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La Quatrième Demande du Pater

Published online by Cambridge University Press:  10 June 2011

Jean Starcky
Affiliation:
Institut Français d'Archéologie Orientale, Beyrouth, Liban

Extract

La traduction de la quatrième demande du Pater a toujours été laborieuse, et la dernière en date chez les Chrétiens francophones frise la tautologie: Donne-nous anjourd'hui notre pain de ce jour. En mars 1966, dans une lettre à une haute personnalité religieuse où j'exprimais mes réserves sur le texte de ce Pater oecuménique, j'attribuai ces diffcultés à une méconnaissance du substrat sémitique, que je supposais être quelque chose comme , , autrement dit un hébraïsme qui se réduit à: Donne nous notre pain quotidien

Type
Research Article
Copyright
Copyright © President and Fellows of Harvard College 1971

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References

* Pour la commodité du lecteur, rappelons que Mt. 6,11 et Lc. 11,3 com-mencent tous deux par τὸν ἡρτῶν ὴμῶν τὸύσιον. Puis Mt. a: δὸς ἡμῖ?ν σήμερον et Lc: δίδου ἡμι τὸ καθἡμέραν.

1 Le targum (Onkelos et Jonathan ) offre un décalque uniforme: pitgam yôm b'yômêh.

2 Expository Times III, 1, 28 (Carmignac, 206).

3 Recherches, 140.

4 Comm. in Matth., 6,11 et Tractatus in Ps. CXXXV (v.25), cf Recherches, 127 et 44s.

5 Le syrien doit être l'araméen parlé en Syrie et en Palestine. L'écriture qui sera dite “syriaque” nous est connue dès le début de l'ère (A. Maricq, Syria XXXIX [1962], 88–100). Le chaldéen doit être l'araméen de Mèsopotamie. Pour Jérôme, chaldéen est synonyme de syrien, ou plutôt de syrìaque, cf. son commentaire à Daniel 2,4, où le texte sacré porte “en arameen.” Mais toute la littéra-ture judéo-arameenne est en écriture hébraïque, c.à d. carrée (Qumrân, Doura, etc).

6 La seule interprétation valable, que nous rappellerons plus bas, c'est de limiter cette formulation restrictive à la communauté judéo-chrétienne de Jéru-salem. Pour les autres explications, elles se confondent avec celles qui donnent ὰἐπιούσιςν le sens “du lendemain,” cf. Recherches, 44s., 124–28, 133–35, I 204, 208–21 (o´ l'auteur milite en faveur de lemaḥar, mais pour finalement lui donner le sens insolite de “jusqu'au lendemain”).

7 Sur l'attitude des anciens rabbins au sujet de la langue de la prière, voir Recherches, 31s.

8 L'article έπιούσιος de W. Foerster dans le Theol. Wörterb. zum Neuen Testament, II (1935), 587–95, donne u n aperqu precis des opinions des exegetes modernes et estime finalement “qu'il faut renoncer à toute interprétation temporelle de ἐπιούσιος” pour rejoindre le de Prov. 30,8, c.à d. la notio n de “mesure nécessaire à chacun,” abstraction faite de l'étymologie à donner à ἐπιούσιος. Dans ses Recherches, Jean Carmignac fait une grande place aux opinions des Peres et des exégétes anterieurs au XIX siècle (121–43, 214–20 et passim).

9 Ou même d'un Matthieu précanonique, H. J. Schoeps, Theologie und Gesckichte des Judenchristentums (1949), 26. L'exposé equilibre du Père M.-J. Lagrange sur L'Evangile selon les Hébreux, Rev. Bibl. XXXI (1922), 161–81 et 321–49 reste utile, mais tout en reconnaissant que le Matthieu araméen est à la base de l'Evan-gile selon les Hébreux, il tient notre mahar pour un remaniement de l'original, par ex., (cf. Esdr., 6,6; pour le Pere Lagrange, cet original est en effet en araméen), quotidiennement, cf. Luc 11,3: τ ὸκαθ ἡμέραν Comme l'original devait aussi avoir l'équivalent du σὴμερον de Mt. 6,11, par ex., , “pour éviter (dan s l'Ev. selon les Hébr.) la répétition on a pu recourir à de demain ….” (328). On évite les hypothèses compliquées de ce genre, d'abord en supposant un original hébreu, puis en demandant à un idiotisme de rendre compte à la fois de mahar et du mot repondant à σήμερον. Pour d'autres restitutions, voir Recherches, 138–42.

10 L'Evangile selon les Hébreux était connu en Egypte (Clément d'Alexandrie, Origène, pap. d'Oxyrrhinque …) et a done pu infiuencer les versions coptes qui ont crastinum ou venientem (mais il faut reconnaitre que la nuance qui sépare ces deux mots latins — s'ils rendent bien le copte — s'explique bien à partir de ἐπιἐναι).

11 Cité par J. Carmignac, 208. II reproduit aussi les textes analogues de A. Canini (+ 1557), A. Morus (1661), R. Eisler (1925); pour les écoles rabbiniques, p. 206 et 209.

12 Recherches, 121 (Origène), 127 (Jérôme “maintient quotidianum en Luc et le remplace en Matthieu par supersubstantialem.” Mais il est difficile de dire quel sens de ἐπιούσιον veut rendre le cotidianum de la “vetus latina” que revisait Jér⊚me. II en va de même pour ‘amînô, perpétuel, de la vieille syriaque).

13 Pseudo-Athanase, vers 365, cité par J. Carmignac, 124.

14 Sur la “déseschatologisation” du Pater de Matthieu par celui de Luc, cf. J. Alonso Diaz, El “Padre Nuestro” dentro del problema general de la Escatologia, Miscelanea Comillas 34–35 (1960), 297–308, et les remarques de J. Carmignac, 345–47. J. Alonso Diaz envisage aussi un état prémattheen, celui du pater de Jésus, qui attendait l'arrivée imminente du règne de Dieu (299–301). En fait la distinction trop poussée entre eschatologie réalisée et eschatologie conséquente ne rend pas compte de l'appréhension globale, par Jésus et par les premiers chrétiens, de la notion de Royaume, à la fois présent et futur, cf. Recherckes, 347, et pour d'autres formes de l'interprétatio n eschatologique, 338s. et passim.

15 Les textes dans Recherches, 145–53. Les Orientaux de rite grec entendent en ce sens le pain de la quatrième demande.

16 Pour deux autres attestation s de 1'adjectif dans le grec profane, voir l'article περιούσιος de Preisker dans Theol.Wb.z.N.T., VI (1959), 57s., oú l'auteur mon-tre que dans la Septante et le N.T. περιύΣιος conserve le sens premier de richesse abondante, précieuse. Jérôme n'a done pas entièrement tort en faisant de ἐπιοἐσιος un synonyme de περιοἐσιος (citations dans Recherches, 127). Cf. déjà H. Rōnsch, cité par Foerster, eod. loc, II, 590, n. 20.

17 Notre pain quotidien, dans Rev. des Et. gr. LXXXIII (1970), 56–62. Dans le même sens, les auteurs cités par Foerster, eod. loc. (n. 20). Le fait que “dans περιούΣιος, il n'y ait pas ούσ ια au sens de ‘besoin’” ne doit pas écarter un rapprochement avec ἐπιούσιος, car tous deux sont des “formations particuliètres,” indépend-antes des adjectifs en — ούσιος créés par les philosophes (Preisker, eod. loc, VI, 57, n. 1).

18 Parmi les Pères, Basile, Grégoire de Nysse, Théodore de Mopsueste, c.à d.l'Ecole d'Antioche, qui insiste sur l'aspect matériel du pain, Recherckes, 153s., cf. 123, la citation de Théodore de Mopsueste, dont le commentaire n'est connu qu'en traduction syriaque. Le syriaque de la peshitta porte laḥmô d'sûnqonan, le pain de notre besoin, et a done renon¸é au 'amînô de la vieille syriaque.

19 Cité par Foerster, Theol.Wb.z.N.T., II, 594, n. 65s., cf. n. 11, oú la même explication adaptée à ἐπιούσιον est moins heureuse. Le papyrus est repris par F. Preisigke dans son Sammelbuch (I, 5224); cf. B. M. Metzger, Historical and Literary Studies (Leyde, 1968), 65–66.

20 Parmi celles que je n'ai pas utilisées, il faut au moins signaler ἐπι-ούσιος tiré de ἐπι τύσαν (ἡμἐραν) pour le(jour) présent, infatigablement defendue par A. Debrunner, bien que cette expression elliptique ne soit pas attestée (Foerster, eod. loc, 590s. et n. 26s.), et ἐπ-ιούσι ος, du jour qui survient, entendu du jour qui commence, ce qui suppose un Pater réservé au matin (ou à la nuit), alors que le contexte évangélique en fait une prière universelle (voir Foerster pour les tenants de cette opinion, 589, n. 18, et pour les (rares) attestations de cet emploi, n. 16). C'est une de ces deux explications qui a du inspirer le texte tautologique du Pater oecuménique. Même si tel est le sens de ἐπιούΣιον, l'expression reste maladroite, et remonte elle aussi à une traduction mécanique de , dont on aurait dû rendre l'esprit et non la lettre.

21 Même le σἡμερον s'explique dans ce contexte: “chaque jour καθ’ἡμέραν ils fréquentaient ensemble le Temple et faisaient à la maison la fraction du pain …” Actes 246. Mais cette situation speciale n'a pas duré et la formulation eschatologique du Pater n'a survécu que sporadiquement. Malgré son amour de la veritas hebraica, Jérôme ne l'a pas considérée comme canonique.