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Contribution a l'etude de la nature juridique des “Accords de Luxembourg” du 29 janvier 1966*

Published online by Cambridge University Press:  21 May 2009

François Bellanger
Affiliation:
Chargé de cours à la Faculté de Droit et des Sciences politiques et économiques de Strasbourg
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La crise qui a, en juin 1965, ébranlé la Communauté économique européenne est encore présente à toutes les mémoires. Elle a pu être surmontée, au moins provisoirement, grâce à certains “accords” réalisés à Luxembourg à la suite d'une réunion des Ministres des Affaires étrangères des six Etats membres. L'importance intrinsèque de ces “accords de Luxembourg” est de ce seul fait indéniable, même si leur portée exacte a pu être diversement appréciée.

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Articles
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Copyright © T.M.C. Asser Press 1968

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References

1 Voir, en particulier, Rainer Hellmann, Schlussakt einer Krise? Die europaischen Institutionen nach Luxemburg, in “Europa-Archiv” 1966, 359–268Google Scholar; Ernst Kobbert, Eine stille Revision der EWG, in “Europa-Archiv” 1966, 111122Google Scholar; Colloque de Lüge, La fusion des Communautés européennes au lendemain des Accords de Luxembourg, Nijhoff, 1967; H. Masler, National-und Gemeinschaft-interessen im Verfahren des EWG Ministerrats, Die Beschlüsse der ausserordentlichen Tagung des EWG-Ministerrates in Luxemburg vom Januar 1966, in “Zeitschrift für auslandisches öffentliches Recht und Völkerrecht,” 1966, 1–32 Colloque du Parlement européen sur “la situation actuelle de la Communauté” 18–21 janvier 1966, Débats, séance du 20. 1. 1966.

2 Conférence de presse du Président de la République française du 21. 2. 1966 (Documentation française, La politique étrangère de la France, Textes et documents, 1966, p. 42Google Scholar): “l'application imminente de la règle dite ‘de la majorité’ et l'extension corrélative des pouvoirs de la Commission menaçait de remplacer cette pratique raisonnable (de l'intervention des Etats) par une usurpation permanente de souveraineté”.

3 Alting von Geusau. Problèmes institutionnels des Communautés européennes, in Cahiers de droit européen, 1966, 227–250

4 reproduit dans: “La Documentation française. La politique étrangère de la France, textes et documents”. 1966, pages 32 et 33; Bulletin de la CEE, 1966Google Scholar, n° 3, pages 5 à 11; Revue Trimestrielle de Droit européen, 1966 no. 1, p. 112; et infra.Google Scholar

5 Au sens matériel l'adjectif “communautaire” est peu précis, et comme le fait remarquer Schemers, Besluiten van de vertegenwoordigers der Lid-Staten; Gemeenschapsrecht?, in Sociaal-Ekonomische Wetgeving 1966, p. 545 et s, cette imprécisionest dangereuse. Seule la perspective de l'imputation d'un acte permet de conserver au terme un sens juridique précis. Les actes “communautaires” sont ceux qui sont imputés à la Communauté, et sont donc ceux accomplis par ses organes.

6 Pour la France, rappelons-le, la réunion de Luxembourg ne devait être qu'une r´union intergouvernementale. Pour ses partenaires, au contraire, ce devait être une réunion du Conseil. Les sous-entendus de l'appellation sont suffisamment clairs pour n'être point explicités. Il faut signaler toutefois que le Conseil, dans une réponse à une question écrite de M. Vredeling, a, le 6 avril 1966, d´claré que la réunion de Luxembourg constituait une session du Conseil (J.O.C.E. 1966, p. 1024).

7 Ainsi, pour Mosler, op. cit., il s'agirait d'une réunion des “représentants des Etats réunis au sein du Conseil”. Pour Pescatore (Colloque de Liège de 1966, précité, p. 65), la réunion des 28–29 janvier 1966 constituait un Conseil.

7 Sur cette “institution” coutumière, consulter P. H. Teitgen & H. Lesguillons, Rapport National français in Fédération internationale de droit europ´en (FIDE), 3 `me colloque de Droit européen, Paris, novembre 1965; Kaiser, Die im Rat vereignigten Vertreter der Regierungen der Mitgliedstaaten, in Zur Integration Europas, Festschrift für C. Ophüls, 1965, 107–124; Bebr, Acts of representatives of the Governements of Member Stattes taken within the Council of Ministers of the European Communities, in Sociaal-Economische Wetgewing, 1966, 529–545; Pescatore, Remarques sur la nature juridique des “décisions des représentants des Etats-membres réunis au sein du Conseil” in Sociaal-Economische Wetgeving 1966, 579–586. Cf. aussi les remarques de Houben, in Les Conseils de Ministres des Communautés européennes, Sythoff 1964, pp. 88–89.

7 Pratique assez fréquente, notamment de la part des Ministres des Finances.

10 Une liste assez exhaustive de ces actes est donnée par Kaiser, op. cit. Le texte des “accords” de Luxembourg a été reproduit sous des intitulés très divers: “arrangements” pour la “Documentation française”, “textes sur lesquels les Ministres des Six ont marqué leur accord” pour la “Revue trimestrielle de Droit européen”, ou bien sans aucun intitulé.

11 On sait que s'il s'agit d'un accord international, “la terminologie n'est pas un élément déterminant quant à son caractère” (C.I.J. Affaire du Sud-Ouest Africain, arrêt du 21. 12. 1962, Recueil 1962, 331).

12 Conf´rence de Presse du Président de la République française du 21. 2. 1966: “par le fait même qu'on en a traité entre Ministres des Affaires étrangères et en dehors de Bruxelles…”

13 Houben, in Les Conseils des Ministres, précité, p. 235, donne la liste des sessions et le lieu où elles ont été tenues. De 1958 à 1962, il n'y eut que deux sessions du Conseil à Luxembourg. Depuis la fusion opérée par le Traité instituant un Conseil unique et une Commission unique du 8. 4. 1965, entr´e en vigueur en 1966, le Conseil des Communautés se réunit fréquemment à Luxembourg.

14 Toutefois, selon Pescatore, op. cit. in Sociaal-Economische Wetgeving 1966, 381, la formule de la réunion des représentants “au sein du Conseil” implique, par définition, “la participation automatique, sous une forme ou sous une autre, de la Commission”.

15 art. 3 b) du Règlement intérieur du Conseil de la C.E.E.: “La Commission est invitée à participer aux délibérations du Conseil. Toutefois le Conseil peut décider de délibérer hors la présence de la Commission”.

16 cf. P. H. Teitgen, in La fusion des Communautés, Colloque de Liège 1965 p. 208, qui parle de “coordination des compétences nationales”.

17 C. A. Colliard, in La fusion des Communautés au lendemain des accords Luxembourg, Colloque de Liège de 1966, Nijhoff 1967, p. 93.

11 article 2 al. 5 du Règlement intérieur du Conseil: “L'ordre du jour est arrêté par le Conseil au début de chaque session. L'unanimité du Conseil est requise pour l'inscription à l'ordre du jour d'un autre point que ceux qui figurent dans l'ordre du jour provisoire”.

19 Ces actes, d'appellation variée, n'étaient le plus souvent pas signés, et ne respectaient aucune des règles de forme adoptées pour les accords internationaux; quelquefois les Gouvernements les considéraient comme sujmets à une éventuelle approbation ou ratification, quelquefois au contraire il semble que la formule ait été délibérément adoptée pour éviter de conclure de véritables conventions internationales qui eussent exigé une approbation ou une ratification parlementaire nationale. Cf. Houben, op. cit, p. 93. Le résultat de cette pratique était que l'on éprouvait quelqus perplexité à déterminer le caractère que ces actes pouvaient se voir reconnaître par les législations nationales des Etats-membres et que l'on “hésitera parfois avant de savoir si ces ‘résolutions’, ‘décisions’ et ‘accords’ ont ou non valeur obligatoire” (Houben, , op. cit, p. 96).Google Scholar

20 S. Bastid, Droit international public, Cours de Droit Paris 19641965, p. 134Google Scholar: “Il peut arriver que des représentants d'Etats se mettent d'accord sur quelque chose qu'ils entendent faire et prennent l'engagement d'agir d'une certaine manière. S'il n'y a pas de doute sur la teneur de cet engagement, cet engagement va obliger parce qu'il y a promesse solennelle. Mais cet engagement n'aura pas le caractère d'un traité au sens propre; les règles générales applicables au traité ne vaudront pas pour cet engagement”.

21 J. Basdevant, Cours de Droit international, Cours de Droit Paris 1932, p. 127–128 définit le “gentlemen's agreement” de la manière suivante: il s'agit d'un “accord considéré comme obligatoire pour les Gouvernements de qui il émane, sans lier l'Etat lui-même”, et l'auteur cite en exemple l'accord Lansing-Ishii de 1907.

22 Ces actes de nomination ont un caractère juridique certain. Ce sont sont des actes-condition, qui attribuent à certains individus des droits et des devoirs fixés par un acte-règle qui est le Traité. Ils lient les Gouvernements ultérieurs, et non seulement ceux qui ont procédé à leur confection.

23 cf. Pescatore, op. cit. in Sociaal-economische Wetgeving, précité; et BEBR, op. cit, eod. loc.

24 Rares sont les “actes des représentants” qui comportent un compromis spécial reconnaissant la compétence de la Cour. Cf. Berb, op. cit. En ce qui concerne leur valeur en droit interne français, celle d'accord en forme simplifiée leur a été reconnue officiellement dans un cas au moins par le Conseil d'Etat français (C. E., SNCF 22. 12. 1961, Rec. 738Google Scholar conclusions Combarnous). Pour les problèmes relatifs au régime juridique de ces actes, il convient de se reporter aux travaux précités de Bebr et Pescatore.

25 C'est précisément l'avantage de la formule adoptée à Luxembourg; il n'y a eu aucune modification formelle du Traité, il n'y a pas eu de révision littérale, mais conformément à ce que souhaitait le ministre français des Affaires étrangères (Débat à l'Assemblée Nationale du 20 octobre 1965), “une procédure intergouvernementale permettant de modifier d'un commun accord en sauvant les apparences”. Car, si les accords aboutissent en fait à ce que les Gouvernements tournent la règle de la majorité pour ne pas risquer une nouvelle crise, le Traité reste intact, prêt à constituer à nouveau la loi applicable pour des gouvernements décidés à s'y soumettre.

Mais cela n'altère en rien le fait que ces mesures -et essentiellement celle relative à la procédure de vote-constituent un acte liant les partenaires. Cf. dans le même sens, Mosler, op. cit., ZaöRVR 1966, p. 13Google Scholar, qui compare ces mesures aux accords récents réglementant la procédure de vote au sein de l'Assemblée générale des Nations-Unies. Sur cette procédure de “consensus”, consulter Charpentier J., La procédure de non-objection, R.G.D.I.P. 1966, 862–877.

26 l'article 157 a été abrogé par le Traité instituant un Conseil unique et une commission unique du 8. 4. 1965 (Journal Officiel de la République française du 29 juillet 1967), et remplacé par l'article 10 dudit Traité qui reprend la même disposition.

27 par exemple, le Communiqué officiel des Six du 26 mars 1968 (Le Monde, 27–3. 1968) annonce que le Conseil a chargé la Commission “de prendre certains contacts diplomatiques pour éclairer le Conseil en vue d'une prochaine réunion”.

28 Sur ces actes établis selon des formes et des appellations non prévues au Traite, on se reportera aux remarques de P. H. Teitgen, Chronique générale de jurisprudence administrative-européenne, in Actualité juridique-droit administratif 1965, 345. L'auteur cite quelques exemples de ces actes, expose en quoi leur présentation ou leur émission est “anormale”, et commente l'arrêt de la Cour dans les affaires jointes 90–91/63 (Recueil 1964, 1919) qui a refusé de voir, dans une “resolution” du Conseil de prendre une décision à une date déterminée un acte créateur de droits dont le respect pourrait être juridiquement exigé. La Cour a estimé qu'en ne respectant pas le délai qu'il s'etait fixé, le Conseil n'a pas violé le Traité, et elle a établi son jugement sur une distinction très nette entre ce type d'acte (resolution ou “calendrier”, etc…) et ceux qui “sont adoptés sous la forme et sous la dénomination qui sont celles des actes du Conseil ayant force obligatoire au sens de l'article 189 du Traite”. Mais, étant donné que le Conseil accomplit nombre d'actes prévus au traité et qui ne sont pas ceux visés a l'article 189, on peut se demander si la Cour a considéré cette “resolution” comme un acte non juridique d'organisation interne, ou comme une mesure d'ordre interne au sens, classique en droit administratif français, de mesure juridique insusceptible de recours de la part d'un administré. L'incertitude existe en ce qui concerne la nature juridique ou non juridique de ces “resolutions” ou actes similaires.

On doit noter aussi qu'en ce qui le concerne le Conseil se refuse à voir dans de tels actes des actes conférant des droits. A propos d'un “accord” du Conseil intervenu le 15. 12. 1964 sur un certain nombre de points concernant la solution de problemes en suspens dans le domaine de la politique agricole commune, le Conseil a répondu, à la suite d'une question écrite de M. Vredeling, que “l'accord mentionné ci-dessus, qui ne prétend pas être un acte ayant force obligatoire dans l'ordre juridique de la communaute, exprime la volonté d'arrêter en temps utile des actes émanant, conformément au traité, des institutions de la Communauté et publiés au Journal Officiel des Communautés européennes” (Réponse du 6 avril 1966, JOCE 1122/66). Là encore, le Conseil hésite à qualifier d'acte juridique ce qui n'est pas, à ses yeux, un acte susceptible de recours devant la Cour: il confond ainsi la nature et le regime ou la portée.

La question de la juridicité de ces “resolutions” ou “programmes” ci-dessus évoqués pourrait peut-être tranchée de façon affirmative si, comme l'indique P. H. Teitgen dans sa chronique précitée, on faisait appel à la jurisprudence de la Cour qui sanctionne tout acte communautaire dérogeant à des règies obligatoires du Traité, et, s'attachant à l'objet et au contenu plutôt qu'a la dénomination, pourrait admettre même un recours si l'acte constitue une décision “ayant la positivité d'une règie susceptible d'être appliquée”. Le caractère d'acte juridique de ces décisions à usage interne, ou de ces véritables mesures d'ordre intérieur, selon le cas, ne pourrait être alors établi de façon générale pour l'ensemble de ces actes; il pourrait l'être pour certains.