C'est dans un moment bien grave que j'adresse au Bulletin international ce premier rapport sur l'activité de la Société patriotique. Vous savez qu'une insurrection a éclaté en Dalmatie. Vous êtes mieux placés en Suisse que nulle part en Europe, pour apprécier les immenses difficultés qu'offre, au mouvement des troupes ainsi qu'à leur approvisionnement, un terrain semblable à vos Alpes sous beaucoup de rapports; mais, ce que vous ignorez complètement dans votre beau pays, où l'on admire partout les fruits de la civilisation, ce sont les actes inouïs de barbarie qu'on commet dans ce coin de l'Europe. Les insurgés dépouillent les pauvres blessés de leurs vêtements, de leurs chemises même, et les renvoient dans cet état; ou bien, jugeant nos braves soldats indignes d'être mis à mort, ils les mutilent, leur coupent le nez, leur fendent les lèvres, font d'eux une cible et leur infligent de graves blessures, non dans un combat loyal, mais de sang-froid et de propos délibéré. Jugez, d'après cela, si l'on peut attendre de ces barbares qu'ils respectent le drapeau blanc ou la croix rouge. Un témoin oculaire m'a raconté qu'ils ont demandé, au commandant d'un petit fort, la permission d'enterrer les cadavres de quelques-uns de leurs camarades, qui avaient été tués dans un combat et qui étaient restés entre les mains des nôtres; le commandant y consentit; mais à peine ces dépouilles mortelles se trouvèrent-elles en la possession des insurgés, que quelques-uns d'entre eux se chargèrent de ces cadavres et prirent la fuite, tandis que les autres tiraient des coups de fusil sur ceux de nos soldats qui venaient de les leur livrer.