Hostname: page-component-cd9895bd7-gxg78 Total loading time: 0 Render date: 2024-12-26T15:33:14.113Z Has data issue: false hasContentIssue false

L'Amour des Rois: Structure Sociale D'Une Forme de Sensibilité Aristocratique

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Extract

En 1187 la campagne militaire de Henri II en France s'enlisa lorsque son fils Richard Coeur de Lion, à qui il avait confié le commandement du quart de l'armée anglaise, s'éprit du roi ennemi, le jeune Philippe Auguste. Le chroniqueur Roger de Howden décrit cette relation en ces termes: (le roi de France)… l'honorait tant depuis si longtemps qu'ils mangeaient chaque jour à la même table et dans le même plat, et le soir le lit ne les séparait pas. Et le roi de France l'aimait comme son âme; et ils s'aimaient tant l'un l'autre que le roi d'Angleterre était profondément étonné par l'amour véhément qui existait entre eux.

Summary

Summary

Medieval writers drew on the language of the erotic to describe the relations of kings with their favorites. The modern reader must renounce the presuppositions of Freudian hermeneutics to penetrate the mode of this discourse. It transmits a lost sensibility and has a distinct social function in the society of the nobility: ennoblement through a love which attests to the virtue of the “lovers. ” This exalting love of kings for their “mignons” has its roots in ancient notions of philia and amicitia. In the Middle Ages and the Renaissance it served as a form of aristocratic self-representation.

Type
Mentalités Médiévales
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1991

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

Notes

1. Of Howden, Roger, Gesta Regis Henrici Secundi, dans The Chronicle of the Reigns of Henri II and Richard I, William Stubbs éd., Rolls Series (RS) 49: 2, Londres, 1867, p. 7 Google Scholar.

2. Gervase DE Canterbury décrit les mêmes événements sans jamais suggérer qu'une passion amoureuse ait pu troubler la campagne militaire. The Historical Works of Gervase of Canterbury W. Stubbs éd., RS 73: 1, Londres, 1879, pp. 370-371.

3. Roger OF Howden, op. cit. p. 126.

4. Sur les relations entre Jonathan et David comme modèles d'amitié au Moyen Age, voir Brian P. Mcguire, Friendship and Community: The Monastic Expérience 350-1250 Cistercian Studies Séries 95, Kalamazoo, Mich., 1988, p. xvn ss. Sur le roman médiéval, Reiss, Louise H., « Tristan and Isolt and the Médiéval Idéal of Friendship », Romance Quarterly, 33, 1986, pp. 131 137 Google Scholar.

5. Voir Vern L. Bullough, « The Sin against Nature and Homosexuality », dans Sexual Practices and the Medieval Church V. Bullough et J. Brundage éds, Buffalo, N. Y., 1982, pp. 55- 71. Brundage, James, Law, Sex and Christian Society in Medieval Europe, Chicago, 1987, pp. 534535 CrossRefGoogle Scholar (fin du Moyen Age).

6. Boswell, John, Christianity, Social Tolerance and Homosexuality: Gay People in Western Europe from the Beginning ofthe Christian Era to the Fourteenth Century, Chicago, 1980 Google Scholar. 7. Voir Boswell, pp. 188-191, ainsi que Heinrich Fichtenau, The Carolingian Empire trad. Peter Munz, Oxford, 1957, pp. 93-94.

8. Epist. 118, Mghepistolae IV: Epist. Karolini Aevil 173, ligne 21 ss.

9. Epist. 121, ibid. p. 176, ligne 3 ss. Les lettres et les poèmes adressés par Alcuin à son ami l'archevêque Arn de Salzbourg sont encore plus enflammés. Voici deux exemples: Mghpoetae 1: 236, N° 11: L'amour a percé mon coeur de sa flamme. Et l'amour brûle toujours d'une ardeur nouvelle. Ni terre ni mer, ni collines, bois ou monts Ne peuvent obstruer ou fermer le chemin à celui, Père aimant, qui lèche son sein Et baigne, bien aimé, votre poitrine de ses larmes. Et Epist. 19, p. 36, ligne 2 ss: «Je me rappelle avec force et dans un doux souvenir votre amour et votre amitié, très saint père, et j'attends avec impatience le moment heureux où je pourrai vous enserrer amoureusement entre les doigts de mes désirs. O pouvoir être transporté comme Habacuc: comme je m'abandonnerais à vos embrassades paternelles avec des mains empressées, comme je presserais mes lèvres sur vos yeux, vos oreilles et votre bouche, mais aussi sur chaque doigt de vos mains et de vos pieds, et pas seulement une fois mais de façon répétée ».

10. Admonitio generalis, MGH, Leges II. Capitularia regum Francorum 1: 57, n° 22, article 49 (qui prescrivait « des châtiments sévères et stricts » pour ceux qui « pèchent contre nature avec des animaux ou des hommes »). Lettre à son ancien élève, Epist. 249, op. cit. pp. 451-452. Selon moi Boswell (pp. 178 et 191) sous-estime la force de ces deux documents.

11. MGH SS4: 833, ligne 23.

12. Petrus Damiani, Vita Romualdi ch. 25, PL 145: 975C.

13. Vita Adalberti ch. 23, MGH SS 4: 591. « Très cher compagnon de chambre »: dulcissimus cubicularius. Sur le jeu de mots, voir Mcguire, Friendship (note 4 ci-dessus), p. 154. Après avoir dit qu'ils étaient des compagnons de chaque instant, échangeant baisers et embrassades, le biographe exclut toute critique possible en expliquant qu'il ne s'agissait pas de vanité de la part d'Adalbert. Ainsi l'accusation qui doit être écartée est celle d'ambition mondaine. La relation intime n'entraînait pas d'accusation d'homosexualité.

14. Vita Meinwerci ch. 10, F. Tenckhofféd., Mgh script, rer. germ. in us. scholarum 59, Hanovre, 1983, p. 17.

15. mon, Voir Origins of Courtliness: Civilizing Trends and the Formation of Courtly Ideals, 939-1210, Philadelphie, 1985, p. 170 Google Scholar ss.

16. The Life of Ailred of Rievaulx by Walter Daniel ch. 2, M. Powicke éd., Oxford, 1950; rééd. 1978, p. 2.

17. Un tiers environ des références au terme « love » dans l'index lexical de l'oeuvre de Shakespeare ont pour signification « faveur » ou « alliance ». Le commencement du Roi Lear thématise les deux formes d'amour, publique et privée; Lear demande à ses trois filles de déclarer l'importance de leur amour pour luiil récompense deux d'entre elles en leur donnant une part proportionnelle du pouvoir et châtie la troisième qui refuse de faire le geste demandé en la reniant. Les sens cachés ne devaient pas échapper au public de l'époque. Lear et Cordelia sont tous deux victimes d'une perception étroite et tragique de l'amour causée par une séparation stricte des conceptions publique et privée. Lear agit comme si l'amour ne comportait pas d'élément personnel, Cordelia comme s'il n'avait pas de dimension politique.

18. Epist. 120, Sancti Anselmi Cantuariensis Archiepiscopi Opera Omnia F. S. ScHMiiréd., Edimbourg, 1946, 3: 258-259. Cité et analysé dans Southern, R. W., Saint Anselm and his Biographer: A Study of Monastic Life and Thought 1059-c. 1130, Cambridge, 1963, p. 72 Google Scholar ss. Sur Anselme voir aussi Adèle M. Fiske, Friends and Friendship in the Monastic Tradition Cidoc Cuaderno 51, Cuernavaca, Mexico, 1970, section 15, pp. 1-32; Boswell, pp. 218-220; B. P. Mcguire, «Love, Friendship and Sex in the Eleventh Century: The Expérience of Anselm», Studia Theologica 28, 1974, pp. 111-152; et son Friendship and Community pp. 210-221.

19. Lucien Febvre, « La sensibilité et l'histoire: comment reconstituer la vie affective d'autrefois ? » Annales 1941, pp. 5-20.

20. Foucault, Michel, Histoire de la sexualité, vol. 1, Paris, 1976 Google Scholar.

21. Pour une analyse fine du problème de l'honneur comme force intérieure et démonstration publique, voir Julian Pitt-Rivers, « Honour and Social Status », dans Honour and Shame: The Values of Mediterranean Society J. G. Peristiany éd., Chicago, 1966, pp. 19-77, en particulier p. 21 ss. Pour une théorie générale de l'amour reposant sur la distinction entre privé et public, voir Niklas Luhmann, Liebe als Passion: Zur Codierung von Intimität Francfort, 1982. La conception de Luhmann inverse la relation du public au privé telle qu'elle est présentée ici. Selon lui la sémantique de l'amour, son système de communication au niveau du privé et du personnel, est une habitude acquise, une réponse à un codage qui se fait au cours de l'évolution des systèmes culturels et sociaux au niveau du public.

22. Sur le charisme royal et le pouvoir charismatique voir les études désormais classiques de Max Weber, Max Weber on Charisma and Institution Building: Selected Papers S. N. Eisenstadt éd., Chicago, 1968; Bloch, Marc, Les rois thaumaturges: étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale en France et en Angleterre, nouv. éd., Paris, 1983 Google Scholar; Kantorowicz, Ernst, Les deux corps du roi: essai sur la théologie politique au Moyen Age, Paris, 1989 Google Scholar; Norbert Elias, La société de cour Paris, 1974; Clifford Geertz, « Centers, Kings and Charisma: Reflections on the Symbols of Power», son, dans Local Knowledge: Further Essays in Interprétative Anthropology, New York, 1983, pp. 121146 Google Scholar (éd. frse, Savoir local, savoir global Paris, 1986).

23. Cf. les vers de Richard Fanshame sur Charles Ier, «To his Highness… in the West… 1646», dans Shorter Poems and Translations W. Bawcutt éd., Liverpool, 1964, p. 71: « … le peuple fixe les yeux sur / Le Roi, n'admire, n'aime, n'honore que lui. / En lui, comme en un miroir, leurs manières contemplent / Et forment, et copient ce qu'ils le voient faire / Ce que le canon meurtrier ne peut imposer, / Ni les escadrons d'acier empanachés, ni les chevaux étincelants, / L'Amour le peut… » cité et analysé, Court Culture and the Origins ofa Royalist Tradition in Early Stuart England Philadelphie, 1987, p. 245. Si ces vers ne font pas intentionnellement écho à l'hommage que Lady Percy rend à Hotspur mort (Henry IV II, m, 21 ss) la comparaison révèle un sentiment partagé de la force métaphorique du charisme humain dans l'Angleterre des Tudors et des Stuarts. Cf. Thomas Elyot, The Book ofthe Governor II, n.

24. Vita Geraldi I, 30, PL 133: 660A: «… il était aimé de tous parce qu'il les aimait tous ». Ibid. I, 25, 657B: « … les citoyens et les clercs de ses terres… l'aimaient avec l'affection due à un père».

25. Cf. Perella, Nicholas, The Kiss Sacred and Profane: An Interprétative History of Kiss Symbolism and related Religio-Erotic Thèmes, Berkeley, 1969 Google Scholar.

26. Voir Schmidt, Cari, Jus primae noctis: Eine geschichtliche Untersuchung, Fribourg, 1881 Google Scholar.

27. Les circonstances du comitatus dans la société germanique par exemple. Sur l'époque carolingienne voir R. Schneider, Brüdergemeine und Schwurfreudschaft: Der Auflösungsprozess des Karlingerreiches im Spiegel der caritas-Terminologie in den Verträgen der Karlingischen Teilkönige des 9. Jahrhunderts, Historiche Studien 388, Lübeck-Hambourg, 1964; W. Fritze, «Die Fränkische Schwurfreundschaft der Merowingerzeit: Ihr Wesen und ihre politische Funktion », Zeitschrift für Rechtsgeschichte Germ. Abt. 71, 1954, pp. 74-125.

28. Price, A. W., Love and Friendship in Plato and Aristotle, Oxford, 1989 Google Scholar; Fraisse, Jean-Claude, Philia: la notion d'amitié dans la philosophie antique. Essai sur un problème perdu et retrouvé, Paris, 1984 Google Scholar.

29. Foucault, Michel, Histoire de la sexualité, vol. 2: L'usage des plaisirs, Paris, 1984 Google Scholar.

30. Jaeger, Werner, Paideia: The Ideals ofGreek Culture, vol. 1: Archaic Greece, the Mind of Athen (trad. Gilbert Highet), New York, 1965, p. 194 Google Scholar ss.

31. Symposium 178.

32. Aristote, Ethique à Nicomaque IX, i, 1155a. Cf. Ciceron, De amicitia Xiv, 50 et XXI, 79.

33. De amicitia XIV, 52; Cicéron, De la vieillesse, De l'amitié, Des devoirs trad. par Ch. Appuhn, Paris, Garnier-Flammarion, 1967, p. 82.

34. Voir R. A. Brunt, « “Amicitia ” in the Late Roman Republic », Proceedings ofthe Cambridge Philological Society n. s. 11 (o. s. 191), 1965, pp. 1-20.

35. Ce développement est le sujet même de l'ouvrage de Foucault, M., Histoire de la sexualité, vol. 3: Le souci de soi, Paris, 1984 Google Scholar.

36. Cf. l'analyse que fait Boswell de Saint Augustin et d'Ailred de Rievaulx dans Christianity pp. 134-135 et 222 ss. Boswell n'aborde pas les problèmes que pose à son interprétation la répugnance que les deux hommes ressentaient pour leurs penchants charnels. Ce sont des questions difficiles à résoudre en termes de tolérance ou même d'indifférence à l'égard de l'homosexualité mais faciles en termes de tension entre amitié avilissante et amitié exaltante.

37. Cf. Powis, Jonathan, Aristocracy, Oxford, 1984 Google Scholar, en particulier p. 6 ss; Elias, La société de cour, op. cit.

38. Voir Sharpe, Kevin, Criticism and Compliment: The Politics of Literature in the England of Charles Ier, Cambridge, 1987, p. 23 Google Scholar ss, sur le culte de l'amour platonique à la cour en Italie et en Angleterre.

39. Mcguire dresse une vaste bibliographie sur le sujet dans Friendship and Community. Signalons pour leur intérêt particulier, Paul Conner, Friendships between Consecrated Men and Women and the Growth of Charity thèse, Rome, 1972; Adèle M. Fisk, Friends and Friendship (n. 17 ci-dessus); Leclercq, Jean, «L'amitié dans les lettres au Moyen Age», Revue du Moyen Age latin 1, 1945, pp. 391410 Google Scholar, ID., Monks and Love in Twelfth Century France Oxford, 1979.

40. Mcguire, dans Friendship and Community analyse les sources majeures de l'amitié monastique sans chercher à localiser ses origines en tant que pratique sociale. Mais il est clair d'après son étude qu'il s'agit d'un emprunt à la société séculière. Il n'existait pas de tradition d'amitié monastique avant la fin du xie siècle et cette tradition s'enracine dans le De amicitia de Ciceron.

41. Cf. Mcguire, p. 3 ss etpassim. P. 17 « … comme très souvent dans la littérature monastique, les amis appartiennent au monde et il faut les abandonner lorsqu'on devient moine ».

42. Les deux traités majeurs sur l'amitié de type spirituel, le De spirituali amicitia d'Ailred et le De amicitia Christiana de Pierre DE Blois sont des réponses au De amicitia de Ciceron. Dans le roman aussi l'amitié chrétienne se définit comme transcendance de l'amitié mondaine et non comme quelque chose d'indépendant des traditions séculières. Voir en particulier Hartmut Freytag, « Höfische Freundschaft und geistliche amicitia im Prosa-Lancelot », Wolfram-Studien 9, 1986, pp. 195-212. Ainsi que Xenja von Ertzdorff, «Höfische Freundschaft», DerDeutschunterricht 14, 1962, pp. 35-51.

43. Epist. 69, Schmitt éd., 3: 189. Cf. Mcguire, Friendship p. 217 ss.

44. P. S. Allen et H. M. Jones suggèrent un parallèle entre le culte de l'amitié virile à la cour des Carolingiens et l'amour courtois au xne siècle, The Romanesque Lyric Chapel Hill 1928, p. 148: « Les Francs accordaient autant de valeur que Socrate aux liens entre amis… à une amitié suffisamment intense pour mériter le nom d'amour… c'est un analogue très proche de la dévotion chevaleresque à l'égard des femmes ». Cette observation conserve sa justesse tant que nous considérons cet amour comme une pratique sociale supra-personnelle.

45. On pourrait à partir de trois prémisses concevoir une approche nouvelle de l'amour courtois: il se fonde sur l'expérience publique et non privée; en Occident ses antécédents doivent être recherchés dans l'amour et l'amitié entre hommes et non entre hommes et femmes; ses idéaux ne sont pas une forme de tromperie, une structure rhétorique ironique se réfutant elle-même, ou une fiction masquant une « réalité » totalement antagoniste, mais un système opérationnel de règles et de valeurs qui, d'une part régit le comportement et d'autre part sert les intérêts de ceux qui le respectent et le défendent. La méthodologie de cette approche trouve ses bases chez Elias, La société de cour (prémisse 3) et Foucault, Histoire de la sexualité (prémisses 1 et 2). Foucault n'a pas écrit une histoire des pratiques sexuelles mais une histoire des interdits qui leur étaient imposés, de la discipline morale à laquelle le désir est soumis et de l'empire de la maîtrise de soi sur le besoin de plaisir. L'originalité de son ouvrage réside dans la résistance qu'il oppose à un consensus universitaire puissant et à un consensus populaire plus puissant encore qui ne reconnaît aucun sens à un amour dont l'objet ultime ne serait pas la satisfaction du plaisir et il se défie de toute autre motivation. Le thème des interdits sexuels et de l'abstinence est dans l'air du temps. Cf. Brown, Peter R. L., The Body and Society: Men, Women and Sexual Renunciation in Early Christinanity, New York, 1988 Google Scholar. Bernd Thum, Aufbruch und Verweigerung: Literatur und Geschichte am Oberrhein im hohen Mittelalter: Aspekte eines geschichtlichen Kulturraums Waldkirch, 1980. L'article de Bynum, Carolyn « The Body of Christ in the Later Middle Ages: A Reply to Léo Steinberg », Renaissance Quaterly, 39, 1986, pp. 399439 Google Scholar, illustre bien la nécessité de corriger les interprétations de caractère non historique inspirées par une réflexion critique centrée sur le sexuel. Notre étude a pour origine une polémique fondée sur des prises de position semblables à celles qui opposent Steinberg et Bynum: «Mark and Tristan: The Love of Médiéval Kings and their Courts», dans In höhem prise: A Festschrift in Honor of Ernst S. Dick Winder Mcconnell éd., Göppingen, Göppinger Arbeiten zur Germanistik, 480, 1989, pp. 183-197.

46. Le motif développé chez Andréas Capellanus et dans la poésie de l'amour courtois, «l'amour élève la valeur de soi à la fois intérieurement et par rapport au monde», témoigne de cette fonction. Stephen Kaplowitt dans son étude consacrée à ce motif littéraire, The Ennobling Power of Love in the Médiéval German Lyric Chapel Hill, NC, 1986, soutient, en contradiction avec le vaste corpus de documents présentés, que la prépondérance de la poésie amoureuse n'ayant pas de rapport avec le thème en démontre l'insignifiance. Mais la poésie n'a pas besoin de se référer constamment à sa fonction sociale propre pour en avoir une. Castiglione est un bon informateur pour la Renaissance italienne. Il distingue deux sortes de relations amoureuses, l'une motivée par la passion, l'autre par le prestige et le statut que l'on confère et que l'on reçoit (le courtisan use de paroles et de manières raffinées pour gagner la faveur des femmes) « … non seulement lorsqu'il est mû par la passion, mais souvent aussi pour honorer la dame avec laquelle il s'entretient, car il pense que lui montrer qu'il l'aime prouve qu'elle est digne de cet amour et que sa beauté et ses mérites sont tels qu'ils obligent tous les hommes à la servir ». The Book of the Courtier II, 53, trad. Charles Singleton, New York, 1959.

47. Norbert Elias, La société de cour, op. cit.

48. Cf. Bumke, Joachim, Höfische Kultur, Munich, 1986, p. 504 Google Scholar, résume les résultats de toute une tradition de recherches universitaires: «Nous avons moins de certitudes aujourd'hui sur ce qu'est l'amour courtois qu'il y a une centaine d'années ». Pour un état des recherches universitaires voir Boasse, Roger, The Origin andMeaning of Courtly Love: A CriticalStudy of European Scholarship, Manchester-Totowa, N. J., 1977 Google Scholar; Liebertz-Grun, Ursula, Zur Soziologie des «amour courtois»: Umrisse der Forschung, Heidelberg, Beihefte zur Zeitschrift Euphorion 10, 1977 Google Scholar. Plus récemment, avec une bibliographie et un état des recherches, Schnell, Rüdiger, Causa Amoris: Liebeskonzeption und Liebesdarstellung in der mittelalterlichen Literatur, Berne- Munich, 1985 Google Scholar; Peters, Ursula, «Höfische Liebe: Ein Forschungsproblem der Mentalitätsges chichte », dans Liebe in der deutschen Literatur des Mittelalters, Jeffrey Ashcfoft éd. et alii, Tübingen, 1987, pp. 113 Google Scholar.

49. Recueil des historiens des Gaules et de la France Léopold Delisle éd., Paris, 1878, 16, p. 23.

50. La lettre et ses circonstances historiques sont discutées dans Ursula Peters, « Höfische Liebe », pp. 11-13. Voir en particulier l'article récent de Peters et de Köhn, Rolf, « Höfisches Liebeswerben oder politisches Heiratsangebot ?: Zum Brief der Konstanze von Bretagne an Ludwig Vii von Frankreich », Beiträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur, 111, 1989, pp. 179195 Google Scholar. Peters et Köhn considèrent que cette lettre a été envoyée à l'insu du duc, de manière clandestine, parce que sa rédactrice ressentait un désir personnel pour le roi. Cela me semble improbable. Elle dit qu'elle se rendra à Saint-Denis lorsque son frère sera revenu d'Angleterre, détail superflu si elle n'établit aucun lien entre ses voyages et ceux de son frère, et s'il lui importe peu que le roi connaisse les activités de celui-ci. Si la lettre était aussi politique, en fait aussi subversive que Peters et Köhn le soutiennent, l'allusion à son frère et à ses liens avec l'Angleterre irait à rencontre de son but prétendument amoureux. Mais ces références ont dû paraître à Constance, ou plus probablement à sa famille, aller dans le sens de l'affaire en cours.

51. Pour une analyse des mariages de Louis VII, voir Duby, Georges, Le chevalier, la femme et le prêtre. Le mariage dans la France médiévale, Paris, 1981, p. 201 Google Scholar ss.

52. La phrase « j'irai à Saint-Denis pour prier et user/jouir de votre présence » est moins anodine en latin: «… itura sum ad Sanctum-Dionysium orationum causa, et ut vestra praesentia uti valeam». L'expression «user de votre présence" a des connotations erotiques et, juxtaposée à « orationum causa », elle prend un tour presque frivole.

53. Les jeunes hommes et les jeunes femmes «d'extraction noble “qui se retirent à la campagne dans le Décaméron de Boccace adoptent une attitude qui était largement admirée: « Malgré de joyeux récits, de nature, peut-être, à éveiller les désirs de la chair, malgré nos airs de musique et nos chansons — tous motifs qui pourraient incliner à moins de pudeur les âmes chancelantes —, je n'ai observé ni chez vous ni chez nous le moindre geste, la moindre parole, le moindre fait qui méritât le blâme. Une honnêteté qui ne se dément pas, une concorde soutenue, une intimité fraternelle de tous les instants, tel est le tableau que j'ai eu, voilà ce que j'ai cru comprendre. Rien assurément n'est moins cher pour votre honneur et le mien ». (Boccace Le Décaméron trad. Jean Bourciez, Paris, Classiques Garnier, 1988, Dixième Journée, p. 713). Le rôle de Sir Gawain dans le roman arthurien était de maintenir ce fragile équilibre. Ses aventures le montrent au bord de la catastrophe dans ses relations amoureuses et c'est son habileté dans les situations périlleuses qui le sauve. Wolfram von Eschenbach a défini ce rôle de façon paradigmatique « er ist doch âne schande/ liget er in minnen bande” («il est sans déshonneur/bien qu'enchaîné par les liens de l'amour»). (Wolfram von Eschenbach, Parzival Albert Leitzmann éd., Tùbingen, 1963, 2, p. 154, 532, 24 f. ).

54. Un commentaire indirect de Mondonus Belvaleti dans son essai sur l'Ordre (1463), texte antérieur à Polydore Vergil, constitue un document d'un grand intérêt. Belvaleti écrit: «De nombreuses personnes affirment que cet ordre a pour origine le sexe féminin » (Tractatus ordinis serenissimi domini régis Anglie vulgariter dicti la Gerretiere Cologne, 1631, p. 7. Cité dans George Beltz, F., Memorials ofthe Most Noble Order of the Garter, Londres, 1841 Google Scholar; rééd., New York, 1973, p. xxn, n. 2). La discrétion de l'auteur est si manifeste qu'elle constitue une preuve en ellemême. Elle semblerait confirmer la remarque de Polydore Vergil selon laquelle les historiens de la Jarretière ont gardé le silence sur ses origines par crainte d'aborder des questions si sensibles qu'elles relèvent de l'ordre du crime de lèse-majesté.

55. Beltz fut le premier à suggérer cela, mais il prit soin de montrer qu'il ne s'agissait que d'une conjecture (Memorials p. XLVII). Cf. Juliet Vale, Edward Iiiand Chivalry: Chivalric Society and its Context 1270-1350 Woodbridge, 1982, p. 76 ss; Richard Barber, Edward, Prince of Wales and Aquitaine: A Biography of the Black Prince Londres, 1978, p. 80 ss; Maurice Keen, Chivalry New York-Londres, 1984, p. 194. Le rejet de la thèse de Margaret Galway soutenant qu'une liaison entre Edouard et Jeanne de Kent serait à l'origine de l'Ordre est unanime (” Joan of Kent and the Order ofthe Garter», University of Birmingham Historical Journal 1, 1947, pp. 13- 50 encore que James L. Gillespie, « Ladies of the Fraternity of Saint George and of the Society of the Garter», Albion 17, 1985, p. 260 ss, ait récemment renouvelé l'hypothèse selon laquelle le témoignage contemporain de Jean le Bel pourrait impliquer un lien entre Jeanne et la création de l'Ordre. Pour une discussion approfondie et nuancée voir Boulton, D'Arcy, The Knights of the Crown: The Monarchical Orders of Knighthood in Later Médiéval Europe, 1325-1530, Woodbridge, Suffolk, 1987, en particulier pp. 152161 Google Scholar.

56. Ce rapprochement fut mis en évidence par Israël Gollancz, Pearl: An English Poem of the Fourteenth Century Londres, 1891, p. XLI SS. Voir aussi Oscar Kargill et Margaret Schlauch, « The Pearl and its Jeweler », Pmla, 43, 1928, pp. 118-123, et une série d'études de Henri L. Savage, résumées dans The Gawain-Poet: Studies in his Personality and Background Chapel Hill, NC, 1956; La position adoptée par Barber et Vale n'est pas compatible avec l'existence possible d'un lien entre Sir Gawain et l'Ordre. Comme ce lien est généralement admis, il faut à Barber et à Vale soit s'en accommoder soit modifier leur position. Boulton établit un rapprochement entre la ceinture du roman et l'Ordre de la Jarretière, Knights ofthe Crown p. 158 mais ne signale pas la récurrence de la devise et du déshonneur symbolisé par la ceinture verte, ce qui impliquerait de reconnaître à la jarretière de l'Ordre la même signification.

57. Polydori Vergilii Urbinatis Anglicae Historiae LibriXXVI Bâle, 1534. Vergil était plus un détracteur qu'un créateur de mythes. Il se méfiait de la légende et se considérait comme un sceptique lucide, irrespectueux du silence pieux des premiers historiens, lorsqu'il révélait au grand jour l'histoire des origines de l'Ordre. Voir l'étude de Hay, Denis, Polydore Vergil: Renaissance Historian and Man of Letters, Oxford, 1952, p. 109 Google Scholar ss.

58. AnglicaHistoria p. 373, «… garter lingua Anglica, idligaculum significet, quo mulieres tibiarum tegmenta sibi ligant ».

59. Sur les thèses pour ou contre l'homosexualité de Richard, voir Boswell, Christianity p. 231 ss; Brundage, James, Richard Lion Heart, New York, 1974, p. 88 Google Scholar ss, p. 287 ss.