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L'Histoire à l'épreuve de la guerre d'Espagne

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean-Pierre Peter*
Affiliation:
Ecole des Hautes Etudes

Extract

Plaignons l'historien qui se voue ou se vouera à redire notre époque et son monde : le xxe siècle reste un sphinx redoutable, parce que prolixe.

Presse écrite, parlée ou filmée, enquêtes, statistiques : un demi-siècle de vie successive, de plans, de guerres, d'entreprises, tout cela s'ouvre à qui veut s'y livrer. On plonge, on se ravit ; mais comment ressortir ?

Pour l'historien, voici donc le temps de l'abondance. C'est dire : celui de la facilité ; alors que ce devrait être celui d'une rigueur supplémentaire. Le présent est à nous, l'histoire de notre temps règne aux devantures des libraires.

Type
Notes Critiques sur le fascisme :
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1964

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References

1. Thomas, Hugh, La guerre d'Espagne (trad. de The spanish civil war, London, 1960), Paris, Laffont 1961, 700 Google Scholar p. in-8°.

2. H. Thomas op. cit.pp. 50-52.

3. Ibid.p. 58.

4. Ibid.pp. 194-195.

1. Bhoué, Pierre et Témime, Emile, La révolution et la guerre d'Espagne, Paris, Ed. de Minuit (coll. Arguments), 1961, 544 Google Scholar p., in-8°.

1. Bkenan, Gerald, The spanish labyrinth, Cambridge, C.U.P., 1943 Google Scholar.

2. H. Thomas, op. cit.p. 219.

1. Brenan, G., op. ctt-; Rama, Carlos M., La crisis espanola del siglo XX, Mexico, 1960 Google Scholar.

1. Cette remarque revient trois fois, dans les mêmes termes.

2. H. Thomas, op. cit.p. 48. Nous retrouverons chez Brenan une idée voisine mais étayée. Nous voulons seulement mettre en relief ici un certain ton de Thomas, un choix des mots, révélateur de sympathies implicites et de condamnations.

3. Ailleurs (p. 409), rendant compte de l'atrocité des bombardements allemands sur la Biscaye, l'auteur mentionne le cas de Durango, petite ville dévastée le 31 mars 1937. Les deux cent quarante victimes civiles sont citées en termes strictement statistiques. L'émotion est réservée aux trois églises incendiées, aux quatorze religieuses et aux deux prêtres victimes, parmi d'autres, de ce déchaînement. L'un, précise-t-on, « fut tué alors qu'il élevait l'hostie ». Pourquoi ce choix ? Désir de dramatiser ? Perspective anecdotique. Quoi qu'il en soit, le regard de H. Thomas, là encore, privilégie systématiquement l'Église. C'est très platement qu'on ajoute ensuite : « tout le reste de la ville fut égalementbombardé et mitraillé » (nous soulignons).

1. Il y aurait beaucoup à dire sur ce « dit-on ». Surtout si on le met en relation avec l'absence de « dit-on » au paragraphe précédent… Sans parler du vague de telles sources. C'est bien cependant cette incertitude même qu'on veut laisser planer sur le fait luimême.

2. Habtley, Anthony, « Spain 1936, and after ». Encounter, n° 104, Londres, mai 1962 Google Scholar.

1. H. Thomas, pp. 305, 358, 383 et 187.

1. Au groupe officiel du parti communiste espagnol (P.C.E.) s'oppose le Partido obrero de unificación marxista(P.O.U.M.) formé de dissidents trotskystes pourtant en désaccord avec Trotsky et désavoués par lui. P. BhouÉ les désigne comme communistes K staliniens », usant d'un terme qui, pour anachronique qu'il puisse paraître, rend plus précisément qu'aucun autre l'idée que se fait l'auteur de ce que furent le style et la portée de leur action.

2. BrouÉ développe abondamment ce point de vue, qu'il étaye de nombreux arguments, preuves ou références. Retenons-en ces citations qu'il tire de Borkenau, Franz ( The Spanish Cockpit, London, 1937 Google Scholar) : « Les communistes ne s'opposèrent pas seulement à la marée des socialisations, ils s'opposèrent à toute forme de socialisation… Ils ont non seulement brisé le pouvoir des Comités [révolutionnaires], mais manifesté leur hostilité à toute forme de mouvement de masse, spontané, incontrôlable. Ils agissaient, en un mot, non avec l'objectif de transformer l'enthousiasme cahotique en enthousiasme discipliné, mais avec comme but de substituer une action militaire et administrative disciplinée à l'action des masses et de s'en débarasser complètement ».

3. Remarquons que le Front Populaire français peut être envisagé sous une même définition. I. On notera parallèlement que les attitudes subjectives de H. Thomas concourent à une meilleure compréhension des craintes et des refus des modérés et du Centre espagnols eux-mêmes. Son horreur de la violence fait revivre les sentiments symétriques des consciences contemporaines de même appartenance.

1. C'est ce qui fait toute l'ambiguïté du mot, et donc sa faiblesse. Observons qu'il risque désormais d'ouvrir la voie à la pire confusion mentale. Commode, il sert à tout et chacun le pétrit à sa guise. Rien ne diffère plus radicalement, par exemple, que les sens que lui donnent en sociologie un homme comme Lucien Goldmann, en philosophie des sciences un Vuillemain, Martinet en linguistique, et en ethnologie Claude Lévi- Strauss, le seul qui en use logiquement puisqu'il postule, mais à tort, la fixité qu'implique sa définition. Il serait temps que l'historien veille à son vocabulaire s'il veut garder, dans sa pensée, la rigueur convenable.

1. Rama, Carlos M., La crise espagnole au XXe siècle, Paris, Fischbaeher, 1962 Google Scholar; HC p. in-8°.

2. Pascazio, Analisi délia SpagnaRome, 1934, p . 648 ; cité par Carlos Rama.

3. Ainsi verra-t-on le raisonnement s'appuyer tour à tour sur des idées tirées de Marx, Sombart, Bergson, Saint Jean de la Croix, Cervantes, Cunow et Gurviteh (sans parler de Fustel de Coulanges et Lavisse). Synthèse ? plutôt confusion. Comme si l'auteur, professeur à Montevideo, et se croyant étranger à l'Europe, voulait, en faisant l'amalgame de toutes sortes de pensées européennes, se naturaliser, se faire admettre.

1. L'analyse pénétrante que Marx fait du cas espagnol dans La révolution d'Espagne (1854-1856) inclut la même idée, que certains processus de l'histoire espagnole sont liés à des traits spécifiques de la civilisation du pays, à des conditions naturelles, à des traditions, etc.. Dans ces détours de l'histoire, les fondements économiques se trouvent comme brouillés ou neutralisés.

1. Brenan, Gerald, Le labyrinthe espagnol, Paris, Ruedo Ibérioo, 1963, XVIII 282 Google Scholar p. in-8°. Il convient d'attirer l'attention sur la qualité de la traduction française due à M. et A. Joly.

1. Brenan, op. cit.Introduction. 1. Ibid.p. 158

1. Il excelle à décrire le rapport des forces dans les années qui ont précédé la guerre, particulièrement cette faiblesse de la République bourgeoise face à ses militaires. Profondément attachée à un ordre social dont elle héritait enfin et prête, pour le maintenir, à de dures répressions, incapable aussi bien d'oser une réforme agraire qui l'eût sauvée, elle crut suffire à sa tâche en masquant la vieille réalité sous un manteau parlementaire. Quand la Gauche réagit, la Droite étonnée par le Front Populaire refusa de se plier à une légalité qu'elle ne reconnaissait plus sienne. Elle choisit la violence. Elle montrait ainsi combien le problème de l'État se posait en termes d'opposition de classes : idéal de l'État populaire contre celui de la Dictature.

1. … et ses propres succès. Brenan mentionne les nombreuses expériences de collectivisation menées par les anarchistes et réussies.

1. « C'est à la Reconquête que l'Espagne doit son existence en tant que nation- Son unité fut le fruit de la victoire. La guerre sainte avait fini par si bien faire partie [ensuite] de la vie nationale que les Espagnols la poursuivirent jusqu'à épuisement total contre eux-mêmes et contre toutes les hérésies européennes. (Le labyrinthe espagnol Introduction.) o Aux yeux des libertaires espagnols, l'Église catholique… est plus qu'un obstacle à ia révolution. Ils voient en elle la source de tout mal. [Elle est] la religion qui, sous le couvert de l'amour fraternel et du pardon réciproque, tourne en dérision le bel idéal de solidarité humaine… C'était la haine d'hérétiques pour l'Église dont ils étaient issus ;… la colère d'un peuple intensément religieux qui pe voit abandonné et trompé. Prêtres et moines étaient passés dans le camp des riches. Quand [ce peuple, sous d'autres formes], reprit sa lutte pour la conquête de l'idéal chrétien, ce fut contre l'Église, non avec elle. » (Ibid.pp. 137-138.)

2. Franz Borkenau, The spanish cockpit.

3. Cf. l'essai passionnant et discutable de Norman Cohn, The pursuit of the millenium (trad. Les fanatiques de l'Apocalypse, courants millénaristes révolutionnaires du XI» au XVIe siècleJulliard, 1962).

1. On relira dans cet esprit les excellents chapitres dans lesquels Emile Témime fait voir l'influence déterminante du contexte international sur l'issue de la lutte.