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La Perception Du Mande et De L'Identite Mandingue Dans Les Textes Europeens, 1453–1508*

Published online by Cambridge University Press:  13 May 2014

Jose da Silva Horta*
Affiliation:
Universidade de Lisboa

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Aujourd'hui il n'est plus polémique reconnaître l'importance des textes européens pour l'étude des societes africaines qui ont établi des contacts avec les marchants, les missionaires, les prêtres, les aventuriers venus d'Europe en passant, ou même pour s'établir en Afrique. Aussi, ont-ils reçu des échos d'autres gens plus lointains, échos qui, parfois se révèlent des informations précieuses. Mais, en même temps, on a actuellement une vive conscience des problèmes d'interprétation et des doutes de crédibilité qui subissent les chercheurs à qui les textes européens puissent être utiles. Il serait presque inutile de rappeler que ces problèmes-là ne sont pas un exclusif de la manipulation des sources européennes mais se posent aussi, en ce qui concerne l'histoire de l'Afrique Occidentale, pour les sources arabes d'origine extérieure aux sociétés étudiées.

Les textes véhiculent des représentations: leurs données sur les sociétés africaines sont une construction mentale d'une réalité extérieure perçue, (re)construction qui implique la mobilisation des schémas mentaux intériorisés et d'existence préalable et autonome envers cette réalité extérieure. Des représentations qui se bornent aux limites d'un observateur ou rédacteur dont la pensée est ordonnée par des catégories européennes, exogènes à l'object de connaissance et qui, de façon plus élargie, sont relatives aux conditions de production du texte en cause.

Ce sont précisement les représentations qui font l'object de recherche auquel cet étude se situe: un object de charnière entre l'histoire européenne et l'histoire de l'Afrique. Il demande un double positionement et approche soit des sociétés européennes (qui produisent un discours anthropologique sur l'Africain), soit des sociétés africaines (object dinamique de ces représentations).

Type
Research Article
Copyright
Copyright © African Studies Association 1996

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Footnotes

*

Ce texte est la version définitive d'une communication présentée au Troisième Congrès des Études Mandé, Leiden, 20-24 mars de 1995. Cette version a bien profité des commentaires de Stephan Bühnen à qui je remercie vivement. A Catarina Salgueiro aussi ma gratitude pour la révision de mon français.

References

Notes

1. Voir European Sources for Sub-Saharan Africa before 1900: Use and Abuse, ed. Jones, Adam and Heintze, Beatrix [Paideuma, 33(1987)]Google Scholar, et Horta, José da Silva, “A representacao do Africano na literatura de viagens, do Senegal à Serra Leoa (1453-1508),” Mare Liberum, 2 (1991), 209339.Google Scholar

2. Cette question a été développée par Horta, J. da Silva, “Entre História europeia e História africana, um objecto de charneira: as representações” en Actas do Colóquio International “Construção e Ensino da História de África” (Lisbonne, 1995), 189200.Google Scholar

3. Le bassin des vallées du Niger: chronologie et espaces” en Vallées du Niger (Paris, 1993), 27.Google Scholar

4. Une analyse tipologique de ces textes, intégrés dans une séquence textuelle plus élargie (du Sénégal à la Sierra Léone), a été menée dans Horta, José da Silva, “Representação,” 213–20.Google Scholar Voir la même étude pour les réferences bibliographiques complètes.

5. Voir, par exemple, l'édition du texte par Kamal, Youssouf, Monumenta Cartographica Africa Aegypti (Caire, 1936), 4/1: 1100.Google Scholar

6. Sur les informateurs européens et africains de Da Mosto, voir du Tertre, Marie-Pierre Laurent, Les informateurs d'Alvise da Mosto. Première et deuxième navigations (1455 et 1456), (Lisbonne, 1988).Google Scholar

7. Il faut même noter que la place de cette description à son récit est antérieure à l'arrivée au Sénégal, la frontière du “paexe di negri” (Pays des Noirs). Voir Viagens de Luís de Cadamosto e de Pedro de Sintra, ed. Machado, João Franco, (2 ed.: Lisbonne, 1988), 1724.Google Scholar

8. “E domandano nuj de molte cosse ultimate quello aferma esser paexe de gambra E che el principal signor de lor hauea nome farosangoli…el qual farosangoli Iera sotoposto alo Imperador de meli che Iera el gran Imperador de negri…” en ibid., 63-64.

9. Voir l'identification de ces ethnonymes dans Boulègue, Jean, Les Anciens royaumes Wolof(Sénégal), I Le Grand Jolof(XIIIe-XVIe siècle) (Blois, 1987).Google Scholar

10. Dans deux documents de l'Archivo de Protocolos de Sevilla, récemment publiés: “…esclavo de color negro, que ha nonbre Martin, de hedad de veynte e cinco años, poco mas o menos, et natural de Mandinga;”; “…esclava de color negra, que ha nonbre Banbana, de hedad de dies e ocho años, poco mas o menos, natural de Mandinga”. Voir Instituto de Investigação Científica e Tropical, Portugaliae Monumenta Africana, vol. I, Comissão Nacional para as Comemorações dos Descobrimentos Portugueses, Imprensa Nacional-Casa da Moeda, imp. 1993, docs. 118 e 119, pp. 257-58. Pour autres mentions voir Bühnen, Stephan, “Ethnic Origins of Peruvian Slaves (1548-1650): Figures for Upper Guinea,” Paideuma, 39 (1993), 7582.Google Scholar

11. Ibid., 75.

12. En ce qui concerne la réalité africaine, les confusions faites par les auteurs européens en (re)construisant des noms de peuples sont assez fréquentes: confusions entre toponymes et ethnonymes; entre titles de pouvoir et ethnonymes: voir Carreira, António, Os Portugueses nos rios de Guiné (1500-1900) (Lisbonne, 1984), 1314.Google Scholar Il y a aussi des confusions entre anthroponymes et titres de pouvoir: Valentim Fernandes qui, dès 1502, a parfaitement conscience de la signification de mandimansa écrit “el-rei Mandimansa” (“le roi Mandimansa”) tel qu'on écrivait couramment à l'époque “el-rei Manicongo,” par exemple.

13. A la même année de 1502, le mot “mandinga” apparaitra dans une légende du planisphère anonyme portugais “Cantino,” mais encore au singulier et comme toponyme: “e muitos escravos deles sam de jelof e delos de mandinga e de cape…,” apud da Mota, Avelino Teixeira, A Africa no Planisfério Português Anónimo “Cantino” (1502) (Lisbonne, 1977), 3.Google Scholar Pour Teixeira da Mota la représentation de l'Afrique faite dans ce planisphère date de la charnière du XVe pour le XVIe siècle, démontrant le progrès de la cartographie du continent à la période de Jean II (ibid., 4)

14. Os de Mandinga sõ differeciados co os de Gyloffa em a lingoa, mas em a ffe e custumes som huu~sDescription de la Côte Occidentale d'Afrique (Sénégal au Cap de Monte, Archipels) par Valentim Fernandes (1506-1510), ed. et trad, française da Mota, de A. Teixeira en colab. avec Th. Monod et R. Mauny, Bissau, Centra de Estudos da Guiné Portuguesa, 1951, pp. 3637.Google Scholar

15. Sur l'importance des fleuves dans l'organisation de l'espace africain par les Portugais voir Daveau, Suzanne, “A organização do espaço de Arguim à Serra Leoa e a sua progressiva descoberta pelos Portugueses na segunda metade do século XV” en Congresso Internacional Bartolomeu Dias e a sua época: actas (5 vols.: Porto, 1989), 3:127–30.Google Scholar

16. “Mandingo had served the early explorers as a language of contact throughout the region [entre la Gambie et le Rio Grande],” Hair, P. E. H., “The Use of African Languages in Afro-European Contacts in Guinea, 1440-1560,” Sierra Leone Language Review, 5 (1966), 14.Google Scholar

17. Pour l'identification de ces peuples, voir da Mota, Avelino Teixeira, “Duarte Pacheco Pereira, Capitão e Governador de S. Jorge da Mina,” Mare Liberum, 1 (1990), 1216.Google Scholar

18. Pinto, João Rocha, “As frustrações de Valentim Fernandes: Portugal, uma organização estratégica do saber ou a ausência de colecções de viagens apesar de nisso termos sido os primeiros,” Ethnologia, 3/4 (1985/1986), 224.Google Scholar

19. Comme a noté de Andrade, A. A. Banna, Mundos Novos do Mundo: Panorama da difusão, pela Europa, de notícias dos Descobrimentos Geogràficos Portugueses, 2 vols., vol. I, Lisboa, Junta de Investigações do Ultramar, 1972, p. 358.Google Scholar

20. Dans ces chapitres—au-delà les divisions traditionelles, localisations et toponymie de chaque “province,” dont la fixation est prioritaire dans tous—les produits ou d'autres marques d'importance économique occupent le deuxième lieu dans l'ordre descriptive (à l'exception du cas de la Perse auquel on renvoye à Marco Polo); la description humaine seulement en troisième lieu. Celle-ci, au chapitre de l'Éthiopie occupe le deuxième lieu et intègre des aspects nouveaux par comparaison avec les autres chapitres: le portrait somatique et, en particulier pour la Guinée, toponymes et localisations plus détaillées, et même la mention d'ethnonymes d'origine autochtone. Pourtant les informations que Fernandes véhicule sur le Mandé pourraient parfaitement être obtenues préalablement, à l'époque de Jean II, et figurer à ce mistérieux livre.

21. Suite du passage cité: “jusqu'à dépasser le cap de Boa esperança ou recommence la secte maurisque. à l'exception de la grande province de Maniconguo. Laquelle votre prédécesseur le Roi Jean II, dont Dieu a son âme, convérta une grande partie à la foi catholique.” La traduction française est mienne. Voici le texte portugais: “ho Ptolomeo chama a vossa Guynee Ethiopia austral. Em esta Ethiopia do Cabo verde atee o ryo de Casamansa som todos fanados. e a mayor parte delles som da seita de Mafomede. E as mayores duas geerações de Ethyopes som Gylofos e Mandingas. As quaaes comuumente tern huu grande rey o qual chamam Mandimansa. Ca a terra de Mandinga chamam Mandi. e mansa que quer dizer senhor. e assi o chamam Mandimansa. Este rey he senhor de muytos vassallos. e a elle paguam muytas parias. E viue dentro no sertaão bem quatroçentas legoas. em hua cidade cercada de taypa a que chamam Jaga. E este rey he negro, e tem muyto ouro e prata. e de todallas mercadorias que se tratam em Adem e Mecha. E os Ethyopes dalli auante comumente todos som ydolatras. atee passado o cabo de Boa esperança onde outra vez se começa a secta mourisca. a fora a prouincia grande de Maniconguo. A qual o vosso anteçessor el Rey dom Joham o segundo. cuja alma Deos tern, grande parte tern conuertido aa ffe catholica.” Marco Paulo: o Livro de Marco Paulo—o Livro de Nicolao Veneto—Carta de Jeronimo de santo Estevam, ed. Pereira, F. M. Esteves (d'accord avec l'impression de Valentim Femandes, Lisbonne, 1502)Google Scholar, Lisbonne, Biblioteca Nacional, 1922, fol. Aiiij r.

22. Cf. Santos, Maria Emília Madeira, Viagens de Exploração terrestre dos Portugueses em Àfrica (2 ed.: Lisbonne, 1988), 3740Google Scholar, et Ly-Tall, Madina, “Le déclin de l'empire du Mali,” Histoire Générale de l'Afrique, IV. L'Afrique du XIIe au XVIe siècle (Paris, 1985), 208–09.Google Scholar

23. Stephan Bühnen présume l'existence d'une identité entre Jaga et la région de Gadiaga à l'haut Sénégal: “The name of the Jahanka traders' town of Jaga/Jaha(-ba) on the western fringe of gold producing Bambuk was first mentioned by Fernandes, though (erroneously) as the capital of Mali: Bühnen, Place Names as a Historical Source: an Introduction with Examples from Southern Senegambia and Germany,” HA, 19 (1992), 94n22, et Map 1, p. 47.Google Scholar

24. Pour Vitorino Magalhães Godinho Mecha est une erreur du copiste ou d'autre origine, par Messa (“Meça,” à la graphie de l'èpoque), port du sud marocain; L'economie de l'Empire Portugais aux XVe et XVIe siècles (Paris, 1969), 196n.Google Scholar Mais la corrélation entre les deux textes de Valentim Fernandes prouve que c'est bien à Meca que le morave faisait mention à la Description.

25. Fernandes, , Description, 158n81.Google Scholar

26. Voir la note de son chef-d'oeuvre citée ci-dessus. Plus récemment, à l'édition portugaise, V. Magalhães Godinho a confirmé cette dernière interprétation. Pourtant, il essaye de la concilier avec la première hypothèse et explicite: “Akka e outros lugares do lado do oceano:” Godinho, , Os Descobrimentos e a Economia Mundial (2d ed.: 4 vols.: Lisbonne, 19811983), 1:157, 157n94.Google Scholar Sur les erreurs et problèmes de la première édition portugaise de la Description par António Baião et de la traduction française citée, voir les références bibliographiques complètes à Hair, P. E. H., “The Early Sources on Guinea,” HA, 21 (1994), 117nn30 et 34.Google Scholar

27. Par exemple: “Muytos lugares nestas terras sõ cercados de madeyra forte, cõ suas portas e porteyros guardadas como aca…” (“De nombreux villages de ce pays sont entourés de fortes palissades, avec des portes et des portiers, gardées comme chez nous…”), Valentim, , Description…, 5657.Google Scholar Autres exemples: “corças como d'aca” (“‘biches’ semblables à celles d'ici’”); “Este sparto he muy grande e muyto maior que ho sparto de aca” (“Ce sparte est très haut, beaucoup plus que le sparte d'ici”), Description de la Côte d'Afrique de Ceuta au Sénégal par Valentim Fernandes (1506-1507), ed. de Cenival, Pierre et Monod, Theodore (Paris, 1938), 100-01, 112–13.Google Scholar Dans les deux derniers passages cités, l'éditeur portugais, António Baião, a transcrit respectivement “da ca” et “de a ca” (O Manuscrito “Valentim Fernandes” [Lisbonne, 1940], 56 e 60Google Scholar).

28. On l'a déjà remarqué in “Representação,” 284, 320.

29. Boulègue, Jean, Anciens royaumes, 7Google Scholar, nous dit: “Le Grand Jolof…fut contemporain de l'empire du Mali dont il dut probablement, de façon souple, reconnaître l'hégémome. Mais, situé aux confins de cet empire et limitrophe du Sahara, participant directement aux courant d'échanges transsahariens, sur le plan culturel comme sur le plan économique, il se comportait comme un compartiment autonome du monde soudanais.” La base des informations données à l'impression est-elle mandingue, du propre cercle du Mandemansa, ou des “Gylofos”?

30. J'en ai fait un premier essai: “Representação,” 255-84.

31. Fernandes, , Description, 37 et 39.Google Scholar Magalhães Godinho (voir la note citée) a déjà noté ce paragraphe contrastant, mais l'interprétation qu'il en fait—ce serait à son avis un portrait du roi mandingue insignifiant en tant que vassal de l'empereur de Gao—ne tient compte du réel pouvoir que le Mandimansa et le Mali avaient encore à l'époque de la Description.

32. Pour une autre interprétation voir Bühnen, “Ethnic Origins,” 104n104.

33. C'est un des aspects importants qui faisait la différence entre le pouvoir du “capitain” ou “capitain-donataire” et le pouvoir exclusif du roi du Portugal dans les espaces, par exemple, insulaires, de l'expansion portugaise des XVe et XVIe siècles.

34. Un cas semblable à la Description, 6: “Le roi de ce peuple de Balangas est un homme triste et pauvre; il vit de son travail comme tous les autres.”