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Le pain, le vin et la juste mesure à la table des moines carolingiens

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean-Claude Hocquet*
Affiliation:
I. U. T. — Université de Lille III

Extract

Et loué soit le Créateur qui a établi

toutes choses en nombre, poids et

mesure (saint Augustin)

In lege Domini praeceptum

habemus : pondus et pondus, mensuram

et mensuram odit anima mea

(MGH, Capit., I (1883), p. 60).

Dans la première moitié du ixe siècle, un moine se nourrissait-il chaque jour avec 1,5 à 2 kg de pain, 70 à 110 g de fromage, 133 à 230 g de légumes secs, 33 à 35 g de graisse, un peu de sel et de miel ? Les moniales de N.-D. de Soissons, dont « les rations étaient calculées en-dessous du minimum requis » se contentaient- elles journellement d'un kilo et demi de pain, 1,380 litre de vin, 70 g de fromage, 133 g de légumes secs et 16 g de sel ? La ration calorique journalière dépassait 6 000 calories pour les moines des abbayes parisiennes et l'expression de « grande bouffe » vient tout naturellement sous la plume de l'historien, d'autant que lors des repas de fête ces rations quotidiennes étaient amplement augmentées. Alors un moine de Saint-Denis recevait 1,780 kg de pain, 3,100 litres de vin, 90 g de fromage, 306 g de légumes secs, 2 volailles, 5 oeufs et 32 g de matière grasse. Les chanoines du Mans n'étaient pas en reste : 1,636 kg de pain leur suffisait, ainsi qu'1,636 litre de vin, mais ils buvaient aussi du vin aromatisé (potio), de 0,409 litre à 2 litres selon les fêtes, mangeaient du porc et du mouton (1,204 kg le 21 juin), 340 g de légumes secs et 256 g de fromage. Selon les fêtes, les chanoines absorbaient de 6 384 à 8 840 calories et les moines de Saint-Denis peut-être 9 227.

Summary

Summary

In 1984, an article of M. Rouche raised the monastic or cannonical food rations which had been calculated in 1973. The enormity of these rations had justly raised doubts and truying to better substantiate them, Rouche increased them by a third or more. These astonishing results, however, are tainted by serions methodological errors, by afailure to carefully follow the sources which refuse to be reconciled to the historians views, by the contempt shown to the latin language and the laws of physics, and by the complete ignorance of the problems posed by weights and measures. The legislation adapted at the council of Aix (817) and the statutes of the Abbot of Corbie (822), rehabilitated from all the errors to which they have been subjected, are examined in order to calculate and establish the System of weights and measures. These calculations are carried out by means of three hypothesis. And yet while based upon hypothesis, the result of the research enables one to observe the great stability which linked the two extreme values attached to the measurement of the hogshead (muid), here calculated, and the values of the minot of Paris (or of the King), as measured in the 17th century. Still, in all cases, the alimentary rations of the nuns and monks seem well balanced, not very abundant, and adapted to the season and to the physical demands of labor.

Type
Polémiques et Controverses
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

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References

Notes

1. M. Rouche, « La faim à l'époque carolingienne : essai sur quelques types de rations alimentaires », Revue historique, tome CCL (1973), pp. 308 et 317.

2. M. Rouche, « Les repas de fête à l'époque carolingienne », dans D. Menjot éd., Manger et boire au Moyen Age, Actes du colloque de Nice, oct. 1982, tome 1, Aliments et société, Nice, 1984, pp. 271, 274 et 277.

3. Ibidem, p. 278. Cf. aussi « La faim… », art. cit., p. 315.

4. Les sources sont énumérées dans « La faim… », art. cit., pp. 297-299, et reportées intégralement dans les notes infra-paginales.

5. Rouche, « La faim… », art. cit., pp. 305-306.

6. Ibidem, p. 306.

7. Ibidem, p. 306.

8. Ibidem, tableau p. 305.

9. Ibidem, p. 299, n. 2 (ad condiendos cibos sanctimonialium vel supervenientium hospitum salis modii ducenti).

10. Ibidem, p. 306.

11. Ibidem, pp. 305-306.

12. Rouche, « Les repas… », art. cit., p. 294, n. 46.

13. Rouche, «La faim… », art. cit., p. 306, n. 1 (” Remarquer que pour le nombre de 120 moines, le scribe dit : ut putamus », mais les moines étaient tout-à-fait capables de compter jusqu'à 120, l'estimation ne porte pas sur l'effectif du monastère, mais sur les rations : Haec autem ut putamus, ad usus centum viginti monachorum sufficiunt (p. 298, n. 2).

14. Ibidem, p. 298.

15. Ibidem, p. 300.

16. Rouche, « Les repas… », art. cit., p. 269.

17. Ibidem, pp. 267 et 269.

18. Ibidem, p. 271.

19. « J'ai utilisé comme poids spécifique du froment 1,5 » (Rouche, « Les repas… », art. cit., p. 272), « 1,1 pour la farine, 1,2 pour les légumes secs et 1,5 pour le sel » (Rouche, « La faim… », art. cit., pp. 304-305). Il semblerait que l'auteur, pour calculer un poids spécifique, divise le volume par la masse. S'il prenait au contraire le quotient de la masse par le volume, il obtiendrait pour le froment un poids spécifique de 0,70 à 0,72, ce que confirmeraient tous les spécialistes d'histoire agraire et les minotiers.

20. Rouche, « La faim… », art. cit., p. 304.

21. Guérard, B., Le polyptyque de l“abbé Irminon…, Paris 1844,Google Scholar tome I, Prolégomènes, avait en effet déduit la valeur du muid de la surface de la mappa (14,047 ares) et de la quantité de froment employée pour l'ensemencer (p. 183).

22. Ibidem, pp. 183-184. Ces chiffres ont été repris par Longnon, A., Le polyptyque de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés rédigé au temps de l'abbé Irminon, 2 vols, Paris, 1886-1895, I, pp. 2630.Google Scholar

23. Baulant, M. et Meuvret, J., Prix des céréales extraits de la mercuriale de Paris, 2 vols, Paris, 1960-1962.Google Scholar

24. … et peut-être d'en avoir pris conscience, comme en témoigne cette affirmation péremptoire : « Le synode de Paris demande d'interdire efficacement les anciennes mesures… Le monde clérical (…) appliqua rigoureusement les réformes en ce qui le concerne, mais il n'empêche qu'il n'en modifia point pour autant la quantité de chaque ration. Quels que soient le nouveau poids de la livre, ou la nouvelle capacité du muid, moines ou chanoines se voient toujours attribuer 4 livres de pain ou une émine de vin » (Rouche, « La faim… », art. cit., pp. 303-304).

25. Ibidem, p. 302.

26. Rouche, « Les repas… », p. 278.

27. Adrian Verhulst, « Karolingische Agrarpolitik : Das Capitulare de villis und die Hungersnôte von 792/93 und 805/06 », Zeitschrift fur Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 13 (1965), pp. 175-189, avait attiré l'attention sur les difficultés, disette ou simple cherté, de l'économie carolingienne. H. Witthôft, Mùnzfuss, Kleingewichte, pondus Caroli und die Grundlegung des nordeuropàischen Mass- und Gewichtswesens in frànkischer Zeit, Ostfildern, 1984, revient (p. 142) sur cette question (j'ai eu connaissance de ce livre après la rédaction de mon article).

28. MGH, Concilia, Werminghoff éd., vol. II, pp. 402-403.

29. Vauban, Dîme royale, éd. de 1707, p. 105.

30. Rouche, « La faim… », art. cit., p. 303, n. 2.

31. Ph. Grierson, « Money and Coinage under Charlemagne », dans W. Braunfels et H. Schnitzler éds, Karl der Grosse, vol. I, Dusseldorf, 1965, pp. 501-536. H. Witthôft, « Mass und Gewicht im 9. Jahrhundert. Frânkische Traditionen im Ûbergang von der Antike zum Mittelalter », Vierteljahrschrift fur Sozial-und Wirtschaftsgeschichte, Bd 70, H. 4 (1983), offre (p. 463) un tableau commode du poids de l'once et des poids de la livre.

32. Witthôft, « Mass und Gewicht… », art. cit., p. 463.

33. Rouche, « La faim… », art. cit., p. 304, n. 2. Profitons de l'occasion pour tenter d'éclaircir un petit mystère de la métrologie historique. Mabillon, Vetera Analecta, IV, p. 452, a transmis à la postérité un fragment de notice d'âge incertain (reproduit dans MGH, Concilia, II, p. 403) : « 1 libra = 12 unciae, 1 hemina = 1 1/2 librae, 1 sextarium = 2 heminae, 1 modium = 24 sextaria, 1 gomor =15 modia, 1 corum = 2 gomor ». Un tel système est un compendium des mesures antiques, sémitiques (gomor et kor) ou romaines (cf. A. Segre, Metrologia e circolazione monetaria degli antichi, Bologne, 1928, p. 62 (mesures de capacité hébraïques, syriaques et phéniciennes) et pp. 513-514. Nous avons autrefois attiré l'attention sur l'importance de ces mesures orientales (J.-C. Hocquet, « Métrologie du sel et histoire comparée en Méditerranée », Annales E.S.C., 1974, p. 407), à la suite de la lecture du remarquable travail d'A. OXE, « Kor und Kab. Antike Hohlmasse und Gewichte in neuer Beleuchtung », Bonner Jahrbùcher, 147 (1942), pp. 91- 216.

34. R. Hanslik, Benedicti régula (Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, 75), Vienne, 1960, pp. 99-101 ; Ph. Schmitz, , Sancti Benedicti regulae monachorum, Maredsous, 1955, p. 95;Google Scholar Martène, E., Commentarium in regulam s. Benedicti, Paris, 1960, p. 536.Google Scholar

35. Benoît D'aniane, Concordia regularum (Patrologie latine, t. 103, Paris, 1851), c. 49, col. 1130 (ou c. 40 de la règle de saint Benoît).

36. D. J. Wynandy et D. K. Hallinger, Theodomari abbatis casinensis epistula ad Theodoricum gloriosum, dans Hallinger, éd., Corpus consuetudinum monasticarum, tome I, Initia consuetudinis benedictinae (saec. VIIIet IX), Siegburg 1963, p. 128.

37. D. K. Hallinger et D. K. Wegener, Theodomari abbatis casinensis epistula ad Karolum regem, dans Hallinger, op. cit., pp. 163-166.

38. Ibidem, pp. 162-163. Retenons-en qu'un pondus pèse 4 livres ﹛contra, Rouche, « La faim… », art. cit., p. 304, « vraisemblablement l'équivalent de la livre romaine »).

39. J. Semmler, Régula sancti Benedicti abbatis Anianensis sive collectio capitularis, dans Hallinger, op. cit., c. LXXTV, p. 534.

40. Ibidem, c. LXXVII, p. 534.

41. Rouche, « La faim… », art. cit., p. 301, n. 4.

42. Provideat, ut (…) pinguedinem ad esum (…) singuli eorum accipiant (Semmler, Synodi primae aquisgranensis décréta authentica, dans Hallinger, op. cit., c. XX, pp. 462-463). Sur la législation du Carême, E. Vacandard, art. « Carême », dans A. Vacant et E. Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique, tome II.

43. Semmler, Synodi…, op. cit., c. xxi, p. 477.

44. Ibidem, c. XLIII, p. 481.

45. Ibidem, c.xxii, p. 478.

46. Ibidem, c. xx, p. 463.

47. Contra, Rouche, « La faim… », art. cit., p. 302, qui voit une augmentation de 1 à 3 pour le pain et le vin entre saint Benoît et le concile de 817.

48. Ut unicuique fratri in cibo etpotu separatim portio detur et de ipsa mensura alicui minime sit licentia dandi (Semmler, Régula…, op. cit., p. 533).

49. Hallinger et Wegener, op. cit., p. 162.

50. Benoît d'aniane, op. cit., c. 49, col. 1130.

51. Semmler, Synodi primae Aquisgranensis acta praeliminaria, dans Hallinger, op. cit., c. xxviii, p. 436.

52. MGH, Concilia, II-l, p. 403.

53. Cf. supra p. 665 et n. 28.

54. Cf. supra p. 667 et n. 45.

55. Thulllier, V. éd., Ouvrages posthumes de D. Jean Mabillon et de D. Thierri Ruinart, Bénédictins de la congrégation de Saint Maur, vol. I, Paris, 1724, pp. 185197.Google Scholar

56. Witthôft, « Mass und Gewicht… », art. cit., p. 465.

57. Ibidem, pp. 472-473.

58. L. Levtllain, « Les statuts d'Adalhard », Le Moyen Age, XIII (1900), p. 356 (Levillain renvoie à Guérard pour la capacité du muid). On préférera la nouvelle édition de Semmler, Consuetudines Corbeienses (ante 826), dans Hallinger, op. cit., p. 375.

59. J'ai retenu ce poids spécifique à la suite de deux pesées : une farine de froment bien blutée, très blanche (du type de celle avec laquelle on fait le pain eucharistique) a une densité de 0,476 (1/4 litre = 0,119 kg), tandis qu'une farine du type « préparation pour pain complet » a un poids spécifique de 0,64 (1/4 litre = 160 g).

60. Calvel, R., Le pain et la panification, Paris, P.U.F., 1964, p. 87.Google Scholar Kula, W., Les mesures et les hommes, Paris, 1984,Google Scholar signale (p. 81) d'après la Gazeta Handlowa (Gazette du commerce, 1787) que l'on pouvait tirer de 100 livres de blé 124, 5 livres de pain, mais le taux d'extraction de la farine était alors de 83 % (de 100 livres de grain, on obtenait 83 livres de farine). S. Hoszowski, le grand spécialiste de l'histoire des prix à Lvov, était d'un avis contraire.

61. Levillain, art. cit., p. 358.

62. Levillain, art. cit., p. 343.

63. Rouche, « La faim… », art. cit., pense (p. 303, n. 1) que c'est le corbe qui est ras et non comble.

64. Ibidem, p. 300 : « au-delà de 300 personnes, la direction échappe aux chefs de l'époque carolingienne », à 120 aussi (cf. supra n. 13). Sur le nombre des moines vivant dans les abbayes bénédictines, U. Berliere, « Le nombre des moines dans les anciens monastères », Revue bénédictine (Maredsous), 41 (1929), pp. 231-261 et 42 (1930), pp. 19-44.

65. Ces prétendus moulins ont donné lieu à de nombreuses gloses présentées par Verhulst, A. E. et Semmler, J., « Les statuts d'Adalhard de Corbie de l'an 822 », Le Moyen Age, 68 (1962), pp. 91123 et 233-269Google Scholar (cf. en particulier p. 242 et p. 246).

66. C'est une idée que j'ai souvent développée depuis 1974, ainsi dans l'article « Métrologie du sel… », cité, p. 424, et qui est fondamentale pour expliquer la constitution des systèmes de mesure qui « reposent à la fois sur une arithmétique simple et des procédés de travail empiriques dominés par le problème primordial de la manutention et des transports (Hocquet, « Das Bestreben nach Vereinheitlichung und Normung der alten runden MaBe in Europa und dessen Grenzen (xv-xvii. Jahrhundert) », Symposium, Die historische Métrologie in den Wissenschaften, Siegen (R.F.A.), sept. 1984). Le muid était donc le récipient servant d'unité de mesure que l'homme pouvait porter sur le dos ou l'épaule. Quand il en avait versé douze dans une charrette, il comptait un « corbe ». L'un était une mesure réelle (sac, panier, seau, etc.), l'autre une unité de compte, abstraite. C'est pour cette raison, outre l'accord grammatical, que l'on ne peut parler de « corbe ras ». Sur l'importance des transports dans l'économie carolingienne et celle des monastères, J.-P. Devroey, « Les services de transport à l'abbaye de Prûm au IXe siècle », Revue du Nord; LXI (1979), pp. 543-569, et du même, « Un monastère dans l'économie d'échanges : les services de transport à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés au IXe siècle », Annales E.S.C, n° 3, 1984, pp. 570-589.

67. L'ouvrage de W. Kula, Miary i Ludzie, Varsovie, 1970, 667 p. (résumé en français), aujourd'hui traduit (Les mesures et les hommes, Paris, 1984) attirait fortement l'attention sur les procédés de mesurage conditionnés par la place que l'on occupait sur le marché et dans la société. De même, Herkov, Z., Na Se stare mjere i utezi. Uvod u teoriju povijesne metrologije i njezina praktiâna primjena pri prouéavanju naSe gospodarske povijesti (Vieux poids et mesures. Introduction à la théorie de la métrologie historique et son application pratique à la recherche en histoire économique), Zagreb, 1973, 132 p.Google Scholar

68. Levillain, art. cit., p. 354.

69. « Mensuram modiorum, sextariorum et situlas per sextaria octo » (M.G.H., Capit. I, p. 84, cité par J. F. Noermeyer, Mediae latinitatis lexicon minus, art. situla).

70. Levillain, art. cit., pp. 354-355.

71. De ce texte (Hallinger et Wegener, op. cit., p. 163, autre édition dans M. G.H., EEKar. Aevi, II (1905), pp. 510-514) Rouche donne une interprétation différente (” La faim… », p. 309, n. 2) : « Il y a donc trois mesures, celle du déjeuner, celle du dîner et la coupe avec laquelle on verse la ration en plusieurs fois. » Il est difficile de trancher.

72. « Ad istum novum modium quem domnus imperator posuit » (Levillain, art. cit., p. 356). M. Prou, « La livre de Charlemagne », Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, LIV (1894), p. 244, a signalé les textes par lesquels Charlemagne et son successeur ont essayé d'imposer à tout l'Empire un système de poids et mesures uniformes et conformes à l'étalon royal déposé au palais avant 794. Le mémoire de l'évêque Ildefonsus montre que la réforme impériale n'a pas été introduite dans tout l'Empire et que l'Aquitaine avait gardé un système de poids et mesures différent (cf. supra pp. 664-665).

73. Hocquet, , « Structures métrologiques et développement des anciens systèmes de mesures : le commerce et les transports », Congrès international des sciences historiques, Stuttgart, août 1985.Google Scholar

74. Notamment l'abbé Hilduin de Saint-Germain-des-Prés : 100 muids (D. Bouquet éd., Recueil des historiens de France, t. VI (1749), p. 559 (année 829) et l'abbé de Saint-Denis qui entrepose 200 muids de sel, mesurés au muid utilisé dans les salines, « de sale modia 200, cum ipso modio quodsolvitur in salinis », ibidem, p. 579 (année 832).

75. Semmler, Consuetudines corbeienses, op. cit., pp. 365-367.

76. Ibidem, p. 378. Sur la fonction des abbayes (senodochium, xenodochium), V. Fadjelli, « L'assistenza nell'alto Medioevo. I Xenodochi di origine romana », Atti dell'Istituto veneto di Scienze, lettere ed arti, 92-2 (1932-1933), pp. 915-934 et E. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, tome I, Epoques romaine et mérovingienne, Lille et Paris, 1910, pp. 390-412.

77. Mgr Lesne, « La dîme des biens ecclésiastiques aux ix’ et Xe siècles », Revue d'Histoire ecclésiastique, XIII (1912), pp. 477-503 et 659-673, rappelle les motifs de l'institution de la dîme au concile de 817, au bénéfice de l'hôtellerie précisément, et l'extension de l'assiette des dîmes depuis les aumônes déposées à la porterie des abbayes et sur les autels des églises paroissiales ou prélevées sur les moissons et les récoltes de fruits de Yindominicatum. Dans le tome XIV (1913), pp. 97-112 et 489-509, il prolonge l'examen de la question des dîmes et de leurs bénéficiaires, toujours grâce à une analyse minutieuse des statuts d'Adalhard.

78. Semmler, , Consuetudines corbeienses, op. cit., p. 404; Levillain, art. cit., p. 379.Google Scholar

79. Verhulst et Semmler, art. cit., p. 249. C'est là une magnifique pièce à verser au dossier de Péconomie-argent, de l'économie marchande monétarisée des temps carolingiens. Cf. le débat réouvert par Devroey, « Un monastère dans l'économie d'échanges… », art. cit.

80. Levillain, art. cit., p. 384.

81. Sur la diversité du pain du Moyen Age, on dispose maintenant de l'excellente étude de Mme A.-M. Bautier, « Pain et pâtisserie dans les textes médiévaux latins antérieurs au xme siècle », dans D. Menjot éd., Manger et boire au Moyen Age, op. cit., pp. 33-65.

82. Levillain, art. cit., p. 355.

83. A. Rucquoi, « Alimentation des riches, alimentation des pauvres dans une ville castillane au xvc siècle », dans D. Menjot éd., Manger et boire au Moyen Age, op. cit., constate (p. 301) que, encore au xvc siècle, la viande est un mets réservé aux pauvres et aux serviteurs, qu'il s'agisse du boeuf, de l'agneau ou du gigot de mouton, alors que les riches placent au sommet des plaisirs de la table les volailles, poulets, oies ou perdrix. J.-P. Molenat, « Menus des pauvres, menus des confrères à Tolède dans la seconde moitié du xve siècle », ibidem, affine encore l'analyse en précisant (p. 315) que le bovin est la viande des pauvres tandis que le mouton est réservé aux « pauvres malades ».

84. Levillain, art. cit., p. 361.

85. Verhtjlst et Semmler, art. cit., pp. 116-118 et 237.

86. Duby, G., L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, 2 vols, Paris, 1962, 1, p. 103.Google Scholar

87. Levillain, art. cit., p. 353. Notons que le four de l'abbaye cuit quatre sortes de pain : le pain de méteil pour les pauvres (panis de mixtura), le pain des provendiers (panes provendaricios), le pain des vassaux, pain de fête des provendiers (panis vassalorum), enfin le pain des frères (Semmler, Consuetudines corbeienses, op. cit., 317 (9), 372 (10), 370 (1), 376 (21) et 381 (23). 88. Levillain, art. cit., p. 368. Rouche écrit : « je traduispulmentum par purée plutôt que par potage ou bouillie, comme le voudrait l'usage (…). Le vrai mot serait au fond l'italien polenta » (” La faim… », art. cit., p. 301, n. 1). A ces deuxpolentae, Rouche en ajoute « une troisième de légumes secs crus (sic), macérés dans l'eau » (p. 301). Bien entendu ces trois purées accompagnent 2 kg de pain. Il en fallait beaucoup moins pour étouffer un chrétien, fût-il moine ! En fait Adalhard est explicite : ut sunt herbe cuiuslibet generis unde pulmentarium fieri debeat afferende, mundande, ordinande…, et comme, auparavant, il a signalé : ibi (= in coquina) aut pulmentaria preparantur aut preparata ministrantur (Levillain, art. cit., p. 368), s'il faut chercher des correspondances dans l'alimentation italienne, je suggérerais que le « pulmentarium », loin d'être une « polenta », était une « minestra », un bouillon de légumes (et de morceaux de lard), un plat qui au demeurant justifie un accompagnement de pain. Lapolenta, le mot est attesté dans des textes carolingiens, était alors une galette de farine d'orge grillée. A partir du xvie siècle, on la fit de maïs.

89. De illis L porcis quos ad opus nostrum servari jussimus, écrit Adalhard (Levillain, art. cit., p. 379).

90. Multo minus ut destruatur necesse erit, sed magis ad fructum futurum crescere poterit (ibidem, p. 381).

91. On connaît l'antienne : magis volumus ut remaneat quam defleiat.

92. De secundo autem parte ubi CXX sunt ad opus provendariorum qui illas pensas accipiunt débet per singulos menses baccones accipere ad decem pensas faciendum et de singulis bacconibus singulas pensas facere (…). Quem tamen lardum…, Illam minutiam vero de ipsis CXX porcis salvamfaciat… (Semmler, Consuetudines corbeienses, op. cit., p. 407).

93. Tessoer, G., Recueil des actes de Charles II le Chauve, II, Paris, 1952, n° 494.Google Scholar

94. Semmler, Consuetudines corbeienses, op. cit., pp. 405-406 ; idem dans Levillain.

95. Ibidem, p. 339.

96. Décompte établi d'après l'édition de Semmler, pp. 368-369.

97. Modo semel, modo bis in die manducamus (Levillain, art. cit., p. 358).

98. Tessier, op. cit., doc. 494, pp. 639-645, est extrêmement sévère pour ce document « apocryphe, plein d'incohérences, de cacographies, de contradictions d'ordre chronologique ». Bref, il le tenait pour « une composition arbitraire faite à une époque indéterminée ». Rien n'autorisait cependant Rouche à ajouter des incertitudes supplémentaires quant à l'effectif des moniales, de leurs serviteurs et de leurs servantes (cf. supra, p. 662).

99. L'hospitalité royale, l'accueil du roi, de sa cour, de sa suite grèvent lourdement les ressources des abbayes de la Francie septentrionale, surtout après le partage de l'empire, quand les souverains doivent vivre d'un domaine étriqué. Au cours de leurs nombreux déplacements, ils sont souvent tentés de faire supporter leur entretien par les églises et les abbayes (E. Lesne, Histoire de la propriété, op. cit., fasc. II, Le droit du roi sur les églises et les biens d'église, VIIe-Xe siècle, pp. 387-402) : « le séjour du roi et des siens dans une villa de l'église en épuisait sans doute pour longtemps les ressources » (p. 398), mais Mgr Lesne ne précise pas l'origine des revenus affectés à la réception du roi, récoltes des terres de la réserve ou dîmes ? les tenanciers étant quelquefois obligés de contribuer à l'entretien du roi durant son séjour dans l'abbaye par une contribution spéciale payée in adventu régis (p. 399, n. 3).

100. Nous choisissons cette valeur, la plus haute que nous avons calculée dans les trois hypothèses retenues au préalable, d'abord parce qu'elle s'accorde à la capacité du minot de Paris par la suite, nous l'avons déjà dit, mais aussi parce que Soissons se trouve comme Corbie au coeur du domaine carolingien, là où il était le plus difficile d'échapper à la réglementation royale ou impériale. Il est clair que le calcul des rations donne lieu à l'établissement d'une ration maximale, puisque nous avons adopté la plus grande mesure du muid et que nous avons défalqué seulement un dixième pour l'ensemble des charges de l'hospitalité. Enfin, nous avons toujours fait comme si aucune fraction de la nourriture mise en réserve ne se gâtait, ne s'abîmait ou ne finissait sous la dent des rats ou dévorée par des insectes, voire détruite par l'inondation.

101. Lononon, op. cit., vol. I, pp. 26-30, signale que dans le cartulaire de Saint-Wandrille, la pensa de fromage pèse de 72 à 75 livres, mais comme les documents ne précisent pas le poids de la livre utilisée, je me suis contenté, jusqu'à plus ample informé, de convertir en livres carolingiennes.

102. Niermeyer, op. cit., art. « friskingae » donne des citations qui contredisent totalement sa définition : « cochons de lait », ainsi -.friskingas 4, duas berbecinas, duas autem reliquasporcinas, ou encore, friskingas vervecinas 2 et porcinas similiter 2.