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Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Peut-on faire l'histoire de Vichy ? Longtemps il y eut lieu d'en douter, tant l'histoire et la mémoire s'enchevêtrent quand une « guerre franco-française » est en jeu. Mémoires gaulliste et communiste ont convergé dès le lendemain de la guerre pour construire la légende rose d'un peuple résistant, uni derrière son chef charismatique (de Gaulle) ou son parti d'avant-garde (le PCF). La légende noire qui surgit à la fin des années 1960 peut-elle prétendre au même statut de mémoire dominante ? On peut en douter, malgré des films décapants à succès et quelques ouvrages grand public.
Head of Information Services in a new team which rose to power with Darlan in February 1941, PaulMarion began to work towards a policy of total social containment based on an omnipotent state, a restricted activist élite, and no mass mobilization. The Project thus concerned his own sector, but was intended to be more gênerai. To further his aims, Marion was able to glean support from close friends from essentially "non-conformist" environments of the 1930s, and from the collaborationist current —of often underestimated importance— in the State apparatus. His successes highlight the heterogeneous nature ofthis régime in which power relations were in constant évolution between multiple éléments. But his fundamental failure reveals the unity of this régime whose élites, ideological foundations, social and relay bases were primarily traditional and conservative.
1. Sur « Vichy après Vichy », cf. H. Rousso, Le syndrome de Vichy, Paris, Éditions du Seuil, « XXe siècle », 1987, 378 p.
2. Jäckel, E., La France dans l'Europe de Hitler, Paris, Éditions Fayard, 1968 Google Scholar ; Hoffmann, S., Essais sur la France, Paris, Éditions du Seuil, 1974 Google Scholar (dont l'article « Collaborationism in Vichy France », publié en 1968 dans Journal of Modem History, n° 3) ; Paxton, R. O., La France de Vichy, 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, 1973, 375 p.Google Scholar
3. L'année Darlan fut également décisive dans le domaine économique, mais tel n'était pas notre sujet ; cf. A. S. Millward, The New Order and the French Economy, Oxford, Clarendon Press, 1970 ; R. F. Kuisel, Le capitalisme et l'État en France : modernisation et dirigisme au XXe siècle, Paris, Éditions Gallimard, 1984 ; H. Rousso, « Les paradoxes de Vichy et de l'Occupation, contraintes, archaïsmes et modernités », dans Capitalistes français aux XIXe et XXe siècles (sous la direction de P. Fridenson et d'A. Straus), Paris, Editions Fayard, 1987, 427 p.
4. On peut lire dans le rapport de synthèse du service de la Propagande (novembre 1940-Ier mars 1941), Archives nationales (AN), F41 266 : « (le service) est prêt à diffuser la doctrine de l'État nouveau, dès qu'elle sera arrêtée dans sa forme définitive, et qu'il n'est pas habilité à établir. Cet organisme fonctionnerait déjà si les changements répétés de chefs responsables n'avaient depuis trois mois arrêté son mouvement ».
5. Cf. la liste des cabinets ministériels dans le rapport établi par F. Laurent pour le colloque sur le gouvernement de Vichy (1940-1942), FNSP, 1970 (rapport non édité). Le ministère subit quelques aménagements, dont le plus important résida dans l'attribution du portefeuille de l'Intérieur à Pucheu le 18 juillet 1941.
6. H. Du Moulin De Labarthète, Le temps des illusions, Genève, A l'enseigne du cheval ailé, 1947, 326 p., cité par J.-P. AZÉMA, De Munich à la Libération, Paris, Éditions du Seuil, 1979, p. 90.
7. « Principes directeurs du Secrétariat général à l'Information », Sténogramme du procès Marion, Cabinet Bluet, fasc. 2, pp. 145-147 ; Interview à la baronne Doblhoff pour le Magyarorszag, 7 mai 1942, AN Haute Cour Marion 3W239 (désormais AN 3W). Notre travail eût été impossible sans l'aide de Jean Favier, directeur des Archives de France, de Chantai Bonazzi, conservateur en chef de la section contemporaine et de tous ceux qui travaillent dans cette section. Qu'ils soient ici remerciés.
8. Interview, op. cit.
9. « Principes directeurs », op. cit., p. 146.
10. Ph. Amaury, De l'information à la propagande d'État, les deux premières expériences d'un« ministère de l'Information » en France (1939-1940, 1940-1944), Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1969, p. 128 ss. Il s'agit là d'un instrument de référence de première qualité, où, en particulier, les structures sont étudiées en détail, ce qui nous évitera de trop longs développements. Législation oblige, l'auteur ne pouvait alors avoir accès au dossier de l'Instruction et aux séries F7 et F41 des AN.
11. Nous nous permettons de renvoyer à l'article que nous avons publié dans Annali de la Fondation Feltrinelli, « Le régime de Vichy a existé. Gouvernants et gouvernés dans la France de Vichy (juillet 1940-avril 1942) », dans Vichy 1940-1944 ; Archives de guerre d'Angelo Tasca, sous la direction de D. Peschanski, Paris-Milan, CNRS-Feltrinelli Editore, 1986, 749 p. (pp. 12-14).
12. Note pour Paul Marion sur la réforme de la presse, Vichy, 11 octobre 1941, citée par B. Palmer, « L'Office français d'Information (1940-1944) », Revue d'Histoire de la 2e Guerre mondiale (RH2GM), n° 101, janvier 1976, p. 24.
13. Note pour servir de base aux entretiens DNB/OFI, s. d., probablement juin 1941, archives OFI, p. 12.
14. Circulaire n° 24 du 6 avril 1941, AN F41 156.
15. Pour des exemples de censure, cf. Ph. Amaury, op. cit., annexes. Liste complète des consignes, AN 3W240 et F41 268.
16. Circulaire de l'Information n° 30, AN F41 156.
17. Voir par exemple la lettre du syndicat des quotidiens régionaux au directeur des services de la Censure, F41 157 ; et, a contrario, les problèmes que posait constamment à Marion A. de Varennes, directeur de La Montagne.
18. Note de Paul Marion mars (?) 1941, 2AG457, citée par J.-L. Crémieux-Brilhac et H. Eyck dans La guerre des ondes, Paris, Librairie Armand Colin, 1985, p. 43. Pour plus de détails, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à cette importante étude comparative.
19. Rapport après deux mois (5 mars-10 mai 1941), AN 3W239.
20. Id.
21. G. Jeantet en parle longuement dans le livre qu'il a écrit avec J. Laurent, Année 1940, La Table Ronde, 1966, p. 276 ss.
22. Registre des délibérations de l'Association pour la formation des propagandistes de la Révolution nationale, AN F41 268.
23. Cf. « Au Mayet de Montagne, creuset de la Révolution nationale », reportage réalisé par un instituteur au sortir d'une session, mars 1942, AN F41 270 ; F. Gravier y présente les objectifs de l'école.
24: Cf. Registre des délibérations de la Centrale de propagande pour la Révolution nationale (CPRN), AN F41 268. Le comité de direction de 5 membres est présidé par F. Chasseigne.
25. Del Bayle, J.-L. Loubet, Les non-conformistes des années 30, Paris, Éditions du Seuil, 1969, rééd. 1988.Google Scholar
26. Cf. lettre de P. Marion aux membres de la commission chargée « d'examiner les désaccords entre J. Doriot et P. Marion », 17 janvier 1939, AN 3W241.
27. P. Marion, Leur combat, Paris, Arthème Fayard, 1939, p. XXI.
28. Sténogramme du procès, op. cit., fasc. 1, p. 45.
29. La Rochelle, P. Drieu, Fragment de mémoires, Paris, Éditions Gallimard, 1982, pp. 85–86.Google Scholar
30. Journal de Déat, AN F7 15342, bob. 2, 27 février 1942.
31. Cf. notice biographique rédigée par Cl. Pennetier pour le Dictionnaire biographique du Mouvement Ouvrier Français, t. 22, pp. 163-165.
32. Sur l'historique de ces mouvements et, plus encore, leur signification, cf. Ph. Burrin, La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery, 1933-1945, Paris, Éditions du Seuil, « L'univers historique », 1986, 530 p.
33. Idées, novembre 1941, éditorial.
34. A. Petitjean, « Notre problème révolutionnaire », Idées, septembre 1942. Cet article s'insère dans un très intéressant numéro spécial que la revue consacre à la Révolution nationale. On y trouve, par exemple, les signatures de J.-P. Maxence et de J. de Fabrègues.
35. J. Laurent-cély, « Doulce », Idées, nov. 1941.
36. Plusieurs de ces hommes tenteront de jeter un pont entre Vichy et Londres ; cf. le compte rendu d'une réunion entre Carrière, Maze, Fulconis et Gravier, le 10 juillet 1942, ainsi que le texte d'avril 1943, au titre significatif, « Tactique de la Troisième Force », dans le Journal de guerre d'A. Tasca, op. cit., pp. 402 et 463.
37. R. F. Kuisel, « The Legend of the Vichy Synarchy », French Historical Studies, n° 3, 1970, pp. 365-398 ; P. Assouline, Une éminence grise, Paris, Balland, 1986, pp. 75-80.
38. H. Du Moulin de Labarthete, déclaration à la direction des Renseignements généraux, octobre 1946, pp. 77-79, AN 3W241.
39. A. Tasca, Cahier NN, 5 octobre 1941, pp. 79-80, archives de la Fondation Feltrinelli, non publié. Jean Coutrot était présenté comme l'animateur du « Mouvement synarchique d'empire ». Sa mort accidentelle en mai 1941 avait suscité d'autant plus d'intérêt qu'on avait trouvé sur lui un très copieux carnet d'adresses.
40. P. Drieu La Rochelle, op. cit., p. 73 ; J. Benoist-Méchin, De la défaite au désastre, t. 1, Paris, Éditions Albin Michel, 1984, p. 53 ; P. Marion, procès-verbal d'interrogatoire du 28 juillet 1945, AN 3W239.
41. Dans son étude sur Les Compagnons, R. Hervet, cite la réaction de J. Maze après sa défaite : « Je veux faire partie d'un organisme vraiment révolutionnaire. La phrase “le Mouvement Compagnon n'est contre personne” est inacceptable. “Une fleur au chapeau, à la bouche une chanson” c'est bien gentil, mais ce n'est pas suffisant. Un couteau à la ceinture, s'il le faut, pour se battre » ; cf. de même sur le conflit, Ph. Amaury, op. cit., p. 199 ss.
42. Cf. note transmise le 9 avril 1942 à André Cherrier, directeur adjoint du Cabinet, ministère de l'Intérieur, AN FIA 3691.
43. Lettre de F. Valentin à A. Petitjean, 27 septembre 1941 et réponse du 29 septembre ; observations d'A. Petitjean pour le ministère de l'Intérieur, s. d. ; AN FIA 3691.
44. Nous avons développé la question de la jeunesse unique dans « Le régime de Vichy a existé », article cité, pp. 26-27. Voir surtout W. D. Halls, The Youth of Vichy France, Oxford, Clarendon Press, 1981. Ainsi raconte-t-il en détail la session que le Conseil national consacra à la question en mars 1942, et qui vit Pétain contrer l'ultime offensive, menée alors par Pucheu.
45. Sur les tentatives de parti unique, cf. J.-P. Cointet, « Marcel Déat et le parti unique (été 1940) », RH2GM, n° 91, juillet 1973, pp. 1-22 ; R. O. Paxton, Préface à P. Drieu La Rochelle, op. cit. ; Ph. Amaury, op. cit., pp. 176-184.
46. P. Nicolle, 50 mois d'armistice, A. Bonne éd., 1947.
47. A. Tasca, Cahier NN, 18 septembre 1941, archives Fondation Feltrinelli, non publié.
48. Circulaires des 19 septembre 1941, 24 février 1942 et 25 mars 1942, AN F41 268.
49. « Note sur l'insuffisance des traitements du personnel de la censure », 24 octobre 1941, AN F41 156.
50. Carnets de guerre d'André Lavagne, AN 650MI, consultés avec l'autorisation de l'auteur, aujourd'hui décédé, et de sa famille.
51. Dans une conférence qu'il a prononcée devant les délégués départementaux à la propagande, H. Du Moulin de Labarthete est revenu longuement sur les réticences des préfets et de la Légion, AN FI A 391, pp. 27-28 et 33-34. Exemple de conflit avec un préfet : l'affaire Raverat, AN F41 267.
52. Télégramme d'Abetz à Ribbentrop, 20 février 1941 ; rapport d'Abetz, avril 1941 ; télégramme d'Abetz à Ribbentrop, 14 août 1941 ; cités AN 3W241.
53. Notes de Marion des 16 août et 2 septembre 1941 ; id.
54. Cf. H. Umbreit, Der MBH in Frankreich, Boppard, 1968 ; P. M. Dioudonnat, L'argent nazi à la conquête de la presse française, Jean Picollec, 1981. Nous n'avons évoqué que les comités de propagande, mais la concurrence s'est révélée dans bien des secteurs. On citera pour mémoire le cas des prisonniers de guerre, mais les services de Marion ne furent concernés que marginalement ; cf. P. Durand, La captivité, histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, ENCPG.
55. Dès le mois d'août 1940, un mémorandum du Dr Best signalait qu'Abetz revenait d'Allemagne prendre officiellement ses fonctions d'ambassadeur, avec pour consigne de « faire tout son possible pour encourager les divisions internes ». Dans le bilan qu'il fit un an plus tard, Abetz soulignait que l'Ambassade avait essayé « d'empêcher la formation de groupements unifiés de politique, d'opinion ou de formation » ; cités dans R. O. Paxton, préface à P. Drieu La Rochelle, op. cit., p. 30.
56. Sur la BBC, lire La guerre des ondes, sous la direction d'H. Eyck, op. cit., et l'édition des émissions politiques par J.-L. Crémieux-Brilhac, Ici Londres, les voix de la liberté, La Documentation française. La BBC n'est pas un simple indicateur de l'état de l'opinion. La contre-propagande de la résistance, sous toutes ses formes, est un instrument de conviction et donc de modification de l'opinion, et un facteur de cohésion politique et idéologique du groupe qui la développe.
57. On trouve les statistiques du contrôle postal et les bulletins hebdomadaires du contrôle de l'opinion (Information) dans les archives Tasca de la Fondation Feltrinelli (Milan) ; les rapports du service des contrôles techniques (Guerre) et une partie des statistiques en AN F41 266 et F7 14926. L'étude de l'opinion dans la France en guerre est une piste récemment ouverte par l'importante thèse de P. Laborie, Résistants, vichyssois et autres : l'évolution de l'opinion et des comportements dans le Lot de 1939 à 1944, Toulouse, Éditions du CNRS, 1980.
58. H. Rousso, « Vichy, le grand fossé », XXe siècle, n° 5, janvier-mars 1985, pp. 55-80, et Le syndrome de Vichy, op. Cit.
