Scholar

6 Frankl, Michal, Prag ist nunmehr antisemitisch. Tschechischer Antisemitismus am Ende des 19. Jahrhunderts, Berlin, Metropol, 2011, ici p. 7.Google Scholar Dans cet ouvrage, M. Frankl va dans le même sens que D. Engel en défendant un antisémitisme qui ne possède pas de réelle signification initiale.

7 Bergmann, Werner et Wyrwa, Ulrich, Antisemitismus in Zentraleuropa. Deutschland, Österreich und die Schweiz vom 18 Jahrhunder bis zur Gegenwart, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2011, p. 1.Google Scholar Depuis sa fondation en 1982, le Zentrum s’est concentré sur l’aspect social, économique et politique de la question. Son premier directeur, Herbert Strauss, a développé dans les années 1980 un modèle nommé l’objective Spannungstheorie, qui considérait que le conflit social entre juifs et non-juifs était issu d’une compétition économique, d’une hostilité politique et de modes de vie divergeant, exacerbés par d’inattendues transformations sociales. Plus tard, Norbert Kampe et lui proposèrent la Wahrnehmungstheorie, ou « théorie de la perception », qui décrivait un antisémitisme découlant intégralement de « l’exagération de caractéristiques ou de semi-caractéristiques d’une minorité des juifs ». Voir la discussion critique dans Blaschke, Olaf, Offenders or Victims ? German Jews and the Causes of Modern Catholic Antisemitism, Lincoln, University of Nebraska Press, 2009, p. 2324.Google Scholar

8 Buchen, Timothy, Antisemitismus in Galizien. Agitation, Gewalt und Politik gegen Juden in der Habsburgmonarchie um 1900, Berlin, Metropol, 2012 ;Google Scholar Vulesica, Marija, Die Formierung des politischen Antisemitismus in den Kronlaendern Kroatien und Slawonien, 1879-1906, Berlin, Metropol, 2012 ;Google Scholar Richter, Klaus, Antisemitismus in Litauen. Christen, Juden und die « Emanzipation » der Bauern (1889-1914), Berlin, Metropol, 2013 ;Google Scholar Hettling, Manfred et al. (dir.), Die « Judenfrage ». Ein europäisches Phänomen ?, Berlin, Metropol, 2013 ;Google Scholar Moehrle, RenÉ, Judenverfolgung in Triest während des Faschismus und Nationalsozialismus, 1922- 1945, Berlin, Metropol, 2014 ;Google Scholar Reinke, Andreas et al., Die « Judenfrage » in Mitteleuropa, Berlin, Metropol, 2010;Google Scholar Onac, Iulia, Antisemitismus in Rumänien, 1879-1914, Berlin, Metropol, 2010;Google Scholar Leiska, Christoph, Jüdische Integration und Antisemitismus in Skandinavien : Kopenhagen und Göteborg, 1870-1917, Berlin, Metropol, 2014;Google Scholar Wyrwa, Ulrich, Gesellschaftliche Konfliktfelder und die Entstehung des Antisemitismus. Das Deutsche Kaiserreich und das Liberale Italien im Vergleich, Berlin, Metropol, à paraître.Google Scholar

9 W. Bergmann et U. Wyrwa, Antisemitismus in Zentraleuropa…, op. cit.

10 Langmuir, Gavin I., History, Religion, and Antisemitism, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 224.Google Scholar Il poursuit : « Instead, thanks to the new theories about class and race, they were able to symbolize themselves also or even primarily as something that transcended time and space, as members of a class or race, thereby attributing a cosmic significance to their identity that transcended national boundaries. »

11 Voir notamment Wyrwa, Ulrich (dir.), Einspruch und Abwehr. Die Reaktion des europäischen Judentums auf die Entstehung des Antisemitismus (1879-1914), Francfort-sur-le-Main, Campus Verlag, 2010.Google Scholar

12 Lazarus, Moritz, Was Heisst National ? Ein Vortrag, Berlin, F. Dümmler, 1880, p. 1.Google Scholar

13 Oxaal, Ivar, « The Jews of Young Hitler’s Vienna: Historical and Sociological Aspects », in Oxaal, I., Pollak, M. et Botz, G. (éd.), Jews, Antisemitism and Culture in Vienna, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1987, p. 35 Google Scholar et 37-39 : « It is difficult to resist the hypothesis that a general awareness in the huge Catholic working class of this broad contrast in economic status, and often job security, between themselves and the Jewish minority would have reinforced traditional prejudices against the Jews, independent of the degree of economic contact or competition, and independent, too, perhaps, of the outcry of Antisemitic agitators about the number of Jews in banking, journalism, and medicine. »

14 Miller, Alexei, The Romanov Empire and Nationalism, Budapest, Central European University Press, 2008, p. 127, c’est moi qui souligne.Google Scholar

15 Lindemann, Albert S., Esau’s Tears: Modern Antisemitism and the Rise of the Jews, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. XVII Google Scholar et 23 : « not all hostility to Jews, individually or collectively, has been based on fantastic chimerical views of them, or on projections unrelated to any palpable reality. As human beings, Jews have been as capable as any other group of provoking hostility in the everyday secular world. » Pour une critique de cette position controversée, voir O. Blaschke, Offenders or Victims…, op. cit., p. 115-120 sq. ; Pulzer, Peter, « Why was there a Jewish Question in Imperial Germany ? », Leo Baeck Institute Year Book, 251, 1980, p. 133146.CrossRefGoogle Scholar

16 Nirenberg, David, Antijudaism: The Western Tradition, New York, W. W. Norton, 2013, p. 9.Google Scholar Voir à ce sujet l’article de Maurice Kriegel dans ce numéro.

17 A. Confino, A World Without Jews…, op. cit., p. 194, montre les résultats tragiques de cette « façon de penser » : « For the Nazis, the Jews were never a mere political enemy but a redemptive, historical one. […] Neither liberalism nor communism, neither Roosevelt nor Stalin, held the key to this struggle, for they were mortal enemies who would come and go. Rather, Jews did: ‘The Jewish question’, as the Reich Press Office declared in early 1944, ‘is the key to world history’. »

18 Cité par Melamed, Abraham, « The Revival of Christian Hebraism », in Karp, J. et Sutcliffe, A. (éd.), Philosemitism in History, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 65.Google Scholar

19 Schechter, Ronald, Obstinate Hebrews: Representations of Jews in France, 1715-1815, Berkeley, University of California Press, 2003.Google Scholar

20 Bauman, Zygmunt, « Allosemitism: Premodern, Modern, Postmodern », in Cheyette, B. et Marcus, L. (éd.), Modernity, Culture and the « Jew », Standford, Standford University Press, 1998, p. 143156.Google Scholar

21 OişTeanu, Andrei, Inventing the Jew: Antisemitic Stereotypes in Romanian and other Central East-European Cultures, Lincoln, University of Nebraska Press, 2009, p. 266.Google Scholar

22 Moss, Kenneth B., « At Home in Late Imperial Russian Modernity: Except where they weren’t: New Histories of Russian and East European Jews, 1881-1914 », The Journal of Modern History, 842, 2012, p. 401452, ici p. 436.CrossRefGoogle Scholar

23 Voir les commentaires sur Antijudaism: The Western Tradition par Michael Walzer, « Imaginary Jews », The New York Review of Books, 20 mars 2014 ; Anthony Grafton, « Imaginary Jews », The New Republic, 11 octobre 2013 ; John CONNELLY, « Through a Glass Darkly », Commonweal, 16 septembre 2013 ; Samuels, Maurice et al., « Anti-Judaism: The Western Tradition. By David Nirenberg », Jewish History, 282, 2014, p. 187213;CrossRefGoogle Scholar Levenson, Alan T., « David Nirenberg. Anti-Judaism: The Western Tradition », The American Historical Review, 1193, 2014, p. 837839.CrossRefGoogle Scholar

24 Taylor, Charles, A Secular Age, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2007, p. 95.Google Scholar

25 Glock, Charles Y. et Stark, Rodney, Christian Beliefs and Anti-Semitism, New York, Harper and Row, 1966.Google Scholar

26 Le livre de D. Nirenberg ignore les programmes, les partis et les individus qui composent les mouvements antisémites de la fin du XIXe siècle pour se concentrer sur l’étendue sous-jacente des comportements sociaux. Selon ses propres dires, il ne s’agit pas d’un livre traitant de l’antisémitisme politique.

27 Weeks, Theodore, From Assimilation to Antisemitism: The « Jewish Question » in Poland, 1850-1914, DeKalb, Northern Illinois University Press, 2006, p. 154.Google Scholar

28 O. BLASCHKE, Offenders or Victims…, op. cit., p. 74.

29 Cette hiérarchie des liens de causalité (présuppositions, préconditions, accélérateurs et déclencheurs) fut conçue par Stone, Lawrence, The Causes of the English Revolution, 1529-1642, New York, Harper and Row, 1972.Google Scholar

30 La critique d’O. BLASCHKE, Offenders or Victims…, op. cit., p. 122, sur ce qu’il appelle « la théorie socio-historique » anticipe la position de D. Nirenberg : « Notwithstanding the breadth and plurality of social history […] it often has not taken seriously enough the autonomous power of ideas, the details of discourses, and the sophisticated complexity of mentalities and religions. Without considering the topoi and their mental breeding ground, it is difficult to identify the effects of the development of antisemitic prejudice. It would not be satisfying to resort to a hasty explanation of everything as an outlet for social circumstances and socio-economic crises. »

31 Ulrich Wyrwa, « The Language of Antisemitism in the Catholic Newspaper in Venise during the Fin de Siècle: Il Veneto Cattolico/La Difesa », essai délivré lors du colloque «On the Religious Roots of Anti-Jewish Hatred: Catholic Paths to AntiSemitism in 19th Century Europe », Venise, mars 2014.

32 Geertz, Clifford, The Interpretation of Cultures: Selected Essays, New York, Basic Books, 1973, p. 5;Google Scholar Id., « Religion as a Cultural System », in Banton, M. (éd.), Anthropological Approaches to the Study of Religion, Londres, Tavistock, 1966.Google Scholar

33 Volkov, Shulamit traite ce phénomène de « zone intermédiaire » dans The Rise of Popular Antimodernism in Germany: The Urban Master Artisans, 1873-1896, Princeton, Princeton University Press, 1978;Google Scholar comme le fait Nord, Philip G. dans The Politics of Resentment: Shopkeeper Protest in Nineteenth-Century Paris, Princeton, Princeton University Press, 1986.Google Scholar

34 Friedrich Schlegel, cité dans Librett, Jeffrey S., The Rhetoric of Cultural Dialogue: Jews and Germans from Moses Mendelssohn to Richard Wagner and Beyond, Stanford, Stanford University Press, 2000, p. 134.Google Scholar

35 Isaac, Jules, L’enseignement du mépris. Vérité historique et mythes théologiques, Paris, Fasquelle, 1962.Google Scholar

36 Poliakov, Léon, Histoire de l’antisémitisme, Paris, Seuil, 1991, 2 vol.Google Scholar

37 Tal, Uriel, Christians and Jews in Germany: Religion, Politics, and Ideology in the Second Reich, 1870-1914, trad. par Jacobs, N., Ithaca, Cornell University Press, 1975.Google Scholar

38 Miccoli, Giovanni, « Antiebraismo, antisemitismo : un nesso fluttuante », in C.|Brice et Miccoli, G. (dir.), Les racines chrétiennes de l’antisémitisme politique, fin XIXe-XXe siècle, Rome, École française de Rome, 2003, p. 323;Google Scholar Id., « Santa Sede, questione ebraica e antisemitismo fra Otto e Novecento », in Vivanti, C. (dir.), Storia d’Italia, vol. 11-2, Gli Ebrei in Italia, Turin, G. Einaudi, 1997, p. 13711574.Google Scholar

39 A. OişTeanu, Inventing the Jew…, op. cit., montre la manière dont le conflit socioéconomique en Europe centrale et orientale était toujours soutenu, subtilement modelé, par d’anciens préjugés religieux.

40 C’est ce à quoi je m’emploie dans une étude (en cours d’écriture) comparant les antisémitismes allemands, français et autrichiens de 1870 à 1920.

41 Cité dans Jacob, Alexander, Eugen Duhring on the Jews, Brighton, Nineteen Eighty Four Press, 1997.Google Scholar A. Confino, A World Without Jews…, op. cit., p. 68, résume cette position : « It was not the Jewish body per se that posed a danger but the Jewish spirit produced by this body. […] For Germans, biology was fundamentally a moral category of right and wrong because, they believed, of the way it determined their spirit or, to use the current terminology, their culture. »

42 De même, il est possible de montrer que le clerc Adolf Stoecker, par exemple, prend la peine de dissocier son « problème » avec les juifs de la religion. Il s’agit là d’une posture politique nécessaire et efficace.

43 Comme le note Tal, Uriel, Religious and Anti-Religious Roots of Modern Antisemitism, New York, Leo Baeck Institute, 1971, p. 177 :Google Scholar « It was precisely the anti-Christian and antireligious ideology of racial anti-Semitism which hampered the first anti-Semitic parties in their efforts to utilize the economic crisis for the political development […] [because] what still attracted the masses was the classical, traditional Christian anti- Judaism, however adapted it may have become to the new economic conditions. »

44 G. I. Langmuir, Toward a Definition of Antisemitism, op. cit., p. 208-209.

45 G. I. Langmuir, History, Religion, and Antisemitism, op. cit., p. 163 et 230-231.

46 Sartre, Jean-Paul, Réflexions sur la question juive, Paris, P. Morihien, 1946, p. 53.Google Scholar

47 C. Geertz, The Interpretation of Cultures…, op. cit., p. 111.

48 van Arkel, Dik, The Drawing of the Mark of Cain: A Socio-Historical Analysis of the Growth of Anti-Jewish Stereotypes, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2009, p. 400415:Google Scholar « The modern anti-Semitic social protest, ideologically condemning the existing social order, betrays the same obsession as the medieval one […]. Continuously growing stereotyping […] derived from the originating theological stigmatization, is nowhere at odds with accusations of a more economic nature. The one can be thought of as the rationalization of the other, and vice versa. Murderers will be plunderers, and plunderers will be murderers. »

49 C. Taylor, A Secular Age, op. cit., p. 173 : « Humans operated with a social imaginary well before they ever got into the business of theorizing about themselves. »

50 Steinberg, Michael, Judaism Musical and Unmusical, Chicago, University of Chicago Press, 2007, p. 37.Google Scholar

51 Massing, Paul, Vorgeschichte des Politischen Antisemitismus, aus dem Amerikanischen übersetzt und für die deutsche Ausgabe bearbeiten von Felix J. Weil, Francfort-sur-le-Main, Europäische Verlagsanstalt, [1959] 1986, p. VVIII, ici p. VI.Google Scholar

52 Sujet de la thèse à venir de Damien GUILLAUME, « Les débuts de l’agitation ‘antisémitique’ en France dans une perspective européenne. Contribution à l’histoire de l’antisémitisme », EHESS.

53 Bahr, Hermann, Der Antisemitismus. Ein internationales Interview, Berlin, S. Fischer, 1894.Google Scholar

54 H. Bahr ne redécouvrit ses sentiments profondément ambivalents à l’encontre des juifs qu’après la guerre, en 1932. Voir « Bahr, Hermann » par Werner Bergmann in Benz, Wolfgang (dir.), Handbuch des Antisemitismus. Judenfeindschaft in Geschichte und Gegenwar, vol. 2.1, Personen A-K, Munich, De Gruyter Saur, 2009.Google Scholar

55 L. Wolf, « Antisemitism », art. cit., p. 134.

56 Cité dans Geerh, Richard S., Karl Lueger: Mayor of Fin de Siècle Vienna, Détroit, Wayne State University Press, 1990, p. 365.Google Scholar

57 O. Blaschke, Offenders or Victims…, op. cit., p. 112. L’exploration la plus étendue du Weltanschauung reste celle de Wilson, Stephen, Ideology and Experience: Antisemitism in France at the Time of the Dreyfus Affair, Rutherford, Fairleigh Dickinson University Press, [1982] 2007.Google Scholar

58 C. Geertz, The Interpretation of Cultures…, op. cit., p. 218.

59 Bernstein, Perez, The Social Roots of Discrimination, trad. par Saraph, D., Piscataway, Transaction Publishers, [1920] 2009, p. 63,Google Scholar écrit : «We shall never master the impossibilities involved in the belief in Jewish inferiority, as long as we fail to realize that actually not the bad qualities arouse hatred, but it is hate which causes the qualities of those who are hated to be regarded as bad. » Il s’agit là de ce qu’il considère être les causes de l’antisémitisme.

60 Theodor Herzl, lors du premier congrès du Sionisme international à Bâle en 1897 : «Le sentiment de solidarité qui nous a été si souvent et si violemment reproché était en voie de disparition lorsque nous fûmes attaqués par l’antisémitisme. L’antisémitisme lui donna une nouvelle force. »

61 J.-P. Sartre, Réflexions sur la question juive, op. cit.

62 Schmid, Julia, Kampf um das Deutschtum. Radikaler Nationalismus in Österreich und dem Deutschen Reich 1890-1914, Francfort-sur-le-Main/New York, Campus Verlag, 2009, p. 60:Google Scholar « In seiner Rede erteilte Hasse ausserdem dem Antisemitismus und der Losvon- Rom Bewegung gleichmassen eine deutliche Absage. Die Einbeziehung dieser und andere voelkischer Bewegungen – Wodanskult, Antialkoholbewegung, Sprachreinigung – in die Verbandsarbeit lehnte er ab, obwohl er selbst Antisemit war, da in diesen Punkten ‘keine Uebereinstimmung unter allen Mitgliedern’ bestehen. »

63 de Lagarde, Paul, Deutsche schriften, Göttingen, Dieterich, 1878.Google Scholar

64 P. de Lagarde rejette également les notions raciales à la base de la nationalité, d’où mon adjonction du préfixe « proto ». L’étude d’ Sieg, Ulrich, Deutschlands Prophet. Paul de Lagarde und die Ursprünge des modernen Antisemitismus, Munich, Carl Hanser Verlag, 2007,Google Scholar montre que les juifs en général, et l’antisémitisme en particulier, ne faisaient pas partie de ses thèmes de prédilection. Voir également Jean FAVRAT, « La pensée de Paul de Lagarde (1827-1891). Contribution à l’étude de la religion et de la politique dans le nationalisme et le conservatisme allemands au XIXe siècle », thèse de doctorat, université de Paris IV, 1976.

65 Langbehn, Julius, Rembrandt als Erzieher, Leipzig, Hirschfeld, 1890.Google Scholar

66 C. Geertz, The Interpretation of Cultures…, op. cit., p. 312.

67 Biale, David, Blood and Belief: The Circulation of a Symbol between Jews and Christians, Berkeley, University of California Press, 2007, p. 130.CrossRefGoogle Scholar

68 Mann, Thomas, Der Zauberberg, Berlin, S. Fischer, 1922–1925.Google Scholar

69 Pour une approche révisionniste de l’antisémitisme roumain à cette période, voir D. Biale, Blood and Belief…, op. cit., p. 130.

70 Arendt, Hannah, Les origines du totalitarisme, vol. 1, Sur l’antisémitisme, trad. par Pouteau, M., Paris, Éd. du Seuil, [1973] 2005, p. 6061:Google Scholar « L’antisémitisme d’un groupe donné dans tel pays, à tel moment historique, dépendit exclusivement des circonstances générales qui le conduisaient à s’opposer violemment au gouvernement. » J.-P. Sartre, Réflexions sur la question juive, op. cit., p. 33, ajoute : « Si le gouvernement est fort, l’antisémitisme disparaît, à moins qu’il ne fasse partie du programme dudit gouvernement, auquel cas sa nature change. »

71 U.Wyrwa (dir.), Einspruch und Abwehr…, op. cit. ; Levenson, Alan T., Between Philosemitism and Antisemitism: Defenses of Jews and Judaism in Germany, 1871-1932, Lincoln/Londres, University of Nebraska Press, 2004.Google Scholar

72 Schleicher, Regina, Antisemitismus in der Karikatur. Zur Bildpublizistik in der französischen Dritten Republik und im deutschen Kaiserreich (1871-1914), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2009,Google Scholar montre l’omniprésence sous-jacente de l’antijudaïsme dans cette étude comparative des caricatures dans la IIIe République en France et dans le Kaiserreich ; Simon D. MAYERS développe la même idée dans « From ‘the Pharisee’ to ‘the Zionist Menace’: Myths, Stereotypes and Constructions of the Jew in English Catholic Discourse (1896-1929) », thèse de doctorat, Université de Manchester, 2012.

73 S. Volkov, The Rise of Popular Antimodernism in Germany…, op. cit.

74 Schnitzler, Arthur, Der Weg ins Freie, Berlin, S. Fischer, 1908.Google Scholar

75 Brehmer, Arthur (dir.), Die Welt in 100 Jahren, Berlin, Nachdr. d. Ausg, 1910.Google Scholar Ces essais ne mentionnent pas la haine des juifs. Merci à U. Wyrwa de m’avoir souligné ce point.

76 L’étude de la renaissance de l’antisémitisme durant la Première Guerre mondiale est le nouveau sujet d’étude du Zentrum. Une équipe de doctorants consacre actuellement leur thèse aux différentes expériences qu’eurent les pays européens (Allemagne, Autriche, France, Italie, Hongrie, Roumanie, etc.) avec cette idéologie.

77 Zygmunt Bauman, « Allosemitism: Premodern, Modern, Postmodern », in B. Cheyette et L. Marcus (éd.), Modernity, Culture, and « the Jew », op. cit., p. 143 : « The area delineated and separated by the notion of anti-Semitism […] is too narrow to account fully for the phenomenon […]. What must be explained first – what indeed must stand in the focus of explanatory effort – is rather the phenomenon of allosemitism, of which anti-Semitism is but an offshoot or a variety. »

78 Voir les notes du journal du comte Kessler, Harry en rapport avec les juifs et le judaïsme dans la période 1880-1918 : Journey to the Abyss: The Diaries of Count Harry Kessler, 1880-1918, éd. et trad. par Easton, L., New York, Alfred A. Knopf, 2011.Google Scholar La position de l’esthète aristocrate quant aux juifs va sans aucun doute vers une plus grande tolérance, une plus grande acceptation, ainsi que vers une impatience croissante envers l’antisémitisme organisé.

79 Cités dans Schneer, Jonathan, The Balfour Declaration: The Origins of the Arab-Israeli Conflict, New York, Random House, 2010, p. 120.Google Scholar