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La Ligue à Paris (1585-1594) : une révision

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Robert Descimon*
Affiliation:
C.R.H.-C.N.R.S.

Extract

L'histoire de la Ligue connaît actuellement un vif regain d'intérêt et suscite d'importantes publications. Toute synthèse nouvelle doit à la fois mettre en oeuvre des sources méconnues et tenter une élaboration théorique. C'est à cette dernière exigence que répond l'étude d'E. Barnavi, quand il fait des Seize un « parti autoritaire » voire « totalitaire » de type contemporain. « La peur panique de l'anachronisme, aussi nocive que l'anachronisme lui-même, nous empêche de comprendre certaines constantes de l'Histoire », insiste-t-il (p. 189). Mieux vaut pourtant poser, avec François Furet, le problème du rapport critique et instable entre histoire passée et histoire présente.

Summary

Summary

The Paris Ligue, recently studied by the historian and political scientist Elie Barnavi, belongs to the series of political, social and cultural breaks that mark the end of the early modem age. The specific organizational structures of the “Committee of Sixteen” must be closely examined in order to grasp the true social content and acculturational impact of the Ligue. Far from lending itself to an anachronistic reading (for example, in terms of totalitarianism, Terror, and so on), the Ligue emerges as a concerted effort to respond to the attack launched against the “medieval urban System” by the monarchy and its servants, the relatively new stratum of royal officers. This is not to underestimate—far from it—the religious significance of the civil disturbance in Paris.

Type
Débats et Combats
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1982

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References

Notes

1. Elie Barnavi, Le parti de Dieu. Étude sociale et politique des chefs de la Ligue parisienne, 1585-1594, Louvain, Nauwelaerts, 1980, 388 p. ; « Le Cahier de doléances de la Ville de Paris aux États généraux de 1588 », Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de France, années 1976-1977 ( 1978), pp. 88-154. Les deux articles publiés par la Revue historique et les French Historical Studies sont inclus dans son livre. Ariette Lebigre, La révolution des curés, Paris 1588-1594, Paris, A. Michel, 1980, 295 p. Manfred Orlea, La noblesse aux États généraux de 1576 et de 1588, Paris, P.U.F., 1980. 183 p. Tout aussi essentiels sous un volume restreint, les deux articles parus en 1977 de Roland Mousnier et Denis Richet cités ci-dessous, et Peter M. Ascoli éd.. Dialogue d'entre le Maheustre et le Manant de François Morin, sieur de Cromé, Genève, Droz, 1977, 233 p.

2. Pour mon propos: archives de la juridiction de fHôtel de Ville (A.N., série Z Ih). du Parlement criminel, contrats notariés au Minutier central des notaires parisiens.

3. François Furet, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, pp. 13-15.

4. Robert R. Harding, « The Mobilization of Confraternities Against the Reformation in France », Sixteenth Century Journal, Xi, n° 2, 1980, pp. 85-107 ; James W. Thompson. The Wars of Religion in France, 1559-1576, Chicago, 1909, pp. 206-231, 351-356; Joseph Lecler. «Aux origines de la Ligue. Premiers projets et premiers essais (1561-1570) », Études (Revue catholique d'intérêt général), n° 227, 1936, pp. 188-208 ; Janine Garrisson-EstÈBe, Protestants du Midi, 1559- 1598, Toulouse, Privât, 1980, surtout pp. 89-116 (Le consistoire) et deuxième partie. Politique et religion, pp. 159-224 ; Emmanuel Le Roy Ladurie, Le carnaval de Romans, 1579-1580, Paris, Gallimard, 1979, 431 p. ; Nathalie Z. Davis, Les cultures du peuple, Paris, Aubier, 1979, 444 p. (éd. américaine. 1975).

5. Henri Drouot, Notes sur la Bourgogne et son esprit public au début du règne de Henri Iii, 1574-1579, Dijon, 1937, pp. 88-93. Sur le rôle des gentilshommes dans la première ligue et les réticences municipales, ibid., p. 154, et Mayenne et la Bourgogne, Dijon, 1937, t. I, pp. 154-155 ; Manfred Orlea, op. cit., pp. 36-42.

6. E. Barnavi, op cit., pp. 188-189, analyse remarquablement L'Excellent et libre discours sur l'Estat présent de la France de Michel Hurault Du Fay. De même, après l'assassinat du duc de Guise, Mendoza déclarait : « Il n'y a plus de fondement à faire sur la Ligue », Joseph De Croze, Les Guise, les Valois et Philippe Ii, Paris, 1866, t. Ii, p. 382, pièce 62, lettre du 27 décembre 1588. Les historiens de la noblesse tendent aussi à réduire la Ligue au parti (cf. M. Orlea, op. cit., pp. 32-49).

7. De Lamar Jensen, Diplomacy and Dogmatism, Bernardino de Mendoza and the French Càtholic League, Cambridge, Harvard Univ. Press, 1964, 322 p. Cf. A. A. Lozinsky, « La Ligue et la diplomatie espagnole », Annales Esc, n° 1, 1968, pp. 173-177 et E. Barnavi, op. cit., pp. 120-121.

8. M. Orlea. op. cit., p. 104, n. 134.

9. R. Mousnier, « Les structures administratives, sociales, révolutionnaires, de Paris au temps de la seconde ligue », Les cités au temps de la Renaissance, sous la direction de M.-R. Jones-Davies, Paris, 1977, pp. 163-164.

10. Ernst Kossmann, La Fronde, Leyde, 1954, 275p. Cette idée fonde «l'interprétation négative » que cet auteur donne de la Fronde.

11. Sommaire géographie politique des cures :

(Sources : minutes notariales, L'Estoile, procès de Jehan Chastel, etc.).

12. Sur les tentatives de l'avocat Chauveau pour reprendre la cure de Saint-Gervais. cf. Registres des délibérations du Bureau de l'Hôtel de Ville, t. Ix. pp. 203-204 (12 novembre) et pp. 207-209 (22 décembre 1588). Pour les luttes au sein de la fabrique de la même paroisse, Louis Brochard, Saint-Gervais, histoire de la paroisse…. Paris, 1950, chap. vu, p. 180 ss, élection de Pâques 1591 (A.N., M.C., Cviii, 8, 21 avril 1591).

13. Il n'est pas encore possible de se prononcer sur l'hypothèse d'une « démocratisation » des assemblées paroissiales avancée par L. Brochard d'après le cas de Saint-Gervais. Certaines paroisses semblent la confirmer (Saint-Paul), d'autres l'infirment nettement (Saint-Jean). Mais même si l'exclusive contre les boutiquiers et les artisans cessait, nulle part les minutes d'assemblées paroissiales ne révèlent une diminution de la présence des notables, y compris des magistrats (Saint- Paul, Saint-Gervais, Saint-Etienne, Saint-Séverin, Saint-André, et surtout Saint-Jean). Certaines paroisses ont une population à dominante populaire, ce ne sont pas les plus remuantes.

14. B.N. ms. Baluze 291, f. 180 v° (papiers du conseiller P. Broussel), « Propositions à examiner pour la seureté de la ville », début janvier 1649, on y lit : « … comme nous n'avons presque rien à craindre que la trahison, personne ne doit trouver mauvais qu'on soupçonne tout le monde… Ii est demeuré dans Paris beaucoup de personnes mal affectionnez… » Ces craintes s'expriment à propos des « officiers des quartiers ».

15. A.N., Z 1H 86, serments à l'Hôtel de Ville prêtés par les officiers élus en juillet 1588, à l'exclusion des confirmations certaines : 22 serments plus 2 renouvellements sur 27 capitaines au quartier Sainte-Geneviève, 13 sur 27 à Saint-Séverin, 11 sur 18 à Saint-Jean-en-Grève, 2 sur 27 à Saint-Eustache, 2 sur 12 aux Saints-Innocents et à Saint-Germain-l'Auxerrois. Rien dans les six autres quartiers dont Saint-Martin avec ses 42 capitaines. Si certains nouveaux « élus » ont pu échapper au serment, en particulier des promus, la tendance est confirmée par ailleurs. Pour la géographie des quartiers : Robert Descimon et Jean Nagle, « Les quartiers de Paris du Moyen Age au xviiie siècle. Évolution d'un espace plurifonctionnel », Annales E.S.C., n° 5, 1979, pp. 956-983. Sur le respect apparent des formes. Registres des délibérations du Bureau de l'Hôtel de Ville, t. Ix, p. 129, mandement du 22 mai 1588 où ne sont envisagés que les trois cas ordinaires de remplacement (décès, absence, déménagement). Voir Ariette Lebigre, op. cit., pp. 139-143. Aucune démission forcée n'a lieu avant juillet 1588. malgré une légende tenace.

16. Pierre De L'Estoile, Mémoires-Journaux, règne de Henri Iii. G. Brunet éd.. t. Iii, pp. 167- 168 :” déposition de Mr Le Grand, conseiller en la Cour », la« base » proteste « estant ledit Le Grand agréable à la dixaine ». Il s'agit de la dizaine d*Étienne Pasquier qui se vante de son action. Lettres historiques pour les années 1556-1594. D. Thickett éd., Genève. Droz. 1966. pp. 318-320. La dizaine est « semonneuse » en 1592. Belle continuité. L'affaire Le Grand fut arbitrée par Guise en faveur des Ligueurs, mais, soit crainte de troubles, soit désir d'unanimité, soit hostilité aux menées révolutionnaires, le duc arrêta la procédure de renouvellement à la suite de ce conflit.

17. Histoire de la journée des barricades, mai 1588. écrite par un bourgeois de Paris, L. Cimber et F. Danjou, Archives curieuses de l'Histoire de France, 1re série, t. Xi, 1836, p. 396 : « On avoit dit au Roy que sondit procureur général avoit esté des plus aspres à faire dresser la barricade de son quartier, où il auroit tousjours esté armé d'une cuirasse »… « Et la vérité estoit telle ; mais cela estoit fait exprès pour oster le soubçon que le peuple avoit de ceste maison (les de la Guesle). »

18. Je me permets de renvoyer à ma thèse (en cours de rédaction) qui apporte une vision beaucoup plus nuancée que la version habituelle du conflit politique. Témoin le financier Mathurin Lebeau : démis et emprisonné par les Seize en juillet 1589, il est pris aux tranchées et lourdement rançonné par les royalistes à la Toussaint.

19. B.N. ms.fr. 3996, ff. 221-223 : serment prêté à Mayenne par les capitaines de la ville de Paris le 5 décembre 1591, mais aussi le 23 (signatures de Crucé, Choulier, Raynssant. de Sainct-Yon prétendument cassés), et même le 10 janvier 1592 (de Courcelles). On comprend mal l'erreur d'E. Barnavi, op. cit., pp. 213 et 215, d'autant que le rôle de Crucé dans l'impression du Dialogue de Morin de Cromé et dans les tentatives de résistance lors de la réduction en mars 1594 est bien connu.

20. Pierre De L'Estoile, op. cit., L.-R. Lefevreéd., Règnede Henri Iv, t. I. p. 392, 16 mars 1594.

21. H.-G. Koenigsberger, «The Organization of Revolutionary Parties in France and the Netherlands during the Sixteenth Century », The Journal of Modem History, Xxvii, n° 4, 1955. pp. 335-351. J. H. M. Salmon, « The Paris Sixteen, 1584-1594 : the social Analysis of a Revolutionary Movement». ibid., Xliv, n° 4. 1972. pp. 540-576.

22. Le procez-verbal d'un nommé Nicolas Poulain, dans L. Cimber et F. Danjou, Archives curieuses de l'Histoire de France, I” série, t. Xi, Paris, 1836, pp. 286-291.

23. Alphonse Dupront, « Constantes de la vie religieuse de la France moderne », dans Michel FranÇOis, La France et tes Français, Paris, Gallimard, Encyclopédie de la Pléiade, 1972, pp. 508-509. Michel De Certeau. « Politique et mystique : René d'Argenson ( 1596-1651) », Revue d'Ascétique et de Mystique, t. 39, 1963, pp. 45-82. analyse à la génération postérieure la rupture relative entre l'ordre sacré et l'ordre profane. Contra, la conception hiérarchique du serment qui lie toujours l'inférieur au supérieur sans réciprocité (Jean Bodin, Les six livres de la République, Paris, G. Cartier éd.. 1508. 1, 8, p. 143).

24. E. Barnavi, op. cit., pp. 16-11, met excellemment en relation les témoignages de Poulain et du Manant. Mais son analyse mérite d'être précisée sur le plan géographique. Dans l'île de la Cité, les marchands drapiers Jehan de Compans, Noël Hébert et Claude Delaîstre (passementier) sont capitaine, lieutenant et enseigne de la dizaine du marchand drapier Pierre Chastel, père du futur régicide. Ils forment un pôle concentré et isolé dans un quartier qui compte huit compagnies. La « colonelle » ligueuse de la rive gauche est forte à Sainte-Geneviève avec des officiers en place (Oudin Crucé, procureur au Châtelet, et Loys Joissel. greffier des insinuations ecclésiastiques), l'ancien colonel démis (Mathurin Pigneron, marchand drapier) et son futur lieutenant le procureur au Parlement Charles Noblet ; faible à Saint-Séverin où le greffier Senault et l'avocat Fontanon ne s'implantèrent jamais dans la milice. Les trois « colonelles » ligueuses de la rive droite forment un découpage original : au centre (rues Saint-Denis et Saint-Martin), le commissaire Louchart et le marchand de laine Nicolas Tronson tous deux vraisemblablement lieutenants au quartier du Sépulcre et le notaire Claude de Lamorlière seul pour l'immense quartier Saint-Martin où il doit être déjà en charge. A l'est (” la Grève ») les deux proches voisins que sont Jehan Leclerc, procureur au Parlement, et Arnoul Choulier, commis au greffe de la cour des aides, au quartier du Temple, et le vendeur de vins Jacques de Courcelles à Saint-Gervais, tous sans doute lieutenants ou enseignes (Philibert Santeuil était lui-même enseigne au quartier Saint-Antoine). A l'ouest le maître des comptes Michel Marteau, unique magistrat et le procureur au Parlement Jehan Emonnot, du quartier des Saints-Innocents, avec le marchand drapier Denis Béguin de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, dont on ignore s'ils sont à l'époque officiers de la milice (Béguin ne l'est sûrement pas).

De très nombreux quartiers, en particulier le secteur des Halles, ne sont pas couverts du tout. d'autres le sont très mal. La Ligue fait là un choix volontaire lié à une politique de secret puisqu'elle ne mobilise pas de nombreux cadres « zélés » : le marchand drapier Costeblanche, capitaine à Saint- Eustache, le marchand mercier Pierre Boursier et le marchand joaillier Jacques Turquet colonel et capitaine à Saint-Jacques-de-la-Boucherie, etc.. compte non tenu des officiers royaux gagnés à la Ligue.

25. Démonstration géographique à joindre à celle d'Elie Barnavi : Labruyère, quartier Saint-Jacques-de-la-Boucherie ; Crucé, Sainte-Geneviève ; Bussy-Leclerc, Temple ; Louchart. Sépulcre ; Delamorlière, Saint-Martin ; Senault, Saint-Séverin ; de Bart, Saint-Gervais ; Drouart. Saint-Jean-en- Grève ; Alvequin, Saint-Jacques-de-1'Hôpital -, Emonnot, Saints-Innocents ; Jablier, Saint-Antoine ; Messier, Saint-Esprit ; Passart, Saint-Germain-l'Auxerrois ; François Oudineau, avocat, et non son père Guillaume, Notre-Dame ; Morin, Saint-Honoré ; Robert Letellier et non Michel, Saint- Eustache : ancien marchand drapier, trésorier de la maison du duc de Guise, commis à la recette générale des finances de Paris, R. Letellier agit comme « seize » du quartier, le 2 mai 1589. dans une perquisition (An., M.C., Lix, 10). Avec Oudineau. c'est la seule identification erronée proposée par E. Barnavi.

26. Edouard BarthÉLÉMy, Journal d'un curé ligueur de Paris, Paris, 1865, pp. 223-224.

27. B.N., ms. fr. 3642, f. 1, Archives de Simancas, K 1579 f. 73 (A.N., 21 Mi 165, microfilm), septembre 1591.

28. A.N., M.C., Viii, 354, 30 juin 1594, attestation demandée par Thomas Pileur, secrétaire du roi, sur la mort de son fils. Mayenne n'a pourtant pas encore composé avec Henri Iv.

29. Pierre De L'Estoile, LefÈVre éd.. op. cit., t. I p. 92, 20 janvier 1591, incident mal interprété par E. Barnavi, op. cit., p. 311, n. 102.

30. Pierre-Victor Palma Cayet, Chronologie novenaire. Michaud et Poujoulat éds, Mémoires pour servir à l'histoire de France, t. Xii, Paris, 1838, pp. 394-399 : il définit d'emblée les « politiques » comme ceux qui avant la mort du président Brisson portent « couvertement affection au parti royal » (p. 394).

31. A.N.. Z Ih 567, 31 janvier 1591 (Jehan Saussaye, patenôtrier, rue Saint-Denis, illettré).

32. A.N., X 2B 1176, 24 juillet 1589, information contre René Legresle à la requête de François Pelletier, conseiller au Parlement.

33. A.N., M.C., Xc 150, 16 novembre 1589 (pour Langlois, bailli de la seigneurie du comte à Milly en Gâtinais) -, P. De L'Estoile, op. cit., 1.1, p. 196, pour Néret.

34. Elie Barnavi, op. cit., p. 261 et Emmanuel Le Roy Ladurie, op. cit., pp. 404-406.

35. J. H. M. Salmon, art. cité : le corpus de Salmon, même si son traitement laisse à désirer sans mériter toutes les critiques de Barnavi, parait établi avec une plus grande rigueur, pp. 540-550, n. 39, p. 564, n. 101, p. 566. n. 111, p. 571, n. 131.

36. Qu'il me soit donc permis de renvoyer à un article à paraître intitulé « Mais qui donc étaient les Seize ? (Paris 1585-1594) » où j'apporterai mes preuves. Principales corrections, outre Letellier et Oudineau, déjà mentionnées : Jacques de Courcelles, juré vendeur de vins (peut-être également marchand de grains) ; Joseph Bourdereuil seigneur de Rosny, secrétaire de la feue reine-mère, trésorier de la maison du duc de Mercceur. commis à la recette générale des décimes de Bretagne ; Claude Dubois, maître peintre ; Loys Joisel, greffier des insinuations ecclésiastiques ; Charles Noblet, procureur au Parlement -, Nicolas Thuault le jeune, marchand de vin et de poisson de mer -, Pierre Poncher est marchand mercier (draps de soie) de même que Pierre Boursier ; Jacques Turquet est marchand mercier joaillier ; François Charpentier, marchand de vin et poisson de mer ; Anroux, banquier expéditionnaire en cour de Rome mais aussi avocat ; Michel Passart, marchand mégissier -, Mathurin Pigneron, ancien marchand drapier ; Nicolas Tronson et Michel Soly, marchands merciers de laine ; Isoard Cappel. banquier, grand manieur d'argent de la Ligue espagnole ; Philippe Alvequin. bourgeois de Paris, n'est resté secrétaire du roi que très peu de temps ; Philibert Santeuil, marchand maître potier d'étain, etc.

37. Roland Mousnier, « Problèmes de méthode dans l'étude des structures sociales des xvie. xviie, xviiie siècles », 1964, repris dans La plume, la faucille et le marteau, Paris, P.U. F., 1970. pp. 12-26. La stratification sociale à Paris aux 17e et 18e siècles. L'échantillon de 1634, 1635, 1636, Paris. P.U.F., 1976. 139 p.

38. Henri Drouot, Mayenne…, t. I, pp. 184-185, note qu'à Dijon en août 1588 les notables, même protestants, signèrent : les « défaillants furent surtout des hommes du peuple. » A Paris, un modeste habitant de la rue des Fontaines est emprisonné ; il déclare « qu'il estoit marry d'avoir signé l'unyon et qu'il l'avoit signée par force et qu'il n'est content de ne signer contre personne, mais veult bien signer pour la foi catholique par ce qu'il ne sçoyt que est de l'union »(A.N.,Z 1H 88, 3 juin 1589 et Z 1H 356 A, 28 mai). Cet exemple de non-politisation populaire montre a contrario combien la Ligue repose sur des pratiques de sociabilité bourgeoise.

39. Registre des délibérations… (cité), t. Ix, pp. 295-296 : dans cette assemblée du 16 février, ce mode de désignation tend à faire du conseil de l'Union pour partie une émanation représentative des conseils de quartier. Assemblée du 16 août 1589, ibid., pp. 427-432. Mon hypothèse reçoit une confirmation dans les noms épars de responsables ligueurs de quartier que livrent les archives de la juridiction de la Ville.

40. « Les bourgeois mandés aux assemblées de l'Hôtel de Ville de Paris », enquête du Centre de Recherche Historique (E.H.E.S.S.-C.N.R.S.) par Michel Demonet et Robert DescÏMon sous la direction de Denis Richet.

41. Principalement grâce au dépouillement d'A.N., Z Ih 85 à 97. Non sans quelque risque d'erreur, on a considéré qu'un capitaine restait en place entre les dates où il était signalé.

42. B.N., ms. fr. 3977 f. 77 v° « Qualités de Mm. du Conseil de l'Union », texte précieux mais qui contient quelques confusions.

43. Petite liste indicative : Jacques Le Vayer, avocat, puis référendaire en la chancellerie ; Michel Lebleu, praticien au Palais ; Jean du Boile, avocat au Parlement ; Nicolas Béchu, audiencier au Châtelet ; Pierre Lenormand, commissaire du Châtelet ; Denis Maillet, procureur au Parlement, etc.

44. Le Cahier de doléances… Paris… 1588, E. Barnavi. op. cit., n° I, insiste sur le topos de la marchandise” capitaliste » :” Par la marchandise la terre n'est qu'un mesme continent et ce que tant de mers et larges fossez ont divisé, est remy (réuny ?) en un » (p. 314). B.N., ms.fr. 3997, ff. 139-142 v° (Journal anonyme pour la fin de la période ligueuse) insiste sur le rôle de Jehan de Villebichot, Philippe Censier et André de Thoulouze, tous marchands de soie dans l'agitation « politique » dont les merciers capitaines de la milice prennent l'initiative en octobre 1593. De même sous la Fronde, opposition entre le marchand de soie Bidal et le grand'garde de la draperie.

45. René Choppin, Oeuvres, tr.fr., Paris, 1662, t. Iii, Livre Ii, titre Vii (De la garde noble et bourgeoise des mineurs), nombre 3, p. 290.

46. Henri Drouot, Mayenne… (cité), t. Ii, pp. 293-297 (” peuple parisien, peuple provincial »).

47. A.N., M.C. Liv, 442, 27 novembre 1589.

48. Georges Louet, Recueil d'aucuns notables arrestz donnez en la cour de Parlement de Paris, 8e éd. par Julien Brodeau, Paris, 1633, p. 549 (noblesse des conseillers, succession Jacques Mesnager).

49. Etienne Pasquier, Les recherches de la France…. Paris, éd. 1607, Livre Ii, chap. 12, p. 211, « Des terres tenues tant en fief qu'en alleud et plusieurs autres choses de même suiet concernant le fait de la noblesse française ».

50. Registre des délibérations… (cité), t. Ix, pp. 180-181,28 juillet [ bre juin ] 1588.

51. Travaux de Colin Kaiser, « Les cours souveraines au xvic siècle : morale et Contre- Réforme ». dans ce même numéro.

52. Yves Barel, La ville médiévale. Système social, système urbain, Grenoble, 1974, 704 p.

53. Loys De Sainction, Remonstrance faicte en l'assemblée générale des colonels, capitaines… de la ville de Paris… Le 5e jour de janvier 1590, Paris, Chaudière, 1590, pp. 10-12 (éditée par Jehan Hamilton, curé de Saint-Côme).

54. Michel De Certeau, L'écriture de l'histoire, Paris, Gallimard, 1975, chap. iv sous-titré « Du système religieux à l'éthique des Lumières », pp. 153-160.

55. E. Henry etC. Loriquet,” Correspondance du duc de Mayenne »…, Travaux de l'Académie de Reims, X. Xxxv, 1861-1862, p. 97, (Articles et mémoires pour l'assemblée! des députés des villes et provinces à Reims ], n° 441, pp. 90-103).

56. P.-V. Palma Cayet, Chronologie novenaire, éd. citée, p. 400 : requête présentée à Mayenne par la Sorbonne et inspirée des Seize. Le serment crée le partisan, cf. la requête des Seize le 14 novembre 1590 dans Les Mémoires de monsieur le duc de Nevers, t. Ii, Paris, 1665, p. 609.

57. Denis Richet, « Aspects socio-culturels des conflits religieux à Paris dans la seconde moitié du 16e siècle », Annales, E.S.C., n° 4, 1977, pp. 782-783 et p. 765.

58. Nathalie Z. Davis, Les cultures du peuple, Paris, Aubier. 1979. chap. vi, « Les rites de violence» (repris de Past and Présent. n° 59. 1973), surtout pp. 259-265. Robert Muchembled, Culture populaire et culture des élites, Paris, Flammarion, 1978,398 p. : Denis Crouzet, La violence collective en France à l'époque des guerres de Religion (Mémoire de maîtrise, 1975. sous la direction de Pierre Chaunu).

59. Nombreux exemples, toujours pittoresques, dans les archives judiciaires de l'Hôtel de Ville et du Parlement criminel. Suivons la contrainte sociale d'après un exemple précis ( A. N..Z Ih, 88, 27 et 30 septembre 1588). Deux bourgeois excitent « un grand murmure et sédition » contre leur sergent Guillaume Legoix (tous sont « marchands bourgeois de Paris ») qu'ils accusent d'avoir été huguenot et mangé de la chair en Carême. Pas de preuves, au contraire, « depuis huit ans ilz l'on veu à l'Église faire acte de catholique ». L'un déclare qu'il « ne parloyt que par ouï dire et ne tenoyt preuve à l'encontre dudict Legoix ». (La rumeur est pratiquement toujours invoquée). Le Bureau de Ville ordonne une assemblée de la compagnie « sur la dénonciation » en question. Elle est convoquée par le lieutenant, chacun y répète les bruits dont il a eu connaissance. L'« accusé », qui est un petit notable, ne récuse nullement ce déballage communautaire. Il soutient « qu'il ne se prouvera poinct qu'il ayt esté huguenot et plutost aimeroyt mieulx estre gecté en un sacq en ieaue ». Le caractère systémique du contrôle social et l'enchaînement de la rumeur à la violence, sanction collective, se donnent avec une clarté paradigmatique. En revanche, le Discours des Trahisons, perfidies et des loyautez des politiques de Paris, Lyon. 1590, qui fournit à E. Barnavi, malgré les doutes qu'il éprouve sur sa véracité (p. 311, n° 93), un argument de poids en faveur de sa thèse « terroriste », me semble un texte apocryphe ou mal informé des événements parisiens (la trahison de l'échevin Costeblanche est de pure fantaisie) ou favorable à la propagande « politique » (les mentions d'exécutions, très exagérées, sont d'une complaisance suspecte). Je ne nie nullement la réalité des violences et des atrocités, mais je crois qu'il faut les tirer vers le passé urbain et non vers l'avenir de la grande Terreur de 1793. Les convergences apparentes se résoudront dans une théorie de l'archéologie terroriste — qui reste à produire.

60. J. Bodin a exprimé à son plus haut niveau la métaphysique de l'ordre naturel et social. Il en donnait une version monarchique et élitaire, car précisément la concorde du magistrat évite que le citoyen puisse s'ériger en juge (cf. W. H. Greenleaf, « Bodin and the Idea of Order », Jean Bodin, Verhandlungen… herausgegeben von Horst Denzer, Munich, 1973, pp. 23-28). Max Weber a montré comment « les couches aux privilèges négatifs » se servent du moralisme comme d'une arme contre les « privilèges positifs » qui reposent, à leurs yeux, sur le péché et l'injustice (dans Économie et Société, Paris, Pion, 1971, t. 1, p. 512).

61. Ordonnances royaux… sur la jurisdiction de la Prevostédes marchands…, Paris, 1595, p. 311 cite longuement « l'ordonnance pour la bourgeoisie qui stipule comment « continuer sa bourgeoisie » : résidence de la Toussaint à la Saint-Jean par le bourgeois ou sa femme, sinon laisser un serviteur pour satisfaire aux charges… (il s'agit des lettres patentes de Charles Vi en 1390). Les procès jugés à l'Hôtel de Ville montrent combien cette conception d'une bourgeoisie réelle était vivante dans les mentalités parisiennes. Sur la « chambre établie pour le faict de la vente des biens des absents » à l'Hôtel de Ville et la relative quiétude des femmes délaissées par leurs époux magistrats, requêtes et témoignages intéressants dans A.N., Z Ih 452 (par ex. 24 décembre 1591 : une « dame » dont le mari tient le « parti contraire », partant en sa maison des champs, laisse à Paris un locataire (?), avocat, qui s'oblige « à payer les charges de Ville durant l'absence de ladicte dame »…).

62. Janine Estèbe, Tocsin pour un massacre, Paris, 1968, pp. 113-116. Les liens de la famille Passart avec les princes lorrains étaient multiples avant et après la Ligue, elle fournissait au quartier Saint-Germain le colonel et un capitaine enseigne et dizenier. Le pourvoyeur du duc de Guise était capitaine en chef…

63. C'est ce que révèlent les inventaires après décès de ces personnages. Pour une liste indicative, je renvois à l'article en préparation annoncé note 36 ; pour la description de leurs pratiques et l'analyse de leur niveau social, à ma thèse en cours de rédaction. 64. Trois affaires illustrent ce rejet communautaire de notables auxquels la compagnie bourgeoise refuse de s'identifier : la démission du procureur au Chatelêt Jehan de Montgeot, « seize » notoire, à qui Mayenne avait finalement permis de prêter serment comme capitaine après l'assassinat de Brisson, mais que sa dizaine refuse de recevoir (Registre des délibérations… cité, t. X, p. 211 ) ; le procès énergiquement poursuivi par les capitaines du quartier Saint-Séverin contre le lieutenant et procureur au Parlement Guillaume Josset, « délateur » qui donne le « mauvais exemple »… « ce seroit déshonneur pour eulx si led. Josset restoit cappitaine » (A.N., Z Ih 452, 25 mai 1591) ; la plainte contre le marchand cabaretier Jehan Delaplace. capitaine au faubourg Saint- Victor, qui, pour écarter les accusations portées par ses bourgeois indignés de ses brigandages, rétorque que « les demandeurs ne se chagrinent que de l'interestz d'autruy » (ibid., 11 mars 1589). Quand à la mutation des comportements civiques, elle est liée au glissement vers la modération des « déligués. » Les exemples abondent dans L'Estoile. leur interprétation peut donner lieu à des analyses différentes.

65. Ariette Jouanna, « Les controverses sur l'utilité de la noblesse dans la deuxième moitié du xvie siècle en France », Théorie et pratique politiques à la Renaissance, xvnc colloque international de Tours. Paris, Vrin, 1977, pp. 287-300. Ellery Schalk, « The Appearance and Reality of Nobility in France during the Wars of Religion : an Example of how Collective Attitudes can change ». Journal of Modem History, Xlviii, n° I, 1976, pp. 15-31. Sur le mode de vie noble et les fondements « objectifs » des critiques de la noblesse, on attend la publication des beaux travaux de Jean-Marie Constant. Discussion générale du problème dans Ariette Jouanna, Ordre social. Mythes et hiérarchies dans la France du Xvie siècle, Paris. Hachette, 1977, pp. 186-192 (” Les ligueurs et la noblesse »).

66. Manfred Orlêa, op. cit., 5e partie, pp. 151-165, citation, p. 165. Même opinion dans Ariette Jouanna. op. cit.

67. Myriam Yardeni, La conscience nationale en France pendant les Guerres de religion, 1559- 1598, Louvain, Nauwelaerts, 392 p., pose le problème dans sa complexité.

68. Pierre Mesnard, L'essor de la philosophie politique au Xviesiècle, Paris, Vrin, 1935, rééd. 1977, livre Iii, chap. ix. pp. 371-385.

69. Programme exposé dans les remontrances adressées par l'Hôtel de Ville au roi, début juillet 1588, Mémoires de monsieur le duc de Nevers, Paris, 1665, t. I, pp. 733-740. Les procès relatifs aux offices de ville que conserve la juridiction de l'Hôtel de Ville confirment la constance de l'action des Seize dans le domaine municipal.

70. Louis Dumont, Homo hierarchicus…, Paris, Gallimard, rééd. collection «Tel», 1979. Postface, Vers une théorie de la hiérarchie, pp. 397 et 399.

71. L'époque des États généraux de 1614 entend retentir les plaintes des marchands sur leur exclusion par les officiers des honneurs de la Ville et voit éclater le conflit entre le second Ordre et les officiers qui ont monopolisé la représentation du Tiers. Après l'édit sur les tailles et l'édit de Paulet qui avaient créé les conditions juridiques d'un anoblissement collectif et non plus personnel de la magistrature, ce conflit démontra à la robe la nécessité d'une rupture avec le reste de la bourgeoisie pour consacrer son ascension.

72. John H. M. Salmon, TheFrench Religious Wars in English Political Thought, Oxford, 1959.

73. Marguerite Pecquet, « Des compagnies de pénitents à la compagnie du Saint-Sacrement », Xviie siècle, t. 69, n° 6, 1965, pp. 3-36. Denis Richet a démontré dans son séminaire les continuités familiales entre la Ligue, l'Oratoire et les milieux dévots.

74. Frédéric J. Baumgartner, Radical Reactionaries •• the Political Thought of the French Catholic League, Genève, Droz, 1976, 317 p., pp. 236-238.

75. Georges Balandier, Anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, pp. 202-204.

76. Articles accordez et jurez entre les confrères de la Confrairie du Saint Nom de Jésus et ordonnée en l'Église Mm. Sainct Gervais et S. Prothais de la ville de Paris et autres Églieses (sic) de ladicte ville…. Paris, G. Bignon, 1590, in-8°, 29 p. (B.N. Lb 35 289).