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Rapports Probables Entre le Zadig de Voltaire et la Pensée Stoïcienne

Published online by Cambridge University Press:  02 December 2020

Eugène E. Rovillain*
Affiliation:
University of Michigan

Extract

On mentionne avec raison l'épicurisme de Voltaire mais il ne faut pas toutefois oublier qu'au point de vue de la morale seule, il est assez difficile de tracer les différences qui devraient exister entre le sage épicurien et le sage stoïcien. Ces deux doctrines, aussi bien que le péripatétisme représenté par Aristote, le pyrrhonisme transformé plus tard en scepticisme, l'éclectisme de la Nouvelle-Académie expliqué par Cicéron, font partie du bagage philosophique légué à l'Europe par la pensée grecque et romaine. Voltaire a été influencé par ces doctrines à différents degrés et l'étude présente sur “Zadig” va montrer combien Voltaire a su lire, comprendre et même pratiquer quelque peu la pensée stoïcienne en la mélangeant naturellement avec d'autres.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Modern Language Association of America, 1937

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References

page 374 note 1 II n'est nullement question ici des hommes dissolus recommandant les jouissances et les plaisirs bas, et qui, condamnés par Horace et par Cicéron, n'étaient épicuriens que de nom: “Epicuride grege porcum” (Horace, Epitre i, 4).

page 374 note 2 Dans son édition critique de Zadig (1929), M. Ascoli indique que Voltaire a lu la Bibliothèque orientale d'Herbelot ainsi que la philosophie chinoise expliquée par le Père Du Halde; il note aussi que Voltaire a puisé nombre de ses idées dans l'œuvre de Pope et de Leibniz. Rien n'est plusvrai, mais Pope et Leibniz n'ont-ils pas puisé leurs idées en grande partie dans la pensée grecque? La Bible discute aussi certain points touchés par Voltaire influencé lui-même par le syncrétisme chrétien ainsi que Pope et Leibniz l'avaient été.

page 374 note 3 “Voilà votre portrait, Stoiques abusés: Vous voulez changer l'homme et vous le détruisez.” (5e. Discours sur l'homme.)—Ces vers s'adressaient en réalité aux jansénistes dont Voltaire condamnait la morale outrée.

page 374 note 4 Edit., Moland, x, 302–303.

page 374 note 5 xxv, 135.

page 374 note 6 xviii, 361.

page 374 note 7 Le xviiie siècle voyait en Sénèque un rhéteur assez hypocrite qui vivait au milieu des richesses tout en prêchant l'abnégation.

page 374 note 8 Voir aussi: v, 205–210; xviii, 244; xix, 414; xx, 197; xxiii, 479–482; xxv, 461–468; xxvi, 90 et 440; xxxiv, 29.

page 374 note 9 La théorie du plaisir, de la jouissance et du bonheur contenue dans “Zadig,” se rapprocherait donc beaucoup plus de celle d'Aristippe, le chef de l'école cyrénaïque, qui ne voyait que des instants détachés de jouissance dans la vie, et qui fondait la recherche du bonheur et du plaisir dans le mouvement et dans l'action.

page 374 note 10 II est amusant de constater que dans Candide, satire contre les systèmes, le héros finit en épicurien, vivant dans la solitude et la médiocrité, sans action, sans passions et sans amour, se contentant de cultiver son jardin.

page 374 note 11 “Je trouverai fort bon qu'on m'appelle cause finalier, c'est-à- dire un imbécile … Quelques philosophes affectent de se moquer des causes finales, rejetées par Epicure et par Lucrèce, C'est plutôt, ce me semble, d'Epicure et de Lucrèce qu'il faudrait se moquer” (xviii, Causes finales). Voltaire ajoute encore dans un autre article: “Je sais bien que plusieurs philosophes, et surtout Lucrèce, ont nié les causes finales; et je sais que Lucrèce … est un très-grand poète dans ses descriptions et dans sa morale; mais en philosophie, il me parait, je l'avoue, fort au-dessous d'un portier de collège et d'un bedeau de paroisse … Pour moi, je ne vois dans la nature … que des causes finales” (xviii, Dieu, Dieux).

page 374 note 12 Sans aller aussi loin que les stoïciens, il n'en est pas moins vrai que Voltaire et nombre de ses contemporains faisaient de l'homme un dieu sur la terre.

page 374 note 13 Antisthène, fondateur de l'école cynique qui influença le stoïcisme, avait déjà proclamé que le travail est un bien. Les cyniques à Rome avaient tous de longues barbes et il est curieux de remarquer que la barbe de l'hermite est très nettement indiquée dans le célèbre chapitre xviii de Zadig.

page 374 note 14 Zenon admet que la douleur est fâcheuse, cruelle et que la nature y répugne, mais il nous dit qu'elle doit nous être indifférente parce qu'elle n'est pas un mal; Voltaire se rapproche des péripatéticiens en admettant que la douleur doit être un mal puisque l'homme qui souffre est misérable. De concert avec les stoïciens et les péripatéticiens, Voltaire déclare qu'il faut supporter courageusement la douleur.

page 374 note 15 Certains stoïciens de la seconde manière considéraient comme bien l'usage des choses naturelles et l'éloignement des maux physiques; ils reconnaissaient que certaines passions étaient naturelles, nécessaires et même utiles, mais qu'il fallait les canaliser.

page 374 note 16 Zenon avait coutume de dire que les divers états ne devaient former qu'une seule famille dans laquelle les hommes vivraient en parfait accord. Voir supra p. 16; M. A., vi, xliv; Epict. xliv, 84.

page 374 note 17 L'engouement de Montesquieu pour la doctrine stoïcienne et le respect que Voltaire témoignait à cette dernière se peuvent comprendre puisque leur conception de la raison, des lois et de la société, était la même que celle des stoïciens.

page 374 note 18 Une mise au point est nécessaire ici, car, au temps de Voltaire, nombre des axiomes, cités dans l'étude qui suit, étaient devenus des lieux communs de morale dont l'origine se perdait dans la nuit des âges. Au dix-huitième siècle, il existait un courant de pensée stoïcienne difficile à distinguer parce qu'il commençait à se noyer dans la masse des idées générales où chaque écrivain puisait à sa guise. Malgré le parallélisme frappant de certains passages du Zadig, il y a donc des raisons de croire que Voltaire n'avait souvent nulle conscience des emprunts qu'il faisait à la morale stoïcienne. Sans s'en rendre compte lui-même, il prêchait une morale qui avait des liens très forts avec un stoïcisme mélangé et devenu chose assez commune au dix-huitième siècle. Autrement dit, M. de Voltaire faisait quelquefois du stoïcisme comme M. Jourdain faisait de la prose: sans le savoir! mais enfin, il faisait du stoïcisme et c'est ce que nous avons voulu démontrer.

page 374 note 19 Zadig ou la Destinée, Historie orientale, edition critique par G. Ascoli, Société des Textes Français Modernes (Pairs: Hachette, 1929).

page 374 note 20 Bibliographie: Marc-Aurèle, Pensées, trad. par P. Lemaire (Paris: Hatier, s. d.); Epictète, Manuel, trad. Naigeon (Paris: Berlin, 1874), et trad, par P. Lemaire (Paris: Hatier, s. d.); Sénèque, Œuvres complètes, iii: De la Providence (Paris: Garnier Fres, s. d.); Sénèque, Questions naturelles et Lettres à Lucilius, xxvii; Cicéron, les Tusculanes, xxviii; De Natura Deorum, xxx; De la Divination, xxxi; De Officiis, xxxiii; Œuvres complètes (Paris: Werdet Lequien, 1826).

page 374 note 21 Voir aussi la description de la maison du philosophe (Zadig, Ch. xviii, 94) et supra, p. 11.

page 374 note 22 Voir encore pour l'emploi de la raison: Ch. vi, 28–31; Ch. vii, 32–33; Ch. x, 48–50; Ch. xxii, 55–59; Ch. xvii, 85; Ch. xix, 100–103; Appendice: La Danse, 104–107; Appendice: Les Yeux bleus, 110–111.

page 374 note 23 Voir pour l'usage de la nature et de la science: Ch. i, 8; Ch. iii, 13–16; Ch. vi, 30–31; Ch. ix, 42; Ch. x, 48; Ch. xvi, 83.

page 374 note 24 D'après Zénon, “La loi commune n'est autre chose que la droite raison répandue dans tout l'univers” (Diogène de Laërte, Vies et doctrines des Philosophes de l'antiquité, vii, i, 94).

page 374 note 25 Attaques contre le rang et les honneurs dûs à la seule naissance: Ch. i, 7; Ch. x, 47–48; Ch. xiv, 68; Ch. xvi, 80–81; Ch. xvii, 87; Ch. xix, 100. Le mérite et les capacités reconnus: Ch. vii, 33; Ch. x, 47–18; Ch. xn, 59; Ch. xvii, 85; Ch. xix, 100–102; Appendice: La Danse, 104.

page 374 note 26 Selon Ulpien “Juridiquement les hommes naissent libres et égaux”; le contrat social tire son origine de l'utilité et est basé sur “un certain droit de fraternité” afin de s'aider mutuellement (Digeste, xviii, 3).

page 374 note 27 Sur l'incertitude de la vie: Ch.vi, 27; Ch. vii, 35; Ch. x, 47; Ch. xiv, 68; Appendice: Les Yeux bleus, 111.

page 374 note 28 Voir aussi: Ch. ii, 17; Ch. iv, 18–19; Ch. vi, 27; Ch. xi, 51–54; Ch. xii, 55–58; Ch. xiii, 60; Ch. xvi, 79–80; Appendice: Les Yeux Ileus, 110–111.

page 374 note 29 Les Grecs et les Romains ignoraient, en général, le fanatisme et l'intolérance. La condamnation de Socrate fut un cas isolé produit surtout par les circonstances politiques; il en était de même en ce qui concernait la persécution des Chrétiens.

page 374 note 30 “Ce que nous appelons hasard n'est et ne peut être que la cause ignorée d'un effet connu” (Voltaire, Questions sur l'Encyclopédie, xvii, 478). Cité par Ascoli, ii, 163.

page 374 note 31 Lorsque le Brahmane explique la transmigration des âmes, il est encore possible, sinon utile, de retourner à la pensée grecque, puisque Pythagore proclamait que l'âme immortelle passait dans le corps d'animaux d'espèces différentes (Voir Zadig, Ch. xn, 56).

page 374 note 32 Les preuves physiques de l'existence de Dieu par les merveilles de la nature sont admirablement décrites par Cicéron dans les Tusculanes, i, 95–97.

page 374 note 33 Voir note 2, et note 18, de cette étude.