Published online by Cambridge University Press: 28 July 2009
Face aux problèmes d'organisation sociale posés par les sociétés paysannes européennes, passées ou contemporaines, l'ethnologue demeure assez désemparé: les grandes théories ethnologiques, filiation et alliance (élaborées pour des sociétés qui avaient tout un corps de règies d'affiliation à des groupes de parenté ou de sélection du conjoint) sont ici d'un usage incertain. Les sociologues, quant à eux, offrent, depuis les travaux de Redfield (Redfield 1956), une analyse des principes d'organisation communautaire ou, à travers les travaux de Mendras (Mendras 1976), des principes de médiation entre société paysanne et société globale; elles laissent cependant en dehors de leurchamp les questions relatives à l'organisation des groupes domestiques et à leur perpétuation. En Europe, il semble bien que les principes explicites qui organisent la vie sociale en distribuant les individus dans des groupes solidaires aient peu à peu cédé le pas devant d'autres principes, d'ailleurs greffés sur les précédents ou issus d'eux, qui définissent les droits sur les biens et la manière dont ils se transmettent. Ce sont ces derniers principes, dérivant inévitablement d'une certaine conception de la parenté et de l'alliance, qui ont donné lieu à l'élaboration d'une véritable « théorie indigène » de l'organisation sociale, le droit privé. Cette évolution ne conduit évidemment pas à délaisser les grandes théories de l'alliance et de la filiation mais à chercher de quelle manière leurs acquis permettent d'éclaircir les principes d'organisation sociale implicates qui s'expriment à travers ou par delà le droit. Rien que pour la France seule, on découvre la présence d'au moins deux traditions juridiques distinctes et souvent imbriquées: la tradition romaine et la tradition franque.