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L'Économie antique et la cité grecque. Un modèle en question

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Raymond Descat*
Affiliation:
Université Michel-de-Montaigne, Bordeaux

Extract

La réflexion historique est parfois un héritage qui se transmet de génération en génération. Pour l'Antiquité l'un des exemples les plus spectaculaires est celui de l'interprétation de l'économie grecque, objet d'un débat fameux depuis le 19e siècle entre « modernistes » et « primitivistes », peu évoqué cependant en France si ce n'est dans deux articles des Annales où L. Gernet en 1933 et E. Will en 1954 se faisaient l'écho des discussions outre-Rhin. Beaucoup plus tard, en 1982, L. Valensi rappelait cette faible présence. Mais à cette date le combat avait déjà changé d'âme et le problème posé par L. Gernet en 1933, « Comment caractériser l'économie de la Grèce antique ? », pouvait être considéré comme résolu depuis la parution en 1972 de l'ouvrage de M. I. Finley, The Ancient Economy (trad. frse, L'économie antique,1975). Ce concept d'« économie antique » (Proche-Orient exclu) que l'historien de Cambridge expliquait par « l'existence d'une structure culturelle et psychologique communes, dont j'espère montrer, disait-il, [… comment elle affecte toute description de l'économie] » (EAnt.: 39), l'a indéniablement emporté même si l'on rencontre ici et là quelques opposants. Une « nouvelle orthodoxie » s'est donc installée : l'économie antique est définie par la part prépondérante de l'agriculture, le rôle de l'autosuffisance locale, la place limitée de l'artisanat et du fait monétaire, l'absence d'un véritable marché de l'emploi et de l'investissement. Les « primitivistes » ont gagné et les « modernistes » bel et bien perdu et J. Andreau a raison d'écrire que l'ouvrage de Finley est peut-être le dernier représentant de la vieille querelle.

Summary

Summary

The publication 20 years ago of The Ancient Economy by M.I. Finley brought an end to a great extent to the century-old debate between modernists and primitivists. The question which we must henceforth pose is whether the Finleyan model is, given the state of present research, still completely adapted to the economic life of the Greek cities. The link between agriculture and the market, the place of the State, the role of currency should be reconsidered in the case of the Athenian type economies. We must underline in particular that the behavior of Greek man with respect to the economy is the result of transformations and new occurrences in the economic life. One must therefore try to separate an analysis of the Greek economy from an exclusive comparison with modern times in order to establish the basis for a veritable economic history.

Type
L'Économie Antique
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1995

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References

1. L. Gernet, « Comment caractériser l'économie de la Grèce antique ? », Annales Hist. E. S., II, 1933, pp. 561-566 (repris dans Les Grecs sans miracle, Paris, 1983, pp. 193-200) ; E. Will, « Trois quarts de siècle de recherches sur l'économie grecque antique », AESC, 1954, n° 1, pp. 7-22. Les abréviations utilisées sont celles de Y Année philologique. De l'oeuvre de Finley, M. I., j'utiliserai surtout l'Économie antique, trad. frse, Paris, 1975 (EAnt. ) et Économie et Société en Grèce ancienne, trad. frse, Paris, 1984 Google Scholar (ESoc).

2. L. Valensi, AESC, 1982, p. 685

3. L'expression est employée par K. Hopkins dans Garnsey, P., Hopkins, K. et Whittaker, C. R., Trade and the Ancient Economy, Londres, 1983, p.xi Google Scholar.

4. J. Andreau, « Finley, la banque antique et l'économie moderne », ASNP, 1977, p. 1152.

5. M. I. Finley, « Le document et l'histoire économique de l'Antiquité », AESC, 1982, pp. 697-713.

6. Ainsi son choix de la notion centrale du statut « mot admirablement vague qui implique un important élément psychologique » (EAnt. : 62).

7. En conséquence, et c'est à peine une boutade, l'économiste doit-il s'intéresser à l'histoire économique trop ancienne, car l'échec des sociétés est la preuve de leur mauvaise connaissance de l'économie ? J. R. Boudeville, Revue d'Économie politique, 1954, p. 456.

8. La question a été aussi soulevée pour l'histoire politique par Gauthier, P., « Grandes et petites cités : hégémonie et autarcie », Opus, VI-VIII, 1987-1989, pp. 187202 Google Scholar.

9. L. Gernet, art. cité, p. 565.

10. Burke, E. M., « The Economy of Athens in the Classical Era : Some Adjustments to the Primitivist Models », Tapha, 122, 1992, pp. 199226 Google Scholar.

11. Braudel, F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xv'-xvnr siècle, t. 3, Le temps du monde, Paris, Armand Colin, 1979, pp. 510512 Google Scholar.

12. Sur ce thème, Gallo, L., « Popolosità e scarsità di popolazione », ASNP, IX, 1980, pp. 403412 Google Scholar.

13. Voir l'article de P. Gauthier, cité n. 8 et aussi celui de G. Daverio Rocchi, « Le poleis megalai e mikrai corne tema letterario, motivo politico e rapporto giuridico », Acme, 1991, pp. 53-71.

14. On doit à P. Veyne la meilleure mise au point de ce qu'est la stratégie d'autarcie (avec des nuances intéressantes par rapport à M. I. Finley) dans deux articles, l'un concernant le propriétaire « Mythe et réalité de l'autarcie à Rome », REA, 81, 1979 (voir p. 264), l'autre l'Etat, « Rome devant la prétendue fuite de l'or : mercantilisme ou politique disciplinaire ? », AESC, 1979, pp. 211-244. On ajoutera les pages 890-891 de « Critique d'une systématisation : les Lois de Platon et la réalité », AESC, 1982.

15. Platon, Rep., 371a, Aristote, Politique, VI, 8, 1321a, 15-18 ; VII, 6, 1327a, 25-28.

16. E. A. Costa, Jr., « Evagoras I and the Persians ca. 411 to 391 », Historia, 23,1974, p. 44, pense à une vraie politique commerciale d'Evagoras. Par contre, Seibert, J., « Zur Bevôlke- rungstruktur Zyperns », ASOC, 7,1976, pp. 67 Google Scholar, ne croit pas à la réalité du passage d'Isocrate, qu'il juge purement rhétorique, ce qui est fort possible. Sur la présence phénicienne, M. Sznycer, « Salamine de Chypre et les Phéniciens », dans Salamine de Chypre. Histoire et archéologie, 1980, pp. 123-129. Sur la notion de barbarisation, voir M. Dubuisson, « Le vocabulaire grec de l'acculturation », RBPH, 1982, pp. 5-32.

17. L'influence de l'article de Mickwitz, G., « Economie Rationalism in Graeco-Roman Agriculture », English Historical Review, 208, 1937, pp. 577589 CrossRefGoogle Scholar, est dans ce domaine très forte. Pour G. Mickwitz, il n'y a pas de rationalisme dans l'économie agricole avant 1770 mais le commerce et les métiers ont pu le connaître plus tôt (p. 589).

18. On trouvera un excellent tour d'horizon récent des réflexions sur l'agriculture grecque dans le volume édité par Wells, B., Agriculture in Ancient Greece, Stockholm, 1992 Google Scholar ; sur les stratégies agricoles lire en particulier « Agricultural Labor in Ancient Greece », par M. H. Jameson, pp. 135-146 et sur les propriétés en Attique, « The Control of the Attic Landscape », par L. Foxhall, pp. 155-159.

19. P. Halstead, « Traditional and Ancient Rural Economy in Mediterranean Europe : plus ça change ? », A3 A, 107, 1987, p. 86.

20. R. Osborne, « Pride and Prejudice, Sense and Subsistence : Exchange and Society in the Greek City », dans J. Rich et A. Wallace-Hadrill éds, City and Country in the Ancient World, 1991, p. 137.

21. Même si elle fait partie des banalités philosophiques, on peut rappeler comme image de son temps la phrase d'Antisthène qui critique ceux qui, déjà très riches, « assument toutes sortes d'efforts et de risques, afin d'acquérir encore davantage » (XéNophon, Banquet, IV, 35).

22. C'est aussi ce que fait Trimalcion (voir P. Veyne, REA, 1979, p. 276).

23. Pour la banque, voir les remarques de Cohen, E. E., Athenian Economy and Society. A Banking Perspective, Princeton UP, 1992, pp. 6167 Google Scholar.

24. Sur ces changements, noter par exemple Aristophane, Les oiseaux, v. 591-602.

25. Cinq talents chez Diodote (Lysias, XXXII, 5), 80 mines chez Démosthène (XXVII, 10) comme chez Comon (XLVIII, 15), une somme non précisée chez Léocratès (Lycurgue, C. Leocr., 17). Sur l'idée que les échanges peuvent être le cas échéant un élément de sécurité, P. Veyne, REA, 1979, p. 264.

26. Pour comprendre cette famille de mots lire B. Gallet, « Sur le sens de l'adjectif phtoneros : la “jalousie” des Athéniens dans le discours contre Leptine, Démosthène, XX, § 10, 140 et 164, REA », 92, 1990, pp. 45-58.

27. Uépimeleia est le comportement du propriétaire (voir la place du concept dans l'Économique de Xénophon) qui se différencie ainsi de l'ergon des salariés ou des esclaves. C'est cette différence que l'on retrouve dans l'Oraison funèbre de Périclès (Thucydide, II, 40, 2) entre ceux qui ont Vépimeleia et ceux qui s'appliquent aux erga.

28. Idée que l'on retrouve constamment chez D. Hume si souvent cité par M. I. Finley (EAnt : 21, 184) pour sa remarque sur l'absence de rapport entre industrie et ville antique. Il faut savoir que D. Hume nie d'une façon générale qu'il y ait eu le moindre rôle de l'artisanat et du commerce dans la ville grecque, par exemple dans son traité « Of Commerce », des Moral, Political and Literary Essays (Oxford, 1963), trad. frse, 1981, pp. 30-31. Au lieu de cela les États grecs faisaient la guerre.

29. Finley, M. I., « Classical Greece », dans Deuxième Conférence internationale d'Histoire économique, Aix-en-Provence, 1965, p. 32.Google Scholar

30. Sur les rapports entre Weber et Finley et plus généralement sur sa conception des cités antiques, on lira Bruhns, H., « De Werner Sombart à Max Weber et Moses I. Finley. La typologie de la ville antique et la question de la ville de consommation », dans L'origine des richesses dépensées dans la ville antique, Aix-en-Provence, 1985, pp. 255273 Google Scholar et Bruhns, H., Nippel, W., « Max Weber, M. I. Finley et le concept de ville antique », Opus, VI-VIII, 1987-1989, pp. 2750 Google Scholar.

31. La trophè de la cité n'est pas ici seulement l'alimentation mais l'ensemble de ses ressources, voir aussi Platon, Lois, VIII, 842c.

32. La cité peut l'organiser elle-même comme à Clazomènes (Aristote, Écon., II, 2,1348b, 17-22).

33. Cf. mon article « La loi de Solon sur l'interdiction d'exporter les produits attiques », dans A. Bresson et P. Rouillard éds, L'Emporion, Paris, pp. 145-161.

34. Sur les droits d'exportation et d'importation, voir A. Bresson, « Aristote et le commerce extérieur », REA, 89, 1987, pp. 217-238 ; sur agora et diathesis, « La loi de Solon… », pp. 152- 153.

35. Le texte a été interprété de diverses façons (en dernier lieu avec rappel d'autres traductions, A. Bresson, art. cité, p. 223). Je propose d'y voir l'une des deux formes d'impossibilité de l'échange évoquées dans le début du passage par Aristote, non le cas où aucun des partenaires n'a besoin de l'autre, qui me semble trop évident pour qu'Aristote ait besoin d'en donner un exemple mais celui où seulement l'un des deux a besoin de l'autre. Le contexte du managed trade entre cités est alors pertinent car il ne fonctionne pas selon les règles de la charité qui, entre individus, pourrait permettre l'échange même dans ce cas de figure.

36. Corcyre : Thucydide, I, 37, 3-4 ; Byzance : Polybe, IV, 38. Voir encore la libération des emporta de Sicile accordée par Gélon de Syracuse (Hérodote, VII, 156).

37. Plutarque, Quest. grec, 29, 297f : « Les Epidamniens, voisins des Illyriens, se rendirent compte que les citoyens qui étaient en relations commerciales avec eux devenaient dangereux et, craignant une révolution, choisirent chaque année pour ce type de conventions et les échanges un citoyen pris parmi ceux qui étaient soumis à la dokimasie qui, en visitant les barbares, procurait à tous les citoyens le droit d'entrée à l'agora et le droit d'y vendre (diathesis) ; il était appelé le polète ». Voir en dernier lieu P. Cabanes, « Apollonie et Epidamne-Dyrrachion : épigraphie et histoire », dans L'Illyrie méridionale et l'Epire dans l'Antiquité, II, Paris, 1993, p. 151 (et aussi « L'étranger dans les cités d'Epidamne-Dyrrachion et d'Apollonia d'IUyrie », dans L'étranger dans le monde grec, II, Nancy, 1992, pp. 90-91) qui traduit différemment la dernière phrase « son rôle était de visiter les barbares, de fournir le marché et de donner à tous les citoyens la possibilité de vendre ». Or il n'existe qu'un seul verbe dans le texte grec (pareîchen) qu'il faut conserver pour les deux actions ; il y a en outre le parallèle de Strabon, XI, 2, 12 qui rend vraisemblable le fait qu'agora indique ici l'autorisation accordée d'entrer et de commercer sur la place du marché. M. I. Finley, qui étudie le dossier d'Epidamne dans son rapport de la Deuxième Conf. Int. d'Hist. Écon. (Aix-en-Provence, 1962, publ. 1965) pp. 14-18, interprète mal la phrase : il y voit la suppression du commerce privé avec les Illyriens et la vente par le polète lui-même des marchandises. Déjà la notion d'un monopole du commerce par les Epidamniens chez Andreadès, A. M., A History of Greek Public Finance, Cambridge, 1933, p. 179 Google Scholar, n° 1, pour des « raisons éthiques » dont l'idée vient peut-être de Riezler, K., Über Finanzen und Monopole im alten Griechenland, Berlin, 1907, p. 54 Google Scholar. En réalité on doit comprendre que la situation antérieure était marquée par l'influence personnelle de quelques Epidamniens qui obtenaient les autorisations pour eux ; après la mesure relatée par Plutarque les autorisations sont accordées à tous les Epidamniens qui le désirent, ce qui ne signifie pas que d'autres Grecs n'aient pas accès à ces marchés illyriens.

38. On peut même concevoir une cité qui n'ait que des exportations, Platon, Lois, IV, 705a.

39. Weber, M., La ville, trad. frse, Paris, 1982, p. 187 Google Scholar.

40. Certains points de la traduction posent problème. Les traducteurs de la CUF (R. Flacelière et E. Chambry) gomment complètement la complexité du texte dans la deuxième phrase (§ 4). Je pense que les phortega sont le pluriel du neutre phortegon, ce qui constituerait un hapax. Il ne peut s'agir que d'un neutre collectif de métier qui désigne les groupes de phortegoi, comme on a banason ou agoraion (Aristote, Politique, IV, 3, 2,1289b 33 ; Politique, VII, 9, 7, 1329a 20). Les phortegoi sont en ce cas les portefaix qui déchargent les navires ; sur ce mot lire B. Bravo, DHA, 1, 1974, pp. 126-132 ; DHA, 3, 1977, pp. 42-51 ; J. Velissaropoulos, DHA, 3,1977, pp. 66:68 et Les Nauclères grecs, Genève-Paris, 1980, pp. 37-42 (dans tous ces travaux le passage sur Ephèse n'est jamais cité). Le verbe elkesthai se rencontre dans l'inscription commerciale sur plomb récemment découverte à Ampurias (1. 8) pour désigner le transbordement des cargaisons des navires de haute mer sur les barques qui les conduisent au port (E. Sanmarti, R. A. Santiago, ZPE, 68, 1987, p. 124, ZPE, 72, 1988, p. 100.

41. W. Elliger, Ephesos. Geschichte einer antiken Wettstadt, 2” édition, Stuttgart, 1992,pp. 43-44 ; Bommelaer, J. F., Lysandre de Sparte. Histoire et traditions, Paris, 1982, p. 74 Google Scholar.

42. IG, XII, suppl. 347 II ; voir F. Salviat, dans BCH, suppl. XIII, 1986, p. 148.

43. On retrouve le thème des produits qui arrivent de partout dans le port d'Éphèse dans une inscription de 146-147, H. Wankel, Die Inschriften von Ephesos (IK, 11, 1), n° 23, I, 7-8.

44. Lire P. Kinns, « Ionia : The Pattern of Coinage during the Last Century of the Persian Empire », REA, 91, 1989, pp. 188-189, qui explique cette abondance par la demande du tribut perse (p. 193). On compte environ 150 à 200 coins de droit pour Éphèse au 4e siècle (cf. P. Kinns), c'est comparable à l'atelier de Pergame de 27 à 190 (cf. G. LE Rider, « La politique monétaire du royaume de Pergame après 188 », JS, 1989, pp. 183-184).

45. S. Karwiese, « Lysander as Heraliskos Drakonopnigon », NC, 1980, pp. 1-27.

46. Traduction du Nouveau choix d'inscriptions grecques, Paris, 1971, p. 57 avec la modification introduite par Bresson, A. Google Scholar, art. cité, p. 235.

47. E. Will dans Le monde grec et l'Orient. Le ve siècle, 1972, p. 269 ; M. Austin et P. Vidalnaquet, Économies et sociétés en Grèce ancienne, Paris, 1972, p. 328. Vision différente chez Giglioni, G. Bodei, Lavori pubblici e occupazione nell'antichità classica, Bologne, 1974, p. 42 Google Scholar ss et Podlecki, A. J., Plutarch Life of Pericles, Bristol, 1987, p. 46 Google Scholar.

48. Cf. la circulation des biens sous l'Ancien Régime, J.-Y. Grenier, « Modèles de la demande sous l'Ancien Régime », Annales ESC, 1987, n° 3, pp. 497-527 à qui j'emprunte la citation de Condillac (p. 505) qui exprime très bien le phénomène : « Le prix des choses nécessaires sera très bas par comparaison aux prix des choses superflues parce que tout le monde est intéressé à les apprécier au plus juste. Au contraire, le prix des choses superflues sera très haut par comparaison parce que ceux-là mêmes qui les achètent ne sont pas intéressés à les estimer avec précision ».

49. Epikataskeuazomenoi : « ceux qui équipent en plus » ou, comme le pense Gauthier, P. (Un commentaire historique des Poroi de Xénophon, Paris, 1976, pp. 119120 Google Scholar), « les nouveaux arrivants ». Il me semble que le premier sens s'adapte mieux au contexte du paragraphe qui parle d'investissements en main-d'oeuvre de la part des propriétaires. Parallèlement à cela, on notera que Platon (Lois, 846e) considère qu'avoir des esclaves permet de gagner plus que si l'on travaille seul.

50. Deux à trois mois cependant avant l'arrivée des convois du Pont où la moisson est plus tardive.

51. P. Millett, Lending and Borrowing in Ancient Athens, Cambridge, 1991. La phrase citée est à la page 312 et s'adresse à E. E. Cohen qui a publié depuis un ouvrage sur la banque athénienne (voir n. 23), d'inspiration souvent moderniste.

52. En dernier lieu P. V. Stanley, « The Purpose of Loans in Ancient Athens : A Reexamination », MBAH, 9,1980, pp. 57-73. Peut-être aussi un aspect plus « productif » dans les prêts à Délos à partir de 250 : Reger, G., « Private Property and Private Loans on Independent Delos », Phoenix, 4, 1992, pp. 322335 Google Scholar.

53. On ne peut suivre Riezler, K., Über Finanzen und Monopole im alten Griechenland, Berlin, 1907, p. 23 Google Scholar quand il distingue les métèques des créanciers anciens, ce qui l'amène à imaginer une situation où les anciens créanciers sont automatiquement évincés.

54. Sur ces exemples voir M. I. Finley, Studies…, op. cit., p. 294, n. 11 ; sur leur danger p. 262, n. 124.

55. Les études sur la banque grecque ont été nombreuses depuis l'ouvrage de base de R. Bogaërt, Banques et banquiers dans les cités grecques, Leyde, 1968. La réflexion a ceci d'original qu'elle transcende parfois le clivage modernisme-primitivisme. Ainsi la présentation de R. Bogaërt est jugée trop calquée sur la réalité moderne à la fois par P. Millett, op. cit., pp. 203-206 et par E. E. Cohen, op. cit., pp. 111-114. En revanche, R. Bogaërt refuse à la banque une place active dans les affaires commerciales, ce que conteste (après Thompson, Mhelv., 1979), E. E. Cohen, op. cit., p. 136 ss (même si sur un passage comme le Contre Polyclès § 55 de Démosthène la position de R. Bogaërt est préférable). P. Millett se place sur un terrain sociologique pour s'opposer à R. Bogaërt en notant ce qui lui apparaît un paradoxe, la bonne image du banquier qui contraste avec celle épouvantable du prêteur (p. 197). Il l'explique par le fait que la fonction du banquier s'est en quelque sorte spécialisée comme un recours pour les étrangers qui n'ont pas accès aux réseaux d'entraide des citoyens (p. 217). On doit nuancer cette conclusion. Si le lien avec le milieu étranger est certes sensible, il n'est d'aucune façon exclusif. Si l'on prend comme exemple le fameux discours XVII d'Isocrate sur la banque de Pasion, on s'aperçoit que parmi les acteurs de l'affaire nommés dans le texte il y a trois étrangers et huit citoyens. Je ne pense pas que ce soit son « éloignement » social du milieu citoyen qui fasse du banquier un personnage à « bonne réputation ». Ce serait plutôt lié au fait que le banquier est un homme de la pistis (Démosthène, XXXVI, 57), ce qui veut dire qu'il passe pour emprunter avant de prêter, il ne peut travailler que si l'on a confiance en lui et si on lui confie son argent. Le dépôt est un prêt. Qu'en fait-il ? Il achète des terres (Démosthène, XXXVIII, 7) ou fait du commerce. Effectivement plus proche du courtier que du banquier institutionnel moderne (discussion P. Millett, p. 206), il est l'un des partenaires possibles (dans quelle proportion ?) de ceux qui ont des revenus à placer.

56. J.-Y. Grenier, art. cité, p. 518.

57. Sur la personnalité et l'identité de l'Anonyme lire l'état de la question tracé par Des Places, E. dans son édition de Jamblique à la Cuf, Paris, 1989, pp. 1819 Google Scholar. Ce passage est oublié par P. Millett quand il remarque (p. 170) l'absence à Athènes d'une critique de la thésaurisation de la monnaie.

58. M. J. Price, « Thoughts on the Beginnings of Coinage », dans Studies in NumismaticMethod. Près, to P. Grieson, 1983, pp. 7-8.

59. Le darique perse, le statère de Cyzique et bien sûr la chouette athénienne, conseillée à l'exportation par Xénophon, Revenus, III, 2. Pour quel usage ? Le change contre les monnaies locales ? C'est possible, mais aussi, sinon davantage, le prêt à des gens qui ont besoin de chouettes, c'est ce qu'on peut supposer du vocabulaire employé par Xénophon : « où ils le vendent (l'argent), ils en tirent plus que le capital (archaion) ». Archaion est généralement le capital prêté à intérêt.

60. C. M. Kraay, « Hoards, Small Change and the Origin of Coinage », JHS, 84, 1964, pp. 76-91 ; voir C. Howgego, « Why did Ancient States Strike Coins ? », NC, 1990, pp. 3-4.

61. Donner un cours privilégié à la monnaie locale, c'est aussi imposer des exportations, ce que Xénophon rappelle sur les « marchands contraints de ramener une cargaison de retour » (Rev., III, 2). La cité construit ainsi des circuits marchands.

62. Berend, D., « Réflexions sur les fractions du monnayage grec », dans Festschrift fur Léo Mildenberg, Wetteren, 1984, pp. 730 Google Scholar.

63. Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 5, 14, 1133b 12. La monnaie comme échange différé : M. Sahlins, Age de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives, trad. frse, Paris, 1976, pp. 291-292.

64. Gauthier, P. (Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques, Nancy, 1972, pp. 7071 Google Scholar) refuse à symbolon le sens de petite monnaie, attesté par Pollux (Onotn., IX, 71). Les exemples donnés par le lexicographe abondent cependant en ce sens, qui apparaît toujours comme la solution la plus simple. Dans les Phormophoroi (les Portefaix) d'HermiPpos, où il est donc question des salariés du port, un personnage dit « je recevrai la monnaie des commerçants » en quoi on peut voir raisonnablement le salaire qu'il reçoit plutôt qu'un débiteur des kapeloi qui « emportera les marques qui attestaient sa dette ». Un fragment d'Archippos, que P. Gauthier sent bien comme une sorte de proverbe : « Il n'a même pas un symbolon » (on dirait « il n'a même pas un sou ») est commenté ainsi « mais pourquoi imaginer qu'il s'agit d'une petite pièce de monnaie ? » et pourquoi pas en effet ? N'est-ce pas plus logique que d'imaginer à la place « une reconnaissance de dette » ou même un objet quelconque, ayant suffisamment de valeur pour pouvoir être « engagé » contre une certaine somme d'argent (l'exemple donné un peu plus loin est une phiale d'or, ce qui ne convient guère à l'impression de pauvreté du dit proverbe). Dans un autre passage d'Hermippos, quelqu'un déplore avoir un symbolon cassé ou coupé, « il se lamente peut-être au sujet d'une tablette désormais sans valeur » dit Gauthier, or une monnaie coupée n'a plus de valeur, alors qu'un « document » de ce genre peut encore à la limite être utile…

65. D. Bérend, art. cité, pp. 17-18

66. h'amixia peut être l'équivalent de la rareté de l'argent, Hérodote, 2, 136. h'epimixia dans le sens de relations commerciales, Aristote, Politique, VII, 1327a, 39-40, Plutarque, Quest. Grec, 29.

67. Hérodote, II, 96; Polyclète de Larissa chez Strabon, XV, 3, 21. Remarque d'HowGego, art. cité, p. 2.

68. E. Will, « Fonction de la monnaie dans les cités grecques de l'époque classique », dans Numismatique antique. Problèmes et méthodes, Nancy-Louvain, 1975, pp. 239-240. Contra Loraux, N., L'invention d'Athènes. Histoire de l'oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, 1981, p. 81 Google Scholar et p. 384, n. 17. G. P. Landmann, « Das Lob Athens in der Grabrede des Perikles (Thucydide, II, 34-41) », MH, 31, 1974, p. 90 voit dans le passage aussi bien les rapports d'Athènes avec les autres États que certains rapports d'amitié à l'intérieur d'Athènes entre gens exceptionnels, comme Périclès et Phidias. Hooker, J. T., « Charis and Arétè in Thucydides », Hermès, 102, 1974, pp. 164169 Google Scholar, dont j'ai repris certains points de traduction, souligne bien le lien avec les formes archaïques d'échange (p. 167), bien qu'il y voit lui aussi une expression de l'impérialisme athénien. Dans l'échange archaïque, celui qui donne en premier crée la dette et a le bénéfice. L'État et l'individu ont le même rôle symbolique dans l'échange monétaire. Dans le jeu subtil entre archaïsme et modernité qu'est Vépitaphios, le fait joue à plein